Propositions de lois relatives à la substitution de l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord » par l'expression « à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc » ; à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc
LESBROS (Marcel)
RAPPORT 499 (98-99) - Commission des Affaires sociales
Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
- EXAMEN DES ARTICLES
- TABLEAU COMPARATIF
N°
499
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30
juin 1999
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre
1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur :
- la
proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative
à la
substitution
de l'
expression
" aux
opérations effectuées en Afrique du Nord
" par
l'expression " à la
guerre d'Algérie et aux combats en
Tunisie et au Maroc
" ;
- la proposition de loi de M. Guy FISCHER, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M.
Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO,
MM. Robert BRET, Michel DUFFOUR, Thierry FOUCAUD, Gérard LE CAM,
Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Jack RALITE,
Ivan RENAR et Mme ODETTE TERRADE relative à la
reconnaissance de
l'état de guerre en Algérie
et aux combats en
Tunisie
et au
Maroc
;
- la proposition de loi de MM. Marcel LESBROS, Serge MATHIEU, Aymeri de
MONTESQUIOU et Joseph OSTERMANN tendant à la reconnaissance de
l'état de
guerre en Algérie
,
Par M.
Marcel LESBROS,
Sénateur,
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.):
1293
,
1392
,
1558
,
1672
et T.A.
334
.
Sénat
:
418
,
344
et
403
(1998-1999).
Anciens combattants et victimes de guerre. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Le
mercredi 29 septembre 1999
, sous la
présidence de M. Jacques
Bimbenet, vice-président
, la commission a procédé
à l'examen du
rapport
de
M. Marcel Lesbros
sur la
proposition de loi n° 418
(1998-1999), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative à la
substitution de
l'expression " aux opérations effectuées en Afrique du
Nord "
par
l'expression " à la guerre d'Algérie
et aux combats en Tunisie et au Maroc "
, ainsi que sur les
propositions de loi n° 344
(1998-1999) de M. Guy Fischer
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, relative
à la
reconnaissance de l'état de guerre en Algérie
et aux combats en
Tunisie
et au
Maroc
, et
n° 403
(1998-1999) de M. Marcel Lesbros et plusieurs de ses collègues, tendant
à la reconnaissance de l'état de
guerre en Algérie
.
A titre liminaire,
M. Marcel Lesbros, rapporteur,
a rappelé
que si, de 1952 à 1962, 1.343.000 jeunes appelés et
rappelés et plus de 400.000 militaires d'active avaient franchi la
Méditerranée pour faire leur devoir sur les différents
théâtres d'opérations d'Afrique du Nord, leur sacrifice
avait été cependant longtemps occulté dans la
mémoire collective des Français. Il a indiqué que la
guerre d'Algérie avait en effet été vécue comme une
" guerre sans nom ", malgré ses lourdes
conséquences : plus de 25.000 militaires tués, plus de
70.000 militaires blessés et plus de 400.000 victimes civiles.
Il a souligné que la proposition de loi examinée par la
commission, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée
nationale le 10 juin dernier, visait à substituer, à
l'euphémisme " opérations effectuées en Afrique du
Nord ", l'expression, plus conforme à la réalité, de
" guerre d'Algérie et combats en Tunisie et au Maroc ", dans
les textes à caractère législatif. Il a cependant
observé que deux propositions de loi déposées au
Sénat recouvraient un objectif identique : la proposition de loi
n° 344 de M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues et la
proposition de loi n° 403 de MM. Serge Mathieu, Aymeri de
Montesquiou, Joseph Ostermann et Marcel Lesbros. Il a précisé
qu'en conséquence ces trois propositions de loi devaient être
examinées conjointement même si ce sera celle adoptée par
l'Assemblée nationale qui servira de support à la discussion en
séance publique le 5 octobre prochain.
Revenant sur l'évolution de la législation, il a souligné
que le droit français n'avait pris en compte que progressivement, et
toujours partiellement, la réalité des conflits d'Afrique du
Nord, rappelant que la loi du 6 août 1955 et surtout la loi du
9 décembre 1974, adoptée notamment à l'initiative du
Sénat, donnaient vocation à la qualité de combattant aux
militaires engagés en Afrique du Nord, sans pour autant
reconnaître la notion de guerre d'Algérie. Il a ainsi
constaté que les textes législatifs ne retenaient toujours que
l'expression " opérations effectuées en Afrique du
Nord ".
Il a estimé que la nature particulière de ce conflit avait pu
initialement expliquer la réticence à le qualifier de
" guerre ", mais que l'évolution des esprits avait
progressivement amené à assimiler les événements
d'Afrique du Nord non pas à de simples opérations de police, mais
à une véritable guerre compte tenu des méthodes de combat
employées et des risques encourus par les soldats. Il a cependant
observé que, seule, l'intervention législative permettait
d'officialiser l'expression du langage courant " guerre
d'Algérie " et de faire disparaître l'expression
" opérations de maintien de l'ordre " des textes
législatifs.
A cet égard, il a rappelé que, depuis quelques années,
s'étaient succédé plusieurs initiatives allant dans ce
sens, insistant notamment sur les déclarations du Président de la
République du 10 septembre 1996, sur les inscriptions sur les
titres de pension qui peuvent désormais faire référence
à " la guerre d'Algérie et aux opérations en Afrique
du Nord " et sur les deux plaques apposées à Notre-Dame de
Lorette sur le cercueil du soldat inconnu d'Algérie et à l'Arc de
Triomphe.
Abordant ensuite les trois propositions de loi,
M. Marcel Lesbros,
rapporteur,
a souligné qu'elles avaient un objet identique, mais
différaient cependant sur trois points.
S'agissant de la méthode, il a indiqué que la proposition de
M. Guy Fischer retenait le principe d'une reconnaissance
générale et d'une déclinaison " automatique " en
remplaçant dans l'ensemble des textes législatifs et
réglementaires et sur l'ensemble des titres l'expression
" opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord " par
l'expression " combats de Tunisie, Maroc et guerre
d'Algérie ", tandis que la proposition de loi adoptée
à l'Assemblée nationale et celle présentée par le
rapporteur retenaient une méthode " au cas par cas ". Il a
souligné que cette seconde méthode était, en principe,
préférable car elle respectait la séparation entre domaine
législatif et domaine réglementaire et garantissait une meilleure
cohérence rédactionnelle.
S'agissant de la qualification officielle choisie, il a observé que la
proposition de loi de l'Assemblée nationale et celle de M. Guy Fischer
faisaient référence à la " guerre
d'Algérie " mais aussi aux " combats en Tunisie et au
Maroc ", à la différence de la proposition n° 403.
Il a estimé que cette référence aux " combats de
Tunisie et du Maroc " devait être retenue, car plus conforme
à la réalité historique.
S'agissant du contenu, il a indiqué que les propositions de
l'Assemblée nationale et de M. Guy Fischer avaient une portée
essentiellement symbolique, alors que la proposition de loi n° 403
était créatrice de droits et prévoyait explicitement, dans
son article 5 modifiant le code des pensions civiles et militaires de
retraite, l'octroi des bénéfices de campagne pour les anciens
d'Afrique du Nord.
Rappelant qu'à l'Assemblée nationale, un amendement identique
à cet article 5 avait été déclaré
irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution et estimant
qu'il était nécessaire d'adopter de manière à la
fois solennelle, consensuelle et rapide, un texte répondant aux attentes
de la troisième génération du feu, il a jugé qu'il
n'était pas forcément souhaitable de s'engager dans une navette
longue aux conséquences incertaines. Il a alors estimé qu'il ne
lui semblait pas opportun de reprendre les dispositions de l'article 5 de
la proposition de loi n° 403.
Abordant les conséquences juridiques qu'aurait la reconnaissance de
l'état de guerre en Algérie au-delà de son importante
dimension symbolique, il a constaté que l'analyse des textes permettait
de conclure à l'absence de conséquences financières, tant
en matière de droits à réparation reconnus aux anciens
combattants qu'en matière de dommages de guerre.
Il a notamment observé que l'octroi des bénéfices de
campagne pour les fonctionnaires n'était pas nécessairement
lié à la reconnaissance d'un état de guerre.
De la même manière, il a indiqué que la qualification
juridique de guerre n'entraînerait pas une éventuelle mise en jeu
de la responsabilité pénale, tant devant le juge français
qu'algérien ou international.
M. Marcel Lesbros, rapporteur,
a considéré que s'il
n'était pas évident que les requalifications effectuées
par cette proposition de loi embrassent l'ensemble des textes
législatifs dans lesquels il est fait mention de l'expression
" opérations effectuées en Afrique du Nord ", il
n'avait pas jugé nécessaire de se lancer dans un vaste travail de
" toilettage " de la législation. A cet égard, il a
affirmé qu'il importait avant tout de reconnaître la
réalité des conflits d'Afrique du Nord en adoptant rapidement
cette proposition de loi, dans sa rédaction actuelle à la valeur
essentiellement symbolique.
Concluant son propos, le rapporteur a tenu à rendre un hommage
particulier à tous les jeunes appelés, rappelés,
réservistes, engagés et harkis, ayant servi avec bravoure et
honneur la Patrie et le drapeau français. Considérant qu'il ne
s'agissait pas de simples opérations de police mais bien d'une guerre et
de combats, il a estimé que la reconnaissance de la Nation devait
s'exprimer par une mise en accord de la loi avec la réalité. Il a
alors demandé à la commission d'adopter sans modification la
proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale.
Après avoir félicité le rapporteur et insisté sur
l'importance de ce texte,
M. Lucien Neuwirth
a souligné une
ambiguïté rédactionnelle à l'article 2 de la
proposition de loi, estimant que les dispositions de l'article L. 243
du code des pensions militaires d'invalidité devaient s'appliquer aussi
bien aux harkis qu'à leurs ayants droit. Il a rappelé qu'il
existait encore des harkis vivant en Algérie qui devaient accéder
de droit sans condition de nationalité au bénéfice de
telles dispositions. Il alors suggéré d'interroger le
Gouvernement en séance sur ce point afin d'obtenir son
interprétation de ces dispositions.
M. Guy Fischer
a, à son tour, estimé que cette proposition
de loi constituait un hommage nécessaire aux anciens d'Afrique du Nord
et permettait d'exprimer la dette de la Nation à leur égard. Il a
jugé indispensable d'adopter ce texte à l'unanimité et a
précisé que le groupe communiste républicain et citoyen ne
déposerait pas d'amendement.
Félicitant le rapporteur pour sa sagesse,
M. Gilbert Chabroux
a
indiqué qu'il importait aux représentants de la Nation de voter
conforme ce texte dans les meilleurs délais. Il a insisté sur la
dimension symbolique de cette proposition de loi, estimant que celle-ci ne
laissait pas de place à des préoccupations matérielles,
ces dernières pouvant en revanche s'exprimer à l'occasion du
prochain débat budgétaire. Il a enfin souligné
l'importance d'une réconciliation complète entre la France et
l'Algérie, jugeant que cette réconciliation ne serait possible
que si la France assumait pleinement son histoire.
En réponse aux différents intervenants,
M. Marcel
Lesbros, rapporteur,
a rappelé l'importance de parvenir à un
consensus lors de la discussion de la proposition de loi, soulignant que la
discussion en séance coïnciderait avec le début de la
session parlementaire. Il a indiqué que sa préférence pour
une adoption de la proposition de loi votée à l'Assemblée
nationale s'expliquait avant tout par des raisons de commodité et de
délai.
Se déclarant en accord avec M. Gilbert Chabroux, le rapporteur a
estimé que l'adoption de cette proposition de loi devait être le
point de départ d'une nouvelle coopération entre la France et
l'Algérie.
Il a également remercié M. Guy Fischer pour sa décision de
privilégier, par rapport à celle qu'il avait
présentée, la proposition de loi de l'Assemblée nationale.
Il s'est enfin déclaré favorable à la suggestion de
M. Lucien Neuwirth, estimant qu'il était nécessaire que les
harkis puissent bénéficier du droit à pension quelle que
soit leur nationalité et que le Gouvernement devait préciser son
interprétation du code des pensions.
La commission a ensuite procédé à
l'examen des
articles de la proposition de loi
.
Elle a adopté
l'article premier
modifiant l'article L.
1
er
bis du code des pensions militaires d'invalidité pour
insérer la notion de " guerre d'Algérie et de combats en
Tunisie et au Maroc ".
Elle a également adopté
l'article 2
modifiant
l'article L. 243 du même code, relatif au droit à pension des
membres des forces supplétives françaises, dans le même
sens.
Elle a adopté
l'article 3
ayant le même objet et modifiant
l'article L. 243 bis du même code, tout comme
l'article 4
modifiant l'article L. 401 bis dudit code, cet
article étant consacré à l'accès aux emplois
réservés pour les membres des forces supplétives.
Enfin, la commission a adopté
l'article 5
modifiant
l'article L. 321-9 du code de la mutualité, pour y insérer
l'expression " guerre d'Algérie ou combats en Tunisie et au
Maroc " dans les dispositions relatives à la rente mutualiste.
Elle a donc adopté conforme, à l'unanimité, la
proposition de loi votée à l'Assemblée
nationale.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le texte qui ouvre cette session parlementaire est un texte important. Si sa
dimension est essentiellement symbolique, il doit être l'occasion pour la
représentation nationale de témoigner et d'achever le lent
travail de la mémoire. Témoigner de notre reconnaissance à
cette génération d'Afrique du Nord qui a accompli son devoir avec
courage et abnégation dans des circonstances souvent tragiques. Clore un
douloureux travail de mémoire, étape nécessaire à
l'indispensable réconciliation entre la France et l'Algérie,
réconciliation entre deux peuples qui exige au préalable que la
France accepte la réalité d'un passé douloureux.
Cette double réconciliation -réconciliation de la France avec son
passé, réconciliation de deux peuples- ne saurait toutefois
être complète que si elle est consensuelle. A ce propos, votre
rapporteur se félicite de l'existence de plusieurs propositions de loi
ayant le même objet, issues de tous les horizons politiques.
Ainsi, à l'Assemblée nationale, trois propositions de loi avaient
été déposées recouvrant un objectif commun :
- la proposition de loi n° 1293 (AN) de M. Jacques Floch, relative
à la substitution de l'expression "
aux opérations
effectuées en Afrique du Nord
" par l'expression
"
guerre d'Algérie et aux opérations effectuées en
Afrique du Nord
",
- la proposition de loi n° 1392 (AN) de M. Maxime Gremetz, relative
à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et aux
combats en Tunisie et au Maroc,
- la proposition de loi n° 1558 (AN) de MM. Georges Colombier, Didier
Quentin et François Rochebloine tendant à la reconnaissance de
l'état de guerre en Algérie.
De même, au Sénat, outre la proposition de loi adoptée
à l'Assemblée nationale et inscrite à l'ordre du jour
prioritaire, deux propositions de loi ont été
déposées à une même fin :
- la proposition de loi n° 344 (1998-1999) relative à la
reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et aux combats en
Tunisie et au Maroc, présentée par M. Guy Fischer et plusieurs de
ses collègues ;
- la proposition de loi n° 403 (1998-1999) tendant à la
reconnaissance de l'état de guerre en Algérie,
présentée par MM. Serge Mathieu, Aymeri de Montesquiou, Joseph
Ostermann et votre rapporteur.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est également un
texte particulier. Si ce n'est sans doute pas au législateur de
qualifier juridiquement les événements historiques, il n'en reste
pas moins que, dans le cas présent, cette démarche redevient
légitime, ce même législateur ayant longtemps choisi
d'atténuer, par des circonvolutions sémantiques, la
réalité d'un conflit.
Aussi, la présente proposition de loi constitue une réponse
législative adaptée à une reconnaissance longtemps
attendue.
I. UNE RECONNAISSANCE ATTENDUE
A. UNE " GUERRE SANS NOM "
1. La réalité d'une guerre
Entre
1952 et 1962, 1.343.000 jeunes appelés et rappelés et plus de
400.000 militaires d'active ont traversé la Méditerranée
pour accomplir leur devoir sur les différents théâtres
d'opérations d'Afrique du Nord. Leur sacrifice a cependant
été longtemps occulté dans la mémoire collective
des Français. Les conflits de Tunisie et du Maroc et plus encore la
guerre d'Algérie ont en effet été vécus comme une
" guerre sans nom ".
Or, les conflits d'Afrique du Nord ont été lourds de
conséquences humaines : plus de 25.000 militaires tués, plus
de 70.000 militaires blessés, quelque 400.000 victimes civiles d'origine
africaine ou européenne. Ces conflits furent également un drame
pour près d'un million de civils européens, contraints
d'abandonner la terre où ils étaient et pour les harkis,
livrés à un destin souvent tragique.
Loin d'avoir été une simple opération de police, le
conflit algérien a bien été une guerre, tant par les
méthodes de combats employés que par les risques encourus par nos
soldats.
Effectifs et pertes militaires en Afrique du Nord
|
Terre |
Marine |
Air |
Gendarmerie |
Autres organismes |
Total général |
Algérie |
|
|
|
|
|
|
ayant servi |
1.192.673 |
44.535 |
114.619 |
59.439 |
7.859 |
1.419.125 |
blessés |
54.050 |
421 |
3.276 |
2.441 |
- |
60.188 |
tués |
21.291 |
371 |
1.047 |
487 |
- |
23.196 |
Maroc |
|
|
|
|
|
|
ayant servi |
134.616 |
3.005 |
14.491 |
10.882 |
759 |
163.753 |
blessés |
1.833 |
- |
5.196 |
12 |
- |
7.041 |
tués |
949 |
79 |
191 |
28 |
- |
1.247 |
Tunisie |
|
|
|
|
|
|
ayant servi |
131.488 |
7.202 |
12.699 |
12.686 |
974 |
165.049 |
blessés |
1.079 |
- |
2.311 |
18 |
- |
3.408 |
tués |
515 |
665 |
39 |
30 |
- |
1.249 |
Total Afrique du Nord |
|
|
|
|
|
|
ayant servi |
1.458.777 |
54.742 |
141.809 |
83.007 |
9.592 |
1.747.927 |
blessés |
56.962 |
421 |
10.783 |
2.471 |
- |
70.367 |
tués |
22.755 |
531 |
1.277 |
545 |
- |
25.108 |
Source : Ministère de la Défense.
2. Les " opérations effectuées en Afrique du Nord ", de simples opérations ?
Face
à la réalité d'une guerre, le langage officiel a longtemps
pudiquement minimisé la vérité historique.
Qualifiés initialement d'"
événements
",
les conflits d'Afrique du Nord deviennent bientôt des
"
opérations de maintien de l'ordre
" ou des
"
opérations de pacification
" avant d'être
figés dans la loi sous le terme ambigu d'"
opérations
effectuées en Afrique du Nord
".
Cette difficulté à définir le conflit algérien
comme une guerre relève de ce que Benjamin Stora
1(
*
)
a appelé
" l'amnésie mise en
scène ".
En effet, la mémoire de la guerre
d'Algérie a bien souvent consisté en un oubli à des fins
d'apaisement, au détriment de la reconnaissance de la Nation à
l'égard de la troisième génération du
feu.
B. UNE LENTE RECONNAISSANCE
1. Les étapes d'une reconnaissance
Paradoxalement, si la guerre d'Algérie et les combats de
Tunisie et du Maroc restent jusqu'à présent qualifiés de
simples " opérations ", les militaires ayant servi dans ces
conflits ont progressivement été considérés comme
des anciens combattants à part entière, bénéficiant
des mêmes droits que ceux des conflits précédents.
Dès le début de ces conflits, la
loi du 6 août 1955
a attribué aux militaires participant aux " opérations de
maintien de l'ordre " en Afrique du Nord les mêmes droits qu'aux
anciens combattants des précédentes générations,
excepté la carte du combattant.
La
loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 portant loi de finances
pour 1968
, dans son article 77, fit un pas supplémentaire en
créant le titre de reconnaissance de la Nation réservé
spécifiquement aux anciens d'Afrique du Nord et leur permettant de
bénéficier notamment de certains avantages sociaux (secours et
prêts de l'Office national des anciens combattants, admission dans les
écoles de rééducation professionnelle de l'Office).
La
loi n° 71-106 du 29 décembre 1971 portant loi de finances
pour 1972
permit à son tour aux anciens combattants d'Afrique du
Nord titulaires du titre de reconnaissance de la Nation de se constituer une
retraite mutualiste.
Cette reconnaissance progressive ne fut cependant complète qu'avec
l'entrée en vigueur de la
loi n° 74-1044 du 9 décembre
1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes
ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du
Nord entre le 1
er
janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
Cette loi, en assimilant
de facto
les " opérations "
à une véritable guerre, pose le principe d'une reconnaissance des
services rendus,
" dans des conditions de stricte égalité
avec les combattants des conflits antérieurs ".
Elle ouvre
ainsi le bénéfice de l'ensemble des dispositions du code des
pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (dont
l'attribution de la carte du combattant) aux anciens combattants d'Afrique du
Nord, tout en considérant les membres des forces supplétives
comme des militaires.
2. Une reconnaissance toujours imparfaite
Mais, si
les anciens combattants d'Afrique du Nord bénéficient des
mêmes droits que les combattants des conflits antérieurs, la
reconnaissance est encore loin d'être totale. C'est en
réalité par dérogation qu'ils ont obtenu la qualité
d'ancien combattant, les " opérations effectuées en Afrique
du Nord " étant assimilées à un conflit.
Un quart de siècle s'est donc écoulé sans que les
sacrifices consentis par nos soldats dans ces conflits n'aient
été pleinement reconnus. Cette situation est vécue
à juste titre par les anciens combattants d'Afrique du Nord comme une
dévalorisation des actions qu'ils ont accomplies par devoir au service
de la Nation.
Si la nature particulière du conflit algérien, qui ne ressemblait
pas aux guerres antérieures
2(
*
)
, a pu
expliquer les réticences à le qualifier d'emblée de
guerre, l'évolution des esprits, mais aussi les progrès des
recherches historiques ont progressivement amené à
considérer que les événements d'Afrique du Nord, compte
tenu des méthodes de combat utilisées et des risques encourus par
nos soldats, n'étaient pas de simples opérations de police, mais
une véritable guerre.
Chacun s'accorde à reconnaître aujourd'hui que l'expression du
langage courant " guerre d'Algérie " correspond à la
réalité historique.
L'évolution du langage officiel est, elle, bien plus lente.
Depuis quelques années pourtant, plusieurs initiatives se sont
succédé pour reconnaître ce qualificatif de guerre.
Ainsi, le 10 septembre 1996, à l'issue d'un entretien avec les
associations représentatives des anciens combattants d'Afrique du Nord,
le Président de la République avait indiqué qu'il
convenait de
" mettre le langage officiel en conformité avec le
langage courant ".
A son tour, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants s'est
prononcé, en septembre 1997, en faveur d'une reconnaissance officielle
de la " guerre d'Algérie ".
Ce discours a d'ailleurs été suivi de quelques initiatives plus
concrètes.
D'une part, s'agissant des titres de pension des anciens combattants d'Afrique
du Nord, l'intitulé "
guerre d'Algérie et
opérations d'Afrique du Nord
" est sensé remplacer
désormais, pour les nouvelles concessions de pension, les anciens
intitulés "
opérations de maintien de l'ordre
"
ou
"
opérations d'Afrique du Nord
"
3(
*
)
. De même, il était prévu que les
titulaires de pensions en cours de validité soient autorisés
à demander l'établissement de nouveaux titres portant cette
nouvelle indication. Il semble toutefois que cette modification des
intitulés ne soit hélas pas encore effective.
D'autre part, deux plaques, qui sont de véritables " lieux de
mémoire " pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, ont vu
leur inscription modifiée. Ainsi, la plaque apposée à
Notre-Dame-de-Lorette sur la tombe du soldat inconnu d'Algérie porte la
mention :
" ici repose le soldat inconnu Mort pour la France lors
de la guerre d'Algérie ".
De même, la plaque
encastrée dans le sol de l'Arc de Triomphe porte désormais la
mention :
" aux Morts pour la France lors de la guerre
d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc (1952-1962) ".
Mais, au-delà de ces initiatives, le changement de la qualification
officielle des " opérations en Afrique du Nord " ne sera
complet qu'avec une intervention législative.
II. UNE INTERVENTION LÉGISLATIVE NÉCESSAIRE
A. TROIS PROPOSITIONS DE LOI AUX OBJECTIFS SIMILAIRES
1. Trois propositions de loi
La
reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie passe
nécessairement par une intervention législative. Sur le plan
juridique, dans la mesure où des dispositions à valeur
législative font référence aux " opérations
effectuées en Afrique du Nord ", seul le législateur est
habilité à les modifier. Sur le plan des principes, votre
rapporteur estime important que la représentation nationale
témoigne formellement, au cours d'un débat solennel, sa
reconnaissance aux anciens combattants d'Afrique du Nord en appelant par leur
nom et non par un quelconque euphémisme les conflits dans lesquels ils
ont été engagés.
Dans cette perspective, trois propositions de loi ont été
déposées au Sénat et renvoyées à votre
commission des Affaires sociales :
- la proposition de loi n° 344 (1998-1999) relative à la
reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et aux combats en
Tunisie et au Maroc, présentée par M. Guy Fischer et plusieurs de
ses collègues ;
- la proposition de loi n° 403 (1998-1999) tendant à la
reconnaissance de l'état de guerre en Algérie,
présentée par MM. Serge Mathieu, Aymeri de Montesquiou, Joseph
Ostermann et votre rapporteur ;
- la proposition de loi n° 418 (1998-1999), adoptée à
l'Assemblée nationale à l'unanimité le 10 juin dernier,
relative à la substitution de l'expression " aux opérations
effectuées en Afrique du Nord " par l'expression " à la
guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc ".
Le Gouvernement ayant choisi d'inscrire la proposition de loi n° 418
à l'ordre du jour prioritaire du 5 octobre, ce sera ce texte qui servira
de support à la discussion en séance publique. Toutefois, dans la
mesure où ces propositions recouvrent un objectif identique, votre
commission, dans un souci de cohérence et d'exhaustivité, a
choisi de les examiner conjointement.
2. Des objectifs communs
Si ces
trois propositions de loi ont un objet identique -elles visent à
remplacer la référence aux " opérations
effectuées en Afrique du Nord " par une référence
mentionnant explicitement la guerre d'Algérie dans la législation
en vigueur-, elles diffèrent cependant sur trois points.
•
La méthode retenue
S'agissant de la méthode de reconnaissance retenue, deux conceptions
s'opposent.
La proposition de loi n° 344 de M. Guy Fischer retient le principe d'une
reconnaissance générale (inscrite à l'article L.
1
er
bis du code des pensions militaires d'invalidité) et
d'une déclinaison " automatique " de cette reconnaissance par
le remplacement, dans l'ensemble des textes législatifs et
réglementaires et sur l'ensemble des titres, de l'expression
" opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord "
par l'expression
" combats de Tunisie, Maroc et guerre
d'Algérie ".
A l'inverse, la proposition adoptée à l'Assemblée
nationale et celle présentée par votre rapporteur retiennent une
méthode plus formelle. Après une même reconnaissance de
principe, elles visent à substituer dans les textes à valeur
législative du code des pensions militaires d'invalidité et du
code de la mutualité les expressions où apparaît la notion
" d'opération " par une nouvelle rédaction faisant
référence à la " guerre d'Algérie ". Il
s'agit donc d'une méthode " au cas par cas ", chacun des cinq
articles visés étant successivement modifié.
Cette seconde méthode semble préférable pour deux
raisons :
Elle permet de respecter la séparation entre domaine législatif
et domaine réglementaire. La proposition de M. Guy Fischer
entraînerait une modification de dispositions réglementaires par
la loi. Or, ce n'est pas à la loi de les modifier, mais au décret.
Elle garantit une rédaction satisfaisante des codes modifiés par
les propositions de loi. En effet, la régularité juridique rend
nécessaire, dans un souci de cohérence rédactionnelle, une
nouvelle rédaction de chaque article visé et non un principe de
substitution générale qui serait difficilement applicable, ne
serait-ce que pour des raisons de syntaxe ou d'orthographe.
•
La qualification officielle choisie
S'agissant de la qualification officielle choisie, votre commission observe une
légère différence entre les propositions. Celle
adoptée à l'Assemblée nationale et celle
présentée par M. Guy Fischer font référence non
seulement à la
" guerre d'Algérie ",
mais aussi
aux
"
combats
en Tunisie et au Maroc "
. La proposition
de loi n° 403 ne mentionne, à côté de la guerre
d'Algérie, que les
"
opérations
effectuées
en Afrique du Nord ".
Initialement, la proposition présentée par M. Jacques Floch
à l'Assemblée nationale faisait également
référence aux " opérations " et non aux
" combats " du Maroc et de Tunisie. L'Assemblée nationale a
toutefois adopté, à l'unanimité, un amendement de M.
Maxime Gremetz retenant l'appellation de " combats ".
Prenant en compte la position adoptée à l'Assemblée
nationale, votre commission estime préférable de retenir
l'appellation de " combats ", ce terme étant sans conteste
plus conforme à la réalité historique.
•
Le contenu des propositions
La dernière divergence entre les trois textes proposés tient
à leur contenu. Les propositions de l'Assemblée nationale et de
M. Guy Fischer ont essentiellement une portée symbolique : la
reconnaissance de la guerre et des combats n'a aucune implication
matérielle, sauf bien évidemment celle de mettre le droit en
accord avec les faits et d'apporter satisfaction à une revendication
ancienne du monde combattant.
En revanche, la proposition n° 403, en modifiant le code des pensions
civiles et militaires de retraite, est créatrice de droits. Elle
prévoit explicitement, dans son article 5, l'octroi des
bénéfices de campagne pour les anciens combattants d'Afrique du
Nord.
Votre commission observe qu'à l'Assemblée nationale, MM. Georges
Colombier, Didier Quentin et François Rochebloine avaient
déposé un amendement identique à cet article 5. Mais il
avait été déclaré irrecevable en application de
l'article 40 de la Constitution avant le passage en séance publique.
Votre commission estime inopportun de rouvrir, dans le cadre de l'examen de
cette proposition de loi, la discussion sur les bénéfices de
campagne, même s'il s'agit d'une vraie question pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord.
D'une part, si un tel amendement était déposé, il serait,
tout comme à l'Assemblée nationale, passible de l'article 40.
D'autre part, et surtout, il est nécessaire d'adopter de manière
à la fois solennelle, consensuelle et rapide, un texte qui
réponde aux attentes des combattants de la troisième
génération du feu. Et la première de leurs attentes est de
voir enfin reconnue cette notion de guerre d'Algérie. Dans ces
conditions, il n'est pas forcément souhaitable de s'engager dans une
navette longue, aux conséquences incertaines, et qui donnerait aux
anciens combattants l'impression que la représentation nationale
tergiverse sur la nature de leur sacrifice. Il n'est sans doute pas souhaitable
non plus de mêler des préoccupations matérielles à
un débat qui devra avant tout être solennel.
Au total, les divergences entre les trois textes restent bien minces et ne
sauraient justifier une modification de la proposition de loi adoptée
à l'Assemblée nationale.
B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
1. Les implications juridiques de la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie
Même si la proposition de loi est d'ordre formel et
rédactionnel, la nécessaire reconnaissance de la
réalité des opérations d'Afrique du Nord ne peut dispenser
d'étudier avec attention les conséquences juridiques
qu'aurait la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie,
au-delà de son importante dimension symbolique.
Ces conséquences pourraient être de deux ordres :
- des conséquences financières,
- des conséquences en terme de responsabilité pénale.
Des
conséquences financières
seraient envisageables tant
sur les droits à réparation reconnus aux combattants
mobilisés durant le conflit que sur la question des dommages de guerre.
En réalité, l'analyse des textes permet de conclure à
l'absence de conséquences financières.
S'agissant de droits reconnus aux anciens combattants, l'adoption du texte de
l'Assemblée nationale serait sans autre conséquence. L'octroi des
bénéfices de campagne pour les fonctionnaires n'est en effet pas
nécessairement lié à la reconnaissance d'un état de
guerre. Le code des pensions civiles et militaires de retraite
(dans ses
articles L. 12 et R. 14 à R. 19)
subordonne l'ampleur des
bonifications non à la qualification du conflit, mais à la nature
des services accomplis et à la plus ou moins grande proximité des
zones de combat. La participation à une guerre permet de
prétendre à une bonification de campagne, mais elle ne
détermine pas le niveau de cette bonification. Or, les anciens
combattants d'Afrique du Nord peuvent déjà
bénéficier, depuis 1975, d'une bonification de campagne simple.
S'agissant des dommages de guerre, là encore la proposition de loi
n'entraîne pas de conséquences financières. La question des
dommages matériels a été assurée par l'application
de la loi de 1946 sur les dommages de guerre. L'indemnisation des
préjudices physiques a déjà été
réglée par trois lois
(loi du 8 août 1956 pour la
Tunisie, loi du 31 juillet 1959 pour le Maroc, loi du 31 juillet 1963 pour
l'Algérie).
De même, la qualification juridique de guerre ne saurait entraîner
une éventuelle mise en jeu de la
responsabilité
pénale
de certains actes individuels. Les actions devant les
juridictions françaises sont irrecevables du fait de la loi d'amnistie.
Les actions devant les juridictions algériennes sont impossibles en
application des accords d'Evian. Enfin, les actions devant la justice
internationale seraient aussi irrecevables, la Cour pénale de justice
internationale n'ayant pas compétence rétroactive.
2. Une nécessaire mise en accord du droit avec les faits
S'il
n'est pas évident que les requalifications effectuées par cette
proposition soient totalement exhaustives et qu'elles embrassent l'ensemble des
textes législatifs dans lesquels il est fait mention de l'expression
" opérations effectuées en Afrique du Nord "
,
votre rapporteur n'a pas jugé nécessaire de se lancer dans un
vaste et aléatoire travail de " toilettage " de la
législation. Il importe avant tout de reconnaître la
réalité des conflits d'Afrique du Nord. C'est pourquoi votre
commission a jugé préférable de proposer une adoption
rapide de la proposition de loi à la valeur essentiellement symbolique,
dans sa rédaction actuelle, plutôt que de prendre le risque d'une
modification de la proposition de loi, modification qui aurait alors
entraîné une navette longue dans un calendrier parlementaire pour
le moins chargé.
Votre commission estime que l'adoption de cette proposition de loi sera
l'occasion de rendre un hommage particulier à tous les jeunes
appelés, rappelés, réservistes, engagés et harkis
qui ont servi avec bravoure et honneur la France en Afrique du Nord. Demain,
plus encore qu'aujourd'hui, cette génération incarnera le monde
combattant. Il est donc nécessaire de reconnaître l'étendue
de leurs sacrifices. Il ne s'agissait pas de simples " opérations
de police " mais bien d'une guerre et de combats. Aussi notre respect pour
leur engagement souvent tragique doit se concrétiser par une mise en
accord de la loi avec la réalité, au nom de la reconnaissance de
la Nation.
En conséquence, votre commission vous propose d'adopter la proposition
de loi transmise par l'Assemblée nationale sans modification.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(Art. L. 1
er
bis du code des
pensions militaires d'invalidité
et des victimes de
guerre)
Reconnaissance de la qualité de combattant aux
personnes ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux
combats en Tunisie et au Maroc entre le 1
er
janvier 1952 et le 2
juillet 1962
Cet
article vise à modifier l'article L. 1
er
bis
du code
des pensions militaires d'invalidité.
Introduit par la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974, l'article
L. 1
er
bis du code des pensions militaires d'invalidité
précise que
" la République française
reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les
combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les
personnes qui ont participé sous son autorité aux
opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1
er
janvier 1952 et le 2 juillet 1962 "
et
" leur accorde vocation
à la qualité de combattant ".
Le présent article vise à requalifier l'expression
"
opérations effectuées en Afrique du Nord
".
L'Assemblée nationale a, en première lecture, adopté
à l'unanimité un amendement présenté par M. Maxime
Gremetz modifiant la requalification proposée initialement, l'expression
" opérations effectués en Afrique du Nord "
devant être remplacée par l'expression
" guerre
d'Algérie ou opérations effectuées en Afrique du
Nord ".
L'amendement présenté par M. Maxime Gremetz
permet à son tour de requalifier, pour le Maroc et la Tunisie, les
" opérations "
en
" combats ".
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art.
2
(Art. L. 243 du code des pensions militaires d'invalidité
et des
victimes de guerre)
Droit à pension des anciens membres des
forces supplétives françaises ayant participé à la
guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie
et au Maroc et de leurs
ayants cause
Cet
article vise à modifier l'article L. 243 du code des pensions militaires
d'invalidité pour introduire, dans son deuxième alinéa, la
notion de
" guerre d'Algérie ou combats en Tunisie et au
Maroc "
en lieu et place de celle d'
" opérations
effectuées en Afrique du Nord ".
Le deuxième alinéa de l'article L. 243 dudit code a
été introduit par la loi du 9 décembre 1974
précitée. Il ouvre le droit à pension d'invalidité
pour les anciens membres des forces supplétives françaises et
pour leurs ayants cause lorsque les intéressés possèdent
la nationalité française à la date de leur demande ou sont
domiciliés en France à la même date.
Sur une suggestion de M. Lucien Neuwirth, votre commission estime
nécessaire d'avoir, de la part du Gouvernement, quelques
éclaircissements sur l'interprétation d'une telle disposition.
Elle s'interroge notamment sur la situation, au regard du droit à
réparation, des harkis restés en Algérie après 1962.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art.
3
(Art. L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité
et
des victimes de guerre)
Détermination des conditions
d'attribution de la qualité de combattant et de la carte du combattant
au titre de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc
Cet
article, comme les précédents, vise à requalifier
l'expression
" opérations effectuées en Afrique du
Nord "
en
" guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie
et au Maroc "
dans l'article L. 253
bis
du code des pensions
militaires d'invalidité.
L'article L. 253
bis
dudit code a été introduit par la loi
du 9 décembre 1974 précitée. Il ouvre aux anciens
combattants d'Afrique du Nord le droit à la qualité de combattant
et à l'attribution de la carte du combattant.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art.
4
(Art. L. 401 bis du code des pensions militaires d'invalidité
et
des victimes de guerre)
Accès aux emplois
réservés pour les anciens membres des forces supplétives
françaises au titre de la guerre d'Algérie et des combats en
Tunisie et au Maroc
Cet
article a pour objet d'inscrire l'expression
" guerre d'Algérie
ou combats en Tunisie et au Maroc "
dans l'article L. 401
bis
du code des pensions militaires d'invalidité.
Cet article L. 401
bis
dudit code, introduit par la loi du
9 décembre 1974 précitée, ouvre l'accès aux
emplois réservés aux membres des forces supplétives
françaises en les assimilant à des militaires.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art.
5
(Art. L. 321-9 du code de la mutualité)
Droit à la
rente mutualiste au titre de la guerre d'Algérie
ou des combats en
Tunisie ou au Maroc
Cet
article vise à modifier l'article L. 321-9 du code de la
mutualité afin de substituer, une nouvelle fois, à l'expression
" opérations effectuées en Afrique du Nord ",
l'expression
" guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au
Maroc ".
L'article L. 321-9 du code de la mutualité est celui qui définit
le droit à la rente mutualiste.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.
TABLEAU COMPARATIF
1
" Histoire de la Guerre
d'Algérie
(1954-1962), La Découverte, 1995.
2
Il s'agissait notamment d'une guerre sans front.
3
Lettre du secrétaire d'Etat aux anciens combattants au
ministre du budget du 9 avril 1998.