B. LES DONNÉES ÉCONOMIQUES DE L'EAU

11. Intervention de M. Vincent JACQUES le SEIGNEUR, directeur général de l'Institut français de l'environnement

L'aspect économique de l'eau prend une importance nouvelle depuis quelques années. La Commission des comptes et de l'économie de l'environnement a notamment décidé, l'an dernier, de publier un rapport spécifique sur les données de l'eau.

L'eau potable de consommation et d'assainissement représente un montant de 120 milliards de francs. Il s'agit du premier poste des dépenses réalisées en France dans le domaine de l'environnement.

Tout d'abord, nous constatons au sein de l'IFEN que plus de 68 % de la consommation d'eau sert à la production d'énergie. Mais en terme de consommation nette, c'est le secteur agricole qui arrive en tête avec 68 % du volume total consommé, alors qu'il ne contribue qu'à 6,5 % du total des redevances.

Par ailleurs, je précise que nous consommons en France 6 milliards de m 3 . Or seulement 4,5 milliards de ce volume sont effectivement facturés, la différence est perdue.

Enfin, je crois qu'il est important de rappeler que la consommation d'eau potable diminue et que son prix augmente. Ce phénomène d'inversion des tendances est problématique. Il signifie que de moins en moins de payeurs contribueront à une facture de plus en plus lourde. Le prix augmente en effet d'environ 5 % par an . Aucun consommateur, quel que soit le secteur considéré, n'acceptera plus longtemps une hausse inflationniste non-contrôlée du prix de l'eau : des solutions alternatives doivent être envisagées. A ce titre, des mesures d'incitation économiques pourraient permettre de réduire la pollution produite et seraient moins coûteuses que des actions correctrices de dépollution.

Je souhaiterais vous communiquer trois séries d'informations économiques concernant trois directives européennes : directive sur les eaux résiduaires urbaines, directive sur l'eau potable et directive cadre.

• Directive sur les eaux résiduaires urbaines

La première directive, dite ERU, est financièrement très lourde. Cependant, il faut noter que son application dans les différents pays d'Europe peut être différente. En France, entre 1993 et 2005, 12 milliards d'Euros vont être engagés pour cette directive contre 64 en Allemagne, pays dont les caractéristiques sont pourtant très similaires aux nôtres (consommation, démographie...). Cette situation s'explique par la différence de priorités affichées par les deux pays. En effet, l'Allemagne a choisi de prendre davantage en considération la gestion des eaux pluviales.

En France, le montant consacré à l'application de la directive est intégré au budget des agences de l'eau. Par exemple, au cours des VII e programmes d'intervention, 65 milliards de francs ont été consacrés aux travaux d'assainissement et d'épuration, dont 35 milliards spécifiquement dédiés à la directive ERU. L'efficacité de ces investissement se montre assez satisfaisante, même si peu de données économiques permettent d'en témoigner. En terme d'indicateurs techniques, on relève une augmentation du taux de collecte de 21% et du taux de dépollution de 18 %.

• Directive sur l'eau potable

Deux directives déterminent les normes relatives à l'eau potable. Une première a été élaborée en 1980 et la seconde en 1998. Grâce à ces textes, la qualité de l'eau est désormais contrôlée sur son lieu de consommation et non plus au sortir de l'usine de traitement. Le système est donc devenu plus performant. Cette amélioration s'avérait d'autant plus nécessaire qu'entre 1993 et 1995, 70 % des unités de distribution d'eau n'étaient pas conformes. Cette directive va probablement coûter 80 milliards de francs. Mais ces coûts sont très relatifs. Par exemple, la programmation sur 15 ans du remplacement des canalisations en plomb sur le domaine privé représente 3 % des investissements que les propriétaires sont prêts à consentir pour entreprendre des travaux dans leur logement, ce qui est finalement assez modeste.

• Directive cadre

La directive cadre est la première à insister sur la nécessité d'une analyse plus globale . Elle ne se traduit pas par de nouvelles dépenses. En revanche, elle a pour objectif d'améliorer l'efficacité économique de l'investissement . Poussés par cette directive, nous devons désormais utiliser les meilleurs moyens au moindre coût. Son article 5 impose une analyse économique de l'utilisation de l'eau à l'échelle du district hydrographique.

Comment la France considère-t-elle la nécessité de l'analyse économique de la dépense dans le domaine de l'eau ? Les initiatives en la matière sont multiples. L'IFEN, tout d'abord, a lancé une enquête auprès de 5.000 communes au printemps dernier permettant de déterminer précisément les équipements. Le ministère de l'environnement, par ailleurs, a décidé d'intégrer la dimension économique dans le Réseau national de données sur l'eau. D'autre part, un certain nombre d'indicateurs sont en voie d'élaboration pour mesurer de manière pérenne et efficace les efforts consentis dans le domaine de l'eau. Enfin, le Commissariat du Plan a mis en place une instance d'évaluation des politiques de préservation de la ressource en eau destinée à la consommation humaine.

Désormais, la grille d'analyse économique est devenue une pièce maîtresse du jeu économique européen. A cet égard, l'Agence européenne de l'environnement a été mandatée par la Commission pour évaluer en temps réel le rapport coût-efficacité des politiques publiques dans le domaine de l'environnement.

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