Ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam
CALDAGUÈS (Michel)
RAPPORT 282 (1999-2000) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Rapport au format Acrobat ( 53 Ko )Table des matières
- INTRODUCTION
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE
ETUDE D'IMPACT
N°
282
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 mars 2000
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l' entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam ,
Par M.
Michel CALDAGUÈS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir le
numéro
:
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Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de la
convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile
entre le Vietnam et la France signée à Paris le 24 février
1999.
Cette convention, première en la matière conclue entre le Vietnam
et un pays occidental, est le fruit de la coopération qui s'est
amorcée entre nos deux pays dans le domaine juridique,
coopération qui s'appuie en particulier sur la Maison du droit
franco-vietnamienne créée en février 1993 sur le campus de
l'Université de droit à Hanoi.
Plus généralement, elle s'inscrit dans le cadre des relations
très diversifiées que la France a renforcées avec le
Vietnam depuis plus de dix ans.
Votre rapporteur effectuera une rapide présentation de
l'évolution récente de la situation au Vietnam et de nos
relations bilatérales, avant de détailler les principales
dispositions de la convention d'entraide judiciaire en matière civile,
très semblables à celles prévues par les instruments de
même nature auxquels la France est déjà partie.
I. L'ÉVOLUTION RÉCENTE DU VIETNAM
Peuplé de 78 millions d'habitants, dont 3 à 4
millions
dans la capitale Hanoi, et près de 8 millions dans la capitale
économique, Ho Chi Minh-Ville, le Vietnam s'étend sur 1 600
kilomètres le long de la côte orientale de la péninsule
indochinoise.
Après près de quarante années de guerre, le Vietnam, dans
un contexte pacifié, entreprend depuis une douzaine d'années une
politique de rénovation fondée sur une ouverture politique
prudente et sur la libéralisation progressive de l'économie.
A. L'ÉVOLUTION POLITIQUE
1. La situation intérieure : une ouverture très progressive et maîtrisée par le Parti communiste vietnamien
Le
Vietnam vit toujours sous l'empire du
monopole du Parti communiste
vietnamien
auquel la Constitution reconnaît un rôle dirigeant
fondamental bien que la réforme constitutionnelle de 1992 ait quelque
peu renforcé les prérogatives de l'Assemblée nationale et
de l'exécutif, désormais bicéphale avec l'instauration
d'une Présidence de la République. La direction politique du pays
procède donc des équilibres établis entre l'appareil
d'Etat, d'une part -en particulier le Président de la République
nommé pour 5 ans par l'Assemblée nationale et le Premier ministre
élu pour 5 ans par l'Assemblée nationale sur proposition du
Président- et le Parti communiste vietnamien, d'autre part. Les
élections législatives de 1997 ont été suivies de
la mise en place d'une nouvelle équipe dirigeante, plus jeune que la
précédente, composée du Président de la
République, M. Tran Duc Luong, du Premier ministre, M. Phan Van
Khai, et du secrétaire général du parti, le
général Le Kha Phieu.
La
politique de rénovation
, baptisée " Doi
Moi ", entreprise à partir de 1986, a été
confirmée mais demeure mise en oeuvre à un rythme très
progressif.
L'affirmation, par la nouvelle Constitution adoptée en 1992, du droit
à la liberté d'expression, de presse, d'association, de
manifestation et de culte demeure encore théorique même si
quelques inflexions de portée limitée sont intervenues ces deux
dernières années dans le domaine des droits de l'homme et des
libertés religieuses : des mesures d'amnistie ont été
prises à l'égard de prisonniers politiques et d'autorités
de l'église bouddhiste unifiée du Vietnam en 1998, alors que
certains signes d'ouverture ont été opérés en
direction de l'église catholique, en particulier pour la nomination des
évêques.
Les manifestations ou protestations mettant en cause des cadres du Parti
communiste vietnamien ont conduit ce dernier à renforcer son discours
idéologique pour condamner la bureaucratie, la corruption, la drogue ou
l'accroissement des inégalités et appeler à un
assainissement et un renouvellement interne. Cette évolution s'est
concrétisée par la mise en cause de plusieurs responsables, sans
toutefois entraîner de bouleversement majeur au sein de l'équipe
dirigeante.
2. L'environnement international du Vietnam
Le
Vietnam a fait de l'intégration régionale la priorité
majeure de sa politique extérieure. A ce titre, son
adhésion
à l'Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN),
en juillet
1995, marque une étape très importante. L'objectif est tout
autant politique qu'économique, puisque l'ASEAN entend édifier
une zone de libre échange que le Vietnam pourrait rejoindre en 2006.
De ses trois voisins, c'est sans doute
la Chine
qui demeure pour Hanoi
le principal sujet de préoccupation. La normalisation des relations
intervenue en 1991 n'a pas effacé tous les sujets de friction. Des
litiges subsistent toujours sur le tracé des frontières maritimes
au Tonkin et au sujet de la souveraineté sur les îles Paracels et
Spratley, en mer de Chine du sud, revendiquée par plusieurs Etats de la
zone. Un accord de délimitation des frontières terrestres a
néanmoins été signé le 30 décembre 1999
entre la Chine et le Vietnam.
Le Vietnam entretient d'excellentes relations avec
le Laos
alors qu'avec
le Cambodge
, malgré la persistance de certains contentieux
liés aux frontières ou au statut de la communauté
vietnamienne, les liens se sont raffermis. Le Vietnam a soutenu la demande
d'admission, devenue effective en avril 1999, du Cambodge à l'ASEAN.
La rencontre le 20 octobre 1999 à Vientiane des Premiers ministres du
Laos, du Cambodge et du Vietnam, semble témoigner de la volonté
de réactiver une relation étroite entre les trois pays de la zone.
Enfin, une étape importante a été franchie dans la
normalisation des relations avec les Etats-Unis,
avec
l'accréditation, en mai 1997, du premier ambassadeur américain
à Hanoi depuis la fin de la guerre. Une délégation
gouvernementale vietnamienne s'est rendue à Washington en octobre 1998
alors que le secrétaire d'Etat américain à la
défense, M. Cohen, vient d'effectuer une visite au Vietnam en mars
2000.
B. L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE : LA MISE EN oeUVRE PRUDENTE DES RÉFORMES STRUCTURELLES
La
politique de rénovation entreprise par les autorités
vietnamiennes reposait sur des
réformes structurelles
qui ont
été engagées de manière prudente.
Le droit à la propriété privée et l'existence d'un
secteur économique non étatique ont été reconnus
par la Constitution de 1992. Pour autant le
secteur public
,
prépondérant dans l'industrie lourde, l'énergie, le
transport, les banques ou les assurances, représente toujours environ le
tiers du PIB. Les
privatisations
ont été amorcées
mais l'adaptation de ces entreprises à l'économie de
marché et le changement de leur mode de gestion s'effectuent lentement.
La loi du 12 novembre 1996 relative aux investissements étrangers est
venue compléter le cadre juridique qui a présidé à
l'ouverture du Vietnam aux sociétés étrangères.
Celles-ci ont investi près de 40 milliards de dollars, dont les deux
tiers au sein de sociétés conjointes et environ un
cinquième au sein de sociétés purement
étrangères. On observera que la procédure de
délivrance des licences d'investissement a été
décentralisée au niveau des provinces.
La
réforme bancaire
a été elle aussi engagée
avec l'adoption d'une loi bancaire permettant de favoriser les rapprochements
ou fusions entre établissements.
Sur le plan macro-économique, après
dix années de forte
croissance annuelle de l'ordre de 8 à 10 %
(9,5 % en 1995, 9,3 % en
1996, 8,7 % en 1997), la crise asiatique a provoqué un ralentissement de
l'expansion, la croissance s'étant limitée à 5,8 % en 1998
et, selon les premières estimations, à 4,8 % en 1999.
Si l'on peut estimer que le Vietnam a, dans un premier temps, été
largement épargné par les effets de la crise régionale,
son retard de développement offrant moins de prise à la
propagation de la tourmente financière, il en a néanmoins subi
dans un second temps plusieurs conséquences : un tarissement des
investissements des pays de la zone, un ralentissement de ses exportations, une
perte d'avantage compétitif qui l'a forcé à
dévaluer sa monnaie, le dong, devenue trop forte au regard des monnaies
de la région.
Après avoir été multipliés par cinq entre 1992 et
1998, les
échanges commerciaux
connaissent depuis deux ans une
certaine stagnation sous l'effet de la crise économique
régionale. Le commerce extérieur vietnamien, insuffisamment
diversifié, demeure dépendant des ventes de pétrole et de
produits agricoles et alimentaires de base, en particulier du riz, dont il est
le deuxième exportateur mondial.
Les
investissements étrangers
, qui avaient atteint le niveau
record de 4,1 milliards de dollars en 1998, se sont fortement
contractés, se limitant à 1,2 milliard de dollars en 1999.
Le Vietnam bénéficie d'une
aide très importante de la
communauté internationale
et a obtenu en 1993 un traitement de sa
dette en Club de Paris. Au mois de décembre dernier, le groupe
consultatif de la Banque mondiale a permis de réunir de la part des
différents donateurs 2,1 milliards de dollars d'aide au
développement au profit du Vietnam, auxquels s'ajoute une aide
conditionnelle supplémentaire de 700 millions de dollars, liée
à la poursuite des réformes économiques, notamment en ce
qui concerne les entreprises publiques et le secteur bancaire.
II. LES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-VIETNAMIENNES
La France qui, après son retrait d'Indochine, avait continué à entretenir des relations officielles avec les deux républiques vietnamiennes du nord et du sud, a vu depuis une dizaine d'années ses relations avec le Vietnam connaître un essor remarquable, tant sur le plan politique que sur le plan économique, la France étant le premier partenaire occidental du Vietnam. Ces bonnes relations se concrétisent par une coopération et une assistance technique substantielles et diversifiées, la France étant le deuxième fournisseur d'aide après le Japon.
A. DES RELATIONS POLITIQUES CONFIANTES ET ÉTROITES
A la
suite des accords de Genève de 1954 et de la partition du pays, la
France a été représentée par deux
" délégations générales du
gouvernement ", l'une à Hanoi, l'autre à Saigon. Depuis
1976, date de la réunification du Vietnam, la France est
représentée par une ambassade à Hanoi.
La stabilisation de l'environnement régional, avec le règlement
de la question cambodgienne, et les nouvelles orientations politiques
définies par Hanoi, ont constitué, à partir de la fin des
années 1980, un facteur très favorable au renforcement et au
développement de
relations bilatérales confiantes et
étroites.
La France a été l'un des premiers pays occidentaux à
soutenir le Vietnam dans sa politique de rénovation et à
favoriser sa réintégration dans la communauté
internationale. Son rôle a été déterminant en 1993,
dans la conclusion de l'accord qui a permis au Vietnam de régulariser sa
situation vis-à-vis des institutions financières internationales
et de bénéficier d'une reprise des financements de la Banque
mondiale et de la Banque asiatique du développement.
La France a également soutenu la signature d'un accord-cadre de
coopération avec l'Union européenne, intervenue le 17 juillet
1995.
Membre de la francophonie depuis 1970, le Vietnam en a accueilli le VIIe sommet
en novembre 1997. A cette occasion, la visite d'Etat du Président de la
République a permis de réaffirmer l'étroitesse des
relations bilatérales.
Depuis lors, les visites bilatérales se sont succédé
à un rythme soutenu, le Premier ministre vietnamien s'étant rendu
à Paris en avril 1998, ainsi que deux ministres en 1999, alors que
quatre ministres français se sont déplacés au Vietnam au
cours de l'année 1999.
B. L'ESSOR DES RELATIONS ÉCONOMIQUES
Dans le
domaine économique, nos échanges avec le Vietnam ont
été multipliés par sept au cours de la dernière
décennie, pour atteindre 5,1 milliards de francs en 1998.
Ce dynamisme est surtout imputable aux
importations en France de produits
vietnamiens
, qui se sont considérablement développées
grâce à l'accord-cadre avec l'Union européenne et qui
atteignaient
3,3 milliards de francs en 1998.
Ces importations se
concentrent sur trois types de produits : l'agro-alimentaire, les produits
du cuir, le textile et l'habillement.
Parallèlement, la France a vu diminuer ses
exportations au
Vietnam
, qui n'atteignaient que
1,8 milliard de francs en 1998
, soit
une diminution de plus de moitié en deux ans. Cette évolution,
liée au cours irrégulier des fournitures de biens
d'équipement professionnels et de biens intermédiaires dans le
cadre des grands contrats, s'est traduite par un recul notable de nos parts de
marché, tombées à 3 % en 1998 contre 4,3 % en 1995.
Au total, notre
solde commercial
, largement excédentaire en 1995,
est
devenu déficitaire en 1997
et atteignait 1,3 milliard de
francs en 1998.
La France n'était en 1998 que le 8
e
fournisseur du
Vietnam
, loin derrière Singapour (21 % des importations), le
Japon, la Corée du sud et Taiwan (12 %), la Thaïlande (5,6 %) et
Hongkong (4,5 %).
Depuis l'ouverture du Vietnam aux investissements étrangers, en 1987,
la France a réalisé un montant cumulé de près de
1,5 milliard de dollars d'investissements,
ce qui la place au
6
e
rang des investisseurs
, derrière les pays de la
zone (Singapour, Taiwan, Japon, Corée et Hongkong), mais devant les
Etats-Unis et les autres pays européens.
Environ 200 entreprises françaises sont aujourd'hui présentes au
Vietnam, un tiers des licences accordées concernant les domaines de
l'eau, des transports et des télécommunications, suivis par
l'agro-alimentaire (19 %), l'hôtellerie et le tourisme (16 %)
et l'industrie (14 %). La majorité de ces investissements est
réalisée sous forme de coentreprises. Plus de 60 % des
investissements français se concentrent dans le sud du pays.
C. UNE COOPÉRATION DIVERSIFIÉE DISPOSANT DE MOYENS FINANCIERS CONSÉQUENTS
La
France se place actuellement au second rang des donateurs bilatéraux
pour le Vietnam, après le Japon, avec
390 millions de francs d'aide
publique au développement en 1998
(373 millions de francs en 1997).
Cette aide publique transite par trois canaux principaux :
- les crédits mis en oeuvre par le
service culturel et de
coopération
(72 millions de francs en 1997),
- les
protocoles financiers
(près de 185 millions de francs en
1997, dont 11 millions de francs à titre de don),
- les
financements de l'Agence française de développement
(environ 50 millions de francs en 1997) essentiellement sous forme de
prêts.
L'Agence française de développement a concentré ses
interventions dans l'industrie agroalimentaire (sucrerie, produits laitiers,
café...) et le développement rural.
Les protocoles financiers privilégient les travaux d'infrastructures et
d'équipements exigeant des investissements lourds et onéreux dans
les domaines de l'eau, des télécommunications et des transports.
La
coopération scientifique et technique
a été
recentrée en 1998 autour de quatre pôles principaux :
- la formation des élites dans le cadre de la coopération
interuniversitaire et de la politique d'appui à des programmes
mobilisateurs de recherche, en particulier sur le thème de l'eau et de
l'environnement, avec une promotion associée des technologies de pointe
française ;
- la formation professionnelle en relation étroite avec le
développement des entreprises industrielles et commerciales dans les
principaux secteurs de coopération économique avec le
Vietnam ;
- le développement rural autour de projets intégrés
(systèmes agraires du fleuve rouge, systèmes agraires tropicaux,
développement des zones de montagne, formation de formateurs en science
vétérinaire) ;
- la coopération médicale (formation d'internes et de
spécialistes dans dix filières ainsi qu'en pharmacie, biologie,
assistance hospitalière et santé publique).
Les
formations en coopération
ont été
développées tant
au Vietnam
(Maison du droit
franco-vietnamienne, centre franco-vietnamien de formation à la gestion,
institut francophone d'informatique) qu'en
France
.
Les
actions de formation en France
représentent plus de 40 % de
l'enveloppe de coopération scientifique et technique et près du
quart de l'ensemble des moyens mobilisés en faveur du Vietnam par la
direction générale de la coopération culturelle,
scientifique et technique du ministère des affaires
étrangères.
Plus de
600 étudiants et stagiaires vietnamiens poursuivent
annuellement des études ou des stages en France
avec des bourses du
gouvernement français ou une prise en charge sur des fonds publics
français.
De 1990 à fin 1997, près de 3 000 jeunes Vietnamiens se sont
rendus en France pour des études longues (environ les trois quarts du
total) ou pour des formations courtes de spécialisation, soit dans des
universités françaises, soit dans des instituts supérieurs
spécialisés. La France est de ce fait au premier rang des pays
contribuant aux actions en faveur de l'éducation et de la formation.
La
coopération linguistique
s'appuie sur un
programme
d'enseignement bilingue primaire et secondaire
concernant désormais
plus de 600 classes et 18 000 élèves et sur la mise en place
d'une quarantaine de
filières francophones universitaires
concernant plus de 3 300 étudiants. Elle participe à la formation
des professeurs de français en tant que langue étrangère,
des enseignants des classes bilingues et des futurs professeurs des
filières universitaires francophones.
L'ambassade de France a également ouvert
quatre centres de
français
à Hué, Danang, Nhatrang et Cantho qui jouent
le rôle de relais des programmes de coopération linguistique et
éducative.
Cet effort de promotion de la francophonie, appuyé par les
autorités vietnamiennes qui tiennent à marquer la
spécificité de leur pays en Asie, a pour ambition de maintenir
une place pour le français alors que l'anglais s'impose comme langue des
affaires, largement enseignée dans les universités.
III. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE CIVILE : UNE ILLUSTRATION DE LA COOPÉRATION JURIDIQUE FRANCO-VIETNAMIENNE
La France et le Vietnam ont développé une coopération bilatérale dans le domaine juridique qui s'appuie principalement sur la Maison du droit franco-vietnamienne créée à Hanoi en 1993. Cette structure vouée à la formation et à la documentation joue également un rôle important pour l'élaboration de textes normatifs vietnamiens dans le domaine civil, pénal ou commercial. C'est dans ce contexte de coopération très étroite qu'il convient de replacer la signature de la convention d'entraide judiciaire en matière civile, premier instrument de cette nature conclu par le Vietnam avec un pays occidental.
A. LA COOPÉRATION FRANCO-VIETNAMIENNE DANS LE DOMAINE JURIDIQUE
La
Maison du droit franco-vietnamienne
, créée à Hanoi
en novembre 1993 sur la base d'une convention intergouvernementale
signée le 10 février 1993, constitue
l'instrument majeur
de la coopération juridique franco-vietnamienne.
Abritée par l'école supérieure de droit d'Hanoi, son
fonctionnement courant est, dans un premier temps, financé par la France.
Elle est investie des
missions
suivantes : faciliter
l'échange d'informations entre les établissements et institutions
susceptibles de contribuer à la coopération juridique et
administrative ; identifier les besoins des autorités vietnamiennes
en matière de formation des professionnels du droit ; mettre
à disposition une documentation juridique actualisée sur les
droits vietnamiens et français ; organiser des conférences
ainsi que des expertises sur les réformes judiciaires et administratives
du Vietnam.
Espace privilégié d'échanges de haut niveau sur les
thèmes jugés prioritaires par les juristes vietnamiens dans le
processus de rénovation du dispositif juridique du Vietnam, elle
bénéficie du concours du ministère de la justice
français, du barreau de Paris et des barreaux de province, du notariat,
des huissiers de justice, de l'université et des grandes écoles.
Egalement centre de recherche et de documentation, elle dispose d'un fonds de
près de trois mille ouvrages couvrant tous les domaines du droit
français et vietnamien ainsi que d'une banque de données
informatisée sur les législations française et
vietnamienne et la jurisprudence. Elle suit un programme de traductions et de
publications du vietnamien en français et du français en
vietnamien des textes fondamentaux ou des dernières lois votées
par l'Assemblée nationale du Vietnam.
Visant à la constitution d'un vivier de
juristes francophones au
Vietnam,
elle dispense par son équipe pédagogique permanente
de quinze professeurs, vietnamiens (11) et français (4), des
enseignements annuels de français juridique et assure
l'été une mise à niveau en français des vietnamiens
sélectionnés pour des bourses d'étude ou de stage dans le
domaine juridique en France.
Depuis sa création, la Maison du droit a accueilli un public
varié de juristes, étudiants, chercheurs et praticiens du droit,
tant vietnamiens que français.
Actuellement s'effectue un travail important en vue de l'élaboration
d'un code de procédure qui régira l'ensemble des matières
de droit privé (civil, économique et social). L'adoption de
règles identiques ou similaires à celles pratiquées en
France devrait faciliter l'activité des acteurs économiques
français sur place et des cabinets juridiques qui accompagnent leur
action.
Outre la convention d'entraide judiciaire en matière civile, la
coopération juridique franco-vietnamienne s'est renforcée par la
signature à Hanoi le 1
er
février 2000 d'une convention
bilatérale sur les adoptions.
B. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE CIVILE
A la
suite de l'adoption par le Vietnam, en 1995, d'un code civil puis d'une loi sur
la matière commerciale, alors que par ailleurs étaient
menés les travaux préparatoires à la rédaction d'un
code de procédure civile, la France a proposé l'ouverture de
négociations en vue de la conclusion d'une
convention d'entraide
judiciaire en matière civile.
Cinq domaines ont été retenus
: l'accès à
la justice, la commission rogatoire, l'authentification des actes,
l'information sur le droit étranger et le régime de
reconnaissance et d'exécution des décisions
étrangères. Le projet de convention élaboré par la
partie française a été discuté au cours de
l'année 1998, la convention ayant été signée
à Paris le 24 février 1999.
Cette convention comporte des
dispositions très similaires à
celles des conventions bilatérales de même nature
déjà conclues par la France,
les dispositions relatives
à l'accès à la justice, à la transmission des actes
et des commissions rogatoires et les règles concernant la reconnaissance
et l'exécution des décisions ainsi que la légalisation
étant, sous réserve de quelques nuances rédactionnelles,
la reprise des dispositifs habituellement admis dans nos accords.
Le chapitre premier concerne les
dispositions générales
.
L'article premier pose le principe de l'entraide judiciaire réciproque
et
définit la matière civile
, qui comprend le droit civil,
le droit de la famille, le droit commercial et le droit du travail. Votre
rapporteur observe que ce champ d'application est large, ce dont il faut se
féliciter, mais qu'il pourrait donner lieu à certaines
difficultés d'interprétation
, le droit vietnamien
n'opérant pas la même distinction que le droit français
entre matière civile et commerciale. On oppose en effet au Vietnam le
droit civil et le " droit économique ", la législation
commerciale ne relevant pas clairement de l'un ou l'autre domaine.
L'article 2 attribue aux ministères de la justice des deux pays la
responsabilité de l'exécution de la convention ; ils
correspondront directement, le pays requérant accompagnant sa demande
d'une traduction dans la langue de l'Etat requis. Le principe selon lequel
l'exécution des demandes d'entraide peut être refusée si
elle va à l'encontre de la souveraineté, de la
sécurité ou de l'ordre public de l'Etat requis est posé
par l'article 3. L'article 4 prévoit la communication sur demande
par les ministères de la justice de toutes informations sur le droit en
vigueur dans leur Etat, ainsi que des expéditions de décisions
judiciaires.
Les dispositions relatives à l'
accès à la justice
sont clairement individualisées au sein du chapitre II. Elles
reprennent des
principes traditionnels
: libre accès
à la justice, sans obligation de dépôt ou de cautionnement
préalable, accès à l'assistance judiciaire,
c'est-à-dire l'exonération totale ou partielle des frais et
dépens de procès ainsi que de la rémunération des
auxiliaires de justice, dans les mêmes conditions que les nationaux.
L'article 10 de la convention prévoit en outre l'exécution
gratuite, sur demande du ministère de la justice, des décisions
de condamnation aux frais et dépens du procès prononcées
contre une personne dispensée de caution ou de dépôt.
Les
modalités de transmission et de remise des actes
sont
définies au chapitre III.
L'article 11 pose le
principe de la traduction des actes
: ceux-ci sont
adressés en double exemplaire et accompagnés d'une traduction
dans la langue de l'Etat requis. Votre rapporteur précise que l'absence
d'huissier de justice au Vietnam peut constituer une difficulté pour la
notification des décisions de justice.
Le chapitre IV, relatif à l'
obtention de preuves
, précise
les modalités d'exécution des commissions rogatoires.
L'article 15 précise ainsi que
"l'autorité judiciaire de l'un
des deux Etats peut demander à l'autorité judiciaire de l'autre
Etat de procéder aux mesures d'instruction qu'elle estime
nécessaires dans le cadre de la procédure dont elle est saisie".
Le même article énumère les indications que doivent
contenir les demandes d'obtention de preuves. Celles-ci doivent être
accompagnées d'une traduction dans la langue de l'Etat requis.
Les commissions rogatoires doivent être exécutées dans les
meilleurs délais possibles et selon les formes prévues par la
législation de l'Etat requis, à moins que l'Etat requérant
ne demande une forme spéciale compatible avec cette législation
(article 17). Seuls les frais résultant de l'application d'une forme
spéciale et les indemnités payées aux experts sont
à la charge de l'Etat requérant (article 18).
Le chapitre V concerne la
reconnaissance et l'exécution des
décisions judiciaires.
L'article 21 cite les différentes
conditions nécessaires pour qu'une décision rendue dans l'un des
Etats soit déclarée exécutoire dans l'autre : il faut
notamment que la décision émane d'une juridiction
compétente selon le droit de l'Etat requis et que la décision
soit passée en force de chose jugée et soit exécutoire. Le
caractère définitif de la décision n'est toutefois pas
exigé pour les décisions relatives aux obligations alimentaires,
au droit de garde d'un mineur ou du droit de visite. L'exequatur n'est pas
prononcé si un litige entre les mêmes parties et ayant le
même objet est pendant devant un tribunal de l'Etat requis, premier
saisi, ou a déjà donné lieu dans ce dernier à une
décision antérieure à celle dont l'exequatur est
demandé ou, dans le cas d'une décision prononcée dans un
Etat tiers, si elle remplit toutes les conditions de reconnaissance dans l'Etat
requis.
La procédure de reconnaissance et d'exécution est régie
par le droit de l'Etat requis et le juge de l'exequatur ne procède
à aucun examen au fond de la décision étrangère qui
lui est soumise. Toutefois, si cette dernière statue sur plusieurs chefs
de décisions, l'exécution peut n'être accordée que
partiellement (article 22). Votre rapporteur précise que la
procédure d'exequatur en droit vietnamien est aujourd'hui longue et
complexe.
L'article 23 énumère les pièces qui doivent être
produites avec la demande et qui sont accompagnées d'une traduction
certifiée conforme par un agent diplomatique ou consulaire ou par toute
personne habilitée à cet effet sur le territoire de l'un des deux
Etats : une copie certifiée de la décision, la preuve de la
signification ou de la notification à la partie adverse,
éventuellement une copie certifiée de la citation de la partie
qui a fait défaut à l'instance, la preuve du caractère
définitif et exécutoire de la décision à moins que
cette dernière ne vise une obligation alimentaire, le droit de garde
d'un mineur ou le droit de visite.
Le chapitre VI traite des
sentences arbitrales. L'article 24
renvoie au
régime de reconnaissance et d'exécution des sentences arbitrales
fixé par la convention de l'Organisation des Nations unies du 10 juin
1958 à laquelle la France et le Vietnam sont Parties.
Le chapitre VII concerne les
actes d'état civil et les dispenses de
légalisation.
Sur demande présentée dans un intérêt administratif
dûment spécifié, chaque Etat communique à l'autre
les actes d'état civil et les décisions s'y rapportant concernant
les ressortissants de l'autre Etat. Les demandes et les actes d'état
civil sont adressés par la voie diplomatique ou consulaire et les
demandes et expéditions des décisions judiciaires par les
autorités centrales (
article 25
). On observera, sur ce plan,
qu'il n'existe pas encore au Vietnam de système d'état civil
entièrement fiable. De surcroît, la situation juridique des
Vietnamiens ayant quitté le sol national après 1954 et
après 1975 est incertaine, une partie d'entre eux ayant conservé
leur nationalité alors que d'autres en ont été
déchus.
L'article 26
dispose que les actes visés dans la convention sont
dispensés de légalisation. Toutefois, dans des cas qui doivent
rester exceptionnels et être motivés, lorsque des doutes
pèsent sur l'un des éléments constitutifs de l'acte, une
vérification d'authenticité peut être demandée.
Le chapitre VIII, intitulé "Dispositions finales", stipule notamment que
les difficultés d'application de la convention seront
réglées par la voie diplomatique (article 28). L'article 29 fixe
les modalités d'entrée en vigueur et l'article 30 précise
que la convention est conclue pour une durée illimitée mais que
chacun des deux Etats pourra à tout moment la dénoncer avec un
préavis de 6 mois.
CONCLUSION
L'ouverture du Vietnam aux échanges internationaux et
l'intensification des relations bilatérales justifient la signature
d'une convention d'entraide judiciaire en matière civile, à
l'image des instruments que la France a conclus avec de nombreux pays.
Cette convention facilitera en effet le déroulement des
procédures liées à d'éventuels contentieux
privés dont le nombre suivra probablement l'intensification des
échanges. Elle est notamment très attendue par les
sociétés françaises qui effectuent au Vietnam des
investissements ou de simples opérations commerciales et qui ne
disposent, pour le moment, en cas de conflit à l'encontre d'une
société vietnamienne, que du recours à l'arbitrage, au
Vietnam ou à l'étranger, auprès d'instituts
spécialisés dans le règlement des litiges ou encore aux
cours économiques vietnamiennes.
Bien que l'on puisse craindre, à l'image de la convention fiscale de
non-imposition, certaines difficultés d'application, cette convention
d'entraide judiciaire en matière civile permettra d'accroître la
sécurité juridique pour toutes les entreprises françaises
travaillant avec des entreprises vietnamiennes.
Au-delà de cet intérêt pratique incontestable, il est
heureux de constater que cette convention sera la première de ce type
signée par le Vietnam avec un pays occidental. Nous pouvons y voir
l'illustration de la réussite de l'assistance fournie par la France dans
le domaine juridique, au travers de la Maison du droit franco-vietnamienne
notamment, mais aussi plus généralement de la place de premier
plan qu'occupe notre pays au Vietnam en matière d'aide et de
coopération.
Pour cet ensemble de raisons, votre commission vous demande d'adopter le projet
de loi autorisant la ratification de la présente convention.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
de sa réunion du mercredi 22 mars, la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées a
examiné le présent rapport.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Christian de La Malène a
constaté que l'aspiration de plus en plus forte du peuple vietnamien au
progrès économique risquait de mal s'accommoder d'un
système politique qui n'a guère évolué. Il s'est
par ailleurs interrogé sur l'intérêt, semble-t-il moins
fort que par le passé, manifesté par les industriels
français, à l'égard du Vietnam.
M. Aymeri de Montesquiou a évoqué l'état des relations
politiques entre le Vietnam et Taïwan.
M. Emmanuel Hamel a demandé des précisions sur l'accueil en
France d'étudiants vietnamiens.
M. Serge Vinçon, vice-président, a souligné
l'intérêt d'une politique de visas adaptée à la
demande d'étudiants étrangers désireux de poursuivre leur
formation dans notre pays.
En réponse à ces interventions, M. Michel Caldaguès,
rapporteur, a apporté les précisions suivantes :
- il est logique que l'intérêt des entreprises françaises
pour le Vietnam ait été plus fort au moment où les
meilleures opportunités se sont présentées ; par
ailleurs, certaines difficultés administratives et l'effet de la crise
asiatique ont freiné les investissements, même si les entreprises
françaises continuent d'emporter d'importants succès, comme le
marché d'équipement téléphonique d'une partie de la
ville de Saïgon confié à France Telecom,
- Taïwan constitue l'un des tous premiers partenaires économiques
du Vietnam,
- la France accorde des bourses pour près de 600 étudiants
vietnamiens chaque année et aurait intérêt à
accroître son effort, compte tenu de la forte attente du Vietnam en ce
domaine. La formulation d'une politique des visas cohérente à
l'égard des étudiants étrangers constitue une
priorité.
La commission a alors adopté le projet de loi autorisant la ratification
de la convention d'entraide judiciaire entre la France et le Vietnam.
PROJET DE LOI
(Texte
présenté par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam, signée à Paris le 24 février 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
ANNEXE
ETUDE D'IMPACT
-
Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances
L'ouverture d'une maison du droit franco-vietnamienne à Hanoi a
été un indice précurseur de la disponibilité des
autorités de Hanoi en faveur d'une entraide judiciaire bilatérale.
L'adoption d'un code civil vietnamien, d'une loi sur la matière
commerciale ainsi que l'étude d'un projet de code de procédure
civile ont fait entrer le Vietnam dans la famille des pays de droit
écrit. Ces considérations ont milité en faveur de
l'ouverture de négociations. La matière choisie en premier lieu a
été l'entraide civile. De fait, une convention a
été signée en cette matière le 24 février
1999.
Cette convention d'entraide judiciaire en matière civile et commerciale,
qui est la première du genre signée par Hanoi avec un pays
occidental, ouvre la voie à une entraide judiciaire qui devrait
rapidement être renforcée par une convention en matière
d'adoption.
-
Bénéfices escomptés en matière :
.
d'emploi :
sans objet.
.
d'intérêt général :
la
convention tend à promouvoir l'entraide en matière civile et est
de nature à rassurer les investisseurs français au Vietnam.
.
financière :
les dépenses
supplémentaires susceptibles de résulter de l'application de
l'accord ont trait à l'aide juridictionnelle.
.
de simplification des formalités administratives :
l'accord doit permettre une exécution des demandes d'entraide sur la
base d'un texte ainsi qu'une reconnaissance et une exécution des
décisions judiciaires.
.
de complexité de l'ordonnancement juridique :
l'accord institue des modes plus directs de coopération
judiciaire.
1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 218 (1999-2000).