Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer
HYEST (Jean-Jacques)
RAPPORT 3 (1999-2000) - commission des lois
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N° 3
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 6 octobre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances , les mesures législatives nécessaires à l' actualisation et à l' adaptation du droit applicable outre-mer ,
Par M.
Jean-Jacques HYEST,
Sénateur,
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.
)
:
1623
,
1666
et
T.A.
339
.
Sénat :
424
(1998-1999).
Départements et territoires d'outre-mer. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le 6 octobre 1999 sous la présidence de M.
Jacques Larché, président, la commission des Lois a
examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, le projet de loi
portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les
mesures législatives nécessaires à l'actualisation et
à l'adaptation du droit applicable outre-mer, adopté en
première lecture par l'Assemblée nationale le 10 juin 1999.
Après avoir rappelé que si la loi métropolitaine
s'appliquait d'emblée dans les départements d'outre-mer et dans
la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, soumis au
principe de l'assimilation législative, elle ne pouvait s'appliquer que
sur mention expresse et après consultation de l'assemblée
délibérante de la collectivité pour les territoires
d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la collectivité
territoriale de Mayotte, régis par le principe de la
spécialité législative, M. Jean-Jacques Hyest a
regretté que la question de l'applicabilité de la loi
métropolitaine à ces collectivités d'outre-mer ne soit pas
traitée au gré de chaque avancée législative mais
de façon différée, par le biais de projets de loi portant
dispositions diverses relatives à l'outre-mer ou par la procédure
des ordonnances.
Le rapporteur ayant indiqué les matières constituant le champ de
l'habilitation demandée et ayant estimé que le dispositif
proposé répondait aux exigences fixées par l'article 38 de
la Constitution, la commission des Lois a adopté conforme le projet de
loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les
mesures législatives nécessaires à l'actualisation et
à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi aujourd'hui soumis à votre examen, portant habilitation
du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer, a été adopté
par l'Assemblée nationale en première lecture le 10 juin
1999.
Il s'agit une nouvelle fois d'autoriser le Gouvernement, en vertu de la
procédure de l'article 38 de la Constitution, à opérer une
modernisation du droit applicable dans les départements d'outre-mer,
dans les territoire d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les deux
collectivités territoriales à statut particulier que constituent
Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. La précédente vague
d'ordonnances consacrées à l'outre-mer, au total une vingtaine
prises sur le fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998 et
publiées au
Journal Officiel
au cours de l'été 1998
1(
*
)
, sont en cours de ratification : les
quatre projets de loi de ratification au sein desquels elles ont
été regroupées selon une logique thématique ont
d'ores et déjà été adoptés par
l'Assemblée nationale et devraient être prochainement inscrits
à l'ordre du jour du Sénat.
Si
le recours à la procédure des ordonnances
a
été relativement fréquent pour opérer les
modifications législatives nécessaires à l'outre-mer, il
semble désormais devenir usuel, se substituant aux projets de loi
portant dispositions diverses ou " projets de loi balai ". Alors que
la seconde méthode ne favorise guère un débat
parlementaire de fond du fait du caractère extrêmement disparate
des dispositions portées à la discussion, la première
aboutit encore davantage à escamoter ce débat : le fait que
six pages de
Journal Officiel
suffisent à retracer la discussion
à l'Assemblée nationale des articles des quatre projets de loi de
ratification susvisés est significatif à cet égard.
Cette technique qui emporte dessaisissement du législateur tend donc
à se banaliser et démontre que les consignes gouvernementales
résultant des deux circulaires du 21 avril 1988 et du 15 juin 1990
adressées aux administrations centrales sont largement restées
lettre-morte. La première précisait en effet que son but
était de "
sensibiliser les administrations à la prise en
compte de l'outre-mer dans l'élaboration de leur politique et dans la
rédaction des textes législatifs et
réglementaires
" et prenait acte qu'il "
est encore
trop souvent constaté que cette préoccupation est tardive, voire
absente, et conduit, uniquement pour des raisons de calendrier ou de
procédure, à différer l'application de certains textes
outre-mer et, par conséquent, à accentuer des différences
non justifiées entre la métropole et les DOM-TOM
". La
seconde exhortait à nouveau ces administrations à
"
associer suffisamment tôt le ministère des
départements et territoires d'outre-mer aux travaux de
préparation des textes pour qu'il puisse apprécier, en droit et
en opportunité, leur applicabilité aux territoires
d'outre-mer
".
Force est de constater que les projets de texte incluant d'emblée les
mesures nécessaires à leur extension ou à leur mise en
oeuvre outre-mer ne sont pas légion et, si l'on dénote quelques
menus progrès au cours de la période récente, il est
à craindre que les facilités offertes par un recours
banalisé à la procédure des ordonnances ne mette
rapidement un terme à cette évolution favorable.
L'outre-mer, en proportion de ses spécificités lesquelles
impliquent des adaptations législatives et réglementaires,
n'applique qu'avec retard les avancées du droit métropolitain.
Le régime législatif
particulier applicable à
certaines de ces collectivités, supposant la consultation
préalable des assemblées locales et donc la prise en
considération des délais correspondants dans le calendrier
d'élaboration des textes, ne favorise pas non plus une évolution
concomitante du droit métropolitain et du droit applicable outre-mer.
Rappelons en effet que les départements d'outre-mer et la
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une part, les
territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la collectivité
territoriale de Mayotte d'autre part, obéissent à des
régimes législatifs différents.
I. LE RÉGIME LÉGISLATIF APPLICABLE AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER
A. LE RÉGIME DE L'ASSIMILATION LÉGISLATIVE
Le
principe dit de "
l'assimilation législative
"
s'applique aux départements d'outre-mer et à
Saint-Pierre-et-Miquelon
: cela signifie que les lois
métropolitaines y sont de plein droit applicables, l'article 73 de la
Constitution prévoyant seulement que "
le régime
législatif et l'organisation administrative des départements
d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation
nécessitées par leur situation particulière
".
Ces mesures d'adaptation ne sauraient cependant être d'une ampleur telle
qu'elles tiendraient en échec le principe d'assimilation : le
Conseil constitutionnel vérifie ainsi qu'elles n'ont pas "
pour
effet de conférer aux départements d'outre-mer une organisation
particulière, prévue par l'article 74 de la Constitution pour les
seuls territoires d'outre-mer
" (décision n°
82-152 DC du 2 décembre 1982). Précisons qu'en dehors de ces
mesures d'adaptation fondées sur la spécificité de leur
situation, l'adoption de dispositions expresses d'extension est parfois requise
concernant des textes antérieurs à 1946, dès lors qu'avant
la loi de départementalisation du 19 mars 1946 la Guadeloupe, la Guyane,
la Martinique et la Réunion étaient soumises au régime de
la spécialité législative. Il en est de même
concernant Saint-Pierre-et-Miquelon pour l'extension de dispositions
législatives antérieures à 1977.
Si ce principe d'assimilation vaut à la fois pour ces
départements et cette collectivité à statut particulier,
la procédure applicable conserve une spécificité
concernant Saint-Pierre-et-Miquelon : en effet, l'article 24 de la loi
statutaire du 11 juin 1985 ayant abrogé la loi de
départementalisation du 19 juillet 1976 prévoit l'obligation
de consulter le conseil général. Si cette obligation existe
également pour les départements d'outre-mer, sa portée
juridique est moindre puisqu'elle résulte d'un simple décret
(article 1
er
du décret du 26 avril 1960 relatif à
l'adaptation du régime législatif et de l'organisation
administrative des départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la
Martinique et de la Réunion).
B. LE RÉGIME DE LA SPÉCIALITÉ LÉGISLATIVE
En
revanche,
les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et
Mayotte sont régis par le principe dit de la
"
spécialité législative
"
:
à l'exception des " lois de souveraineté ",
catégorie doctrinale définie de façon imprécise qui
comprend notamment les lois constitutionnelles, les lois organiques ou encore
les lois relatives au statut civil des personnes, l'applicabilité des
textes législatifs dans ces collectivités est subordonnée
à l'adoption d'une disposition expresse d'extension. Cette obligation
d'extension expresse vaut également pour toute modification d'une
disposition précédemment rendue applicable : toute nouvelle
avancée législative doit donc formellement être introduite,
même lorsqu'elle porte sur une législation déjà
étendue (Conseil d'État, arrêt du 9 février 1990
" Elections municipales de Lifou ").
Ce principe de la spécialité législative trouve, pour les
territoires d'outre-mer, son fondement dans l'article 74 de la Constitution aux
termes duquel "
les territoires d'outre-mer de la République ont
une organisation particulière tenant compte de leurs
intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la
République
" et "
les autres modalités
que
les aspects statutaires
de leur organisation particulière sont
définies et modifiées par la loi après consultation de
l'assemblée territoriale intéressée
".
Bien que n'étant plus un territoire d'outre-mer depuis la loi
constitutionnelle du 20 juillet 1998, la Nouvelle-Calédonie
continue à être régie par ce même principe encore
qu'il ne puisse être déduit qu'indirectement du dernier
alinéa de l'article 77 de la Constitution figurant au nouveau titre XIII
consacré à cette collectivité
sui generis
.
L'article 90 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 répare en
partie cet oubli en prévoyant une obligation de consulter le
congrès de la Nouvelle-Calédonie : "
Le
congrès est consulté par le haut-commissaire, avant leur examen
par le Conseil d'État, sur les projets de loi et sur les projets
d'ordonnance, lorsqu'ils introduisent, modifient ou suppriment des dispositions
spécifiques à la Nouvelle-Calédonie. Le congrès
dispose d'un délai d'un mois pour rendre son avis. (...) Le
congrès est également consulté, dans les mêmes
conditions, avant leur adoption en première lecture par la
première assemblée saisie, sur les propositions de loi comportant
de telles dispositions.
". Cette disposition reprend ainsi le
critère délimitant la portée de l'obligation de consulter
l'assemblée territoriale intéressée fixé par le
Conseil constitutionnel (décision n° 94-342 DC du 7 juillet
1994) : selon cette jurisprudence, les dispositions législatives
devant faire l'objet d'une extension expresse nécessitent en principe
une consultation préalable, sauf lorsque la disposition concernée
"
n'introduit, ne modifie ou ne supprime aucune disposition
spécifique
".
Le principe de la spécialité législative s'applique
également à la collectivité territoriale de Mayotte en
vertu de l'article 10 de la loi du 24 décembre 1976. Dans ce
dernier cas cependant, la consultation préalable du conseil
général, si elle est régulièrement mise en oeuvre,
reste juridiquement facultative.
Au total, sur neuf collectivités d'outre-mer concernées par les
projets d'ordonnance et dotées d'une assemblée
délibérante
2(
*
)
, en pratique toutes
consultées sur le projet de loi d'habilitation, sept ont rendu un avis
exprès. Seuls le congrès de la Nouvelle-Calédonie et
l'assemblée de la Polynésie française se sont abstenus.
Tout en soulignant une nouvelle fois les inconvénients qui s'attachent
à une utilisation systématique de la procédure des
ordonnances, votre commission ne s'y opposera pas, soucieuse de ne pas retarder
davantage le processus de modernisation de la législation applicable
outre-mer, la plupart des extensions et adaptations envisagées
répondant à des demandes pressantes des collectivités
concernées.
II. LE RÉGIME JURIDIQUE DES ORDONNANCES
Le
recours aux ordonnances suppose une autorisation du législateur qui
accepte ainsi de se dessaisir au profit de l'exécutif : cette
habilitation doit cependant être correctement délimitée, le
Conseil constitutionnel ayant précisé les contours du
régime défini par l'article 38 de la Constitution
aux
termes duquel "
le Gouvernement peut, pour l'exécution de son
programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances,
pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi
".
Le juge a tout d'abord exigé du Gouvernement qu'il spécifie la
finalité des mesures qu'il entend prendre sur le fondement de
l'habilitation. Dans sa décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977, le
Conseil constitutionnel énonce ainsi que "
s'il est (...)
spécifié à l'alinéa 1
er
de l'article 38
(...) de la Constitution que c'est pour l'exécution de son programme que
le Gouvernement se voit attribuer la possibilité de demander au
Parlement l'autorisation de légiférer par voie d'ordonnances,
(...) ce texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement
d'indiquer avec précision au Parlement lors du dépôt d'un
projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande
présentée par lui, quelle est la finalité des mesures
qu'il se propose de prendre
". Il a en outre précisé
dans sa décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 que
le Gouvernement avait l'obligation d'indiquer "
le domaine
d'intervention
" des mesures envisagées sans aller
jusqu'à être "
tenu de faire connaître la teneur des
ordonnances qu'il prendra
". Conformément à la pratique
récente cependant, votre rapporteur a été rendu
destinataire des avant-projets d'ordonnances ce qui lui permet de mieux cerner
le champ de l'habilitation demandée.
Le Conseil constitutionnel a ensuite exclu du champ de la
délégation les mesures relevant de la loi organique
(décision n° 81-134 DC du 5 janvier 1982). Cette limite doit
être particulièrement mentionnée concernant la
législation relative à l'outre-mer dans la mesure où les
statuts des territoires d'outre-mer, en vertu de l'article 74 de la
Constitution, relèvent de lois organiques. Le champ de l'habilitation de
saurait donc inclure des matières de nature statutaire relevant du
domaine de la loi organique et il importera de vérifier, à
l'occasion de l'examen du projet de loi de ratification, que les mesures
figurant dans les ordonnances ne correspondent pas à des
"
dispositions qui définissent les compétences des
institutions propres du territoire, les règles essentielles
d'organisation et de fonctionnement de ces institutions, y compris les
modalités selon lesquelles s'exercent sur elles les pouvoirs de
contrôle de l'État, ainsi que les dispositions qui n'en sont pas
dissociables
" (décision n° 96-373 DC du 9 avril
1996).
Enfin, l'article 38 de la Constitution ne conçoit la possibilité
de la délégation que pour un laps de temps limité :
la loi d'habilitation doit fixer la date avant l'expiration de laquelle les
ordonnances devront être prises ainsi que la date butoir assignée
au Gouvernement pour déposer le projet de loi de ratification. Si aucune
disposition n'impose formellement l'inscription de ce dernier à l'ordre
du jour parlementaire, le Conseil constitutionnel admettant le
procédé de la ratification tacite qui résulte de la
"
manifestation de volonté implicitement, mais clairement
exprimée du Parlement
" lors du vote d'une loi
ultérieure modifiant les mesures prises par ordonnance (décision
n° 72-73 DC du 29 février 1972), une ratification
expresse semble de loin préférable : elle constitue
l'occasion pour le Parlement jusque-là dessaisi d'exercer un
contrôle sur le contenu des ordonnances ; elle permet par ailleurs
de conférer valeur législative à l'ensemble des mesures
prises sans attendre que cette onction résulte au cas par cas de
modifications ultérieures et constitue donc un gage de cohérence
et de sécurité juridique pour l'ordonnancement
juridique.
III. L'ÉCONOMIE DU PROJET DE LOI
Le
projet de loi aujourd'hui soumis à votre examen tente de répondre
à ces exigences en procédant, dans ses trois premiers articles,
à la délimitation
ratione materiae
et
ratione
temporis
du champ de l'habilitation.
•
L'article premier
énumère les différentes
matières pour lesquelles le Gouvernement envisage de
légiférer par ordonnances. La liste en huit points du projet de
loi initial s'est enrichie de quatre nouvelles rubriques lors de l'examen en
première lecture à l'Assemblée nationale. Le champ de
l'habilitation est nécessairement très disparate mais les
différentes rubriques peuvent s'ordonner autour de quatre objectifs
principaux :
-
la nécessité pour l'État d'assumer ses
obligations financières
vis-à-vis de l'outre-mer : il
s'agit là de pérenniser d'une part la contribution versée
au profit des communes de la Polynésie française par
l'intermédiaire du Fonds intercommunal de péréquation
(F.I.P.) (point n°3), et d'autre part le concours de l'État en
faveur de l'établissement public de santé territorial de Mayotte
(point 6°) ;
-
l'actualisation des
droits sociaux
devant
bénéficier aux ressortissants des collectivités
d'outre-mer : par référence à la rubrique
n° 8 relative au droit du travail, des mesures devraient être
prises pour permettre aux partenaires sociaux de négocier des accords
d'annualisation du temps de travail à Mayotte et aux îles
Wallis-et-Futuna, pour préciser les règles d'option de
juridiction en matière de litiges de contrats de travail pour les
salariés ayant travaillé outre-mer et n'y résidant plus ou
encore pour étendre à Wallis-et-Futuna les règles de base
en matière d'hygiène et de sécurité ;
-
le renforcement de l'État de droit et de la sécurité
juridique
dans les collectivités d'outre-mer : extension de la
législation sur le droit d'asile aux territoires d'outre-mer et à
Mayotte (point n° 4) et définition des conditions
d'élaboration d'un état civil fiable à Mayotte (point
n° 5) ;
-
les avancées en matière de santé publique
:
actualisation des règles relatives aux professions de santé
(point n°6 : conditions d'exercice de certaines professions ;
point n° 7 : création de juridictions ordinales pour ces
professions) ; création d'une agence de santé aux îles
Wallis-et-Futuna (point n° 6).
La liste des matières décrivant le champ de l'habilitation vise
également deux questions concernant l'organisation des institutions
sociales et financières dans les départements d'outre-mer :
il s'agit d'une part de mettre en conformité l'organisation des agences
d'insertion avec la modification de statut opérée par la loi du
29 juillet 1998 consistant dans leur transformation en établissements
publics locaux à caractère administratif (point n° 1), et
d'autre part d'adapter le statut et les missions de l'Institut
d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) pour prendre en
compte les impératifs de l'Union économique et monétaire
(point n° 2).
Quatre autres rubriques ont été ajoutées à cette
liste lors du débat à l'Assemblée nationale : la
durée de la scolarité obligatoire et l'indemnisation des victimes
de catastrophes naturelles aux îles Wallis-et-Futuna (points
n° 9 et 10 : amendements présentés par M. Victor
Brial), l'adaptation de la législation relative aux transports
intérieurs dans les départements d'outre-mer (point n°
11 : amendement présenté par MM. Camille Darsières et
Daniel Marsin) et la codification du droit électoral applicable en
Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux
îles Wallis-et-Futuna (point n° 12 : amendement du
Gouvernement).
En vertu de ce champ d'habilitation, l'entreprise de modernisation de la
législation applicable amorcée par le précédent
train d'ordonnances sera poursuivie dans l'ensemble des collectivités
d'outre-mer.
•
L'article 2
prévoit la
consultation des
assemblées
des différents territoires, départements ou
collectivités intéressés sur les projets d'ordonnance.
Le respect de cette procédure de consultation s'impose, en vertu de
l'article 74 de la Constitution pour les territoires d'outre-mer
(Polynésie française, Wallis-et-Futuna et les Terres australes et
antarctiques françaises) et aux termes de l'article 90 de la loi
organique du 19 mars 1999 pour la Nouvelle-Calédonie. L'article 24 de la
loi statutaire du 11 juin 1985 pose également cette exigence pour la
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour ces
territoires et collectivités, l'article 2 n'opère donc qu'un
rappel, sans portée normative. Il crée en revanche une obligation
légale nouvelle de procédure pour les départements
d'outre-mer, la consultation des conseils généraux n'étant
à ce jour prévue que par un décret, et pour Mayotte,
collectivité pour laquelle la demande d'avis constitue une simple
faculté en vertu de l'article 10 de la loi du 24 décembre 1976.
L'article 2 précise
in fine,
selon une formule qui devient
habituelle, que le délai imparti aux conseils généraux des
deux collectivités territoriales à statut particulier, Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'aux conseils généraux et
régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la
Réunion pour rendre leur avis est de deux mois.
•
L'article 3
définit
les délais
de
l'habilitation : d'une part le délai avant l'expiration duquel les
ordonnances devront être prises, en second lieu le délai imparti
au Gouvernement pour déposer les projets de loi de ratification sur le
bureau du Parlement.
Un délai de six mois est ainsi prévu pour permettre au
Gouvernement de prendre les ordonnances envisagées, les projets de loi
de ratification devant être déposés au cours des trois mois
suivants. Le premier délai correspond à celui qui fut
accordé au Gouvernement au printemps 1998 par la dernière loi
d'habilitation ; le second en revanche est de neuf mois au lieu de sept.
Observons en outre qu'à l'instar de la précédente loi
d'habilitation du 6 mars 1998, plusieurs projets de loi de ratification sont
prévus ce qui devrait permettre de regrouper les ordonnances par grands
domaines et faciliter leur examen par le Parlement, chaque commission
permanente étant saisie selon sa compétence.
A ces trois premiers articles délimitant le champ et les conditions de
l'habilitation, le présent projet de loi ajoute un
article 4
ayant un objet distinct. S'il paraît regrettable qu'une disposition sans
rapport avec l'objet du projet de loi ait été ainsi adjointe,
risquant lors du débat au Parlement de susciter un effet d'appel et de
transformer le projet de loi en " loi balai ", cet ajout peut se
justifier pour éviter une ordonnance pour une extension
législative ponctuelle n'appelant pas de mesure d'adaptation
spécifique : il s'agit d'étendre à la
Nouvelle-Calédonie la loi du 29 mars 1999 relatives aux enquêtes
techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile.
*
* *
Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'ensemble du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Champ de l'habilitation
Cet
article a pour objet de définir la finalité et le champ de
l'habilitation législative accordée au Gouvernement : il
énumère ainsi, selon une formulation plus ou moins précise
en fonction des rubriques, les différentes matières
concernées par les projets d'ordonnance. La finalité des mesures
envisagées étant la poursuite de l'actualisation et de
l'adaptation du droit applicable outre-mer, les exigences fixées par la
jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 38 de la
Constitution paraissent satisfaites.
La liste des domaines dans lesquels le Gouvernement envisage de
légiférer par ordonnances est passée de huit dans le
projet de loi initial à douze lors de son examen en première
lecture à l'Assemblée nationale. Ces matières sont les
suivantes :
•
Adaptation du statut des agences d'insertion dans les
départements d'outre-mer :
Les agences d'insertion dans les départements d'outre-mer ont
été créées par la loi n° 94-638 du 25 juillet
1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités
économiques dans les départements d'outre-mer, à
Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte qui, par son article premier,
modifie la loi n° 88-1088 du 1
er
décembre 1988 relative
au revenu minimum d'insertion.
Cette loi a institué une agence dans chaque département
d'outre-mer, désignée comme "
établissement public
national placé sous la tutelle du ministre chargé des
départements d'outre-mer
". Chaque agence se voit
confiée la triple mission d'élaborer et de mettre en oeuvre le
programme départemental d'insertion, de proposer la part des
crédits d'insertion affectés au financement de logements sociaux
pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et
d'établir le programme annuel de tâches d'utilité sociale
offertes à ces mêmes personnes. Elle est administrée par un
conseil d'administration présidé conjointement par le
préfet et le président du conseil général, ce
conseil étant composé en nombre égal de
représentants des services de l'État dans le département,
de représentants de la région, du département et des
communes et de personnalités qualifiées choisies au sein
d'associations ou d'institutions intervenant dans le domaine de l'insertion.
Le statut de ces agences a été modifié par la loi
n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte
contre les exclusions : l'article 19 de cette loi, d'origine
parlementaire, les transforme en "
établissements publics locaux
à caractère administratif
". Bien qu'ayant permis une
meilleure coordination de l'action des commissions locales d'insertion, la
gestion des agences était "
jugée trop lourde par les
élus locaux et la tutelle de l'administration centrale trop
pesante
".
L'habilitation demandée devrait permettre de tirer toutes les
conséquences de cette modification statutaire et d'adapter certaines
règles constitutives relatives, notamment, au régime
administratif, financier et comptable des agences d'insertion en s'inspirant du
droit applicable aux établissements publics départementaux
résultant du code général des collectivités
territoriales. Il devrait par ailleurs être mis fin au système de
la co-présidence du conseil d'administration par le préfet et le
président du conseil général : la présidence
reviendrait à ce dernier, le représentant de l'État se
voyant confier le rôle de commissaire du Gouvernement ayant la
possibilité, au-delà des contrôles de droit commun, de
demander au conseil d'administration une nouvelle délibération
lorsqu'une décision paraît contraire à la bonne
administration ou aux missions de l'agence.
Enfin, pour éviter les conséquences négatives de ce
changement statutaire pour les personnels actuellement employés par les
agences d'insertion, une disposition devrait pérenniser les contrats
à durée indéterminée en cours, dérogeant
ainsi aux principes résultant de la loi n° 84-53 du 26 janvier
1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
territoriale.
•
Evolution des missions et de l'organisation de l'Institut
d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) :
L'institut d'émission des départements d'outre-mer,
créé par l'ordonnance n° 59-74 du 7 janvier 1959 afin
d'assurer le service de l'émission monétaire dans les
départements d'outre-mer, a vu ses missions et son
périmètre d'intervention évoluer avec la
généralisation du franc métropolitain outre-mer en 1975,
le rattachement de Saint-Pierre-et-Miquelon en 1978 et celui de Mayotte en
1999. Le service de l'émission monétaire dans les
départements d'outre-mer étant jusqu'à la création
de cet institut assuré par la Caisse centrale de coopération
économique, devenue l'Agence française de développement,
le personnel de l'IEDOM continue à être détaché de
cet organisme.
L'IEDOM exerçant dans les départements d'outre-mer les missions
qui sont celles de la Banque de France, lesquelles sont assumées depuis
le 1
er
janvier 1999 par le système européen de
banques centrales (SEBC), la question du devenir de l'Institut dans sa forme
actuelle est posée. Un rapprochement avec la Banque centrale
paraît inéluctable qui devrait cependant préserver sa
dimension ultramarine ainsi que certaines spécificités du statut
de ses personnels (326 personnes).
La réflexion et la concertation avec les syndicats pour
déterminer la formule juridique qui sera en définitive choisie,
intégration ou filialisation, est en cours depuis plusieurs mois et les
difficultés de la négociation ont poussé le Gouvernement
à substituer au projet de loi initialement prévu une demande
d'habilitation en vue de l'élaboration d'un projet d'ordonnance.
Observons que le chef d'habilitation concernant l'IEDOM est le seul pour lequel
aucun avant-projet d'ordonnance n'a été transmis à votre
rapporteur.
•
Contribution de l'État aux ressources des communes de la
Polynésie française :
Depuis 1994, l'État verse une contribution aux ressources communales,
en particulier par l'intermédiaire du Fonds intercommunal de
péréquation (F.I.P.). Fixée à deux
quinzièmes du montant de la quote-part versée en 1993 par le
territoire au F.I.P., cette contribution de l'État donne lieu à
un abondement de ce fonds à hauteur de 52,05 millions de francs par an
et, pour le solde, à un abondement consolidé de la dotation
globale de fonctionnement versée aux communes par le ministère de
l'intérieur.
Il est projeté, par voie d'ordonnance, de pérenniser cette
contribution annuelle qui, aux termes de l'article 12 de la loi n° 94-99
du 5 février 1994 d'orientation pour le développement
économique, social et culturel de la Polynésie française,
n'était prévue que jusqu'en 1998. Cette mesure correspond
à une disposition figurant dans le projet de loi relative au
régime communal applicable dans le territoire de la Polynésie
française, déposé devant le Parlement au mois de juin 1998
mais non encore examiné dans l'attente de la réforme statutaire
de cette collectivité. La reprise du dispositif dans une ordonnance
devrait permettre le versement de cette contribution pour l'exercice 1999.
•
Actualisation du droit d'asile et du régime applicable
à l'entrée et au séjour des étrangers en
Polynésie française, aux îles Wallis-et-Futuna et dans la
collectivité territoriale de Mayotte :
La demande d'habilitation a pour objet l'extension à la Polynésie
française, aux îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte du
régime juridique applicable en matière de droit d'asile
résultant de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 et des
dispositions des articles 35 ter, 35 quater, 35 quinquies et 36 de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et
de séjour des étrangers en France., qui concernent le dispositif
des zones d'attente pour les demandeurs d'asile.
Certaines adaptations devront être prévues pour tenir compte des
attributions exercées localement par les représentants de
l'État, parfois chargés d'agir en lieu et place du ministre de
l'intérieur.
L'ensemble de ces dispositions ont récemment été
étendues à la Nouvelle-Calédonie par le loi du 19 mars
1999 : il convient de procéder de même dans les autres
collectivités afin que le droit d'asile, de portée
constitutionnelle, soit également garanti sur le territoire.
•
État des personnes et régime de l'état civil
dans la collectivité territoriale de Mayotte :
Ce chef d'habilitation devrait permettre, par l'adoption de trois
ordonnances, de poursuivre la remise en ordre de l'état civil mahorais
amorcée par l'ordonnance n° 98-732 du 20 août 1998 prise sur
le fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998.
Le premier projet d'ordonnance vise à imposer aux Mahorais ayant le
statut civil personnel des règles précises en matière de
déclaration des décès et de déclaration des
mariages. Il devrait notamment fixer à quinze ans l'âge minimal
pour le mariage des femmes et rendre obligatoire la présence d'un
officier d'état civil à la cérémonie, ayant pour
mission de procéder aux formalités de déclaration et de
s'assurer du consentement des époux.
Le deuxième projet d'ordonnance tend à définir des
règles de fixation et de dévolution du nom patronymique pour les
Mahorais relevant du statut civil personnel, soit 95% de la population. Alors
que dans la conception occidentale le nom patronymique et le prénom
permettent d'identifier une personne et une descendance familiale, l'absence de
règles caractérisant à cet égard le droit local est
source d'insécurité juridique et génère des fraudes
en matière de nationalité. Aussi, dans le cadre de la convention
de développement économique et social signée en 1995 entre
l'État et la collectivité territoriale de Mayotte, une commission
de réflexion sur le nom patronymique a-t-elle été mise en
place qui a établi un rapport dont les conclusions, préconisant
l'établissement d'un critère de choix unique pour la
dévolution du nom patronymique permanent, ont été
approuvées par le conseil général de Mayotte.
Ce projet d'ordonnance concernant l'état civil à Mayotte tend
par ailleurs à créer une commission de révision des actes
de l'état civil afin de procéder à une remise en
état et parfois même à une reconstitution des registres. La
détérioration généralisée des registres
d'état civil et la destruction totale ou partielle de certains d'entre
eux liées aux contingences climatiques locales et aux conditions de
conservation aléatoires privent une grande partie des Mahorais de tout
état civil ; ceux-ci sont dès lors confrontés
à d'importantes difficultés dans leur vie quotidienne et
professionnelle quand il leur faut prouver leur identité. Ces
difficultés ont pour effet de restreindre leur liberté de
circulation hors du territoire mahorais et prive même certains de leur
droit de vote. La commission de révision devrait donc être
chargée de reconstituer les registres d'état civil et
d'établir les actes de naissance, de mariage ou de décès
qui auraient dû y être portés en raison de leur survenance
sur le territoire mahorais. Elle serait constituée d'un magistrat du
siège, du préfet, du président du conseil
général, des maires des communes compétents et du grand
cadi.
La dualité des statuts civils a pour corollaire la dualité des
états civils. Or, si les maires et adjoints de toutes les communes
mahoraises ont la qualité d'officier d'état civil de droit
personnel en application de la délibération
précitée de la chambre des députés des Comores, en
revanche seuls le maire de la commune de Dzaoudzi-Labattoir et ses adjoints ont
qualité d'officier d'état civil de droit commun en vertu de
l'ordonnance n° 77-450 du 29 avril 1977 portant extension aux
communes de Mayotte du code des communes. En raison du coût d'un
déplacement du sud de l'île jusqu'à Dzaoudzi, les personnes
relevant du statut civil de droit commun renoncent parfois à effectuer
les démarches nécessaires à l'inscription des naissances
et des mariages au service de l'état civil dont ils relèvent,
préférant y procéder à la mairie de leur commune de
résidence au service de l'état civil de droit personnel. Il en
résulte une grande confusion. Aussi le troisième projet
d'ordonnance propose-t-il de modifier l'ordonnance de 1977 pour conférer
la qualité d'officier d'état civil de droit commun à
l'ensemble des maires de la collectivité territoriale et à leurs
adjoints. Ce redéploiement du service de l'état civil de droit
commun dans chaque mairie devrait faciliter les démarches des
administrés et contribuer à désengorger le service de
l'état civil de Dzaoudzi.
Ce dernier projet d'ordonnance devrait également modifier le
délai de déclaration des naissances d'enfants ayant le statut
civil de droit local dans la collectivité territoriale de Mayotte. Les
délais de déclaration sont en effet actuellement
différents selon que l'enfant relève du statut civil de droit
commun (trois jours en vertu de l'article 55 du code civil) ou du statut civil
personnel au sens de l'article 75 de la Constitution (quinze jours en vertu de
l'article 16 de la délibération de la chambre des
députés des Comores du 17 mai 1961). Cette dualité de
délais génère une grande confusion car les personnes
relevant du statut civil de droit commun, qui sont minoritaires et
représentent quelque 5% de la population, croient fréquemment
disposer de quinze jours pour procéder à la déclaration,
le caractère tardif de leur démarche les contraignant à
rechercher un jugement déclaratif de naissance. Il est donc
envisagé d'aligner le délai de droit commun sur celui dont
bénéficient les personnes ayant le statut civil personnel, ce qui
devrait contribuer à désengorger le tribunal de première
instance.
•
Droit de la santé :
Sur ce chef d'habilitation devraient être prises quatre ordonnances
tendant à poursuivre l'extension des dispositions du code de la
santé publique à l'outre-mer et à améliorer le
niveau de protection sanitaire des populations concernées.
Il s'agirait tout d'abord d'actualiser pour les départements
d'outre-mer, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis-et-Futuna
et les Terres australes et antarctiques françaises les dispositions
relatives aux professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de
sage-femme. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie
française ne sont pas concernées dans la mesure où ces
dispositions relèvent de la compétence statutaire des
autorités locales.
Il est prévu en deuxième lieu de créer une agence de
santé à Wallis-et-Futuna, sous la forme d'un établissement
public national administratif chargé d'élaborer un programme de
santé publique, de le mettre en oeuvre et de délivrer les
médicaments et les dispositifs médicaux. Seraient
corrélativement étendues les dispositions du code de la
santé publique indispensables au fonctionnement de la nouvelle agence
(définition des médicaments, des dispositifs médicaux et
de la pharmacie à usage intérieur). Le conseil d'administration
de cet établissement serait présidé par l'administrateur
supérieur du territoire.
Le troisième projet d'ordonnance a pour objet de corriger une erreur
matérielle de libellé à l'article 22 de l'ordonnance
n° 92-1070 du 1
er
octobre 1992 portant extension et adaptation
à la collectivité territoriale de Mayotte de diverses
dispositions relatives à la santé publique pour y rendre
applicables les dispositions du code de la santé publique
intéressant la lutte contre le maladies mentales.
La quatrième ordonnance tend à pérenniser le
système dérogatoire de financement de l'hôpital de Mayotte.
En effet, l'ordonnance n°96-1122 du 20 décembre 1996,
ratifiée par la loi n° 98-144 du 6 mars 1998, a institué
à Mayotte un régime d'assurance maladie-maternité assurant
à ses affiliés et leurs ayants-droit la couverture et le paiement
direct des frais d'hospitalisation et de consultation externe engagés
pour eux par l'hôpital, ainsi que l'affiliation, de droit, de tous les
nationaux et des étrangers en situation régulière.
L'article 34 de cette ordonnance a ainsi mis en place un mécanisme
dérogatoire de financement de l'hôpital pour permettre la prise en
charge des personnes ne pouvant faire la preuve de leur nationalité
française ou de la régularité de leur séjour. Dans
l'attente d'une remise en ordre de l'état civil, l'identification des
débiteurs étant généralement très difficile,
il apparaît nécessaire de reconduire, pour une durée de
cinq ans, ce dispositif initialement présenté comme transitoire.
•
Juridictions ordinales des médecins, des
chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens de la
Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française :
Le titre III de l'ordonnance n° 98-729 du 20 août 1998 relative
à l'organisation juridictionnelle dans les territoires d'outre-mer et
les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon
insère au titre premier du livre IV du code de la santé publique
des dispositions créant en Nouvelle-Calédonie et en
Polynésie française une chambre territoriale de discipline de
l'ordre des chirurgiens-dentistes, une telle création relevant, aux
termes des lois statutaires, de la compétence de l'État. Il est
envisagé de créer les mêmes juridictions ordinales de
première instance en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie
française pour les médecins et les sages-femmes et de mettre
ainsi fin à la compétence disciplinaire des conseils des sections
locales de l'ordre des médecins du Pacifique et de l'Océanie.
Cette réforme permettra de séparer l'exercice des
compétences administratives de celui des compétences
juridictionnelles, conformément au souhait du conseil national de
l'ordre des médecins et des préconisations formulées par
le Conseil d'État lorsqu'il fut saisi du projet d'ordonnance du 20
août 1998.
•
Droit du travail :
Le projet d'ordonnance propose de poursuivre la modernisation et l'adaptation
des droits du travail en vigueur dans les départements d'outre-mer,
à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie
française et dans les îles Wallis-et-Futuna entreprises depuis
1993 au travers des lois n° 93-1 du 4 janvier 1993, n° 95-97 du
1
er
février 1995, n°96-609 du 5 juillet 1996 et de
l'ordonnance n° 98-522 du 24 juin 1998.
Il est tout d'abord prévu de permettre aux partenaires sociaux de
négocier des accords d'annualisation du temps de travail dans la
collectivité territoriale de Mayotte et le territoire des îles
Wallis-et-Futuna, dispositions d'ores et déjà introduites dans la
législation du travail applicable en Polynésie française
et en Nouvelle-Calédonie par l'ordonnance du 24 juin 1998.
Le deuxième point concerne l'option de juridiction pour les
salariés ayant travaillé outre-mer et ne résidant plus sur
le lieu d'exécution de leur contrat de travail après la rupture
de celui-ci. Ce droit d'option est affirmé par l'article 181 de la loi
n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans
les territoires d'outre-mer et territoires associés relevant du
ministère de la France d'outre-mer, toujours applicable dans les
territoires d'outre-mer des îles Wallis-et-Futuna et des Terres australes
et antarctiques françaises ainsi que dans la collectivité
territoriale de Mayotte. S'il a été repris dans l'ordonnance
n° 85-1181 du 13 novembre 1985 pour la Nouvelle-Calédonie au profit
des personnes exécutant leur contrat de travail dans cette
collectivité sans y avoir leur résidence habituelle, le
dispositif doit cependant être précisé. Il s'agit par
ailleurs de rendre applicable ce droit d'option en Polynésie
française.
Le projet d'ordonnance prévoit en outre d'étendre aux
îles Wallis-et-Futuna les règles de base du droit d'hygiène
et de sécurité des travailleurs : la loi du 15
décembre 1952 précitée devrait être modifiée
à cet effet pour y introduire, notamment, la responsabilité de
l'employeur, l'obligation qui lui est faite de maintenir en constant
état de propreté les locaux de travail ou de veiller à la
sécurité. Cette avancée juridique paraît d'autant
plus importante que ce territoire connaît les premiers
développements d'une véritable activité économique,
en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Enfin, le projet d'ordonnance devrait permettre de confier au directeur
départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
de chaque département d'outre-mer et au chef de service du travail, de
l'emploi et de la formation professionnelle de Saint-Pierre-et-Miquelon les
compétences actuellement dévolues au directeur régional
dans la perspective de la suppression de cette direction régionale
installée à Créteil et compétente pour l'ensemble
des départements et des collectivités territoriales d'outre-mer.
Lors de son examen en première lecture à
l'Assemblée
nationale
, l'article premier du projet de loi d'habilitation a
été complété par l'inscription de plusieurs
mentions venant allonger la liste des rubriques délimitant le champ de
l'habilitation. La dernière rubrique du projet de loi initial relative
au droit du travail a ainsi été précisée, à
l'initiative de la commission des Lois et contre l'avis du Gouvernement, par
une référence à la législation de la
médecine du travail. M. Jérôme Lambert, rapporteur, a en
effet indiqué que l'inapplicabilité dans les départements
d'outre-mer des dispositions du titre IV du livre II du code du travail
créait un vide juridique qu'il convenait de combler. Le
secrétaire d'État à l'outre-mer a quant à lui fait
part de ses réserves, estimant une telle extension
prématurée en l'absence d'étude d'impact préalable.
Quatre nouvelles rubriques ont par ailleurs été ajoutées
en vue de :
- l'extension des dispositions relatives à la durée de la
scolarité obligatoire aux îles Wallis-et-Futuna, en particulier
l'obligation de scolarisation jusqu'à l'âge de seize ans
révolus (amendement présenté par M. Victor
Brial) ;
- l'extension des dispositions relatives à l'indemnisation des
victimes des catastrophes naturelles aux îles Wallis-et-Futuna. M. Victor
Brial, auteur de l'amendement, a précisé que le régime
d'indemnisation institué par la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982
avait d'ores et déjà été étendu aux
départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de
Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon par la loi n° 90-509 du 25 juin
1990 ;
- l'adaptation pour les départements d'outre-mer de la
législation relative aux transports intérieurs (amendement
présenté par MM. Camille Darsières et Daniel Marsin) ;
- l'adoption d'une ordonnance devant permettre la codification du droit
électoral applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie
française et à Wallis-et-Futuna (amendement du Gouvernement).
Votre commission des Lois vous propose d'adopter
l'article premier
sans modification
.
Article 2
Consultations sur les projets
d'ordonnance
Comme
cela résultait déjà de la loi d'habilitation du 6 mars
1998, l'article 2 du présent projet de loi prévoit une large
consultation des assemblées locales des différentes
collectivités sur les projets d'ordonnance qui les intéressent.
Comme cela a été rappelé dans l'exposé
général, la procédure applicable en matière de
consultation en vue d'étendre et d'adapter des dispositifs
législatifs aux collectivités d'outre-mer varie en fonction du
type de collectivité : obligation de portée
constitutionnelle pour les territoires d'outre-mer (article 74 de la
Constitution), obligation résultant d'une loi organique pour la
Nouvelle-Calédonie (article 90 de la loi statutaire du 19 mars
1999, obligation résultant de la loi statutaire du 11 juin 1985 (article
24) pour Saint-Pierre-et-Miquelon, simple faculté pour Mayotte (article
10 de la loi du 24 décembre 1976).
Pour ces territoires et collectivités, à l'exception de Mayotte,
l'article 2 n'opère donc qu'un rappel sans portée normative.
Il crée en revanche une obligation légale nouvelle de
procédure pour les départements d'outre-mer, la consultation des
conseils généraux n'étant à ce jour prévue
que par un décret.
Il est en outre précisé
in fine,
selon une formule qui
devient habituelle, que le délai imparti aux conseils
généraux des deux collectivités territoriales à
statut particulier, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'aux conseils
généraux et régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de
Martinique et de la Réunion pour rendre leur avis est de deux mois.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter
l'article 2 sans
modification.
Article 3
Délais d'adoption des ordonnances
et de dépôt des projets de loi de ratification
Conformément aux prescriptions de l'article 38 de la
Constitution qui n'autorise la délégation législative que
"
pendant un délai limité
" et prévoit la
caducité des ordonnances en l'absence de dépôt d'un projet
de loi de ratification dans le délai défini par la loi
d'habilitation, l'article 3 a pour objet de déterminer ce double butoir.
A la différence de la loi d'habilitation du 6 mars 1998 qui retenait
deux dates précises, le présent projet de loi définit des
périodes dont le point de départ est la date de promulgation de
la loi d'habilitation. La première, d'une durée de six mois,
correspond au délai avant l'expiration duquel le Gouvernement devra
avoir pris les ordonnances envisagées ; la seconde, d'une
durée de neuf mois, correspond au délai imparti au Gouvernement
pour déposer les projets de loi de ratification, à peine de
caducité des ordonnances.
Observons que, à l'instar du dispositif d'habilitation voté au
printemps 1998, l'article 3 fait référence à plusieurs
projets de loi de ratification. Permettant un regroupement thématique
des ordonnances pour examen par les commissions permanentes compétentes
au fond, cette méthode assure un meilleur contrôle du Parlement
sur le contenu des ordonnances.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter
l'article 3 sans
modification.
Article 4
Extension à la
Nouvelle-Calédonie de la loi du 29 mars 1999 relative aux enquêtes
techniques sur les accidents et les incidents de l'aviation civile
Cette
disposition, sans rapport avec l'objet du présent projet de loi qui est
d'autoriser le Gouvernement à légiférer par voie
d'ordonnance, paraît ici incongrue : elle trouverait mieux sa place
dans une " loi balai ". Cependant, le recours à la
procédure des ordonnances ayant été
préféré et s'agissant d'une disposition d'extension
n'appelant pas de mesures d'adaptation, l'article 4 permet de faire
" l'économie " d'une ordonnance supplémentaire. Aussi
paraît-il devoir être accueilli.
La loi du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents
et les incidents dans l'aviation civile inclut une mention expresse d'extension
aux territoires d'outre-mer. Or, la loi organique du 19 mars 1999 a fait de la
Nouvelle-Calédonie une collectivité
sui generis
qui
n'entre plus dans cette catégorie : ainsi convient-il de
prévoir désormais, pour chaque extension, une
référence expresse spécifique à la
Nouvelle-Calédonie.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter
l'article 4 sans
modification.
*
1
J.O. Lois et décrets des 27
juin, 11
juillet, 22 août et 4 septembre 1998/
2
Les Terres australes et antarctiques françaises, qui
entrent dans la catégorie des territoires d'outre-mer, n'ont pas
d'assemblée délibérante mais seulement un conseil
consultatif. Ce territoire est cependant concerné par certains des
projets d'ordonnance.