2. Une interrogation : la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation
a) La séparation traditionnelle entre " milieu ouvert " et " milieu fermé "
En " milieu ouvert ", l'insertion était traditionnellement de la responsabilité des comités de probation et d'assistance aux libertés (CPAL). Ces comités avaient pour rôle essentiel d'assister le juge de l'application des peines dans la mise en oeuvre de ses décisions. Ils assuraient une mission de contrôle et veillaient au respect des obligations ou des conditions imposées par les autorités judiciaires dans les cas suivants : sursis ou ajournement avec mise à l'épreuve, libération conditionnelle, travail d'intérêt général, interdiction de séjour, contrôles judiciaires.
Ils pouvaient également effectuer des enquêtes sociales. En outre, les CPAL mettaient en oeuvre les mesures d'aides propres à favoriser la réinsertion sociale des personnes prises en charge et apportaient un soutien aux sortants de prison.
En " milieu fermé ", les travailleurs sociaux des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires étaient les personnes chargées de mener l'insertion du détenu, à partir des premiers entretiens réalisés à l'entrée en détention (immatriculation à la sécurité sociale, repérage de l'illettrisme, etc.)
La distinction entre " milieu ouvert " et " milieu fermé " ne permettait pas un " suivi " cohérent du détenu, avant et après son jugement.
b) La nouvelle organisation
Le décret du 13 avril 1999 modifie le code de procédure pénale et porte création des " services pénitentiaires d'insertion et de probation " (SPIP), qui opèrent la fusion des travailleurs sociaux des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires et des CPAL.
Cette nouvelle organisation est pilotée par un directeur départemental des services pénitentiaires d'insertion et de probation, qui est un cadre pénitentiaire. Elle assure l'exécution des peines et des mesures prononcées par l'autorité judiciaire, avant ou après jugement, dans un souci d'individualisation. La création des SPIP doit également permettre une plus grande implication des collectivités locales et des services déconcentrés de l'Etat qui ont en charge la réalisation des politiques d'action sociale. La continuité de la prise en charge des publics concernés vise à renforcer l'action de prévention de la récidive.
Quatre-vingt-dix-huit services d'insertion et de probation ont été créés par arrêtés individuels le 7 juin 1999, publiés au Journal officiel du 3 juillet 1999. Les départements de Corse ont fait l'objet d'un arrêté du 11 août 1999, publié au Journal officiel du 21 août 1999.
Quatre-vingt-huit emplois de directeurs ont été pourvus (douze directeurs assumant la charge de deux départements, dont les faibles effectifs de personnels ne justifiaient pas la création d'un emploi).
Le renforcement des effectifs de travailleurs sociaux pénitentiaires, amorcé en 1995, permettra de doubler à terme les emplois attribués au milieu ouvert.
Par ailleurs, toutes les juridictions ne pouvant accueillir ces nouveaux personnels, une opération de relogement des services pénitentiaires d'insertion et de probation a été engagée depuis 1998.
Ces services disposent de compétences élargies par rapport aux missions des services socio-éducatifs, notamment en matière de formation professionnelle et en matière sportive.
L'ambition est d'établir un cadre nouveau pour les relations du SPIP avec les autorités judiciaires, avec la définition d'un rôle spécifique du juge de l'application des peines. Compte tenu de ses champs de compétence en matière d'application des peines et de sa connaissance globale des problématiques de réinsertion des personnes placées sous main de justice, ce juge se voit reconnaître un rôle fonctionnel de liaison et de synthèse entre le SPIP et les autres magistrats mandants.
c) Un premier bilan mitigé
Du point de vue des détenus, l'ex " travailleur social " est moins présent en détention, puisque sa compétence est départementale et s'étend au milieu ouvert. Elle a conduit les grandes maisons d'arrêt, comme celle de Fleury-Mérogis, à engager une " départementalisation ".
Pour les intervenants extérieurs, la réforme a été " déstabilisante pour les détenus. Cette année, nous avons beaucoup nagé : en milieu fermé, nous avions l'habitude de contacter un des travailleurs sociaux de la prison après chaque intervention. Au début, nous avions l'impression d'un conflit de compétences : la mission de garde aux surveillants et directeur, la mission de réinsertion au conseiller d'insertion et de probation. Aujourd'hui, nous n'avons plus un seul référent mais un comité de référence " 36 ( * ) .
La réforme semble avoir eu des conséquences variables selon les départements : certains SPIP ont défini des " fiches de projet très précises " ; pour d'autres départements, rien n'a changé.
A terme, lorsque la réforme sera pleinement effective (en 2003 selon le ministère), " la cohérence des projets socioculturels et éducatifs en prison y gagne ou va y gagner " .
Il reste que la crainte d'une " balkanisation " de la prison ne peut être écartée : est-il souhaitable de déléguer à un service départemental l'ensemble des tâches d'insertion ? Est-il souhaitable de cantonner les directeurs et les surveillants dans leur rôle de porte-clés ?
Il apparaît pourtant essentiel d'intéresser les directeurs d'établissement et les surveillants à l'insertion des détenus. Le moteur principal de l'insertion reste, au-delà des nécessaires activités socioculturelles, le travail, comme l'ont confirmé, devant la commission, deux chefs d'entreprise incarcérés, MM. Le Floch-Prigent et Prompsy .
Par le travail, même répétitif, même peu qualifié, le détenu commencera son insertion ou sa réinsertion dans un cadre collectif. Il pourra acquérir une formation minimale, dans des métiers manuels où le manque de personnels commence à faire aujourd'hui défaut (bâtiment, menuiserie...).
Or, l'organisation de ce travail, la recherche des concessionnaires et le suivi de leur activité sont, à l'évidence, de la responsabilité des directeurs d'établissement et des directions régionales.
* 36 cf. audition de Mme Cécile Rucklin, présidente du GENEPI.