B. LE DOCUMENT SOUMIS À LA CONSULTATION : L'" ACCORD SUR L'AVENIR DE MAYOTTE "25( * )
1. Le contenu du document
•
Dans un préambule (I), l'accord sur l'avenir de Mayotte rappelle tout
d'abord la volonté constamment affirmée de la population
mahoraise de demeurer française et le principe de l'
appartenance de
Mayotte à la République française,
inscrit dans le
cadre de la Constitution
26(
*
)
,
tout en marquant la priorité accordée à l'insertion de
Mayotte dans son environnement régional et au développement de la
coopération régionale.
Puis l'accord fixe un
calendrier
en vue
de l'évolution
statutaire
de Mayotte.
- Dans une première étape, il prévoit la consultation des
Mahorais sur les grandes orientations du nouveau statut, avant le
31 juillet 2000.
- Dans une deuxième étape, est prévu le
dépôt au Parlement d'un projet de loi prenant en compte les
résultats de la consultation, "
au plus tard à l'une des
deux sessions de l'an 2000
". Ce projet de loi devrait définir
un nouveau statut de "
collectivité
départementale
" se rapprochant le plus possible du droit
commun.
- Enfin, dans une troisième étape, est envisagée la
présentation au Parlement d'un projet de loi portant sur l'avenir
institutionnel de Mayotte, "
sur proposition du conseil
général statuant à une majorité qualifiée,
à l'issue de son renouvellement en 2010
".
• Le document précise ensuite, en 11 points (II) les grandes
orientations qui devraient être retenues pour la définition de ce
statut de
"
collectivité départementale
"
et pour l'action de l'Etat à Mayotte au cours des dix prochaines
années.
1. - En ce qui concerne les
institutions
de la collectivité
départementale, est prévu le maintien d'une assemblée
unique, dénommée comme aujourd'hui "
conseil
général
", qui conserverait ses compétences
actuelles et recevrait en outre progressivement de nouvelles compétences
de caractère départemental et de caractère
régional, notamment dans le domaine de la coopération
décentralisée.
S'agissant de l'
exécutif
du conseil général,
actuellement assuré par le préfet, son transfert au profit du
président du conseil général est envisagé
"
au terme d'un délai prévu par la loi et à la
demande du conseil général
".
Par ailleurs, est prévue la création d'une part, d'un conseil
économique et social et d'un conseil de la culture, de
l'éducation et de l'environnement et d'autre part, d'une chambre de
commerce et d'industrie, d'une chambre d'agriculture et d'une chambre des
métiers
27(
*
)
.
2. - Après avoir envisagé un réexamen du nombre de
parlementaires de Mayotte (compte tenu de l'évolution
démographique), de la carte communale et de la carte cantonale, le
point 2 prévoit, "
dans une perspective de plus grande
décentralisation
", un rapprochement progressif avec le droit
commun pour l'organisation et les compétences des communes, auxquelles
serait allouée une dotation de rattrapage et de premier
équipement.
3. - Le point 3 prévoit le financement par l'Etat de l'exercice de
ses compétences, ainsi que la mise en place par l'Etat des services
déconcentrés correspondant à cet exercice.
Il concerne par ailleurs le
système fiscal et douanier
qui
devrait progressivement être modernisé pour se rapprocher du droit
commun, avec notamment la création progressive d'une fiscalité
communale.
4. - Le point 4 prévoit le maintien du principe de
spécialité législative
, les lois ne s'appliquant
à Mayotte que sur mention expresse et après avis du conseil
général ; toutefois, est fixé l'objectif de parvenir
à l'identité législative à l'horizon 2010,
après un effort de modernisation du droit applicable à Mayotte
dans le sens d'un rapprochement avec le droit commun.
5. - Le point 5 concerne l'action de l'Etat en faveur du
développement économique et social
de Mayotte. Cette
action devrait notamment favoriser le désenclavement de Mayotte, la
protection de l'environnement, le développement culturel et
l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la
communication.
Elle devrait s'inscrire dans le cadre d'un
pacte pluriannuel de
développement
durable et solidaire combinant les moyens de contrats
pluriannuels de rattrapage, d'un fonds de développement et des fonds
européens. L'engagement de négociations avec l'Union
européenne est d'ailleurs prévu en vue d'une meilleure
mobilisation des fonds européens au profit de Mayotte.
6. - Le point 6 confère une priorité aux actions en faveur
de la
formation
et de l'emploi, ainsi qu'au développement des
infrastructures et du logement.
7. - Le point 7 prévoit la modernisation du système de
protection sanitaire et sociale
, ainsi que du code du travail.
8. - Le point 8 prévoit l'amélioration du fonctionnement du
service public de la
justice
, grâce à un renforcement des
moyens des juridictions, tandis que le rôle des cadis
devrait
être recentré sur des fonctions de médiation sociale
28(
*
)
.
Le statut personnel devrait être " clarifié " (ce qui
n'apparaît pas très clair...) et les droits des femmes
" confortés ".
Par ailleurs, sont prévues la rénovation de l'
état
civil
et la mise en place du
cadastre
dans un délai de cinq
ans.
9. - Le point 9 prévoit le renforcement de la
lutte contre
l'immigration irrégulière
, notamment grâce à la
mise en place de sanctions pénales et au développement d'actions
de coopération avec les pays voisins.
10. - Le point 10 concerne la
coopération
régionale ; il envisage l'adhésion de Mayotte aux
organisations de coopération régionale telles que la Commission
de l'Océan indien ou la Charte des Jeux de l'Océan indien.
11. - Enfin, le point 11 prévoit la réunion annuelle d'un
comité de suivi
de l'accord réunissant l'Etat, les
parlementaires, le président du conseil général et les
responsables des partis représentés au sein de ce conseil.
2. Un accord approuvé par la majorité du conseil général et la quasi-totalité des communes mais non par les parlementaires de Mayotte
A
l'initiative du Gouvernement, le document qui vient d'être
analysé, mis au point au début du mois d'août 1999
à l'issue de négociations avec les élus et les
représentants des principales formations politiques mahoraises, a
été soumis au conseil général et aux communes de
Mayotte au mois de décembre 1999. Le conseil général
a émis un avis favorable par 14 voix sur 19. De plus,
16 conseils municipaux sur 17 ont approuvé le document, seule la
commune de Dzaoudzi-Labattoir ayant émis un avis défavorable.
Le texte de l'accord a ensuite été signé solennellement
à Paris le 27 janvier 2000 par M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Younoussa Bamana,
président du conseil général de Mayotte, ainsi que par M.
Ahamada Madi, au nom du Mouvement populaire mahorais, M. Mansour Kamardine, au
nom du Rassemblement pour la république (fédération de
Mayotte) et M. Ibrahim Aboubacar, au nom du Parti socialiste
(fédération de Mayotte).
En revanche, les deux parlementaires représentant Mayotte :
M. Marcel Henry, sénateur et M. Henry Jean-Baptiste,
député, ont pour leur part refusé de signer le document.
En effet, les parlementaires ont manifesté leur désaccord avec ce
document sur quatre points :
- ils tenaient à ce que le texte fasse explicitement
référence à la possibilité pour la population
mahoraise de se prononcer à terme en faveur du statut de
département d'outre-mer, ainsi que l'avait prévu la loi du
22 décembre 1979 ;
- ils auraient souhaité que le texte prévoie une nouvelle
consultation de la population mahoraise sur l'évolution statutaire en
2010, et non une simple proposition du conseil général statuant
à une majorité qualifiée ;
- ils contestaient la priorité donnée à l'insertion de
Mayotte dans son environnement régional, qu'ils perçoivent comme
hostile compte tenu notamment des revendications territoriales sur Mayotte
formulées par la République fédérale islamique des
Comores depuis son origine ;
- enfin, ils regrettaient l'absence d'engagements précis de l'Etat quant
au plan de rattrapage économique.
Ce désaccord a d'ailleurs entraîné une crise au sein de la
classe politique mahoraise car il a amené les parlementaires à
quitter le Mouvement populaire mahorais (MPM) pour fonder leur propre
mouvement, baptisé Mouvement départementaliste mahorais (MDM).
Votre rapporteur regrette cependant qu'un consensus n'ait pu être
trouvé sur le texte de l'accord sur l'avenir de Mayotte compte tenu de
l'importance de la future consultation de la population mahoraise sur le plan
international, alors que la délégation de votre commission des
Lois qui s'est rendue à Mayotte au mois de janvier dernier a
constaté le désir unanime des élus et des
représentants des différentes formations politiques
d'accéder à terme au statut de département, à
l'issue d'une période de transition dont le principe a été
accepté par tous pour permettre un rapprochement progressif avec le
droit commun.