2. Instaurer des " passerelles " pour un retour des emplois-jeunes vers les entreprises
Face à l'incertitude d'une solvabilisation durable des emplois créés, il importe d'ores et déjà de réfléchir à la mise en place de " passerelles " permettant aux emplois-jeunes de s'insérer durablement dans le secteur marchand en valorisant leur expérience acquise.
Il serait en effet irresponsable d'attendre la fin des aides publiques pour se préoccuper de l'avenir professionnel des jeunes , et notamment de ceux pour lesquels les perspectives de pérennisation du poste sont les plus faibles.
Plusieurs pistes doivent ici être explorées dans les meilleurs délais.
a) Revoir le fonctionnement des plates-formes régionales de professionnalisation afin de mieux associer les entreprises
Aujourd'hui, les plates-formes fonctionnent en circuit fermé et ne s'ouvrent pas au secteur marchand. Elles reposent en effet sur une logique en définitive pernicieuse qui suppose que tous les emplois créés seront pérennisés. Si cela est évidemment souhaitable, cela semble largement irréaliste et participe de la politique de l'autruche.
Une meilleure association avec les entreprises aurait pourtant un double avantage . D'une part, elle permettrait de mieux faire connaître les compétences actuellement recherchées par les entreprises et en conséquence de définir des modes de professionnalisation pertinents, permettant le recrutement des jeunes en l'absence de pérennisation des postes. D'autre part, elle rapprocherait les jeunes et les entreprises, facilitant ainsi les perspectives de recrutement des jeunes ayant acquis une expérience professionnelle ou un savoir-faire.
b) Inciter les employeurs à contractualiser avec les entreprises
La démarche initiée par l'Education nationale, qui a signé des accords-cadres nationaux et régionaux avec les entreprises en vue de préparer le recrutement des aides éducateurs, devrait être étendue à l'ensemble des secteurs.
Les employeurs -soit directement s'ils sont suffisamment importants, soit par l'intermédiaire de fédérations professionnelles- pourraient ainsi conclure des accords avec des entreprises choisies en fonction de l'adéquation entre leur activité et l'expérience professionnelle acquise par les emplois-jeunes afin de préparer le recrutement des jeunes que l'employeur ne sera pas en mesure de garder.
Une telle démarche apparaît d'autant plus praticable que les entreprises y trouveraient un intérêt certain : les jeunes ont déjà été sélectionnés et ont acquis une réelle expérience professionnelle.
Il serait également souhaitable de ne pas laisser les jeunes les moins qualifiés, qui n'ont pu accéder à des formations qualifiantes lors de leur contrat emploi-jeune, en marge de cette démarche de contractualisation.
Ainsi, il faudrait étudier la possibilité d'ouvrir le contrat de qualification adultes aux jeunes de plus de 25 ans sortant du dispositif.
La loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a en effet prévu l'ouverture, à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2000, des contrats de qualification aux adultes 25 ( * ) . Cette mesure reste cependant pour l'instant décevante, seuls 3.236 contrats ayant été enregistrés fin décembre 1999 pour un objectif de 10.000 contrats. Le Gouvernement souhaite d'ailleurs relancer ce programme 26 ( * ) .
Or, l'âge moyen d'entrée dans le dispositif des emplois-jeunes était de 24,2 ans, hors Education nationale et Police nationale, en 1999. Dès lors, la plupart des jeunes qui sortent du dispositif de manière anticipée ou qui sortiront à l'issue de leur contrat de cinq ans, ont plus de 25 ans. Mais ils ne peuvent pourtant bénéficier du contrat de qualification adultes car ils ne peuvent justifier de douze mois de chômage durant les dix-huit derniers mois.
c) Promouvoir les possibilités de multisalariat en temps partagé
Les difficultés de solvabilisation des emplois ne permettront pas à de nombreux employeurs de garantir, à l'extinction de l'aide publique, au jeune un emploi à temps complet. Il est alors souhaitable de favoriser le multisalariat, l'emploi-jeune restant employé à temps partiel par son ancien employeur et étant sous contrat, pour le temps restant, avec une entreprise .
Le multisalariat permettrait également à un jeune d'être plus facilement employé par plusieurs employeurs, ceux-ci n'ayant pas forcément besoin d'un salarié à temps complet ou n'ayant pas nécessairement les moyens financiers suffisants.
Une telle perspective apparaît particulièrement adaptée aux collectivités locales et aux associations. Elle nécessite cependant un aménagement de la législation actuelle 27 ( * ) sur le multisalariat, qui reste à la fois trop peu incitative et source de trop nombreuses incertitudes.
d) Favoriser la création ou la reprise d'activités par les jeunes
A l'origine, le programme visait explicitement à aider les jeunes à créer leur propre entreprise à partir des activités qu'ils avaient fait émerger.
Le ministre de l'Emploi et de la Solidarité observait alors que " pour les jeunes qui souhaitent prendre des initiatives et créer leur propre entreprise, l'un des apports essentiels du débat à l'Assemblée nationale a été d'offrir une aide, qui prendra la forme d'une avance remboursable mais aussi d'un accompagnement en matière technique et administrative pendant les premières années " 28 ( * ) .
Elle précisait même que " l'on peut estimer à 20.000 environ le nombre de jeunes qui pourraient être intéressés par ce dispositif " 29 ( * ) .
En pratique, il a certes permis de sensibiliser les jeunes à l'esprit d'entreprise. Ainsi, le MEDEF estime que " 20 % des aides éducateurs envisageraient de créer leur entreprise ".
Pourtant, force est de constater que ce volet est un échec. On ne recense que quelque 150 expériences lancées dans ce cadre.
Dans ces conditions, il importe d'assurer une réelle portée au dispositif dit " EDEN " (encouragement au développement d'entreprises nouvelles).
L'article 7 de la loi du 16 octobre 1997 avait ouvert la possibilité aux emplois-jeunes sortant du dispositif et créant ou reprenant une entreprise, de bénéficier d'une aide de l'Etat sous forme d'une avance remboursable d'un montant maximal de 40.000 francs, de mesures d'accompagnement pendant trois ans et d'une exonération de cotisations sociales.
Toutefois, les décrets d'application n'ont été publiés que très tardivement 30 ( * ) et que le dispositif n'était toujours pas opérationnel en début d'année.
Il semble bien que le souci du Gouvernement de favoriser la création ou la reprise d'entreprises n'ait plus été une priorité après les débats parlementaires.
e) Etudier un système de " prime " dégressive à l'embauche des emplois-jeunes par les entreprises
Pour les emplois dont la pérennisation est incertaine et pour les jeunes dont les possibilités d'insertion durable sont les plus faibles, il serait souhaitable de réfléchir à un possible " basculement " de l'aide au poste versée par l'Etat.
Ainsi, au bout de deux ou trois ans de contrat, si le jeune est recruté par une entreprise, l'aide au projet pourrait être versée à l'entreprise s'engageant à embaucher le jeune en contrat à durée indéterminée. Cette aide serait toutefois minorée par rapport à l'aide actuelle et dégressive. L'entreprise pourrait toucher par exemple 60 % du SMIC la première année, 40 % la deuxième et 20 % la troisième.
Un tel système permettrait ainsi d'assurer la sortie des emplois-jeunes du dispositif, en allégeant la charge budgétaire pour l'Etat et sans entraver le développement des nouvelles activités (le " basculement " n'étant possible qu'à partir du moment où la perspective de pérennité de l'emploi apparaît insuffisante).
Cette possibilité de basculement pourrait être limitée aux jeunes les moins qualifiés pour éviter les effets d'aubaine.
* 25 L'article 59 du projet de loi de finances pour 2001 prévoit de reporter le terme de l'expérimentation au 30 juin 2002.
* 26 Comme en témoigne la circulaire n° 00-11 du 29 mars 2000.
* 27 Votre commission se permet de renvoyer sur ce point à la proposition de loi relative au multisalariat en temps partagé présentée par notre collègue André Jourdain et adoptée par le Sénat le 11 mars 1999, que le Gouvernement n'a pas souhaité inscrire à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale.
* 28 Débats Sénat 1997, JO p. 2376.
* 29 Débats Assemblée nationale, JO p. 3105.
* 30 Décret n° 98-1228 du 29 décembre 1998.