Rapport d'information n° 203 (2000-2001) de M. Joël BOURDIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 janvier 2001

Disponible au format Acrobat (4,4 Moctets)

N° 203

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 janvier 2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l'étude relative à l' évaluation des systèmes d'information statistique sur les administrations publiques ,

Par M. Joël BOURDIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Finances publiques.

CHAPITRE I

UNE INFORMATION INSATISFAISANTE

"Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.".

"La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration."

( Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen , articles XIV et XV).

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 pose les principes de consentement à l'impôt et de contrôle de l'administration .

Ces principes impliquent l'existence d'un dispositif satisfaisant d' information statistique publique sur l'administration.

Pourtant, une étude réalisée pour votre commission des finances par l'institut Rexecode 1 ( * ) sous maîtrise d'oeuvre du service des études du Sénat, jointe en annexe du rapport, indique que l'information statistique publique sur l'administration serait en France moins bonne qu'aux Etats-Unis, ainsi que, dans une moindre mesure, au Royaume-Uni et en Allemagne.

L'enjeu est important. L'expérience de " rationalisation des choix budgétaires " menée au début des années 1970 a échoué à cause, notamment, de l'insuffisance du système d'information public. La révision de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 impliquera, en la matière, une sérieuse mise à niveau 2 ( * ) .

L'étude jointe à ce rapport est donc particulièrement opportune. Il ne s'agit pas d'un jugement définitif, mais d'une contribution au débat que votre commission des finances livre au public. Elle souhaite que tous les acteurs concernés, au-delà du " tandem " législatif exécutif, les organismes indépendants, les universitaires, les médias... puissent y réagir et qu'une table ronde permette, dans les meilleurs délais, de confronter les points de vue.

Dans cette attente, votre rapporteur se limitera à dégager quelques points saillants d'une étude dont les conclusions, sans engager la commission des finances, lui paraît de nature à stimuler ses réflexions et inspirer ses initiatives.

I. LE SUIVI STATISTIQUE N'EST PAS SATISFAISANT

A. SI LE PARLEMENT DISPOSE D'UN POUVOIR D'INFORMATION NON NÉGLIGEABLE SUR L'APPLICATION DE LA LOI DE FINANCES...

L'affaire de la " cagnotte " de l'année 1999 a montré que, dans le cas de l'exécution de la loi de finances, le Parlement disposait d'un pouvoir d'information statistique non nul.

En effet, c'est grâce à la " situation mensuelle budgétaire " (SMB), document informant mensuellement le ministre des Finances du solde d'exécution de la loi de finances, rendu public depuis 1996, que votre commission a pu constater que, contrairement à ce qu'affirmait le Gouvernement, les recettes fiscales étaient nettement supérieures à ce que prévoyait la loi de finances.

Par ailleurs, les commissions des finances disposent de prérogatives spécifiques afin de recueillir l'information qui leur fait défaut. On peut, en particulier, rappeler que depuis la loi du 14 juin 1996, créant le défunt Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, une commission permanente peut obtenir les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête. Cette procédure a été utilisée par votre commission au sujet de l'affaire dite de la " cagnotte ". En outre, depuis la première loi de finances rectificative pour 2000, les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances ont un pouvoir général de contrôle des recettes et dépenses publiques 3 ( * ) . Enfin, conformément à l'engagement écrit en date du 11 juillet 2000 pris par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et la secrétaire d'Etat au budget en réponse à une demande de votre Président, les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux Assemblées reçoivent désormais la " situation hebdomadaire ", c'est-à-dire le document récapitulant, semaine par semaine, l'exécution de la loi de finances.

B. ...L'INFORMATION DIRECTEMENT ACCESSIBLE DEMEURE INSUFFISANTE

Tout d'abord, le champ de l'information statistique infra-annuelle n'est pas satisfaisant.

A insi, le rapport de Rexecode montre que cette information recouvre un champ plus restreint que celle qui est publique au Royaume-Uni et en Allemagne. En effet, le suivi infra-annuel du solde public y concerne notamment, pour des raisons liées à leur mode de financement, les organismes de protection sociale , dont le solde est connu avec une périodicité trimestrielle en Allemagne et mensuelle au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. En France, la périodicité bi-annuelle des comptes de la Sécurité sociale ne permet pas, à l'évidence, un contrôle infra-annuel efficace.

Cette infériorité objective de l'information statistique s'accompagne, étonnamment, d'une certaine autosatisfaction. Ainsi, auditionné sur la "cagnotte" par votre commission, M. Christian SAUTTER, alors ministre de l'économie, des finances, et de l'industrie, avait-il pu déclarer : " j'insiste sur le fait que nous sommes le seul pays à publier les situations budgétaires mensuelles, aussi bien sur les recettes que sur les dépenses 4 ( * ) ". Le rapport de Rexecode indique toutefois que le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Etats-Unis disposent de publications analogues. La situation est même meilleure dans ces pays, puisqu'à ces informations s'ajoute le rappel des soldes annuels des années précédentes. La bonne foi du ministre n'est à l'évidence pas en cause mais ces erreurs de perception ne sont pas sans signification.

La matière statistique n'est pas le champ exclusif de cette propension à l'autosatisfaction, qui est souvent le fait d'une production publique déliée de tout souci réel de satisfaire ses utilisateurs. On attend avec impatience le jour où nos grands producteurs de statistiques mèneront des enquêtes de satisfaction de leurs clients potentiels. Jusqu'à présent, ils préfèrent le plus souvent rester sourds aux demandes qui leur sont adressées.

C'est ce même repli sur soi qui, probablement, est à l'origine du caractère ésotérique des séries statistiques disponibles, travers très justement dénoncé par l'étude de Rexecode. Le souci d'explication des résultats et surtout des méthodes est très insuffisamment pris en compte.

II. LA PUBLICATION DE SÉRIES STATISTIQUES RETROSPECTIVES SUR LES FINANCES PUBLIQUES EST LACUNAIRE

En outre, les données statistiques rétrospectives sont quasiment inexistantes en France, alors qu'elles remontent à 1992 dans le cas de l'Allemagne, 1990 dans celui du Royaume Uni et 1934 dans celui des Etats-Unis.

En particulier, les rares publications qui existaient en France (telles Statistiques et Etudes financières ) ont disparu.

Ces lacunes sont particulièrement frappantes en matière de recettes fiscales.

Ainsi, selon le rapport de Rexecode, " il n'est pas possible pour des centres de recherche privés d'accéder aux données permettant de faire des simulations fiscales alternatives ".

III. L'INFORMATION SUR L'EMPLOI PUBLIC EST PARTIELLE ET CONFUSE

Par ailleurs, l'information sur l' emploi public est insuffisante.

• Certes, l'Insee propose des documents annuels plus détaillés que ceux des autres pays étudiés sur l'Etat et les collectivités locales. Ils sont, par parenthèse, totalement irréconciliables avec les données budgétaires, ce qui est, avouons-le, une source d'interrogations qui jusqu'à présent n'a reçu aucune réponse satisfaisante.

Il n'est, dès lors, pas actuellement possible de connaître avec exactitude le nombre d'emplois publics ainsi que la rémunération de chaque catégorie d'emplois.

En outre, en rythme infra-annuel l'information française est, selon Rexecode, " très en deçà de celle des autres pays étudiés car quasi inexistante ". Contrairement à la France, le Royaume-Uni 5 ( * ) et les Etats-Unis traitent de manière homogène l'emploi public et l'emploi privé.

• Rexecode est sceptique sur l'efficacité du nouvel observatoire de l'emploi public , créé par décret au cours de l'année 2000.

Tout d'abord, cet organisme serait excessivement spécialisé , puisqu'il n'est compétent que pour la fonction publique, ce qui, selon Rexecode, l'empêcherait de prendre en compte la totalité de l'emploi public, ainsi que de réaliser des études de productivité.

Ensuite, sa composition laisse craindre que ses travaux soient plus orientés vers les débats entre administrations que vers le débat public (ses membres représentant pour l'essentiel l'administration publique ou son personnel).

IV. L'INFORMATION SUR LE PATRIMOINE PUBLIC EST BALBUTIANTE

La France dispose depuis peu de règles imposant aux collectivités locales la prise en compte dans leurs budgets de données d'ordre patrimonial. En revanche, tel n'est pas le cas de l'Etat , bien que des progrès puissent être constatés (réforme du Compte général de l'administration des finances , document de synthèse de la comptabilité générale de l'Etat, en 1999).

S'il n'existe dans aucun grand pays de véritable comptabilité patrimoniale de l'Etat, selon Rexecode " cet effort semble plus avancé dans les autres grands pays qu'il ne l'est à l'heure actuelle pour la France ". Ainsi, aux Etats-Unis la faillite des caisses d'épargne a suscité en 1990 le vote d'une loi obligeant l'Etat fédéral à indiquer les risques encourus lorsqu'il accorde des prêts ou des garanties, et plusieurs lois ont imposé à de nombreuses administrations ainsi qu'à l'Etat fédéral ( Government Management Reform Act , 1994) la présentation de comptes patrimoniaux. De même, le Royaume-Uni , qui dispose depuis longtemps d'une comptabilité patrimoniale pour ses communes, a créé de nombreuses agences (organismes dotés de la personnalité morale et gérés selon les règles comptables générales, incluant les comptes de bilans), est sur la voie de se doter d'une comptabilité patrimoniale de l'Etat, qui selon le Treasury devrait notamment permettre d'améliorer la gestion des stocks. Enfin, diverses expérimentations sont en cours en Allemagne , principalement au niveau local (communes et districts).

CHAPITRE II

LES PROPOSITIONS DE RÉFORMES PRÉSENTÉES
DANS L'ÉTUDE

I. POUR UNE AMÉLIORATION DE L'INFORMATION STATISTIQUE SUR LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

• Dans son récent rapport sur la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, le président de votre commission des finances a estimé qu' il devrait être mis fin au " monopole gouvernemental des ressources statistiques ", afin de permettre une véritable " autonomie des moyens de simulation du Parlement ".

En effet, cette situation empêche de construire des modèles de simulation précis des phénomènes relatifs aux finances publiques. Ainsi, votre rapporteur présente annuellement, au nom de la délégation pour la planification, un Rapport sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme s'appuyant sur des travaux de modélisation macroéconomique. Compte tenu de l'impossibilité, faute d'information disponible, de réaliser de véritables simulations fiscales, ces travaux se limitent, en matière de finances publiques, à présenter des prévisions pour quelques grands indicateurs, comme le solde des administrations publiques.

Votre rapporteur approuve donc pleinement le président LAMBERT, quand il indique dans son rapport qu'" une exigence de mise à niveau de l'information statistique publique sera donc formulée " dans le cadre du débat sur la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

• Par ailleurs, le même rapport souligne a très juste titre, les insuffisances de l'information sur l'emploi public .

A. ENRICHIR L'INFORMATION BUDGÉTAIRE

Dans le rapport précité, le président LAMBERT propose notamment, pour résoudre ce double problème, d'instaurer l'obligation de joindre aux projets de loi de finances plusieurs annexes nouvelles dont, en particulier :

- l'une, à la fois rétrospective et prospective, décrivant, par catégorie, le montant et l'affectation des prélèvements obligatoires ;

- l'autre, sur la situation de l'emploi public , indiquant notamment les effectifs, leur affectation fonctionnelle et géographique et les vacances d'emplois.

Il évoque également, tout comme le rapporteur spécial des services financiers l'a régulièrement fait ces dernières années, la nécessaire revitalisation de la convention liant le Sénat au ministère de l'économie et des finances pour faire réaliser par les " moyens techniques " de ce dernier des études dont le premier assume l'entière responsabilité politique.

B. RÉFORMER L'INSEE ET LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE ?

De manière complémentaire, Rexecode propose de créer deux organismes publics indépendants.

L'un serait chargé " de réunir et de diffuser auprès du public les comptes financiers de l'ensemble des administrations (Etat, collectivités locales, organismes sociaux, ainsi que leurs divers et nombreux organismes rattachés) ". Concrètement, il évoluerait dans l'orbite de la Direction générale de la comptabilité publique.

L'autre organisme serait chargé " d'organiser auprès de l'ensemble des acteurs publics la collecte, le traitement et la diffusion des données statistiques (personnel, moyens matériels, résultats, etc...), et de mener des études économiques sur les administrations publiques ". Il pourrait être rattaché à l'Insee . Si son statut 6 ( * ) permet à cet institut de produire des informations statistiques sur l'administration, il devrait probablement être modifié pour rendre possible la production d' études , dont il limite trop systématiquement le champ aux entreprises et aux conditions de vie des ménages.

Il s'agirait donc de traiter les trois fonctions publiques comme l'emploi privé, comme c'est le cas au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Plusieurs initiatives pourraient être immédiatement concrétisées :

- créer une revue mensuelle statistique sur les finances publiques ;

- diffuser et respecter un calendrier prévisionnel de diffusion des résultats financiers des comptes des administrations publiques ;

- garantir un accès permanent des tiers et, en particulier, des instituts d'étude et de recherche indépendants aux administrations financières ;

- charger des équipes universitaires et des instituts de recherche indépendants d' études comparatives entre la France et des pays similaires en termes de coûts et de résultats.

Votre rapporteur estime que ces propositions sont intéressantes et méritent d'être discutées.

II. POUR UNE AMÉLIORATION DE L'INFORMATION INFRA-ANNUELLE SUR LE SOLDE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

Votre rapporteur estime qu'il pourrait être également envisagé d'améliorer l'information infra-annuelle sur le solde des administrations publiques.

• L'étude de Rexecode indique en effet que le suivi infra-annuel du solde de la Sécurité sociale est en France moins fréquent qu'au Royaume-Uni, qu'en Allemagne et qu'aux Etats-Unis.

Il est souhaitable de s'interroger sur la possibilité d' accroître la fréquence de ce suivi.

• Il est également envisageable de s'interroger sur l'éventualité d'un suivi infra-annuel du solde des collectivités locales .


* *

*

Voici brièvement présentés et mis en perspective les éléments principaux de l'étude de Rexecode.

Votre rapporteur se félicite que cet important document puisse contribuer à mesurer nos atouts, sans dissimuler nos faiblesses, dans le domaine si capital de l'information sur nos administrations publiques.

Il souhaite, avec ardeur, qu'à l'heure où nos procédures budgétaires sont en cours de rénovation, les enjeux d'une information plus complète et mieux partagée ne soient pas oubliés mais, au contraire, trouvent toute leur place dans ce processus.

Il en va de notre capacité collective à jeter les bases d'une amélioration de la gestion publique et à faire vivre notre démocratie.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le mardi 30 janvier 2001, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Joël Bourdin, sur l'étude relative à l'évaluation des systèmes d'information statistique sur les administrations publiques , réalisée par Rexecode et présentée par M. Michel Didier, directeur de cet organisme.

M. Joël Bourdin, rapporteur , ayant souligné l'opportunité de l'étude confiée à Rexecode en cette période de réflexion de fonctionnement de notre système d'information budgétaire, a invité M. Michel Didier à présenter les conclusions de l'étude de Rexecode.

M. Michel Didier a d'abord rappelé que les hésitations et les incertitudes sur les résultats d'exécution du budget de 1999 avaient démontré la difficulté d'accéder à des données fiables sur les finances publiques et suscité chez beaucoup de nos concitoyens une forte attente de transparence non seulement sur l'exécution du budget en cours d'année, mais aussi sur le fonctionnement de l'ensemble du secteur public.

Il a jugé que le problème de la transparence dépassait en effet très largement la seule question de l'exécution du budget et concernait plus généralement la connaissance des moyens et de l'efficacité des administrations publiques. Il a souligné que l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 selon lequel tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée restait trop souvent, en l'absence des informations nécessaires, un objectif sans contenu et qu'une meilleure information sur les administrations publiques était une condition d'une bonne réforme de l'Etat et du bon exercice du contrôle parlementaire.

Il a alors précisé que la mission confiée à Rexecode avait consisté à assister le rapporteur de la commission des finances dans l'évaluation du système statistique français sur le secteur des administrations publiques et à suggérer des orientations pour progresser.

Il a indiqué qu'à cet effet il avait été procédé à une comparaison de l'état de l'information disponible sur les administrations publiques pour la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Etats-Unis.

Dressant l'état des lieux, M. Michel Didier a d'abord observé que les comparaisons internationales montraient un grand décalage entre les Etats-Unis et les pays européens en matière de transparence publique, les informations disponibles aux Etats-Unis étant dans pratiquement tous les domaines à la fois beaucoup plus précises et détaillées, plus pertinentes et plus facilement accessibles aux chercheurs et aux citoyens que cela n'est le cas en général dans les pays européens.

Il a ensuite remarqué que si, en Europe, à première vue, la situation française pouvait apparaître comme comparable à celle de nos grands voisins, elle faisait cependant apparaître des lacunes importantes, l'information sur les collectivités locales et sur les administrations sociales étant trop peu fréquente et trop tardivement disponible en France. Il a ajouté que l'organisation même des pouvoirs publics conduisait dans les faits à disposer d'une information plus abondante au Royaume-Uni en raison de l'existence d'agences publiques soumises à une véritable obligation d'information. Il a jugé que la France cumulait les inconvénients d'une forte centralisation et d'une faible conscience du devoir d'informer.

L'intervenant a alors détaillé la situation domaine par domaine.

S'agissant de l'information en cours d'année sur l'exécution des budgets publics, il a estimé qu'elle était très incomplète en France.

Il a notamment souligné l'absence dans notre pays de documents infra-annuels présentant l'évolution du solde agrégé de l'ensemble des administrations publiques rappelant qu'en la matière, si les comptes de l'Etat étaient relativement bien suivis il en allait tout autrement des comptes sociaux et de ceux des collectivités locales.

Il a observé qu'en revanche, au Royaume-Uni l'information sur l'exécution budgétaire était plus riche et plus précoce que celle de la France, avec des données globales trimestrielles publiées selon un calendrier annoncé à l'avance et que, si la présentation des documents allemands était assez proche de celle des documents français, très comptables et avec une mise en perspective historique réduite, il existait toutefois un effort de présentation fonctionnelle détaillée, la date des publications étant en outre connue environ un an à l'avance.

Il a rappelé qu'aux Etats-Unis, le " Monthly Treasury Statement " (situation mensuelle du Trésor) présentait de façon très précise l'évolution des dépenses des administrations fédérales et de façon synthétique l'évolution des recettes et des besoins de financement avec, de plus, un état descriptif détaillé des dépenses par programme au sein de chaque ministère.

S'agissant de l'information en matière de recettes publiques, il a indiqué que, si les données annuelles sur les recettes publiques étaient évidemment publiées en France, c'était souvent avec retard et sans souci de présenter des rétrospectives complètes, la situation du Royaume-Uni étant jugée à peu près analogue à celle de la France.

Il a remarqué qu'en Allemagne, la situation apparaissait plutôt meilleure, avec des informations détaillées tandis qu'aux Etats-Unis, l'annexe de " l'Annual Report " (rapport annuel sur les recettes et les dépenses effectives) constituait le document le plus complet et le plus détaillée des pays retenus.

S'agissant des dépenses publiques, M. Michel Didier a fait ressortir plusieurs faits saillants :

- De façon générale, l'information sur l'objet de la dépense publique est presque inexistante en France alors qu'elle existe à des degrés divers ailleurs avec des nomenclatures fonctionnelles renseignées et des indicateurs associés.

- En Allemagne, il existe un réel effort de présentation fonctionnelle avec une nomenclature commune pour l'ensemble des administrations.

- L'initiative française de présentation de critères de performances par l'administration centrale, concrétisée par la publication des comptes rendus de gestion budgétaire en septembre 2000, est trop récente pour être appréciée, une proportion importante des indicateurs annoncés n'étant pas encore renseignés.

- La situation américaine est, de loin, la plus satisfaisante de toutes.

- En matière de sécurité sociale, la comparaison est plus difficile en raison de différences institutionnelles. La seule source d'information française sur l'exécution des comptes est le rapport bi-annuel de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Le rapport publié au mois de mai présente notamment les comptes de l'année précédente et celui de septembre fournit une base de travail au projet de loi de financement de la sécurité sociale dont le vote intervient en novembre. On ne dispose pas de données de synthèse en dehors de ces deux dates, ce qui a conduit régulièrement à des surprises sur les comptes sociaux.

- Les finances locales sont plutôt moins bien suivies en France comparativement aux autres pays. Au Royaume-Uni, une information fonctionnelle relative à l'ensemble des administrations publiques est disponible dans les documents publiés par le ministère des finances. En Allemagne, c'est l'office de statistiques qui présente de façon très détaillée l'ensemble des dépenses fonctionnelles de l'ensemble des administrations publiques (y compris les collectivités locales).

S'agissant de l'emploi public, l'orateur a estimé qu'il fallait distinguer l'information en cours d'année et la connaissance de fond.

Il a considéré qu'en cours d'année, l'information française était très en deçà de celle des autres pays étudiés et presqu'inexistante alors que l'emploi privé est connu trimestriellement par grands secteurs.

Il a rappelé que les informations structurelles sur l'emploi public n'étaient fournies en France que tous les deux ans, globalement et par statut, mais pas par service employeur, par types de formation ou de compétences des agents, le critère dominant étant un critère juridique, la réalité économique de l'emploi public étant dès lors mal connue, comme pour les salaires publics.

S'agissant du patrimoine public, il a estimé que, sur ce point, l'information était de façon générale déficiente, cette déficience étant d'autant plus paradoxale en France que le système foncier y est très centralisé. Il a cependant signalé qu'un effort de prise en compte des données de bilan dans la comptabilité générale de l'Etat était en cours.

Il a conclu cet état des lieux en soulignant que la comparaison entre les statistiques disponibles sur les administrations publiques en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Etats-Unis suggéraient que des progrès substantiels étaient possibles dans notre pays.

M. Michel Didier a alors souhaité consacrer quelques développements aux enjeux et moyens d'une amélioration de l'information sur les administrations publiques.

Il a d'abord constaté qu'une absence de progrès, voire même dans certains cas, une régression de l'information avaient jalonné notre histoire. Il a précisé que les rares publications, tardives mais périodiques, qui existaient, telles " Statistiques et Etudes financières ", avaient disparu, que le dernier rapport économique, social et financier ne donnait même plus les comptes prévisionnels, et qu'aucune analyse de la dépense publique par mission ou programme d'intervention n'était plus disponible depuis une vingtaine d'année.

Il a ajouté que l'information sur les calculs budgétaires restaient très peu accessible aux institutions indépendantes et que, dans les domaines où des informations étaient publiées, aucun calendrier prévisionnel précis de diffusion des informations n'était annoncé.

Il a remarqué qu'en matière de données rétrospectives, la dernière initiative prise par le ministère des Finances datait de la fin des années soixante-dix, soulignant à titre de comparaison que l'administration américaine annexait chaque année au projet de budget un document de 284 pages (les " Historical Tables ") fournissant une information rétrospective large, continue et détaillée sur les finances publiques américaines.

Il a indiqué que pour les données structurelles plusieurs économistes interrogés avaient jugé très sévèrement le système d'information sur les coûts et les résultats de l'action publique, estimant qu'un effort énorme d'investissement statistique devrait être accompli afin de pouvoir analyser l'efficacité des administrations publiques.

Il a estimé que l'information statistique ne saurait se limiter à des séries et des tableaux, un minimum d'interprétation étant nécessaire alors que, même dans le cas des comptes nationaux des administrations publiques, aucun document de méthodes sur le compte des administrations publiques n'était disponible.

M. Michel Didier a alors jugé la situation préoccupante en raison des enseignements de l'histoire budgétaire qui établissent la réalité de blocages dus à l'insuffisance d'information publique.

A ce propos, citant le rapport d'orientation budgétaire déposé par le gouvernement en mai 2000, il a estimé qu'il posait de manière claire la question des enjeux de la transparence des finances publiques, en indiquant que cette transparence devait viser deux objectifs : accroître la crédibilité de la politique budgétaire et donc sa soutenabilité à moyen terme ;  éclairer la gestion et les choix de dépense publique par une meilleure mesure des coûts et des performances.

Il a observé que ces deux objectifs étaient déjà très présents au moment de la publication de l'ordonnance organique de 1959 mais a estimé qu'ils avaient été perdus de vue depuis.

Il a souligné en particulier l'abandon de l'effort de " rationalisation des choix budgétaires ", qui s'était révélé plus lourd que prévu, et surtout, s'était heurté à l'insuffisance de l'information statistique et économique nécessaire à l'éclairage des choix.

Evoquant alors les institutions publiques chargées de l'information statistique, le directeur de Rexecode a rappelé que la Commission des comptes et des budgets économiques de la Nation avait été supprimée et remplacée par une Commission économique de la Nation, nouvelle formule à vocation d'ores et déjà plus interne et moins ouverte que l'ancienne.

Il a ensuite évoqué la création de l'Observatoire de l'emploi public chargé d'assurer la collecte, l'exploitation et la diffusion de l'information sur l'emploi dans les fonctions publiques de l'Etat. Il a jugé que la définition même du champ d'observation de cet organisme s'inspirait d'une approche trop juridique et insuffisamment économique, les concepts de production et de productivité étant pourtant cruciaux.

Examinant alors le rôle de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), il a rappelé qu'il était censé animer et coordonner le système statistique public français composé outre de l'INSEE, de plusieurs services statistiques ministériels chargés d'établir les statistiques concernant leur domaine.

Estimant que l'INSEE était un organisme de grande compétence, il a observé qu'il concentrait son effort sur les ménages et les entreprises, soulignant qu'il ne semblait pas se considérer véritablement en charge d'un programme d'information statistique destiné à éclairer les acteurs économiques, citoyens, monde professionnel, organismes de recherche, sur le secteur des administrations publiques. Il a déploré qu'en conséquence 25 % de l'emploi et plus de 50 % du produit intérieur brut échappent à une bonne couverture en termes d'information.

S'agissant des services statistiques ministériels, il a jugé que leur rôle présentait de nombreuses ambiguités puisque dans certains cas, il s'agit surtout d'exploiter des données de gestion pour des besoins internes avec peu de diffusion externe, alors que d'autres cas, l'accent est mis sur des études dont les résultats sont loin d'être toujours publiés.

Jugeant nécessaire une réflexion en profondeur sur les initiatives à prendre afin d'améliorer le système d'information sur les administrations publiques, M. Michel Didier a alors présenté plusieurs propositions.

Il a d'abord présenté certaines améliorations, possibles immédiatement selon lui :

- Une revue mensuelle de statistique sur les finances publiques devrait être créée afin de rendre compte rapidement, régulièrement et de façon documentée de l'évolution des comptes de l'Etat, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale. Cette revue devrait comporter des séries rétrospectives longues et des études de comparaison internationales. Elle devrait être accessible par Internet.

- Un calendrier prévisionnel de diffusion des résultats financiers des administrations publiques tant en cours d'année qu'en fin d'année devrait être annoncé et respecté.

- Un accès permanent des instituts d'étude et de recherche indépendants aux administrations financières devrait être organisé et officiellement reconnu afin que les chercheurs puissent identifier les sources d'information disponibles, interroger les administrations sur leurs méthodes et demander le cas échéant certaines exploitations statistiques particulières.

- Des études d'intérêt général sur les administrations publiques devraient faire l'objet d'un financement sur crédits de recherche publique et être confiées à des équipes universitaires et à des instituts de recherche indépendants, et publiées afin de comparer la situation des administrations publiques françaises avec celle des pays similaires en terme de coûts et de résultats.

Il a ensuite évoqué les pistes d'une réforme profonde de la collecte et de la diffusion des données :

La fonction de collecte et de diffusion des données sur les administrations publiques devrait être explicitement créée et mise en oeuvre avec une autonomie suffisante par rapport aux tâches de gestion administrative courante.

Deux grands ensembles de données devraient être distingués : les données à caractère comptable (comptabilité financière et comptabilité de gestion), et les données à caractère statistique (résultats et moyens des administrations publiques). A ces deux ensembles pourraient correspondre deux agences publiques d'information.

La fonction comptable et financière serait mise en oeuvre par une agence chargée de réunir et de diffuser auprès du public les comptes financiers de l'ensemble des administrations (Etat, collectivités locales, organismes sociaux, ainsi que leurs divers et nombreux organismes rattachés).

La fonction statistique serait mise en oeuvre par une agence chargée d'organiser auprès de l'ensemble des acteurs publics la collecte, le traitement et la diffusion des données statistiques (personnel, moyens matériels, résultats, etc...) et de mener des études économiques sur les administrations publiques.

De telles agences devraient être dotées d'une certaine autonomie dans leur action et disposer d'un conseil de personnalités indépendantes afin de veiller à la bonne diffusion des données recueillies.

On pourrait envisager que ces agences relèvent du Parlement. Cependant, dans notre organisation des pouvoirs publics, il peut apparaître plus simple de les rapprocher, d'une part, de la direction générale de la comptabilité publique, d'autre part, de l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE), structures qui disposent déjà de la compétence technique et humaine pour gérer de telles missions. Encore faut-il que ces missions soient explicitées, effectivement attribuées, mises en oeuvre et évaluées périodiquement, et que ces agences rendent compte de façon régulière au Parlement et à la société civile.

M. Michel Didier a alors conclu sa présentation en soulignant qu'au moment où se discutait une révision de l'ordonnance organique de 1959, il était essentiel de prendre conscience que la réforme de l'Etat ne pourrait pas progresser sans la mise en oeuvre d'un système d'information sur les administrations publiques qui soit efficace, fiable et ouvert au plus grand nombre.

Un large débat s'est alors ouvert en commission.

M. Joël Bourdin, rapporteur , a d'abord rappelé le contexte des réflexions de la commission sur l'information statistique publique sur les administrations, en indiquant qu'il s'agissait d'un enjeu essentiel de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

Il a, à ce propos, souligné que la " rationalisation des choix budgétaires " menée au début des années 1970, avait échoué à cause, notamment, de l'insuffisance du système d'information public et qu'il importait d'éviter que la révision de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ne connaisse le même sort.

Evoquant le récent rapport du président Lambert sur la réforme de l'ordonnance organique, il a estimé qu'en jugeant qu'il devrait être mis fin au monopole gouvernemental des ressources statistiques et qu'il conviendrait de permettre une véritable " autonomie des moyens de simulation du Parlement ", celui-ci rejoignait pleinement les préoccupations qui sont les siennes en tant que président de la délégation du Sénat pour la Planification. M. Joël Bourdin a alors rappelé que, présentant annuellement un " Rapport sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme " dans le cadre de cette fonction, il était conduit à ne présenter de prévisions que pour quelques grands indicateurs de finances publiques, faute de véritables simulations fiscales.

Il a déclaré approuver pleinement le Président de la commission des finances dans son souhait qu'une exigence de mise à niveau de l'information statistique publique soit formulée dans le cadre du débat sur la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

Il a ainsi estimé que, si la situation s'était considérablement améliorée depuis le début des années 1970 - l'affaire de la " cagnotte " de l'année 1999 ayant montré que, dans le cas de l'exécution de la loi de finances, le Parlement disposait d'un pouvoir d'information statistique important - l'étude de Rexecode montrait l'ampleur du chemin restant à parcourir. Il a ajouté que la commission des finances l'avait expérimenté puisqu'elle avait dû se constituer en commission d'enquête pour tirer au clair une situation opaque.

Soulignant l'intérêt de l'étude de Rexecode pour apprécier finement les retards pris par la France, il a souhaité insister sur celui de notre culture politique, soulignant que certaines pratiques qui sont la norme dans les autres grandes démocraties n'allaient pas de soi en France, la culture du secret y étant excessivement développée.

Evoquant les propositions avancées par Rexecode, il a rappelé qu'elles appartenaient à cet organisme mais a d'ores et déjà souligné leur utilité pour les réflexions de la commission. Il a observé qu'elles avaient le grand mérite de s'inscrire dans le souci de rendre l'information accessible à tous.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a alors souhaité qu'un effort décisif soit entrepris pour améliorer l'information infra-annuelle sur le solde des administrations publiques, cette réforme devant concerner tout d'abord la sécurité sociale pour laquelle l'information, seulement bi-annuelle (contre une périodicité trimestrielle en Allemagne, et même mensuelle au Royaume-Uni et aux Etats-Unis), est très insuffisante.

En conclusion, il a souhaité que la commission propose d'organiser une table ronde réunissant les représentants de l'outil statistique français et les personnes concernées par une meilleure information statistique sur les administrations publiques, experts, universitaires, journalistes afin de vérifier que les réformes envisagées répondent à une véritable demande sociale et d'estimer la capacité des administrations à y faire face.

M. Alain Lambert , président , a interrogé M. Michel Didier sur la responsabilité des facteurs politiques dans les insuffisances du système statistique sur les administrations publiques et sur ses réactions aux différentes propositions formulées dans le cadre de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 afin d'améliorer l'information sur les administrations publiques.

En réponse, M. Michel Didier a estimé que si une part des lacunes de notre système d'information statistique pouvait être attribuée, comme ailleurs, aux difficultés techniques rencontrées, il apparaissait sans ambiguïté qu'une autre part d'entre elles résultait de considérations d'ordre politique. Il s'est félicité que l'initiative de la commission des finances permette de porter un débat à fort enjeux démocratiques sur la place publique. Il a alors salué les efforts entrepris dans le cadre de la réforme de l'ordonnance organique pour rénover les bases de l'information budgétaire et économique, insistant sur la nécessité d'opérer, à côté d'une modernisation comptable, d'importants progrès de l'information statistique.

M. Michel Charasse a indiqué que, pour améliorer la situation, une première initiative, politique, pouvait être entreprise, avec une demande résolue de transparence adressée à l'exécutif. Mais, il a également fait valoir la nécessité d'entreprendre des progrès techniques. Il a souligné la très grande lenteur de la remontée de l'information sur l'exécution budgétaire, presque exclusivement centrée au demeurant sur la connaissance de la situation de trésorerie de l'Etat.

Evoquant la qualité des prévisions, il a insisté sur le caractère incertain de l'exercice, illustrant son propos par l'apparente déconnexion entre les rentrées fiscales et la situation économique. Il a toutefois souligné que les problèmes d'organisation et de fonctionnement du ministère de l'économie et des finances étaient largement responsables de la grande méconnaissance constatée en matière de dépenses publiques.

Il a conclu son propos en rappelant que si des facteurs techniques avaient pu causer l'échec de la " rationalisation des choix budgétaires ", celle-ci s'était également heurtée à des corporatismes divers.

M. Joël Bourdin, rapporteur , a abondé dans le sens de ces propos en soulignant que, si les difficultés techniques des travaux de modélisation étaient indéniables, la sociologie administrative expliquait aussi beaucoup nos retards.

Ayant rappelé les progrès réalisés au cours des trente dernières années dans la publication des informations relatives aux sociétés commerciales, il a observé le décalage existant en la matière avec les administrations publiques, y voyant un motif d'inquiétude mais aussi d'espoir pour le futur.

M. Michel Charasse a complété son intervention en regrettant que, trop souvent, l'inquiétude du ministère de l'économie et des finances à l'égard de commentaires fondés sur des données seulement partielles le conduisait à dissimuler toute information. Il a considéré que cette attitude pourrait s'estomper moyennant un effort de pédagogie politique destinée à dédramatiser l'information.

M. Michel Didier a insisté sur la nécessité de faire progresser radicalement l'information sur la sphère publique de sorte qu'elle rejoigne au minimum le niveau de celle prodiguée désormais dans le domaine macroéconomique.

Estimant que le type même de questions à résoudre était par exemple de savoir pourquoi la France, avec 5 millions de fonctionnaires gérait 60 millions d'habitants tandis que l'Allemagne était capable avec les mêmes moyens d'en administrer 80 millions, il a répété que le système statistique français ne permettait pas d'apporter de réponses à de telles interrogations. Il en a conclu que les coûts et les performances des politiques publiques devraient être infiniment mieux connus qu'ils ne le sont.

M. Alain Lambert, président, ayant alors proposé à la commission l'adoption des conclusions du rapporteur spécial, la commission a décidé de publier cette étude sous forme d'un rapport d'information relatif à l'évaluation des systèmes d'information statistique sur les administrations publiques .

ANNEXE

(ETUDE DE REXECODE)

Une évaluation des systèmes d'information

statistique sur les administrations publiques

(quelques enseignements pour notre pays

d'une comparaison entre la France,

le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Etats-Unis)

DÉCEMBRE 2000

Cette étude a été conduite à la demande du service

des études du Sénat par les économistes de Rexecode-Rexervices.

Les travaux menés en toute indépendance n'engagent pas le Sénat

mais l'équipe de Rexecode-Rexervices qui les a conduits.

« Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée »

(Art 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789).

Résumé et principales conclusions de l'étude

1. Les incertitudes sur les résultats d'exécution du budget de l'Etat ont suscité chez beaucoup de nos concitoyens une forte attente de transparence sur l'ensemble du secteur public. Le problème dépasse la seule question de l'exécution du budget de l'Etat en cours d'année. Il concerne plus généralement l'accès à l'information sur l'ensemble du secteur des administrations publiques, sur leurs moyens, sur leurs résultats et sur leur performance.

2. L'initiative de diversifier les compétences macroéconomiques prise il y a une vingtaine d'années a fait franchir un pas significatif au débat sur les prévisions et les politiques macroéconomiques dans notre pays. Mais dans beaucoup d'autres domaines, les progrès se sont révélés insignifiants et on constate même dans certains cas une régression de l'information économique sur le secteur public.

3. Les comparaisons internationales montrent un grand décalage entre les Etats-Unis et les pays européens en matière de transparence publique. Les informations disponibles aux Etats-Unis sont à la fois beaucoup plus précises et détaillées, plus pertinentes et facilement accessibles aux chercheurs et aux citoyens.

4. La situation générale de l'Europe est assez peu satisfaisante. A première vue, la situation française peut apparaître comme comparable à celle de ses grands voisins. Cependant elle souffre de lacunes importantes et la similitude avec nos voisins est plus apparente que réelle. Il apparaît en définitive que la France cumule les inconvénients d'une forte centralisation et d'une faible conscience du devoir d'informer.

Une information très insuffisante sur les administrations publiques

5. L'information sur les calculs et les données budgétaires reste très peu accessible aux institutions indépendantes. Le dernier rapport économique et financier ne donne même plus les comptes prévisionnels détaillés de la Nation.

6. La masse des données gérées par l'administration reste sous-exploitée et inaccessible aux chercheurs et aux économistes. Par exemple, il n'est pas possible pour les centres de recherche privé d'accéder aux données permettant de faire des simulations fiscales alternatives ou de connaître les parcs de matériels disponibles dans les administrations.

7. Les rares publications, tardives mais périodiques, qui existaient (telles Statistiques et Etudes financières ) ont disparu, conduisant à un recul de l'information économique publique en France.

8. L'information sur le patrimoine public est de façon générale déficiente.

9. Aucune analyse de la dépense publique par mission ou programme d'intervention n'est disponible.

10. En matière de statistiques budgétaires rétrospectives, la dernière initiative prise par le Ministère des Finances date de la fin des années soixante-dix et aucune amélioration n'a été apportée depuis. On soulignera à titre de comparaison que l'administration américaine annexe chaque année au projet de budget un document de 284 pages (les Historical Tables ) qui fournit une information rétrospective large, continue et détaillée sur les finances publiques américaines.

11. En matière de solde d'exécution, on peut suivre assez bien les comptes de l'Etat, mais mal les comptes sociaux et pas du tout ceux des collectivités locales.

12. L'information statistique ne saurait en outre se limiter à des séries et des tableaux. Un minimum d'interprétation est nécessaire. Or même dans le cas des comptes nationaux des administrations publiques, aucun document de méthodes n'est disponible.

13. Dans les domaines où des informations sont publiées, aucun calendrier prévisionnel précis de diffusion des informations n'est annoncé.

Une comparaison peu avantageuse pour la France

14. L'examen comparatif conduit dans le rapport (comparaison détaillée domaines par domaines dans la deuxième partie) s'avère peu avantageux pour la France.

Une information parcellaire sur l'exécution des budgets publics

15. On observera notamment en France l'absence de documents infra annuels présentant l'évolution du solde agrégé des différentes administrations publiques.

16. Au Royaume-Uni, l'information sur l'exécution budgétaire est plus riche et plus précoce que celle de la France.

17. La présentation des documents allemands est assez proche de celle des documents français, très comptables et avec une mise en perspective historique réduite. Toutefois il existe un effort de présentation fonctionnelle détaillée et la date des publications est connue environ un an à l'avance.

18. Aux Etats-Unis, le Monthly Treasury Statement (situation mensuelle du Trésor) présente de façon très précise l'évolution des dépenses des administrations fédérales et de façon synthétique l'évolution des recettes et du besoin de financement de chacune d'elles. Il présente un descriptif détaillé des dépenses par programmes au sein de chaque ministère.

Une absence de séries rétrospectives

19. La situation française en matière de publication de séries rétrospectives et prospectives détaillées n'est pas du tout satisfaisante.

20. L'administration britannique présente l'ensemble des séries de données sur une période rétrospective de cinq ans (assortie d'évaluations prospectives sur deux ans).

21. La situation américaine est exemplaire en raison de la disponibilité de séries longues rétrospectives et d'analyses prospectives détaillées. Les Historical Tables (tableaux historiques) permettent de disposer d'informations sur les principales recettes fiscales depuis 1934 (et de projections jusqu'en 2005).

22. En Allemagne, le site de l'institut fédéral de statistiques permet de télécharger l'ensemble des séries rétrospectives pour l'Allemagne réunifiée depuis 1992.

Les recettes publiques

23. Au Royaume-Uni, la situation en matière d'information sur les recettes des administrations apparaît au mieux équivalente à celle de la France. La disponibilité de séries comptables longues et détaillées sur les recettes fiscales britanniques est aussi problématique qu'en France. Les analyses prospectives sont plutôt limitées et ne sont pas accompagnées de notes méthodologiques.

24. En Allemagne, la disponibilité d'informations détaillées sur les statistiques de recettes publiques auprès de l'Institut fédéral de statistique en Allemagne constitue une différence majeure avec la situation qui prévaut en France.

25. Aux Etats-Unis, l'annexe de l' Annual Report (rapport annuel des recettes et des dépenses effectives) constitue le document le plus complet sur le bilan annuel de l'ensemble des recettes de l'Etat fédéral. Cette publication est la plus détaillée des pays retenus.

L'emploi public

26. La situation de l'emploi public est connue en France tous les deux ans globalement et par statut, mais mal par service employeur, par types de formation et de compétences. Pour ce qui concerne l'évolution de l'emploi public en cours d'année, l'information française est très en deçà de celle des autres pays étudiés. Elle est en fait presqu'inexistante.

27. En matière de publications sur les effectifs et les salaires des administrations publiques, l'information britannique est dans une situation inverse à celle de la France : le suivi infra annuel y est relativement meilleur et le détail des données annuelles relativement moins satisfaisant. Le New earnings survey s'avère également particulièrement intéressant car il permet de disposer chaque année d'une enquête détaillée sur les revenus des différentes branches de l'économie. L'utilisation d'une méthodologie identique pour le secteur privé et le secteur public permet la réalisation d'analyses comparatives pertinentes.

28. La situation des Etats-Unis en matière d'effectifs et de salaires dans les fonctions publiques cumule les avantages du système britannique et du système français.

Des blocages dus à l'insuffisance d'information

29. Le Rapport d'orientation budgétaire déposé par le gouvernement en mai 2000 rappelle la nécessité de la transparence : « la transparence des finances publiques vise deux objectifs : accroître la crédibilité de la politique budgétaire et donc sa soutenabilité à moyen terme, éclairer la gestion et les choix de dépense publique par une meilleure mesure des coûts et des performances ».

30. Un bref rappel historique montre que ces objectifs, qui étaient présents au moment de la loi organique de 1959, ont été depuis perdus de vue et que le poids relatif accordé à chacun de ces deux objectifs a beaucoup varié dans le temps.

31. Pour ce qui concerne l'objectif d'amélioration des choix publics, les dispositifs de rationalisation du processus budgétaire mis en place dans les années soixante-dix se sont avérés plus lourds que prévu et ils se sont heurtés à l'insuffisance de l'information statistique et économique nécessaire à l'éclairage des choix. A la fin des années soixante-dix, une nouvelle étape méthodologique s'imposait. C'est en fait l'objectif lui-même qui a été abandonné. Rationalisation des choix budgétaires, budgets de programmes et indicateurs de résultats ont été supprimés de notre pensée budgétaire. L'information budgétaire n'a plus enregistré aucun progrès et elle a même régressé dans plus d'un cas.

32. Des tentatives parcellaires sont réapparues récemment (comptes rendus de gestion budgétaire par ministère) mais sans stratégie claire et structurée

33. La Commission des Comptes et des Budgets Economiques de la Nation a été supprimée et remplacée par une Commission Economique de la Nation. Il est trop tôt pour apprécier les avantages et les inconvénients de cette nouvelle procédure. Ce qui apparaît d'ores et déjà, c'est qu'elle ne résoud en rien ni le problème de la disponibilité et de l'accès à l'information statistique sur les administrations publiques, ni même le problème de l'accès aux données comptables et budgétaires relatives au projet de loi de finances lui-même.

34. Un Observatoire de l'emploi public a été créé par décret le 13 juillet 2000. L'Observatoire de l'emploi public est chargé d'assurer la collecte, l'exploitation et la diffusion de l'information sur l'emploi dans les fonctions publiques de l'Etat. A cette fin, la définition même du champ d'observation s'inspire d'une approche juridique (la fonction publique) plutôt que d'une approche économique (la nature de l'employeur). Or, les concepts de production, d'emploi ou de productivité n'ont de sens que par référence à l'unité de production. Limitant son champ d'analyse à l'emploi, l'Observatoire s'interdit d'avance les statistiques et les études de productivité.

35. On voit mal en outre ce qui ne pouvait pas être réalisé dans le domaine statistique par les administrations existantes.

36. Enfin, les 41 membres de l'Observatoire sont pour l'essentiel des représentants de l'administration publique ou de son personnel.

37. Il est à craindre que le souci d'une bonne diffusion des données collectées soit en définitive peu présent dans les travaux de l'Observatoire comme c'est en règle générale le cas dans notre administration publique, et que les travaux de l'Observatoire soient en définitive plus orientés vers des débats entre les administrations que vers une information externe et le débat public sur l'administration.

Les institutions responsables de l'information économique se sentent peu en charge du problème.

38. Le système statistique public français est animé et coordonné par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques qui en constitue le pôle principal. La fonction spécifique de l'INSEE implique une compétence, une objectivité et une garantie d'indépendance qui sont aujourd'hui très largement reconnues.

39. Le système statistique français comprend non seulement l'INSEE, qui en assure la coordination, mais aussi plusieurs services statistiques ministériels chargés d'établir les statistiques concernant leur domaine. Ces services publient épisodiquement des documents statistiques mais l'accès à ces documents reste mal structuré et souvent difficile.

40. L'INSEE ne semble pas se considérer véritablement en charge d'un programme d'information statistique destiné à éclairer les acteurs économiques (citoyens, monde professionnel, organismes de recherche) sur le secteur des administrations publiques.

41. Le rôle des services statistiques ministériels présente de nombreuses ambiguïtés. Dans certains cas, il s'agit surtout d'exploiter des données de gestion pour des besoins internes avec peu de diffusion externe. Dans d'autres cas, l'accent est mis sur des études dont les résultats sont loin d'être toujours publiés. Dans d'autres cas encore, il s'agit de véritables prolongements de l'INSEE qui procèdent à des enquêtes sur des populations extérieures (étudiants, délinquants, etc...) mais publient en revanche assez peu d'informations sur l'administration à laquelle ils appartiennent.

42. En définitive, il apparaît que le système statistique français est certes d'une qualité très généralement reconnue mais qu'il se sent peu investi d'une mission de diffusion organisée de statistiques régulières, fiables et documentées sur les administrations publiques et encore moins d'une mission d'analyse et d'étude de ce secteur.

43. En conclusion, la comparaison entre les statistiques disponibles sur les administrations publiques en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Etats-Unis suggère que des progrès substantiels sont possibles dans notre pays. Ces progrès apparaissent d'autant plus nécessaires que notre propre expérience passée suggère que l'insuffisance d'information est un facteur de blocage de la réforme de l'Etat.

Cinq propositions de méthode

Les observations précédentes appellent une réflexion en profondeur sur les initiatives à prendre afin d'améliorer le système d'information sur les administrations publiques. Nous nous contenterons d'évoquer ici cinq propositions de méthode :

1. Une revue mensuelle de statistique sur les finances publiques devrait être créée afin de rendre compte rapidement, régulièrement et de façon documentée de l'évolution des comptes de l'Etat, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale. Cette revue devrait comporter des séries rétrospectives longues et des études de comparaisons internationales.

2. Un calendrier prévisionnel de diffusion des résultats financiers des comptes des administrations publiques devrait être annoncé et bien entendu respecté.

3. Un accès permanent des instituts d'étude et de recherche indépendants aux administrations financières devrait être organisé et officiellement reconnu afin que les chercheurs puissent identifier les sources d'information disponibles, interroger les administrations sur leurs méthodes et demander le cas échéant certaines exploitations statistiques particulières.

4. Des études d'intérêt général sur le financement de crédits de recherche publique devraient être confiées à des équipes universitaires et à des instituts de recherche indépendants, et bien entendu publiées afin de comparer la situation des administrations publiques françaises avec celle des pays similaires en termes de coûts et de résultats.

5. Enfin, la fonction de collecte et de diffusion des données sur les administrations publiques devrait être explicitement créée et mise en oeuvre avec une autonomie suffisante par rapport aux tâches de gestion administrative courante.

Deux grands ensembles de données devraient être distingués : les données à caractère comptable (comptabilité financière et comptabilité de gestion), et les données à caractère statistique (résultats et moyens des administrations publiques). A ces deux ensembles pourraient correspondre deux agences publiques.

La fonction comptable et financière serait mise en oeuvre par une agence chargée de réunir et de diffuser auprès du public les comptes financiers de l'ensemble des administrations (Etat, collectivités locales, organismes sociaux, ainsi que leurs divers et nombreux organismes rattachés). La fonction statistique serait mise en oeuvre par une agence chargée d'organiser auprès de l'ensemble des acteurs publics la collecte, le traitement et la diffusion des données statistiques (personnel, moyens matériels, résultats, etc...), et de mener des études économiques sur les administrations publiques. De telles agences devraient être dotées d'une certaine autonomie dans leur action et disposer d'un conseil de personnalités indépendantes afin de veiller à la bonne diffusion des données recueillies.

On pourrait envisager que ces agences relèvent du Parlement. Cependant, dans notre organisation des pouvoirs publics, il peut être plus simple de les rapprocher d'une part de la direction de la comptabilité publique, d'autre part de l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, structures qui disposent déjà de la compétence technique et humaine pour gérer de telles missions. Encore faut-il que ces missions soient explicitées, effectivement attribuées et mises en oeuvre. L'essentiel est de bien reconnaître le rôle d'une information fiable, régulière et accessible dans le débat sur l'orientation et la gestion des administrations publiques.

Au moment où se discute une révision de la loi organique de 1959, il est essentiel de souligner que la réforme de l'Etat ne pourra pas progresser sans la mise en oeuvre d'un système d'information sur les administrations publiques qui soit efficace, fiable et ouvert à tous.

Première partie

Rapport de synthèse

Introduction

Les incertitudes sur les résultats d'exécution du budget de l'Etat 1999 ont souligné la difficulté pour les observateurs extérieurs à un petit cercle de l'administration de se faire directement une opinion sur l'état réel des finances publiques. Elles ont suscité chez beaucoup de nos concitoyens une forte attente de transparence sur l'ensemble du secteur public. Le problème dépasse largement la seule question de l'exécution du budget de l'Etat en cours d'année. Il concerne plus généralement l'accès à l'information sur l'ensemble du secteur des administrations publiques, sur leurs moyens, sur leurs résultats et sur leur performance. On rappellera que la dépense publique représente 53 % du PIB français et l'ensemble des emplois publics 25 % de l'emploi salarié en France. Le paradoxe est que les publications statistiques détaillées et régulières sont sans doute plus fournies sur le secteur privé, grâce au nombre et à la qualité des travaux de l'INSEE, que sur le secteur public. Cette situation est particulièrement dommageable à l'exercice normal de la démocratie et au pluralisme du débat en France.

L'information des citoyens sur le fonctionnement de l'Etat est en effet une exigence constitutionnelle : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » 7 ( * ) . Nonobstant cette exigence, de nombreux travaux mettent régulièrement en évidence les obstacles nombreux et récurrents auxquels se heurte la connaissance quantitative du secteur des administrations publiques, sans qu'il en résulte pour autant d'avancées réelles et significatives.

La présente étude réunit des données comparatives sur les statistiques concernant les administrations publiques en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Etats-Unis. Elle s'efforce de comparer la périodicité, la précision et l'étendue des données disponibles sur les recettes et les dépenses, sur les moyens (personnel et patrimoine) des administrations centrales, locales et sociales des quatre pays retenus et d'en tirer des enseignements pour notre pays.

Deux raisons essentielles légitiment la nécessité pour tous de pouvoir accéder à une connaissance détaillée des administrations publiques. Il y a d'abord « l'exigence démocratique » 8 ( * ) déjà rappelée précédemment. Il y a également et plus simplement la nécessité d'une recherche permanente de l'efficacité de l'action publique et d'une bonne gestion des administrations. Comme le soulignait déjà il y a plus de vingt ans le Rapport Lenoir et Prot 9 ( * ) , la production et la circulation des informations dans une société ne sont pas seulement une affaire de moyens. Elles dépendent également des questions que ses membres acceptent de se poser à eux-mêmes. Les conceptions qui prévalent en matière de transparence ou de secret déterminent autant la qualité des informations existantes que l'étendue de leur diffusion . Dans l'administration comme dans les autres secteurs d'activité, l'information constitue une variable stratégique. Mais si l'information économique est de façon générale une nécessité sociale, elle l'est ou devrait l'être tout particulièrement sur le secteur des administrations publiques qui combine des exigences de démocratie et d'efficacité économique.

Il y a une vingtaine d'années, l'initiative de diversifier les compétences macroéconomiques, à l'époque concentrées dans une administration publique très fermée, avait fait franchir un pas significatif au débat sur les prévisions et les politiques macroéconomiques dans notre pays. Mais dans beaucoup d'autres domaines, les progrès se sont révélés insignifiants et dans certains cas, on constate peut-être même des régressions. La masse considérable de données recueillies par l'administration sur elle-même reste sous-exploitée et peu accessible aux chercheurs, aux économistes et aux citoyens.

La lecture des différents rapports sur la disponibilité, la diffusion et le traitement de l'information sur les administrations publiques met en évidence la permanence des mêmes enjeux depuis une vingtaine d'années. Malgré quelques avancées, les objectifs d'il y a vingt ans restent toujours à concrétiser. Les problèmes sont depuis longtemps cernés, mais les réponses tardent à être mises en oeuvres.

Dans le Rapport Lenoir et Prot de 1979, la légitimation d'une bonne information sur l'administration renvoyait plus à des exigences d'ordre démocratique et macro-économique qu'elle ne découlait d'objectifs visant à l'efficacité de la gestion publique. Il est vrai que les besoins d'informations qui étaient alors jugés suffisants ne le sont plus en règle générale aujourd'hui. Cela est particulièrement évident en matière financière où des masses considérables d'informations sont aujourd'hui accessibles en temps réel. Pourtant, malgré l'exigence moindre de l'époque, l'information sur l'administration publique était déjà l'objet de critiques. La présentation des dépenses était jugée trop liée aux nomenclatures de la comptabilité publique. Il était déjà demandé une présentation plus fonctionnelle afin de s'articuler avec les méthodes de Rationalisation des Choix Budgétaires (méthode RCB). On croyait alors que « la lacune la plus criante (l'ignorance des effectifs) allait être comblée » 10 ( * ) . On comptait sur les travaux de l'INSEE à partir de l'exploitation des fichiers de paie informatisés pour combler les insuffisances. La mauvaise connaissance des effectifs et des salaires de la fonction publique, l'inadaptation de la présentation comptable en chapitres, articles et paragraphes et les lacunes en matière de suivi des investissements étaient ainsi mis en exergue dès 1979.

L'administration apparaît d'autant plus légitime qu'elle est perçue comme efficace et soucieuse de l'usage des ressources qu'elle prélève sur la nation. Or l'évaluation de cette efficacité nécessite une grande transparence. Une meilleure information sur la situation et l'action des administrations publiques apparaît désormais comme incontournable ainsi que le soulignait récemment le rapport Cieutat : « l'Etat ne peut lui-même être justifié que s'il est perçu comme efficace dans la satisfaction des attentes des citoyens et si son action concourt à ce qui est reçu comme étant le « bien commun » » 11 ( * ) . Diverses initiatives récentes témoignent de ce souci d'amélioration et de transparence.

La Haute Assemblée a notamment engagé des études approfondies en vue d'une lisibilité et d'une sincérité accrues des documents budgétaires et d'un meilleur contrôle parlementaire 12 ( * ) 13 ( * ) . Il est aussi envisagé dans certaines réflexions que les budgets ministériels soient présentés par programme et fassent l'objet de rapports de performance a posteriori .

Une autre préoccupation est récemment apparue touchant la connaissance du patrimoine de l'Etat. Elle s'est concrétisée par la mise en place d'une commission « comptabilité patrimoniale » présidée par M. Jean-Jacques François dont les travaux de grande qualité ont abouti à certaines recommandations mises en oeuvre dans le Rapport de présentation des comptes de l'Etat de 1999. Ce dernier contient en effet quelques avancées, en matière patrimoniale notamment, par rapport à celui de 1998 et traduit des améliorations du Compte Général des Finances.

Le 19 septembre 2000, un Observatoire de la fonction publique a été installé avec l'objectif de pallier une autre lacune de la situation actuelle, le manque d'information détaillée sur les personnels de la fonction publique. L'objectif aujourd'hui affiché est non seulement de mieux connaître le parcours et les compétences de chaque agent mais également d'anticiper et de planifier les besoins en personnel.

On notera que ces évolutions encore modestes ou à l'état de projets ne touchent pour l'essentiel que l'administration de l'Etat. De nombreuses lacunes touchent également les administrations locales et de sécurité sociale. En outre, pour ce qui concerne les administrations d'Etat, les réflexions ont été surtout concentrées sur la procédure budgétaire et les règles comptables plus que sur les moyens et les résultats ou sur les initiatives à prendre en vue de faciliter l'accès de tous à l'information. Au total, malgré les avancées récentes et attendues, des efforts substantiels de transparence restent à concrétiser.

L'appréciation de la qualité de l'offre d'information sur les administrations publiques peut être conduite de plusieurs points de vue.

L'information diffusée permet-elle une connaissance effective des équilibres budgétaires des administrations publiques ? Le Parlement et les instituts économiques disposent-ils des moyens d'analyser les conséquences des inflexions de conjoncture économique sur les recettes publiques ? La communication des ratios de déficit et de dette publique à la commission européenne a formalisé cette exigence de communication (au sens du Traité de Maastricht). Mais ce souci n'est qu'une exigence minimale. Il convient, pour la pluralité du débat économique, que chacun puisse avoir accès à une connaissance intime des dépenses et des recettes des différentes administrations publiques. Il serait également utile que soient mieux explicités et connus les hypothèses et les raisonnements utilisés dans les perspectives affichées par les différentes administrations.

La seconde exigence se réfère au critère d'efficacité. L'information disponible permet-elle de mesurer l'efficacité des services publics et de proposer les améliorations possibles ? Cette interrogation est vaste puisqu'elle engage bien évidemment la mesure de l'adéquation des résultats aux objectifs poursuivis et aux moyens mis en oeuvre. Mais elle comprend également une interrogation sur l'information disponible en matière de personnel et de patrimoine. Si l'information sur les fonctions publiques n'est pas suffisante afin d'élaborer une véritable gestion du personnel, il en découle une moindre efficacité. Par ailleurs, la méconnaissance du patrimoine des administrations, qu'il soit informatique ou immobilier, ne permet pas non plus des arbitrages de gestion satisfaisants.

Les comparaisons internationales montrent que si les objectifs de transparence sont sensiblement les mêmes dans chacun des pays étudiés, les résultats sont quant à eux contrastés. Il apparaît tout d'abord un grand décalage entre les Etats-Unis d'une part, et les autres pays européens (France, Allemagne et Royaume-Uni), en matière de transparence publique. Les informations disponibles aux Etats-Unis sont à la fois beaucoup plus précises et détaillées, plus pertinentes et réellement accessibles aux chercheurs et aux citoyens.

La situation générale de l'Europe est assez peu satisfaisante. A première vue, la situation française peut apparaître comme comparable à celle de ses grands voisins. Cependant la situation française fait apparaître des lacunes importantes. L'information sur les collectivités locales et sur les administrations sociales s'avère peu fréquente et disponible avec retard en France. En outre, l'organisation même des pouvoirs publics conduit dans les faits à disposer d'une information plus abondante au Royaume-Uni en raison de l'existence d'agences publiques soumises à une véritable obligation d'information et souvent aux règles communes de comptabilité. Il en est de même en Allemagne au niveau des Länder en raison de l'organisation décentralisée des pouvoirs publics et de l'effort réalisé par les collectivités territoriales. Il apparaît en définitive que la France cumule les inconvénients d'une forte centralisation et d'une faible conscience du devoir d'informer. La réforme de l'Etat ne pourra pas progresser sans la mise en oeuvre d'un système d'information sur les administrations publiques qui soit fiable et ouvert à tous.

Le présent rapport de synthèse comporte quatre chapitres. Le premier chapitre rappelle quelques tendances de l'information économique sur les administrations publiques françaises. Le second (qui est largement développé dans les rapports spécifiques par domaine de la deuxième partie du rapport) résume les principaux enseignements des comparaisons internationales. Le troisième chapitre propose une mise en perspective historique et fait apparaître la faiblesse des progrès accomplis en matière d'information sur les administrations publiques en France. Le quatrième chapitre pose la question des institutions chargées de l'information économique et de l'insuffisance des efforts entrepris pour diffuser une information statistique régulière et fiable sur les administrations publiques en France.

Chapitre 1 - L'information économique sur les administrations publiques françaises est très insuffisante

Il y a une vingtaine d'années, l'initiative de diversifier les compétences macroéconomiques concentrées à l'époque dans une administration économique publique unique et très fermée avait fait franchir un pas significatif au débat sur les prévisions et les politiques macroéconomiques. Plusieurs instituts indépendants ont alors été créés. Un véritable débat à pu s'ouvrir sur les prévisions macroéconomiques et la Commission des Finances de la Haute Assemblée en a souvent été l'initiateur. Mais d'une part ce pas en avant reste inachevé, d'autre part peu de progrès ont été accomplis pour ce qui concerne l'accès aux données sur le secteur public. Le pas en avant reste inachevé parce que l'information sur les calculs et les données budgétaires reste très peu accessible aux institutions indépendantes. Le dernier rapport économique et financier ne fournit même plus les comptes prévisionnels détaillés de la nation. D'autre part, la masse des données recueillies par l'administration reste sous-exploitée et inaccessible aux chercheurs et aux économistes. Par exemple, il n'est pas possible pour les centres de recherche privé d'accéder aux données permettant de faire des simulations fiscales alternatives. De façon plus générale, l'accès à des données pertinentes sur les administrations publiques s'avère difficile. Les rares publications (tardives mais périodiques) qui existaient telles Statistiques et Etudes financières, ont même disparu conduisant à un recul de l'information économique publique en France.

Les rapports sur la fonction publique sont nombreux et dénoncent tous l'inexistence d'informations nécessaires à une bonne connaissance du personnel (voir deuxième partie, étude 4). De nombreux concepts coexistent tant en matière de masse salariale que d'emploi public sans qu'il soit généralement possible d'en comprendre l'articulation et la portée exacte, ni de trouver l'ensemble des données correspondantes. En matière de masse salariale, il faut bien sûr distinguer les crédits ouverts par les lois de finances et les paiements effectivement constatés. En matière d'emplois, il faut distinguer les emplois budgétaires et les personnes physiques effectivement rémunérées sur les budgets publics.

L'effectif des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale est de 5 700 000 environ. Le rapport sur la Fonction Publique de l'Etat publié par la Cour des Comptes en décembre 1999 mentionne une estimation d'environ 5 millions de personnes pour les effectifs des trois fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière pour 1998. Le total des emplois créés ou financés dans les services de l'Etat par la loi de finances pour 1998 est de 2.374.230. Selon le rapport annuel du Ministère de la Fonction Publique, de la Réforme de l'Etat et de la Décentralisation (la Documentation Française), les effectifs réels des agents de l'Etat au 31 décembre 1997 étaient de 2.234.481 dont 1.660.514 titulaires, 69.081 ouvriers d'Etat, 204.798 non titulaires et 300.088 militaires. La dernière publication INSEE-résultats disponible à l'été 2000 recense (en décembre 1996) 3.118.993 salariés de l'Etat, les salariés des collectivités locales et des établissements hospitaliers étant exclus de ce chiffre. Il est normal que ces chiffres diffèrent puisque leurs champs sont différents, mais il s'avère difficile d'établir un raccordement clair entre ces différents chiffres.

Sur le champ des effectifs recensés, l'INSEE 14 ( * ) établit et publie un an sur deux des statistiques exhaustives donnant notamment des répartitions des effectifs selon plusieurs décompositions : 1) par ministère, par sexe, par type d'emploi, statut (et niveau hiérarchique détaillé) en distinguant les effectifs à temps complet et les effectifs à temps partiel, 2) par âge, par indice de traitement, par corps de la fonction publique, par région et département.

L'INSEE publie aussi dans un deuxième document 15 ( * ) un ensemble de tableaux sur les salaires bruts, les salaires nets, les prestations et les cotisations sociales reçues et versées, ainsi que sur les primes et taux de primes par catégories d'emplois. On trouve notamment les taux de prime par catégories d'emplois (les « primes » sont définies par l'INSEE comme l'ensemble des rémunérations imposables autres que le traitement, l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement et elles sont rapportées au traitement). Cependant, l'INSEE met en garde le lecteur sur le fait que les données publiées ne correspondent pas toujours aux rémunérations effectives des agents.

L'information sur le patrimoine public est de façon générale déficiente (voir deuxième partie, étude 5). Cette déficience est d'autant plus paradoxale en France que notre système foncier est très centralisé (Conservation des hypothèques, service des domaines, cadastre qui a le monopole des levés à grande échelle mais n'avance que lentement dans la numérisation du territoire). Un effort de prise en compte des données de bilan dans la comptabilité générale de l'Etat est en cours mais il reste très largement perfectible et les données sur les collectivités locales et les administrations sociales restent tardives, éparses et d'un accès peu aisé.

Peu d'analyse de la dépense par mission ou fonction d'intervention n'est disponible (voir deuxième partie, étude 2). Le budget fonctionnel n'a été en fait qu'un cadre de regroupement des dépenses publiques en quelques grandes rubriques sans grande signification et sans utilité aucune. Il n'est d'ailleurs plus établi compte tenu de son faible intérêt.

En matière de statistiques budgétaires rétrospectives, la dernière initiative prise par le Ministère des Finances est très ancienne. Elle a consisté à annexer au projet de loi de finances un dossier statistique de référence qui retrace l'évolution des masses budgétaires et des soldes en lois de finances initiales et en lois de règlement. Cette initiative a été saluée à l'époque comme un progrès, mais elle date de la fin des années soixante-dix et aucune amélioration n'a été apportée depuis. On soulignera à titre de comparaison que l'administration américaine annexe chaque année au projet de budget un document de 284 pages (les Historical Tables ) qui fournit une information rétrospective large, continue et détaillée sur les finances publiques américaines.

Une enquête qualitative a été conduite auprès d'une vingtaine d'économistes universitaires et bancaires ainsi que des responsables d'instituts d'études économiques indépendants. L'enquête ne visait pas à la représentativité mais plutôt à faire émerger des suggestions et des propositions. Les principales idées qui ressortent de cette enquête sont les suivantes.

Pour ce qui concerne la connaissance conjoncturelle des administrations en cours d'année, la disparité entre l'information sur l'administration centrale et l'information sur les administrations de Sécurité sociale et locales de l'autre est généralement soulignée. Un effort d'information statistique devrait dès lors porter sur les points faibles qui concernent surtout les administrations de Sécurité sociale (assurance maladie notamment) et les administrations locales. On peut en effet se faire une bonne idée du besoin de financement de l'Etat en suivant la balance mensuelle du Trésor, accessible sur Internet. Pour l'ensemble des administrations publiques, un objectif de suivi trimestriel peut paraître ambitieux, mais c'est dans cette direction qu'il faut aller. On suit assez bien l'Etat, mais mal les comptes sociaux, les ODAC (CADES notamment...) et moins encore les collectivités locales. C'est sans doute compliqué pour ces dernières du fait du nombre et de l'hétérogénéité des comptes à suivre, toutefois on pourrait imaginer de ne suivre à un rythme infra annuel qu'un échantillon représentatif d'entre elles. Une meilleure connaissance de la dette de la Sécurité sociale et des collectivités locales serait également souhaitable.

Du point de vue de l'accès, il est généralement considéré que l'information sur les soldes des administrations devrait être disponible via internet avec des liens entre les divers secteurs des administrations publiques. Le chercheur qui se connecte sur le site du Trésor devrait trouver un lien facile avec le site équivalent des administrations de Sécurité sociale (qui n'existe pas actuellement). Enfin, il est quelquefois demandé par les économistes financiers que l'information soit bilingue (français/anglais).

On souligne aussi que l'information statistique ne saurait se limiter à des séries et des tableaux. Un minimum d'interprétation est nécessaire, les services du gouvernement étant de loin les mieux placés pour la fournir. Un autre souhait exprimé est que soient publiés (et disponibles sur le web) des rapports d'analyse sur les principales variables du compte des administrations publiques. Tant que nous n'aurons pas en France l'équivalent du Bureau de contrôle du Congrès des Etats-Unis ( Congressional Budget Office ), il semble que ce sont les services administratifs qui sont les mieux placés pour préparer cette information.

Une revue rendant compte rapidement et de façon détaillée de l'état des « finances publiques », administrée par le Ministère de l'Economie et Finances et le ministère du Travail (disponible sur le web et à nouveau en français et en anglais), diffusant à la fois information statistique et analyses, permettrait de gagner d'appréciables parts de marché » dans la concurrence européenne pour attirer les capitaux grâce à une meilleure qualité de notre information.

Il est en outre jugé impératif de publier à l'avance des calendriers prévisionnels précis de diffusion des informations.

Pour ce qui concerne les données plus structurelles, plusieurs économistes sont conduits à juger très sévèrement le système d'information sur les coûts et les résultats de l'action publique et estiment qu'un effort énorme d'investissement statistique devrait être accompli afin de pouvoir analyser la « productivité » des administrations publiques.

Les données comptables concernant le secteur public devraient apporter une information au moins aussi précise, aussi détaillée et aussi rapidement disponible que celle que l'Etat exige en général du secteur privé. L'effort de comparabilité et d'explication doit être amplifié, à la fois au niveau international et entre les différents niveaux de gouvernement (Etat central et collectivités locales). Il faudrait aussi essayer d'établir un système permettant d'appréhender l'activité de l'Etat selon une logique beaucoup plus proche de celle du secteur des entreprises - l'Etat doit être comptablement « banalisé » si l'on veut qu'il soit mieux analysé. La qualité et le détail des informations sur les effectifs employés et sur les aspects patrimoniaux (éléments d'actif et de passif) doivent être considérablement améliorés.

Les informations sur la fiscalité et les transferts doivent être facilement disponibles à un niveau de désagrégation suffisant (notamment pour les classes de revenu). Un effort doit aussi être fait pour suivre des séries statistiques désagrégées longues (par région et par classe de revenu par exemple) pour permettre un développement des études économiques. Enfin, il convient d'exploiter au maximum les capacités d'Internet pour permettre un accès large et peu coûteux au « service public » de l'information statistique. En d'autres termes, il faut supprimer le plus grand nombre possible des multiples « barrières à l'entrée » financières ou matérielles qui limitent l'accès à l'information sur les administrations publiques.

Chapitre 2 - Une comparaison internationale peu avantageuse pour la France

L'examen comparatif détaillé conduit dans les études de la deuxième partie s'avère peu avantageux pour la France. Nous en résumons ici les principaux aspects dans les domaines de la connaissance des finances publiques en cours d'année, de la dépense, des recettes, des données rétrospectives et de l'emploi public.

2.1. Le suivi de l'exécution des budgets publics

2.1.1. L'Etat

Le suivi mensuel de l'exécution des comptes de l'administration centrale française repose sur la publication de la Situation du Budget de l'Etat . Ce document est complété par la Situation mensuelle des opérations du Trésor et par le Tableau synthétique des opérations du Trésor . On observera d'emblée l'absence de documents infra annuels présentant l'évolution du solde agrégé des différentes administrations publiques.

La Situation du Budget de l'Etat est un document mensuel apparu en avril 1996. Il remplace une publication de même nature de périodicité trimestrielle. Cette information budgétaire était alors incluse dans les Notes Bleues de Bercy. On y trouve, sous une forme agrégée et comptable, une présentation des dépenses, des recettes et des différents soldes effectifs du mois étudié. Ces chiffres sont mis en correspondance avec ceux du même mois de l'année précédente et avec les prévisions de la Loi de Finances. On peut regretter le peu de mise en perspective tant vis à vis d'une chronologie mensuelle rétrospective que d'une estimation prospective des dépenses et des recettes. Par ailleurs, il est également regrettable qu'aucun calendrier de publication ne soit disponible d'autant plus que le rythme de publication est quelque peu erratique. Il varie dans des délais allant de un à trois mois. Comparée aux situations des trois autres pays étudiés, la situation française paraît largement perfectible.

La publication mensuelle britannique, les Public sector finances (finances du secteur public), est inclus dans un ensemble cohérent de publications infra annuelles qui apportent des informations trimestrielles ou semestrielles plus précises. Les Public sector accounts (comptes du secteur public) traitent de l'ensemble du secteur public de façon plus détaillée que le document mensuel et le Governement deficit and debt under the Maastricht Treaty (le déficit et la dette publics au sens du Traité de Maastricht) propose une note explicative détaillée des soldes et dettes publiques selon les normes européennes. Au total, ce système d'information forme un ensemble cohérent et beaucoup plus riche en informations que celui de la France. On notera aussi que les parutions britanniques ont environ quinze jours d'avance sur les documents français et leur publication est annoncée jusqu'à quatre mois à l'avance à travers les Updates (communiqués).

En Allemagne, le nombre de sources d'émission d'informations sur les finances publiques et l'accessibilité en ligne des données auprès de l'institut national de statistiques ( Statistisches Bundesamt ) est particulièrement remarquable. En effet, tant le ministère des finances ( Bundesministerium der Finanzen ) que l'institut national de statistique et, plus surprenant, la Bundesbank, communiquent de façon infra-annuelle sur l'état des finances fédérales.

Le ministère des finances ( Bundesministerium der Finanzen ) édite trimestriellement le Bundeshaushalt (budget) qui reprend de façon détaillée les comptes de l'Etat fédéral. Ceux-ci sont consultables sur Internet (en version allemande uniquement). Contrairement aux documents britanniques, les dernières données ne sont pas insérées au sein de séries longues qui permettraient d'avoir un véritable recul vis-à-vis de l'information. En cela, la publication allemande ressemble à celle de la France en se contentant de comparer la situation actuelle à celle de l'année précédente.

Un document particulier Facts on public finance (situation des finances publiques) est également publié par le ministère des finances allemand et accessible sur Internet en versions allemande et anglaise. Il reprend la présentation fonctionnelle de la publication trimestrielle sans que ces informations soient toutefois aussi développées. Il y est également fait mention de la situation de la dette fédérale. La dernière page présente le calendrier des publications pour l'année à venir.

En résumé, la présentation des documents allemands est assez proche de celle des documents français, très comptables et avec une mise en perspective historique réduite. Toutefois il existe un réel effort de présentation fonctionnelle, dans les documents trimestriels notamment. De plus, la majorité des données est directement accessible sur Internet sur le site de l'institut fédéral de statistiques. Enfin la date des publications est connue environ un an à l'avance.

Aux Etats-Unis, le Monthly Treasury Statement (situation mensuelle du Trésor) présente de façon très précise l'évolution des dépenses des administrations fédérales et de façon synthétique l'évolution des recettes et du besoin de financement de chacune d'elles. Ce document fournit comme ses équivalents européens une présentation de l'évolution agrégée des recettes, des dépenses et du solde budgétaire courant. Mais il présente également en une vingtaine de pages un descriptif détaillé des dépenses par programmes au sein de chaque ministère.

2.1.2. La Sécurité sociale

La gestion de la sécurité sociale est organisée selon des modes différents d'un pays à l'autre. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis l'ensemble de la sécurité sociale est géré par les administrations publiques centrales et locales au côté des assurances privées. Un système similaire existe en Allemagne à l'exception de la branche maladie qui est gérée paritairement. En France, c'est l'essentiel du système de sécurité sociale dont la gestion découle du paritarisme.

L'enjeu d'une communication sur les soldes d'exécution de la sécurité sociale diverge nécessairement selon que l'organisation qui en a la charge se voit reconnue ou non un statut d'administration spécifique. En effet, dès lors que la sécurité sociale publique n'est pas autonome comme au Royaume-Uni, il n'est guère pertinent de communiquer sur un solde spécifique à la sécurité sociale puisque les soldes des administrations auxquelles elle est rattachée sont connus. Les Britanniques par exemple ventilent l'ensemble de leurs administrations publiques entre administrations publiques centrales, administrations publiques locales et entreprises publiques. Les administrations de sécurité sociales ne constituent pas un élément spécifique de leur typologie. L'Allemagne, qui est dans une situation intermédiaire, ne communique que dans un seul document, celui de la Bundesbank, sur un solde agrégé de la sécurité sociale qui comprend à la fois les recettes et les dépenses de l'administration fédérale, des administrations locales et de la branche maladie. Au sein des informations propres à l'échelon fédéral, la sécurité sociale n'est alors présentée que comme une fonction de dépenses ordinaires. Ainsi, seule la France fait de la sécurité sociale une branche réellement autonome des administrations publiques. Il découle de cette situation un réel besoin d'informations spécifiques qui rend le besoin, et le manque d'information encore plus manifeste.

La seule source d'information française sur l'exécution des comptes de la sécurité sociale est le rapport bi-annuel de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Le rapport publié au mois de mai présente notamment les comptes de l'année précédente et celui de septembre fournit une base de travail au projet de loi de finance de la sécurité sociale dont le vote intervient en novembre.

Les dépenses britanniques relevant du ministère de la sécurité sociale ne correspondent pas exactement au champ retenu en France. L'administration britannique utilise plusieurs grandes catégories de dépenses telles que les pensions de retraite, d'invalidité, les aides à la recherche d'emploi, aux ménages et les soutiens aux revenus. L'équivalent de la branche maladie est géré par le ministère de la santé. Au total l'équivalent du secteur de la sécurité social française ne forme pas une administration indépendante au Royaume-Uni, il est entièrement inclus dans le secteur des administrations centrales et locales. L'information relative à un solde spécifique de la sécurité sociale n'a donc pas de sens au Royaume-Uni.

L'état central britannique communique en rythme bi-annuel à partir des données budgétaires. La situation est alors largement comparable à celle de la France en terme d'information sur les agrégats de recettes et de dépenses. Cependant le Royaume-Uni ne se contente pas de communiquer à un rythme bi-annuel, il dispose également de publications mensuelles sur les recettes et dépenses effectives. Les Public sector finances proposent des séries de recettes imputables à la sécurité sociale et de dépenses de l'Etat central en matière de sécurité sociale.

La situation allemande en matière de sécurité sociale se situe entre le système français entièrement paritaire et la situation britannique entièrement administrative. On trouve des informations relatives à la sécurité sociale à la fois dans les documents de l'Etat fédéral et dans ceux des administrations locales, cependant ils n'intègrent pas la « branche maladie ». Seul la Bundesbank présente de manière agrégée l'ensemble des recettes et dépenses de sécurité sociale à travers l'appellation Social security funds . Ces résultats sont présentés en rythme trimestriel avec un retard de neuf mois pour le premier trimestre de l'année et seulement de quatre mois pour le quatrième trimestre. De plus les premières estimations trimestrielles peuvent être sujettes à de substantiels ajustements. Par rapport à la situation française, l'Allemagne diffuse donc le solde définitif du secteur de la sécurité sociale un mois avant l'administration française.

Aux Etats-Unis, le système public de sécurité sociale est géré par l'Etat fédéral. Il est le résultat de l'accumulation de fonds spécifiques comme le Old age and survivor insurance pour la vieillesse ou Medicare et Medicaid pour la santé. Des cotisations sociales sont perçues afin de financer partiellement les fonds de sécurité sociale mais, tout comme au Royaume-Uni, l'inexistence de gestion paritaire rend inutile toute référence à un solde spécifique de sécurité sociale. Il est cependant possible de suivre mensuellement l'évolution des cotisations sociales et des dépenses des différentes administrations sociales. Les Monthly Treasury Statement présentent les dépenses du ressort de l'Etat fédéral de manière détaillée et les recettes de manière agrégées. Au total, l'information diffusée par l'Etat fédéral est plus fréquente et plus précise que celle de ses homologues européens retenus dans cette étude.

2.2. L'information sur les dépenses des administrations publiques

2.2.1. L'Etat

En ne retenant que les publications semestrielles et annuelles et en termes de comptabilité générale, par nature de dépenses, la situation est satisfaisante pour les administrations centrales françaises. L'information par nature de dépenses existe, elle est disponible sur Internet et sa ventilation par nature comptable est assurée. En matière d'administrations locales françaises, les informations sont limitées à la présentation tardive d'agrégats comptables par région. Il est ainsi possible de connaître le montant par grandes catégories comptables (frais de personnel, subventions etc.).

En revanche, l'information sur l'objet de la dépense publique est presque inexistante en France. La ventilation fonctionnelle des dépenses des administrations devrait permettre de savoir à quel type de programme (école, autoroute, prévention des risques chimiques etc.) ont été attribués les fonds publics. Il s'agit du seul mode de communication réellement pertinent sur les secteurs d'intervention de l'Etat et l'importance relative de chacun d'eux en terme de dépenses publiques. Plus l'information fonctionnelle est détaillée, plus chacun peut se faire une idée précise des actions menées. L'administration française ne communiquait pas d'information fonctionnelle détaillée, du moins jusqu'en septembre dernier et la première parution des Comptes rendus de gestion budgétaire . Il faut donc saluer cette initiative, à vrai dire encore balbutiante. En 1999, il n'était possible de connaître les dépenses des ministères français qu'à travers la lecture d'une Loi de règlement « illisible », non documentée et très comptable. Depuis septembre 2000, les Comptes rendus de gestion budgétaire amorcent une information fonctionnelle utilisant une ventilation des programmes à l'intérieur de chaque ministère. Cependant, au stade actuel encore exploratoire, ni nomenclature, ni cadre stable de référence ne sont établis.

Aux Etats-Unis, il existe une information mensuelle ventilée par grands programmes de chaque Office (organisme administratif autonome) attaché aux différents ministères. L'essentiel de l'information fonctionnelle sur les dépenses effectives est disponible annuellement dans les Budget de chaque ministère. Par exemple, l 'Office of elementary and secondary education du ministère de l'éducation décline sur douze pages l'ensemble de ses différents programmes d'intervention comme la formation des instituteurs aux technologies, l'assistance aux parents, l'explication de la réforme scolaire, la lutte conte l'insécurité et la drogue etc.. L'information sur les programmes mise en oeuvre aux Etats-Unis est à la fois plus précise et plus compréhensible que dans tous les autres pays étudiés. En ce sens elle peut servir de modèle pour l'information sur l'analyse des dépenses par programme de l'administration française.

En ce qui concerne l'information fonctionnelle sur les dépenses des administrations locales et des administrations de sécurité sociale, les résultats sont simples et opposés. La France dispose de documents détaillés pour la sécurité sociale et d'un document peu détaillé sur les administrations locales. Sur ce dernier point, la situation française s'est améliorée depuis que la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire du 4 février 1995 a confié à l'Observatoire des collectivités locales la responsabilité de réaliser un état des lieux des finances locales. Ce document synthétise l'ensemble des données pertinentes en matière de recettes, de dépenses et de personnel notamment. Cependant, il ne peut lui-même s'en tenir qu'au commentaire des informations qui lui sont fournies, c'est-à-dire pour l'essentiel des données comptables par nature de dépenses.

2.2.2. Les collectivités locales

Les finances locales sont plutôt moins bien renseignées en France comparativement aux situations des autres pays. Trois raisons essentielles expliquent cette situation. Tout d'abord la complexité du système territorial français rend difficile et lent la consolidation des comptes. Ensuite, l'administration centrale française communique peu sur les administrations locales. Enfin, l'Institut National de Statistique ne communique pas sur l'ensemble de l'administration de la même façon que sur le reste de l'économie. Ces différences par rapport à nos partenaires européens conduisent l'information française en matière d'administrations publiques locales à être déficiente. Au Royaume-Uni, une information fonctionnelle relative à l'ensemble des administrations publiques est disponible dans les documents publiés par le ministère des finances. En Allemagne, c'est l'office de statistiques qui présente de façon très détaillée l'ensemble des dépenses fonctionnelles de l'ensemble des administrations publiques.

Un rapport d'octobre 2000 du Conseil National de l'Information Statistique (CNIS) sur la connaissance statistique des finances locales souligne que, bien qu'abondante, l'information sur les collectivités locales souffre essentiellement de délais trop importants et d'un manque de lisibilité. Les premiers résultats comptables des administrations publiques locales sont disponibles avec un délai de cinq mois et les résultats définitifs sont publiés dix huit mois après la clôture des comptes. Ce délai excessif provient de la complexité du secteur des collectivités locales en France. Avec ses 36 000 communes, ses 20 000 structures intercommunales et ses 52 000 établissements publics locaux auxquels il faut ajouter 42 000 budgets annexes, le nombre de comptes à enregistrer est bien supérieur à celui des autres grands pays européens. De plus l'hétérogénéité des nomenclatures et la nécessité de disposer de comptes consolidés rend encore plus lourd le travail d'agrégation réalisé par la Direction générale de la comptabilité publique. Par ailleurs, l'hétérogénéité des nomenclatures utilisées selon qu'il s'agisse de comptabilité publique locale ou nationale, de comptabilité nationale ou encore européenne rend extrêmement difficile la comparaison des différentes sources pour tout observateur. Mais les difficultés essentielle de lisibilité proviennent d'une communication en termes exclusivement comptables. Une présentation fonctionnelle des différentes dépenses serait nécessaire pour analyser l'objet de la dépense.

Au total, le Conseil National de l'Information Statistique avance plusieurs recommandations afin d'améliorer l'information et sa diffusion :

- Une meilleure publicité de l'information existante notamment en réalisant un guide des sources d'information sur les finances publiques locales serait bienvenue.

- Un élargissement de la diffusion des données tant en matière de support (recours plus important aux CD-ROM et à Internet) qu'en matière de précision de celles-ci au moyen d'informations moins agrégées serait également souhaitable.

- Le développement de partenariats avec des instituts comme l'INSEE, l'Observatoire des Finances Locales (OFC) ou encore le Comité des Finances Locales (CFL), permettrait encore de valoriser l'information existante.

- La construction de tableaux synthétiques permettant de mettre en correspondance les deux grands systèmes d'information que sont la comptabilité publique et la comptabilité nationale serait également utile.

- Enfin, la promotion d'une présentation fonctionnelle des dépenses et une identification plus précise des flux financiers croisés entre les différentes collectivités locales et l'Etat apparaît nécessaire.

2.2.3. L'information sur les performances

La présentation de critères de performances par l'administration centrale française est très récente. Cette préoccupation s'est concrétisée par la publication des Comptes rendus de gestion budgétaire en septembre 2000. La faible qualité attribuée à cette information vient de ce qu'une proportion importante des indicateurs annoncés ne sont pas renseignés. Ainsi un nombre important d'objectifs et de résultats pour l'année 1999 ne sont pas disponibles. L'initiative est donc à saluer, mais ces premiers résultats doivent être considérablement améliorés.

La situation britannique est comparable à celle de la France en nombre d'objectifs de performances mais chacun d'entre eux est renseigné. Lorsque les ministères français communiqueront sur l'ensemble des objectifs qu'ils semblent vouloir se fixer, la situation française sera comparable à celle du Royaume-Uni. Toutefois, au regard de la situation américaine, les informations françaises et britanniques sur les performances des administrations publiques sont très limitées.

A titre d'exemple, le ministère américain de l'éducation dispose, en propre, d'un service d'évaluation qui analyse les différents programmes en cours et diffuse ses résultats sur Internet. De plus, comme tous les ministères américains, il publie également un rapport annuel de performance. Celui-ci est constitué de deux volumes de plus de 200 pages qui développent les résultats détaillés découlant de 22 grands objectifs. Par exemple, pour l'objectif de lutte contre la drogue et pour la sécurité dans les écoles, on trouve six indicateurs eux-mêmes ventilés selon les années scolaires : pourcentage de lycéens ayant bu de l'alcool dans les 30 derniers jours (ou durant l'année et à l'école), ayant utilisé de la drogue dans les 30 derniers jours (ou durant l'année et à l'école), pourcentage de crimes violents ayant été commis à l'école ou encore pourcentage d'agressions physiques perpétrées à l'école.

2.3. L'information rétrospective

Au regard de l'enjeu politique, la situation française en matière de publication de séries rétrospectives et prospectives détaillées n'est pas du tout satisfaisante. Lorsqu'elle est disponible, l'information sur plus de cinq ans réunie dans un document unique est toujours de nature très agrégée et exclusivement comptable. De plus, le seul document qui présente des prévisions des dépenses publiques à plus d'un an, le Programme pluriannuel de finances publiques , se situe à un niveau d'agrégation encore plus important, sans la moindre ventilation des dépenses. Au total les informations françaises rétrospectives et prospectives apparaissent très limitées quand on les compare aux publications britannique et allemande et insignifiante au regard de la qualité des publications américaines.

Contrairement à la France, où l'essentiel des publications présente la situation de l'année en cours par rapport à l'année précédente et propose parfois une estimation des dépenses pour l'année suivante, les principaux documents de l'administration britannique présentent l'ensemble de leurs séries de données sur une période rétrospective de cinq ans et prospective de deux ans. La moindre information sur une ligne particulière de dépense se décline immédiatement dans les documents britanniques en dépenses passées (sur plusieurs années), actuelles et futures (sur deux ans). Ce procédé permet immédiatement de visualiser l'évolution de chaque dépense sur un horizon de près de dix années.

En Allemagne, une telle information n'est pas directement accessible sur des documents imprimés sauf à des niveaux d'agrégation très importants. C'est le cas notamment des documents de la Bundesbank. En revanche, le site de l'institut fédéral de statistiques permet de télécharger l'ensemble des séries rétrospectives pour l'Allemagne réunifiée depuis 1992. Or, contrairement à la situation française, l'institut allemand de statistiques dispose d'informations détaillées sur l'ensemble des administrations publiques et offre ainsi un accès aisé à un nombre important de données sur le secteur public.

En matière de données prospectives on soulignera la faiblesse des données publiées en France. L'information disponible y est en effet bien moins détaillée qu'au Royaume-Uni et qu'en Allemagne, les publications de ces pays étant elles-mêmes bien en deçà de la qualité de l'information américaine. L'annualité budgétaire limite tout effort de prospective en France.

2.4. Les recettes

La situation britannique en matière d'information sur les recettes des administrations apparaît au mieux équivalente à celle de la France. L'accès à des séries comptables longues et détaillées sur les recettes fiscales britanniques est aussi problématique qu'en France. Les analyses prospectives sont plutôt limitées et ne sont pas accompagnées de notes méthodologiques. Seule l'analyse sociale rétrospective réalisée par l' Inland Revenue (la principale administration britannique collectrice des impôts) apparaît très détaillée. Mais en l'absence d'un document de même qualité établi par le HM Customs & Excise (l'autre service collecteur d'impôts), le panorama fiscal n'est pas complet.

La situation allemande en matière de séries rétrospectives sur les recettes est particulière. Du fait de la réunification, les séries disponibles connaissent une rupture en 1989-1990. Il est toujours possible de disposer de l'historique allant de 1991 à nos jours et parfois de données antérieures propres à la République Fédérale d'Allemagne. Outre cet aspect structurel, la mise en place d'une réforme fiscale majeure en Allemagne a conduit à la production d'une grande quantité d'informations en matière de recettes depuis 1999. Ainsi, un nombre très important de documents présente et analyse les objectifs et les résultats attendus de cette réforme.

Les éléments d'information émanant du ministère des finances allemand sont sensiblement comparables aux données françaises. Cependant, la principale différence entre la situation allemande et la situation française en matière de disponibilité des données sur les recettes fiscales vient de ce que l'organisme fédéral de statistiques met ces données à disposition de chacun sous forme de séries téléchargeables sur Internet. Un accès aisé à des séries de données détaillées depuis la réunification et à des données moins précises mais remontant jusqu'en 1961 est ainsi ménagé.

Cette disponibilité d'informations détaillées sur les statistiques publiques auprès de l'Institut fédéral de statistique en Allemagne constitue une différence majeure avec la situation qui prévaut en France. Elle assure un traitement homogène des données publiques et privées ainsi qu'une disponibilité accrue. En ce sens, le système allemand constitue un exemple dont la France pourrait avantageusement s'inspirer.

Aux Etats-Unis, l'annexe de l' Annual Report (rapport annuel des recettes et des dépenses effectives) constitue le document le plus complet sur le bilan annuel de l'ensemble des recettes de l'Etat fédéral. Cette publication est la plus détaillée des pays retenus. Elle présente chacune des ressources jusqu'aux plus anecdotiques comme les intérêts reçus par le fonds d'investissement de la Fondation de bourses scolaires Harry S. Truman ou encore les taxes portuaires de Paulsboro en Pennsylvanie. Outre le détail des différentes séries de recettes fiscales, c'est la disponibilité de séries longues rétrospectives et d'analyses prospectives détaillées qui rendent la situation américaine exemplaire. Les Historical Tables (tableaux historiques) permettent de disposer d'informations sur les principales recettes fiscales depuis 1934 et de projections jusqu'en 2005. Ce document constitue une base de travail tout à fait essentielle pour toute analyse ou modélisation économique de la fiscalité américaine. De plus, les résultats prospectifs comptables, également disponibles dans les Analytical perspectives, se doublent, dans le Budget, d'analyses très détaillées sur les répercussions fiscales sur dix ans des réformes envisagées. On peut toutefois regretter l'absence d'indications méthodologiques détaillées.

2.5. La fonction publique

Des nombreux rapports sur la fonction publique centrale française décrivent les difficultés spécifiques inhérentes à ce secteur. La définition même de l'objet à étudier pose problème. Quand peut-on dire qu'un salarié est employé par l'Etat ? L'inexistence d'une typologie consensuelle s'accompagne très directement de l'impossibilité de comptabiliser simplement le nombre de personnes payées par le budget de l'Etat.

Il existe fondamentalement deux sources d'informations sur les employés de l'Etat : la loi de finance et le recensement de l'INSEE, lequel est réalisé à partir de l'exploitation des fichiers de paie de la fonction publique. Il faut ajouter des enquêtes réalisées par la Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) qui donnent lieu à la publication d'un rapport annuel.

La loi de Finances ne tient compte que des emplois budgétaires, c'est à dire des emplois permanents et à temps complet présentés dans les « verts », documents budgétaires annexes à la loi de Finance. En fait, une telle source d'information est très partielle. En effet, un emploi budgétaire autorisé peut ne pas être pourvu ou bien, à l'inverse, il peut servir de support à deux personnes employées à mi-temps. De plus, la connaissance définitive des emplois budgétaires réellement utilisés n'est effective qu'avec la loi de règlement.

L'enquête de l'INSEE permet de se faire une idée très détaillée des agents employés par l'Etat, par ministère, par corps, par grade, par sexe, par age, par département et par type d'emploi (plein temps ou mi-temps). Le Rapport annuel sur la fonction publique et la réforme de l'Etat souligne toutefois que « dans les statistiques issues du fichier de paie, les salariés sont affectés à leur ministère payeur, et non pas nécessairement à celui dans lequel ils sont en fonction » 16 ( * ) . Il ne s'agit donc pas proprement parler de statistiques d'emploi.

Contrairement aux emplois qui sont connus par ministère, les rémunérations, primes comprises, ne sont disponibles que par catégorie socioprofessionnelle. Cette pratique rend impossible toute mise en évidence de différences de traitement entre personnels de même rang mais d'affectation différente. Le « rapport Joxe » sur la Fonction publique de l'Etat de décembre 1999 concluait ainsi que « les rémunérations accessoires forment un ensemble particulièrement complexe et opaque qui n'évolue pas dans le sens d'une simplification mais dans celui de l'ajout de mesures catégorielles nouvelles » 17 ( * ) .

Pour ce qui concerne l'évolution de l'emploi public en cours d'année, l'information française est très en deçà de celle des autres pays étudiés. Elle est en fait presqu'inexistante.

Cette absence tient pour l'essentiel au traitement particulier réservé à la sphère publique en France. Alors qu'il est possible de suivre mensuellement les effectifs et trimestriellement les salaires du secteur privé, ni le ministère de l'Emploi, ni l'INSEE ne publient de données sur l'évolution de l'emploi dans le secteur public. Pour les salaires, seule une information rapide de l'INSEE publie l'évolution de l'indice du salaire de base de la fonction publique d'Etat.

En matière de publications sur les effectifs et les salaires des administrations publiques, l'information britannique est dans une situation inverse à celle de la France. Le suivi infra annuel y est relativement meilleur et le détail des données annuelles relativement moins satisfaisant. Seuls les Civil service statistics, qui ne regroupent qu'une partie des effectifs publics, sont présentés de manière très détaillée. Ce document n'est pas aussi détaillé que son équivalent français publié par l'INSEE mais il participe de la même philosophie : présenter une photographie socio-économique des agents recensés. Il ne concerne que les civil servants , qui ne représentent qu'une faible part de l'emploi public. Le New earnings survey s'avère également particulièrement intéressant car il permet de disposer chaque année d'une enquête détaillée sur les revenus des différentes branches de l'économie. A nouveau, l'utilisation d'une méthodologie identique pour le secteur privé et le secteur public permet la réalisation d'analyses comparatives pertinentes.

La situation des Etats-Unis en matière d'effectifs et de salaires dans les fonctions publiques cumule les avantages du système britannique et du système français. En effet, il existe à la fois des données infra annuelles sur la fonction publique homogènes avec celles des autres secteurs et des données quadriennales très détaillées issues d'une procédure de recensement. Tous les quatre ans, le Census Bureau réalise en effet un recensement très détaillé de l'ensemble des fonctions publiques américaines permettant pour l'essentiel de croiser l'activité et la localisation de chaque agent. Bien qu'étant d'un grand détail, ces documents présentent sur certains points moins d'informations que ceux réalisés par l'INSEE.

Chapitre 3 - Un essai de mise en perspective historique

Une mise en perspective historique fait apparaître la faiblesse des progrès accomplis en matière d'information sur les administrations publiques en France.

Le Rapport d'orientation budgétaire déposé par le gouvernement en mai 2000 rappelle avec pertinence la nécessité de la transparence. Ainsi fait-il observer que « la transparence des finances publiques vise deux objectifs : accroître la crédibilité de la politique budgétaire et donc sa soutenabilité à moyen terme, éclairer la gestion et les choix de dépense publique par une meilleure mesure des coûts et des performances ». Un bref rappel historique montre que ces objectifs, qui étaient présents au moment de la loi organique de 1959, ont été depuis perdus de vue et que le poids relatif accordé à chacun de ces deux objectifs a beaucoup varié dans le temps.

Si l'on s'en tient au cas de la France, on constatera sans être surpris que, dans les années cinquante, les nécessités de la reconstruction et l'instabilité politique n'avaient permis de satisfaire convenablement ni au premier ni au second de ces objectifs. Les premiers gouvernements de la Cinquième République ont été amenés à placer d'abord l'accent sur la restauration de la crédibilité et de la soutenabilité de la politique budgétaire. C'est dans cette perspective qu'il faut situer l'ordonnance du 2 janvier 1959 dont les effets favorables sur le rétablissement de nos finances publiques ont été rapides.

Dès lors que l'objectif de crédibilité a été atteint, un vaste mouvement de réforme de nos procédures budgétaires a été engagé en vue de mieux atteindre le second objectif : « éclairer la gestion et les choix de dépense publique par une meilleure mesure des coûts et des performances ». Il est intéressant de rappeler les fondements de cette démarche et les obstacles qui ont été rencontrés, en raison notamment de l'insuffisance de l'information budgétaire. Il est important de rappeler que la réforme de l'Etat a rapidement buté sur l'insuffisance de notre système d'information sur les administrations publiques.

3.1. L'expérience de la RCB a buté sur l'insuffisance du système d'information public

Au début 1968, le gouvernement français engageait une réforme profonde des méthodes budgétaires. Par un arrêté du 13 mai 1968 (JO du 15 mai) le Ministre de l'Economie et des Finances créait une équipe de travail (la « mission RCB ») ayant pour objectif « d'expérimenter une méthode tendant à la rationalisation des choix budgétaires et au contrôle des résultats de l'action administrative par des études d'analyse de système et de coût-efficacité ». Dans l'exposé de sa mission, le responsable de cette équipe, M. Philippe Huet, estimait que « La RCB, - par un revirement complet des perspectives et des méthodes de l'action publique, par l'utilisation des techniques de calcul formelles et mécaniques offertes grâce au développement des ordinateurs, par la modification des mentalités et des relations administratives qu'elle implique, ouvre au Gouvernement qui la pratique et à l'Administration qui l'applique la perspective de résoudre efficacement à la fois ces problèmes d'économie, d'organisation et d'information ensemble posés. »

« L'essence de la méthode consiste et à définir des « objectifs » - aussi complètement et précisément que possible - et à comparer systématiquement tous les moyens utilisables pour les atteindre. Les avantages et les coûts de chaque action administrative font l'objet d'une évaluation - fondée, si besoin est, sur des estimations forfaitaires - afin de développer au maximum les possibilités de calcul. Non seulement les coûts et avantages directs sont pris en compte, mais tout ce qui constitue une charge ou un gain indirect pour la collectivité. »

D'emblée apparaissait l'enjeu d'une information structurée sur les administrations publiques : « La construction de nomenclatures exhaustives, base du travail de regroupement des dépenses, permet de recenser et de reclasser l'ensemble des problèmes traités par le Ministère ou l'Unité administrative en cause. L'importance prioritaire de certains, parfois oubliée, peut apparaître alors. De même, la collecte systématique dans les nouveaux cadres descriptifs d'une information complète sur les coûts et les résultats des programmes existants, afin de permettre une étude économique des projets, décèle les inadaptations des données statistiques recueillies et les failles dans leur collecte. Enfin la réflexion sur les activités et les objectifs conduit à s'interroger sur l'adaptation à ses missions de l'organisation du Ministère en cause. »

La RCB a donné lieu à de nombreuses initiatives, y compris à l'établissement d'une nouvelle série de documents budgétaires (les « blancs » budgétaires) particulièrement intéressants de notre point de vue car ils tentaient de rapprocher les coûts des programmes d'action administrative et les objectifs chiffrés assignés à ces programmes. Pourtant, malgré le caractère légitime et cohérent de la démarche engagée, la tentative de rationalisation des choix budgétaires a été pratiquement abandonnée au début des années 80. Il convient de s'interroger sur les raisons de cet échec.

Après une dizaine d'années d'efforts méthodologiques et de procédures, les années quatre-vingt et la première partie des années quatre-vingt-dix marquent en fait une régression sur les deux plans de l'équilibre des comptes publics et de l'efficacité de l'action publique. L'objectif de crédibilité des finances publiques a été progressivement perdu de vue au point que tous les budgets de l'Etat ont été présentés et exécutés au cours de cette période avec un déficit, même dans les meilleures années de conjoncture économique comme 1989 et 1990, et que les comptes des administrations publiques ont été en 1993 parmi les plus mauvais de notre histoire économique. Il en est résulté au début des années quatre-vingt-dix une situation budgétaire insoutenable qui a imposé des mesures de rééquilibrage urgentes et de grande ampleur.

Pour ce qui concerne l'objectif d'amélioration des choix publics, les dispositifs de rationalisation du processus budgétaire mis en place dans les années soixante-dix s'est avéré plus lourd que prévu et il s'est heurté à l'insuffisance de l'information statistique, et économique nécessaire à l'éclairage des choix. A la fin des années soixante-dix une nouvelle étape méthodologique s'imposait. C'est en fait l'objectif lui-même qui a été abandonné au début des années quatre-vingt. Rationalisation des choix budgétaires, budgets de programmes et indicateurs de résultats ont été supprimés de notre pensée budgétaire. La nécessité d'une information détaillée sur les coûts et les performances publics structurées pour nourrir la procédure budgétaire ayant disparu, l'information budgétaire n'a plus enregistré aucun progrès et elle a même dans plus d'un cas régressé.

3.2. Réapparition récente de tentatives parcellaires sans stratégie claire

Le rapport déposé en mai 2000 par le gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire affichait plusieurs initiatives en vue d'améliorer la lisibilité des finances publiques. Il prévoyait notamment que le projet de loi de règlement serait accompagné de comptes rendus de gestion des ministères (circulaire du Premier ministre du 21 février 2000 et circulaire de la secrétaire d'Etat au Budget du 16 mars).

Le Compte Général de l'Administration des Finances comporte en outre cette année plusieurs nouveautés :

- la prise en compte de la charge de la dette en droits constatés qui permet, en complément de la traduction budgétaire, de donner en comptabilité générale de l'Etat une mesure économique de la dette,

- l'enregistrement des recettes fiscales en droits constatés par la constitution d'une provision pour créances fiscales, comptabilisée au niveau central, calculée dans un premier temps sur une base statistique,

- le changement de méthode d'évaluation des dotations et participations de l'Etat, reclassées en distinguant le secteur marchand et le secteur non marchand (appliquée dans un premier temps à une dizaine d'entités du secteur marchand, la nouvelle méthode sera progressivement étendue),

- la rénovation de la comptabilisation des immobilisations inscrites au bilan, qui seront désormais inscrites à leur valeur de marché pour les stocks, et l'introduction d'amortissements pour les biens corporels,

- la présentation d'une annexe au bilan, retraçant des engagements de l'Etat « hors bilan ».

Les travaux en cours devraient permettre ultérieurement de présenter un état des dépenses et des créances non fiscales en droits constatés.

Enfin, il est prévu d'améliorer la clarté du projet de loi de finances en annexant une « charte de budgétisation » à l'exposé des motifs du projet de loi de finances. Au titre du principe de permanence des méthodes, les règles de budgétisation seront exposées ainsi que les changements qui pourraient intervenir d'une année sur l'autre. Afin de permettre les comparaisons, une présentation du budget à structure constante sera jointe chaque année au projet de loi de finances. En outre, une annexe au projet de loi de finances explicitera les relations financières entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale et décrira les prélèvements fiscaux et sociaux affectés à la sécurité sociale.

Les objectifs de transparence proposés par le FMI

Le Fonds Monétaire International a proposé quelques éléments de définition de la transparence en matière de finances publiques. Ceux-ci s'articulent autour des quatre principes suivants :

1. Des acteurs aux rôles et aux responsabilités clairement définis : la distinction doit être claire entre secteurs public et privé et au sein du secteur public entre autorités budgétaire, monétaire et administrative.

2. L'accès du public à une information exhaustive et sincère, publiée à des intervalles réguliers.

3. Des procédures de présentation, d'élaboration et d'exécution des budgets comptablement normalisées et certifiées.

4. Un examen contradictoire et indépendant de l'information budgétaire ».

Source : rapport pour le débat d'orientation budgétaire - Mai 2000

Chapitre 4 - Des institutions chargées de l'information économique peu concernées par l'information sur les administrations publiques

La question examinée ici concerne l'organisation statistique française sur les administrations publiques.

4.1. De la Commission des Comptes de la Nation à la Commission Economique

La première grande initiative d'information sur la transparence budgétaire a été la création en 1952 d'une Commission des Comptes et des Budgets Economiques de la Nation (décret n° 52-164 du 18 février 1952). Cette commission dont le président était désigné par arrêté conjoint du Président du Conseil et des Ministres des Finances, du Budget et des Affaires Economiques comprenait :

1. Vingt huit membres de l'Assemblée Nationale, du Conseil de la République, de l'Assemblée de l'Union Française et du Conseil économique désignés par arrêté conjoint du Président du Conseil, du Ministre des Finances, du Ministre du Budget et du Ministre des Affaires économiques.

2. Le Commissaire Général au plan, le Secrétaire Général permanent de la Défense Nationale, le Gouverneur de la Banque de France, un magistrat de la Cour des Comptes désigné par le premier président de la Cour, et vingt-trois hauts fonctionnaires ayant rang de directeur ou chef de service ou un rang au moins équivalent et désignés à raison de quatre par le Ministre des Finances, cinq par le Ministre des Affaires Economiques, deux par le Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale, un par chacun des ministres des Affaires Etrangères, de l'Intérieur, des Travaux Publics, des Transports et du Tourisme, de l'Industrie et de l'Energie, du Commerce, de l'Agriculture, de la France d'outre-mer, de la Reconstruction et de l'Urbanisme, des Postes Télégraphes et Téléphones et de la Marine Marchande, le Ministre du Budget.

3. Quinze membres désignés par arrêté conjoint des Ministres des Finances, du Budget et des Affaires Economiques, parmi les personnalités qualifiées par leurs travaux et leur compétence économique et financière, notamment en matière de revenu national et de comptabilité nationale.

Selon le décret de 1952, la Commission des Comptes et des Budgets Economiques de la Nation recevait régulièrement communication :

1. Des comptes économiques de la nation pour l'année antérieure. Un premier état de ces comptes était présenté par l'Institut national de la statistique et des études économiques avant le 31 mai. Les comptes étaient complétés ensuite, au fur et à mesure de la réunion des informations.

2. Des comptes provisoires de la nation pour l'année en cours. Ces comptes étaient constitués par une ou plusieurs mises à jour des comptes prévisionnels établis dans les conditions fixées par l'alinéa suivant. La Commission sera saisie d'un premier état des comptes provisoires de l'année 1951 avant le 30 avril 1952.

3. Des comptes prévisionnels de la nation pour l'exercice suivant. Ces comptes étaient présentés par le service des études économiques et financières du Ministère des Finances en liaison avec les directions compétentes des Ministères des Finances, des Affaires Economiques et du Budget.

Le Président de la Commission arrêtait les termes des rapports sur les comptes et les budgets économiques de la nation et les transmettait au gouvernement qui les présentait au Parlement.

La Commission a été réformée par un décret (n° 87-140 du 4 mars 1987). Le principal changement a consisté à restreindre fortement le nombre de ses membres. L'article 1 er prévoit ainsi que la Commission des comptes et des budgets économiques de la nation, présidée par le ministre chargé de l'économie, comprend :

1. Le commissaire général au Plan, le gouverneur de la Banque de France, le directeur du Budget, le directeur du Trésor, le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques, le directeur de la prévision, le chef du service de la législation fiscale ;

2. Huit membres du Conseil économique et social, désignés par arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre chargé de l'économie ;

3. Douze membres choisis parmi les personnalités qualifiées par leurs travaux et leur compétence économique et financière, désignés par arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre chargé de l'économie, pour une durée de quatre ans ;

4. Le président et le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan de l'Assemblée nationale, le président et le rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation du Sénat.

Les articles 2 à 4 prévoient trois sessions par an, la première session de la commission devant se situer entre le 1er et le 31 mars. Lors de cette session, la commission examine la conjoncture et les premiers résultats économiques de l'année écoulée, les comptes prévisionnels de la nation pour l'année en cours, les budgets économiques de la nation pour l'année suivante. L'article 3 prévoit une deuxième session de la commission entre le 1er et le 30 juin. Lors de cette session, la commission examine le rapport sur les comptes de la nation, et notamment le compte provisoire pour l'année passée, un thème économique choisi par le ministre chargé de l'économie et faisant l'objet d'un rapport particulier. Enfin une troisième session de la commission a lieu entre le 15 septembre et le 31 octobre (article 4). Lors de cette session, la commission examine un rapport sur les comptes prévisionnels de la nation pour l'année en cours et les budgets économiques de la nation pour l'année suivante, associés au projet de loi de finances. L'article 5 prévoit que le rapport sur les comptes de la nation de l'année précédente, le rapport sur les comptes prévisionnels de la nation pour l'année en cours et les budgets économiques de la nation pour l'année suivante sont joints chaque année en annexe au rapport définissant l'équilibre économique et financier produit à l'appui du projet de loi de finances (ce que prévoyait déjà le décret de 1952).

L'article 6 officialise l'existence d'un groupe technique de la commission des comptes et des budgets économiques de la nation, présidé par le directeur de la prévision ou son représentant. Ce groupe est formé d'experts choisis en fonction de leur compétence par son président, de représentants du Commissariat général du Plan désignés par son commissaire général, de représentants de l'Institut national de la statistique et des études économiques désignés par son directeur général et de représentants de la direction de la prévision désignés par son directeur. Les membres siégeant à la commission en tant que représentants du Conseil économique et social et en tant que personnalités qualifiées ainsi qu'un représentant désigné respectivement par la commission des comptes de l'agriculture de la nation, la commission des comptes commerciaux de la nation, la commission des comptes de la santé, la commission des comptes de la sécurité sociale et la commission des comptes des transports de la nation participent aux réunions du groupe technique. Le groupe technique se réunit à l'initiative de son président pour étudier toute question qu'il juge utile à la préparation des travaux de la commission. Il procède notamment à un premier examen des prévisions économiques qui seront présentées à la commission. A cet effet, il rassemble et compare les analyses et les prévisions disponibles relatives aux années sous revue. Un compte rendu des travaux du groupe technique est présenté au début de chaque session de la commission.

Ce dispositif a été une nouvelle fois modifié par un décret de 1999 (n° 99-416 du 26 mai 1999). Ce décret supprime en fait la Commission des comptes et des budgets économiques de la nation, et la remplace par une commission économique de la nation dont la composition et les missions sont différentes.

La Commission économique de la nation comprend vingt-deux membres choisis parmi les personnalités qualifiées par leurs travaux et leur compétence économique et financière. Le commissaire au Plan et le gouverneur de la Banque de France en sont en outre membres de droit. Les personnalités qualifiées sont désignées par arrêté du ministre chargé de l'économie pour une période de quatre ans. Les directeurs du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie participent en tant que de besoin aux travaux de la commission. Des personnalités et des représentants des ministres intéressés peuvent également y être invités.

La Commission économique de la nation examine des thèmes économiques choisis par le ministre chargé de l'économie. Elle se réunit quatre fois par an sur convocation du ministre. Lors de la session de printemps, qui se tient avant le 15 avril, la commission examine notamment les comptes prévisionnels de la nation pour l'année en cours et les budgets économiques de la nation pour l'année suivante. Ces comptes sont transmis au Conseil économique et social. Lors de la session d'automne, qui se tient avant le 31 octobre, la commission examine notamment le rapport définissant l'équilibre économique et financier produit à l'appui du projet de loi de finances, dans lequel figurent notamment les comptes prévisionnels de l'année en cours et les budgets économiques de la nation pour l'année suivante. Le rapport sur les comptes de la nation lui est transmis annuellement. La commission peut en outre passer commande de travaux ou d'études à des organismes ou des personnalités extérieures à l'administration.

Le groupe technique est reconduit. Le groupe technique est formé d'experts choisis par son président en fonction de leur compétence en matière de prévision, de représentants de l'Institut national de la statistique et des études économiques désignés par son directeur général et de représentants de la direction de la prévision désignés par son directeur. Les membres siégeant à la commission en tant que personnalités qualifiées participent au groupe technique, ainsi qu'un représentant désigné de la commission des comptes de l'agriculture de la nation, de la commission des comptes de la santé, de la commission des comptes de la sécurité sociale, de la commission des comptes des transports de la nation, de la commission des comptes et de l'économie de l'environnement, de la commission des comptes du logement, de la commission des comptes des services et de la commission des comptes du tourisme. Le groupe technique se réunit à l'initiative de son président pour étudier toute question qu'il juge utile à la préparation des travaux de la commission. Il procède notamment à un premier examen des prévisions économiques qui seront présentées à la commission. A cet effet, il rassemble et compare les analyses et les prévisions disponibles relatives aux années sous revue. Un compte rendu des travaux du groupe technique est présenté au début de chaque session de la commission.

Un autre décret (n° 99-417 du 26 mai 1999) crée par ailleurs une conférence économique annuelle. Cette conférence économique annuelle a pour objet l'information et la consultation des partenaires sociaux sur les perspectives de l'économie française et les orientations économiques, budgétaires et fiscales du gouvernement. La conférence économique annuelle comprend :

1. Des représentants du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé du budget, désignés selon l'ordre du jour,

2. Huit représentants permanents titulaires des salariés, désignés sur proposition des organisations syndicales représentatives au plan national,

3. Huit représentants permanents titulaires des employeurs,

4. Le président et le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan de l'Assemblée nationale ainsi que le président et le rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation du Sénat,

5. Le président du Conseil économique et social ou son représentant.

Ces rappels montrent que l'objectif posé en 1952 d'un débat sur les perspectives économiques entre les experts et les partenaires sociaux avant la discussion parlementaire a disparu. Il a été remplacé par un débat fermé entre le ministre des finances et des experts « sur des thèmes économiques choisis par le ministre chargé de l'économie » et par une « information et une consultation des partenaires sociaux sur les perspectives de l'économie française et les orientations économiques, budgétaires et fiscales du gouvernement ».

Il est trop tôt pour apprécier les avantages et les inconvénients de cette nouvelle procédure. Ce qui apparaît d'ores et déjà, c'est qu'elle ne résoud en rien ni le problème de l'accès à l'information statistique sur les administrations publiques, ni même le problème de l'accès aux données comptables et budgétaires relatives au projet de loi de finances lui-même. La commission économique de la nation est conçue plus comme une instance d'information du ministre que comme un moyen de faire progresser l'accès à l'information économique et statistique sur l'administration publique.

4.2. Le nouvel observatoire de l'emploi public

Un observatoire de l'emploi public a été créé par décret du 13 juillet 2000 (décret n° 2000-663, Journal Officiel du 14 juillet 2000, page 10867). L'Observatoire de l'emploi public est chargé d'assurer la collecte, l'exploitation et la diffusion de l'information sur l'emploi dans les services mentionnés aux articles 2 de la loi du 11 janvier 1984, de la loi du 26 janvier 1984 et de la loi du 9 janvier 1986 (lois qui concernent respectivement la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. A cette fin, l'Observatoire a reçu quatre missions :

1. Il réalise les études statistiques et prospectives relatives à l'emploi dans les trois fonctions publiques. En ce qui concerne la fonction publique territoriale, il s'appuie notamment sur les travaux réalisés par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Il présente chaque année au Parlement un état statistique annuel des effectifs de la fonction publique de l'Etat ;

2. Il formule des propositions pour la mise en place de systèmes d'information permettant d'harmoniser les données recueillies pour chacune des trois fonctions publiques ;

3. Il élabore les méthodes techniques nécessaires à la bonne connaissance de l'emploi public et à la gestion prévisionnelle des emplois et en assure la diffusion dans les services, établissements et collectivités concernés ;

4. Il contribue à la valorisation et à la diffusion des travaux réalisés en matière d'emploi public et notamment à leur utilisation pour des comparaisons internationales.

L'Observatoire repose sur une structure délibérative (le conseil d'orientation), et sur une structure technique (le comité technique). Le conseil d'orientation adopte le programme annuel des travaux et le rapport annuel d'activité. Le comité technique élabore et exécute le programme de travail. Le conseil d'orientation comprend 41 membres. Il est présidé par le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

La création de cet Observatoire traduit le besoin de progresser dans la connaissance de l'emploi public. Il est notamment heureux que le souci de comparaisons internationales figure parmi ses objectifs. On observera toutefois l'ambiguïté de la démarche. La définition même du champ d'observation s'inspire d'une approche juridique (la fonction publique) plutôt que d'une approche économique (la nature de l'employeur). Or, les concepts de production, d'emploi ou de productivité n'ont de sens que par référence à l'unité de production. D'autre part, limitant son champ d'analyse à l'emploi, l'observatoire s'interdit d'avance les statistiques et les études de productivité.

L'Observatoire est par ailleurs une instance de discussion et de délibération et non une structure de travail et de production de données. Il reviendra au « comité technique » d'élaborer et d'exécuter le programme de travail. La principale mission de ce dernier est d'ordre statistique. On comprend mal dans ce contexte quel est le rôle assigné à l'Observatoire en matière de « gestion prévisionnelle des emplois » (article 1, § 4), responsabilité qui relève à l'évidence des employeurs, et l'on voit mal ce qui ne pouvait pas être réalisé dans le domaine statistique par les administrations existantes.

Enfin, on soulignera que, hormis deux élus et trois représentants d'associations d'élus, les 41 membres de l'Observatoire sont pour l'essentiel des représentants de l'administration publique ou de son personnel. Il est à craindre que le souci d'une bonne diffusion des données collectées soit en définitive peu présent dans les travaux de l'Observatoire comme il l'est en règle générale dans notre administration publique, et que les travaux de l'observatoire soient en définitive plus orientés vers des débats entre les administrations que vers le débat externe et public sur l'administration elle-même.

4.3. L'INSEE

Le système statistique public français est animé et coordonné par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques qui en constitue le pôle principal. Créé par la loi du 27 avril 1946, l'INSEE a vu ses attributions fixées en application de cette loi par le décret du 14 juin 1946 et par plusieurs textes réglementaires. Du point de vue de son statut, l'INSEE est une direction générale du ministère de l'Economie et des Finances. Sa fonction spécifique implique cependant une objectivité et une garantie d'indépendance qui ont pu faire l'objet de débats à certaines époques lointaines mais sont aujourd'hui largement admises et reconnues.

Les missions de l'INSEE (telles qu'elles sont exposées dans le courrier des statistiques ; n° 61-62) peuvent être présentées en six grandes rubriques :

1. production d'informations statistiques démographiques, économiques et sociales obtenues par recensements, enquêtes et utilisation de sources administratives ; élaboration d'indicateurs, d'indices de production et de prix ; établissement des comptes de la nation,

2. réalisation d'études sur les entreprises et les conditions de vie des ménages ; travaux de projections ; construction de modèles et établissement de prévisions,

3. diffusion de l'information produite par lui-même et par d'autres organismes,

4. coordination du système statistique public français,

5. développement des compétences statistiques et économiques par l'enseignement et la recherche,

6. participation aux travaux menés par les organismes internationaux et supra-nationaux ; assistance technique aux pays en développement et aux pays en transition vers une économie de marché.

On notera que cette présentation semble limiter (dans l'énoncé de la mission n° 2) la réalisation d'études aux seuls domaines des entreprises et des conditions de vie des ménages. En revanche, le champ de la production d'informations statistiques (mission n° 1) paraît plus large puisqu'il concerne sans limitation aucune « les statistiques démographiques, économiques et sociales obtenues par recensements, enquêtes et utilisation de sources administratives ». Ceci recouvre a priori toutes les formes d'informations statistiques, qu'elles soient collectées directement par l'INSEE lui-même ou qu'elles proviennent de l'utilisation de fichiers de gestion de diverses administrations et n'exclut donc pas le secteur des administrations publiques. Au demeurant, la loi n° 86-1305 du 23 décembre 1986 portant modification de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière statistique dispose dans son article 7 bis que « les informations relatives aux personnes physiques, à l'exclusion des données relatives à la santé ou à la vie sexuelle, et celles relatives aux personnes morales, recueillies, dans le cadre de sa mission, par une administration, un établissement public, une collectivité territoriale ou une personne morale de droit privé gérant un service public peuvent être cédées, à des fins exclusives d'établissement de statistiques, à l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques ou aux services statistiques ministériels ». Il résulte notamment de ce texte que les informations relatives aux personnes employées par les administrations publiques peuvent être cédées à l'INSEE ou aux services statistiques ministériels, sous réserve bien entendu qu'elles ne le soient qu'à des fins exclusives d'établissement de statistiques.

Les principaux textes relatifs à l'INSEE

Créations et attributions

Loi n° 46-854 du 27 avril 1946

Décret d'application n° 46-1432 du 14 juin 1946

Organisation du système public de recensements et enquêtes obligatoires

Loi n° 51-771 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques (plusieurs fois modifiée).

Loi n° 86-1305 du 23 décembre 1986 (intégrée à la précédente) sur les cessions de fichiers administratifs

Décret d'application n° 84-628 du 17 juillet 1984 remplaçant le CNS par le CNIS, et créant le Comité du secret statistiques et le Comité du contentieux des enquêtes statistiques.

Décret n° 87-813 du 1 er octobre 1987, modifiant le précédent.

Informatique, fichiers et libertés

Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 : protection renforcée des données nominatives

Loi n° 82-890 du 19 octobre 1982 approuvant la Convention signée le 28 Janvier 1981 par les Etats membres du Conseil de l'Europe (publiée au JO du 20 novembre 1985)

Diffusions à partir de SIRENE

Décret n° 73-314 du 14 mars 1973, modifié par :

Décret n° 83-121 du 17 février 1983

Avis de la Commission nationale informatique et libertés des 21 juillet 1981 et 8 avril 1986

Arrêté du 13 mai 1987

Avis du CNS (6 juin 1980) et du CNIS (3 juillet 1986 et 27 juin 1989)

Enquêtes facultatives

Arrêté du 20 septembre 1983, portant application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs.

Durée d'incommunicabilité

Loi n° 79-18 du 3 Janvier 1979 sur les archives (articles 6 et 7)

Loi du 7 juin 1951 modifiée (délai de 100 ans)

Droit communautaire européen

Règlement du Conseil, du 11 juin 1990, relatif à la transmission à l'OSCE d'informations statistiques couvertes par le secret.

Les attributions de l'INSEE (suite)

Les attributions de l'INSEE sont fixées par le décret 46-1432 du 14 juin 1946 portant règlement d'administration publique, modifié par le décret 89-373 du 9 juin 1989.

On peut distinguer six fonctions :

- fonction de collecte : (art. 1, al. 1) « établir, rassembler et mettre à jour les statistiques relatives au mouvement des personnes et des biens... (al. 3) donner et tenir à jour l'inventaire permanent de l'économie... ; (al. 9) procéder pour le compte des administrations publiques et organismes visés au 2 e ... à l'exécution des recensements approximatifs par voie de sondage » (art. 1. al. 1. 3 et 9) ;

- fonction d'étude : (art. 1, al. 4) « observer l'évolution de la situation économique dans la métropole, dans la France d'outre-mer et à l'étranger : (al. 5) entreprendre, à la demande du gouvernement et des administrations publiques et, éventuellement, des personnes physiques ou morales de droit privé des recherches et études sur les questions statistiques et économiques » (art. 1, al. 4 et 5) ;

- fonction de coordination : art. 1, al. 2 « coordonner les méthodes, les moyens et les travaux statistiques des administrations publiques et des organismes privés, subventionnés ou contrôlés par l'Etat, centraliser leur documentation statistique et économique et réaliser l'unification des nomenclatures et codes statistiques ». On doit relever les trois termes de coordination, de centralisation et d'unification. Cette fonction de coordination a connu un très fort développement : en revanche celle qui suit (al. 8) ;

- assurer la coordination de l'emploi de moyens mécanographiques utilisés par les administrations publiques... et exécuter... tous travaux mécanographiques demandés par les services ou organismes extérieurs » est tombée en désuétude avec le développement de l'informatique et la création de la délégation à l'informatique (art. 1, al. 2) ;

- fonction de diffusion : (art. 1, al. 6) « diffuser ou publier s'il y a lieu de résultat de ses travaux » ; (art. 1, al. 7) « favoriser le développement des sciences statistiques et les recherches économiques relevant de sa compétence » ;

- fonction de formation : (art. 1, al. 7) « assurer la formation du personnel spécialisé nécessaire à son fonctionnement » ;

- fonction de représentation : (art. 2) « assurer la liaison avec les services similaires existant à l'étranger et participer officiellement aux réunions et congrès relatifs à la statistique, à la documentation et aux recherches économiques relevant de sa compétence ».

La référence aux services statistiques ministériels est importante. Le système statistique français comprend en effet non seulement l'INSEE, qui en assure la coordination, mais aussi plusieurs services statistiques ministériels chargés d'établir les statistiques concernant leur domaine. La création de ces services statistiques publics a fait l'objet de textes réglementaires, décrets ou arrêtés définissant leurs attributions. Le numéro 4950 des Notes et Etudes Documentaires éditées par la Documentation Française et consacré au système public d'information statistique donne une présentation générale des services statistiques ministériels. Certains d'entre eux ont clairement une mission statistique portant sur les administrations publiques. En se référant à la source précédente, on peut citer notamment les suivants :

- « Comptabilité publique : direction de la comptabilité publique et services extérieurs du Trésor 1 ( * ) . La diversité des attributions des services extérieurs du Trésor conduit la Direction de la comptabilité publique à centraliser une masse considérable de données qui servent de base à diverses exploitations comptables et financières ou économiques. Ce sont des informations relatives à l'Etat (situation du Trésor, compte général de l'administration des finances), aux collectivités locales, les comptes annuels des administrations publiques, et les recensements des marchés et investissements publics ;

- Culture : département des études et de la prospective. Il « met en place et tient à jour une base statistique sur les questions concernant le ministère, par délégation de l'INSEE » ;

- Défense : bureau de la statistique et des études économiques et budgétaires. « Il assure le secrétariat du comité statistique du ministère de la Défense ; il comporte deux sections, dont la seconde a pour mission d'harmoniser les productions statistiques des différents services, de réaliser les enquêtes » ;

- Education nationale : direction de l'évaluation et de la prospective. Cette direction comporte une sous-direction des enquêtes statistiques et des études (SDESE), laquelle est « responsable de la production, du contrôle, de l'analyse et de la diffusion des informations statistiques relatives au système éducatif. Elle est chargée de la coordination du système de collecte de l'information, elle réalise les prévisions, les études, les modèles... » ;

- Fonction publique : la Direction générale de l'administration et de la fonction publique comporte une « sous-direction de la modernisation et de la qualité » qui « établit les statistiques concernant la fonction publique et conduit les études d'ensemble relatives à la gestion prévisionnelle des effectifs des personnels de l'Etat » ;

- Impôts : la Direction générale des impôts fournit une masse d'informations considérables : impôts, contribuables, cadastre, successions, casier viticole... ; toutefois, son activité statistique est un sous-produit de son activité générale d'assiette, de perception de l'impôt et de contrôle fiscal 18 ( * ) . »

Ces rappels montrent que plusieurs services chargés d'élaborer et de publier des statistiques relatives aux moyens et à l'activité des administrations publiques existent. De fait chacun de ces services publie épisodiquement des documents statistiques mais l'accès à ces documents reste mal structuré et souvent difficile.

En conclusion, du point de vue de la problématique de cette étude, deux observations peuvent être formulées :

1. L'INSEE ne semble pas se considérer véritablement en charge d'un programme d'information statistique destiné à éclairer les acteurs économiques (citoyens, monde professionnel, organismes de recherche) sur le secteur des administrations publiques.

2. Le rôle des services statistiques ministériels présente de nombreuses ambiguïtés. Dans certains cas, il s'agit surtout d'exploiter des données de gestion pour des besoins internes avec peu de diffusion externe. Dans d'autres cas, l'accent est mis sur des études dont les résultats sont loin d'être toujours publiés. Dans d'autres cas encore, il s'agit de véritables prolongements de l'INSEE qui procèdent à des enquêtes sur des populations extérieures (étudiants, délinquants, etc...) mais publient en revanche assez peu d'informations sur l'administration à laquelle ils appartiennent.

En définitive, ce qui apparaît c'est que le système statistique français est certes d'une qualité très généralement reconnue mais qu'il se sent peu investi d'une mission de diffusion organisée de statistiques régulières, fiables et documentées sur les administrations publiques et encore moins d'une mission d'analyse et d'étude de ce secteur.

Conclusion

La comparaison entre les statistiques disponibles sur les administrations publiques en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Etats-Unis suggère que des progrès substantiels sont possibles dans notre pays. Ces progrès apparaissent d'autant plus nécessaires que notre propre expérience passée suggère que l'insuffisance d'information est un facteur de blocage de la réforme de l'Etat.

Une réforme de la gestion publique a été engagée à la fin des années soixante en France autour de l'idée de rationalisation des choix budgétaires (RCB). Cette réforme a buté sur l'insuffisance de notre système d'information sur les administrations publiques. Faute de mettre en place un tel système d'information, c'est la réforme elle-même qui a été abandonnée. Les années quatre-vingt et la première partie des années quatre-vingt-dix sont plutôt des années de recul en matière d'équilibre des finances publiques et n'enregistrent aucun progrès en matière de transparence budgétaire. L'effort de rationalisation des choix budgétaires a été abandonné, la seule revue d'information financière sur les finances publiques a disparu, aucune amélioration des données rétrospectives sur l'Etat n'a été enregistrée, la publication du besoin de financement des administrations publiques en cours d'année a été interrompue.

Des tentatives récentes témoignent d'un début de retour du souci de transparence. Mais les actions entreprises restent parcellaires et ne s'inscrivent pas dans une stratégie claire. La réforme de l'Etat ne progressera pas sans que soit mis en place un système d'information organisé, stable, fiable et accessible au public sur les coûts, les moyens et les résultats de nos administrations publiques.

Les observations précédentes appellent une réflexion en profondeur sur les initiatives à prendre afin d'améliorer le système d'information sur les administrations publiques. Nous nous contenterons d'évoquer ici quelques orientations de méthode que nous dégageons de nos observations :

1. Une revue mensuelle de statistique sur les finances publiques devrait être créée afin de rendre compte rapidement, régulièrement et de façon documentée de l'évolution des comptes de l'Etat, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale.

2. Un calendrier prévisionnel de diffusion des résultats financiers des comptes des administrations publiques devrait être annoncé et bien entendu respecté.

3. Un accès des organismes d'étude et de recherche indépendants aux administrations financières devrait être organisé et officiellement reconnu afin que les chercheurs puissent identifier les sources d'information disponibles, interroger les administrations sur leurs méthodes, et demander le cas échéant certaines exploitations statistiques particulières.

4. Des recherches d'intérêt général devraient être financées et publiées afin de comparer la situation des administrations publiques françaises avec celle des pays comparables, en termes de coûts et de résultats.

5. Enfin, la fonction de collecte et de diffusion des données sur les administrations publiques devrait être explicitement créée et mise en oeuvre avec une autonomie suffisante par rapport aux tâches de gestion administrative courante.

Deux grands ensembles de données devraient être distingués : les données à caractère comptable (comptabilité financière et comptabilité de gestion), et les données à caractère statistique (résultats et moyens des administrations publiques). A ces deux ensembles pourraient correspondre deux agences publiques.

La fonction comptable et financière serait mise en oeuvre par une agence chargée de réunir et de diffuser auprès du public les comptes financiers de l'ensemble des administrations (Etat, collectivités locales, organismes sociaux, ainsi que leurs divers et nombreux organismes rattachés). La fonction statistique serait mise en oeuvre par une agence chargée d'organiser auprès de l'ensemble des acteurs publics la collecte, le traitement et la diffusion des données statistiques (personnel, moyens matériels, résultats, etc...), et de mener des études économiques sur les administrations publiques. De telles agences devraient être dotées d'une certaine autonomie dans leur action et disposer d'un conseil de personnalités indépendantes afin de veiller à la bonne diffusion des données recueillies.

On pourrait envisager que ces agences relèvent du Parlement. Cependant, dans notre organisation des pouvoirs publics, il peut être plus simple de les rapprocher d'une part de la direction de la comptabilité publique, d'autre part de l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, structures qui disposent déjà de la compétence technique et humaine pour gérer de telles missions. Encore faut-il que ces missions soient explicitées, effectivement attribuées et mises en oeuvre. L'essentiel est de bien reconnaître le rôle d'une information fiable, régulière et accessible dans le débat sur l'orientation et la gestion des administrations publiques.

Deuxième partie

Etudes par domaines

Etude 1

L'information sur le suivi infra-annuel des soldes publics

Le suivi infra-annuel des recettes, des dépenses et donc du solde des administrations publiques permet, d'une part de comparer l'évolution constatée des finances publiques par rapport à l'objectif final annoncé et, d'autre part d'ajuster les politiques de dépenses, voire de recettes, des administrations concernées en cours d'exécution afin de corriger les écarts qui apparaissent. Le suivi des soldes publics ne peut ainsi être considéré comme une simple photographie d'un processus exogène.

Parce que les soldes budgétaires annoncés recouvrent des enjeux politiques majeurs, les résultats intermédiaires exercent en effet une influence significative sur la gestion des moyens d'actions des administrations. Que les capacités de financement s'accumulent pour former une « cagnotte » et ce sont des moyens de dépenses ou de réduction de la dette, voire de réduction des impôts, qui apparaissent à solde budgétaire annoncé inchangé. Si, au contraire, le déficit s'accroît en cours d'année, des emprunts supplémentaires peuvent être levés ou bien des dépenses reportées. Ainsi, la connaissance des soldes publics conduit directement à l'élaboration d'actions nouvelles dictées par des choix politiques. Dans de telles conditions, le suivi le plus fréquent et le plus détaillé possible permet un réel débat pluraliste et démocratique. De plus, depuis l'adoption du traité de Maastricht, la communication des soldes publics agrégés et du niveau de la dette est devenue une exigence européenne.

Nous étudierons dans une première partie comment les Etats communiquent tant en matière de soldes publics agrégés que de soldes des administrations centrales puis, nous présenterons dans une seconde partie la situation spécifique des administrations de sécurité sociale.

1.1. Le suivi de l'exécution des comptes des administrations centrales et des soldes publics

Le suivi des soldes publics consolidés étant une exigence européenne, les Etats-Unis n'y sont naturellement pas soumis. La manière dont est traité ce suivi ne constituera donc qu'un critère de comparaison entre les situations française, britannique et allemande. En revanche chacune de leurs administrations centrales communique mensuellement sur un niveau plus ou moins agrégé de recettes, de dépenses et donc finalement sur les capacités ou besoins de financement. Ces publications mensuelles seront étudiées et comparées en elles-mêmes, mais elles seront également replacées dans l'ensemble du dispositif d'informations infra annuelles mis en place par chacune des administrations centrales.

Nous étudierons successivement les situations française, britannique, allemande et américaine.

1.1.1 Le suivi de l'exécution des comptes français

Le suivi mensuel de l'exécution des comptes de l'Etat français repose sur la publication de la Situation du Budget de l'Etat . Ce document est complété par la Situation mensuelle des opérations du Trésor et par le Tableau synthétique des opérations du Trésor . On peut dès à présent remarquer l'absence de documents infra annuels présentant l'évolution du solde agrégé des différentes administrations publiques.

La Situation du Budget de l'Etat ou Situation mensuelle budgétaire , est un document apparu en avril 1996. Il remplace une publication de même nature, mais de périodicité trimestrielle. Cette information budgétaire était alors incluse dans les Notes Bleues de Bercy . On y trouve, sous une forme agrégée et comptable, une présentation des dépenses, des recettes et des différents soldes effectifs du mois étudié. Ces chiffres sont mis en correspondance avec ceux du même mois de l'année précédente et avec l'exécution de la Loi de Finances. On peut regretter le peu de mise en perspective tant vis à vis d'une chronologie mensuelle rétrospective que d'une estimation prospective des dépenses et des recettes. De plus, aucune référence n'est faite au sujet des deux critères de convergence budgétaire retenus par Bruxelles pour la stabilité de l'Euro, à savoir le solde budgétaire et le niveau de la dette publique en pourcentage du PIB. Par ailleurs, il est également regrettable qu'aucun calendrier de publication ne soit disponible d'autant plus que le rythme de publication est quelque peu erratique. Il varie dans des délais allant de un à trois mois.

Tableau 1.1.1.a

Chronologie de parution de la Situation du budget de l'Etat

Situation budgétaire au :

Parution de l'information :

Situation budgétaire au :

Parution de l'information :

31 mars 2000

09/05/2000

30 septembre 1999

11/1999

29 février 2000

06/04/2000

31 août 1999

10/1999

31 janvier 2000

03/2000

31 juillet 1999

09/1999

31 décembre 1999

03/2000

30 juin 1999

08/1999

30 novembre 1999

01/2000

31 mai 1999

07/1999

31 octobre 1999

12/1999

30 avril 1999

05/1999

La S ituation mensuelle des opérations du Trésor présente de façon succincte le budget de l'Etat et de manière détaillée la situation de la trésorerie publique. Cette publication souffre également d'un manque de mise en perspective historique, de l'inexistence d'un calendrier de publications et de délais de mise à disposition parfois importants.

Tableau 1.1.1.b

Chronologie de parution de la Situation mensuelle des opérations du Trésor

Situation

du Trésor au :

Parution de l'information :

Situation

du Trésor au :

Parution de l'information :

31 mars 2000

02/05/2000

30 septembre 1999

11/1999

29 février 2000

04/2000

31 août 1999

09/1999

31 janvier 2000

03/2000

31 juillet 1999

09/1999

31 décembre 1999

03/2000

30 juin 1999

08/1999

30 novembre 1999

28/12/1999

31 mai 1999

07/1999

31 octobre 1999

12/1999

30 avril 1999

06/1999

Encadré 1.1.1.a : La Situation du budget de l'Etat

(mensuel)

Le Tableau synthétique des opérations du Trésor reprend les informations des deux précédentes publications auxquelles est ajoutée une information sur le bilan de l'Etat. Ici également, il n'existe que peu de mise en perspective et les délais de publications peuvent atteindre quatre mois.

Tableau 1.1.1.c

Chronologie de parution du Tableau synthétique des opérations du Trésor

Situation

du Trésor au :

Parution de l'information :

Situation

du Trésor au :

Parution de l'information :

31 mars 2000

22/06/2000

30 septembre 1999

11/1999

29 février 2000

06/06/2000

31 août 1999

10/1999

31 janvier 2000

11/05/2000

31 juillet 1999

09/1999

31 décembre 1999

20/04/2000

30 juin 1999

09/1999

30 novembre 1999

13/01/2000

31 mai 1999

07/1999

31 octobre 1999

12/1999

30 avril 1999

07/1999

Comparée aux situations des trois autres pays étudiés, la situation française paraît paradoxale. En effet, à la vue des résultats publiés qui ne sont jamais révisés, on pourrait croire que l'information française est parfaite : relativement rapide, et surtout totalement fiable. Pourtant à la vue des rapports annuels de la Cour des comptes et des débats sur la « cagnotte » un tel résultat ne peut que surprendre.

Tableau 1.1.1.d

Solde du budget de l'Etat de la France (en milliards FF)

Déficit pour :

Date de publication

Mai 1999

1998

1999

La situation du budget de l'Etat

Juillet 1999

91,6

252,3

Juillet 2000

91,6

252,3

215,3

Mars 2000

252,3

215,3

Les comptes de l'Etat 1999

215,3

Source : La situation du budget de l'Etat, Les comptes de l'Etat

Au total l'information sur les recettes et les dépenses effectives de l'Etat français reste insatisfaisante.

Il est en effet impossible de se faire une idée un peu précise sur l'utilisation des recettes publiques. Les présentations sont beaucoup trop comptables et agrégées alors qu'il serait souhaitable de disposer d'informations beaucoup plus fonctionnelles et détaillées, au moins par ministère par exemple. Par ailleurs, aucun citoyen, parlementaire ou institut de recherche ne dispose ni des moyens ni des informations nécessaires à l'analyse des recettes et dépenses effectives ou attendues. Quelles sont les méthodes et les hypothèses retenues par Bercy afin de calculer les recettes prévisionnelles notamment ? Ainsi c'est l'essentiel du débat public qui est biaisé puisque seul le gouvernement est réellement en mesure de discuter des chiffres qu'il avance. Il est par ailleurs évident que lorsque la Cour des Comptes met en cause la « sincérité » des comptes de l'Etat, elle ne traite que de manipulations purement comptables et légales. Ainsi, même de ce point de vue personne n'a les moyens de discuter les affirmations gouvernementales. Le « débat » sur la « cagnotte » n'en est qu'une illustration exemplaire.

1.1.2. Le suivi de l'exécution des comptes britanniques

La publication mensuelle britannique, les Public sector finances , (les finances du secteur public) sont inclus dans un ensemble cohérent de publications infra annuelles qui apportent des informations trimestrielles ou semestrielles plus précises. Les Public sector accounts (les comptes du secteur public) traitent de l'ensemble du secteur public de façon plus détaillée que le document mensuel et le Governement deficit and debt under the Maastricht treaty (le déficit et la dette publique au sens de Maastricht) propose une note explicative détaillée des soldes et dettes publiques selon les normes européennes. Au total, ce système d'information forme un ensemble cohérent et beaucoup plus riche en informations que celui de la France.

Encadré 1.1.2.a : Les Government deficit and debt under the Maastricht treaty

(Le déficit et la dette publics au sens de Maastricht - semestriel)

Les Government deficit and debt under the Maastricht Treaty ont une périodicité semestrielle. Ils traitent pour l'essentiel du besoin net de financement et de la dette publique selon les critères du traité de Maastricht. Les données présentées s'insèrent dans des séries qui remontent à 1993 en données trimestrielle et à 1990 en données annuelles.

Les Public sector accounts présentent trimestriellement de façon très synthétique l'excédent budgétaire et l'investissement net afin d'obtenir le besoin de financement net. Ce document présente également en annexes l'ensemble des comptes des administrations centrales et locales de façon agrégée mais sur un historique remontant à 1998 en données trimestrielles et à 1990 en données annuelles.

Tableau 1.1.2.a : Chronologie de parution des Public sector accounts

Situation budgétaire du :

Parution de l'information :

Situation budgétaire du :

Parution de l'information :

1 er trimestre 2000

29/06/2000

3 ème trimestre1999

22/12/1999

4 ème trimestre 1999

27/03/2000

2 ème trimestre 1999

22/09/1999

Les Provisional public sector accounts paraissent environ un mois avant les Public sector accounts et traitent des mêmes variables.

Tableau 1.1.2.b

Chronologie de parution des Provisional Public sector accounts

Situation budgétaire du :

Parution de l'information :

Situation budgétaire du :

Parution de l'information :

4 ème trimestre 1999

29/02/2000

1 er trimestre 1999

26/05/1999

3 ème trimestre 1999

30/11/1999

4 ème trimestre 1998

26/02/1999

Encadré 1.1.2.b : Les Public sector accounts

(Les comptes du secteur public - trimestriel)

Les Public sector finances présentent succinctement les comptes et soldes de l'Etat britannique. Cette parution comporte également des annexes particulièrement utiles. En effet, celles-ci couvrent, en données mensuelles et trimestrielles, de 1998 à nos jours et remontent jusqu'en 1990 en données annuelles. Elles comprennent de façon agrégée les recettes et les dépenses de l'Etat, les différents soldes budgétaires, les besoins de financement et l'endettement net.

Les parutions britanniques ont environ quinze jours d'avance sur les documents français et leur parution est annoncée jusqu'à quatre mois à l'avance à travers le Updates .

Tableau 1.1.2.c : Chronologie de parution des Public sector finances

Situation budgétaire au :

Parution de l'information :

Situation budgétaire au :

Parution de l'information :

31 mars 2000

20/04/2000

30 septembre 1999

18/10/1999

29 février 2000

20/03/2000

31 août 1999

16/09/1999

31 janvier 2000

18/02/2000

31 juillet 1999

17/08/1999

31 décembre 2000

21/01/1999

30 juin 1999

rien

30 novembre 2000

20/12/1999

31 mai 1999

16/06/1999

31 octobre 2000

18/11/1999

30 avril 1999

19/05/1999

De manière générale le document français est plus riche en explications mais moins facile d'utilisation que celui du Royaume-Uni dont les informations sont exposées au sein d'une présentation chronologique longue ventilée en données mensuelles, trimestrielles et annuelles.

L'information sur les finances publiques centrales au Royaume-Uni est l'objet de substantielles révisions mensuelles non seulement sur les périodes récentes, mais également sur l'horizon des trois dernières années écoulées. Nous illustrerons cette volatilité des données publiques à travers la présentation du besoin de financement de l'état central annoncé entre les mois de février et de juin 2000.

Encadré 1.1.2.c : Les Public sector finances

(Les finances du secteur public - mensuel)

Tableau 1.1.2.d :

Besoin de financement net du gouvernement central du Royaume-Uni

(en millions £)

Besoin de financement net pour :

Date de publication

Jan 2000

Déc 1998

1997/98

1996/97

1995/96

Février 2000

-12 451

191

7 651

29 570

37 191

Mars 2000

-12 606

232

7 645

29 570

37 191

Avril 2000

-12 584

232

7 645

29 570

37 191

Mai 2000

-13 022

282

7 615

29 570

37 191

Juin 2000

-12 707

476

6 080

29 570

37 191

Source : Public sector finances.

Ces ajustements mensuels du besoin de financement du gouvernement central découlent comptablement des ajustements des différents postes qui le compose. Il n'existe pas un poste particulier qui serait particulièrement délicat à observer et dont la prise en compte demanderait des ajustements successifs. La même sensibilité est à rapporter tant au niveau des recettes que des dépenses. Cela est illustré à travers la présentation des recettes de l'impôt sur le revenu et des dépenses courantes hors intérêt et bénéfice social net.

Tableau 1.1.2.e : Recettes de l'impôt sur le revenu au Royaume-Uni

(en millions £)

Recettes pour :

Date de publication

Jan 2000

Déc 1998

1997/98

1996/97

1996/95

Février 2000

14 602

7 205

81 039

73 058

72 182

Mars 2000

14 557

7 146

81 102

73 058

72 182

Avril 2000

14 557

7 146

81 102

73 058

72 182

Mai 2000

15 013

7 168

81 039

73 058

72 182

Juin 2000

14 704

7 170

82 400

73 058

72 182

Source : Public sector finances.

Tableau 1.1.2.f : Dépenses courantes du gouvernement central au Royaume-Uni

(en millions £)

Dépenses pour :

Date de publication

Jan 2000

Déc 1998

1997/98

1996/97

1996/95

Février 2000

13 574

14 669

171 078

167 991

162 557

Mars 2000

13 373

14 543

171 136

167 991

162 557

Avril 2000

13 274

14 543

171 136

167 991

162 557

Mai 2000

13 936

14 720

171 164

167 991

162 557

Juin 2000

13 575

14 935

171 179

167 991

162 557

Source : Public sector finances.

L'Office National de Statistiques (ONS) présente mensuellement les comptes de l'Etat en collaboration avec le Government Statistical Service (Service statistique du gouvernement), il n'est alors pas étonnant de retrouver une variation identique des résultats de l'Etat central dans les publications officielles de l'ONS. Ainsi, qu'il s'agisse des Monthly Digest of Statistics (résumé mensuel de statistiques) ou de l' Annual Abstract of Statistics (résumé annuel de statistiques), qui correspondent aux différentes publications de l'INSEE, on retrouve la même volatilité des données.

1.1.3. Le suivi de l'exécution des comptes allemands

Le nombre de sources d'émission d'informations sur les finances publiques et l'accessibilité en ligne des données auprès de l'institut national de statistiques ( Statistisches Bundesamt ) est particulièrement remarquable en Allemagne. En effet, tant le ministère des finances ( Bundesministerium der finanzen ) que l'institut national de statistique et, plus surprenant, que la Bundesbank, communiquent de façon infra annuelle sur l'état des finances fédérales.

Encadré 1.1.3.a : Les Deutsche Bundesbank monthly report

(Les rapports mensuels de la Bundesbank - mensuel)

Le ministère des finances ( Bundesministerium der finanzen ) édite trimestriellement le Bundeshaushalt (Budget fédéral) qui reprend de façon plutôt détaillée le compte de l'Etat fédéral. Ils sont consultables sur Internet en version allemande uniquement. Contrairement aux documents britanniques, les dernières données ne sont pas insérées au sein de séries longues qui permettraient d'avoir un véritable recul vis-à-vis de l'information. En cela la publication allemande ressemble plus à celle de la France en se contentant de comparer la situation actuelle à celle de l'année précédente.

Les Facts on public finance (situation des finances publiques), de périodicité mensuelle, sont également publiés par le ministère des finances et accessibles sur Internet en version allemande ou anglaise. Ils reprennent la présentation fonctionnelle de la publication trimestrielle sans que ces informations soient toutefois aussi développées. Il y est également fait mention de la situation de la dette fédérale. La dernière page présente le calendrier des publications pour l'année à venir.

La Bundesbank publie en anglais et en allemand un rapport mensuel qui analyse la situation économique de l'Allemagne et dont la section statistique traite, entre autre, des comptes de l'Etat Fédéral. Mais l'information est plus complète puisque le document comprend également des informations sur la dette publique. L'information demeure toutefois très comptable et les données ne sont réellement récentes que lorsqu'elles sont d'ordre monétaire ou financier.

Le Wirtschaft und Statistik (économie et statistiques) publié par l'institut fédéral de statistiques ( Statistisches Bundesamt ) présente deux pages de statistiques sur les comptes publics. Il s'agit d'informations très agrégées des recettes et des dépenses de l'Etat fédéral. Elles sont présentées sous forme trimestrielle avec un retard d'au moins un trimestre.

Encadré 1.1.3.b : Les Facts on public finance

(La situation des finances publiques - mensuel)

Ce document est malheureusement construit de telle sorte qu'il est impossible de suivre les éventuelles corrections qui pourraient être apportées aux estimations passées. En effet, outre qu'il n'existe aucun archivage des précédents numéros sur Internet, chaque publication ne fait référence qu'aux données du mois passé à l'exclusion de toute information en niveau sur les mois précédents. Etant donné les difficultés d'appréciation de la stabilité des estimations du ministère des finances, ces données ont été comparées à celle de la Bundesbank. Ces dernières paraissent avec plusieurs mois de décalage mais ont le mérite d'être définitives.

Tableau 1.1.3.a : Recettes et dépenses du budget de l'Etat fédéral allemand

(en milliards DM)

Recettes pour :

Dépenses pour :

Sources :

Année

1999

1 er Trimestre

2000

Année

1999

1 er Trimestre

2000

Ministère des finances

Le 09-02-2000

431,5

482,8

Le 28-04-2000

88,6

129,0

Banque centrale

Le 25-04-2000

470,0

521,5

Le 19-05-2000

98,8

128,3

Source : Fakten zur Finanzwirtchaft, Deutche Bundesbank Monatsbericht.

La présentation des documents allemands est très proche de celle des documents français, très comptables et avec une mise en perspective historique réduite. Toutefois il existe un réel effort de présentation fonctionnelle, dans les documents trimestriels notamment. De plus, la majorité des données est directement accessible sur Internet sur le site de l'institut fédéral de statistiques, enfin la date des publications est connue environ un an à l'avance.

1.1.4. Le suivi de l'exécution des comptes américains

Tous les trimestres, le Trésor américain publie le Treasury Bulletin (Bulletin du Trésor) qui retrace l'évolution de l'ensemble des informations relatives aux administrations fédérales au cours du trimestre précédent. Le document de mars concerne donc la période s'étendant jusqu'en décembre. Cette publication n'est pas très détaillée. Sa ventilation, qui ne dépasse pas le niveau des ministères, est en revanche complétée par une présentation très précise des opérations de financement par émission de titres. En fait, c'est surtout par la qualité et le détail de sa publication mensuelle que l'administration américaine se singularise de ses homologues européennes.

Le Monthly Treasury Statement (la situation mensuelle du Trésor) présente de façon très précise l'évolution des dépenses des administrations fédérales et de façon synthétique l'évolution des recettes et du besoin de financement de chacune d'elles.

Ce document fournit donc comme ses équivalents européens une présentation de l'évolution agrégée des recettes, des dépenses et du solde budgétaire courant. Mais il présente également en une vingtaine de pages un descriptif détaillé des dépenses par programmes au sein de chaque ministère. On peut ainsi apprendre que le Service d'inspection de la santé des plantes et des animaux ( Animal and Plant Health Inspection Service ), du ministère de l'agriculture a dépensé en juin 2000 57 millions de dollars et n'a eu aucune recette sur la même période. Ceci porte donc à 492 millions de dollars le montant des dépenses effectuées par ce service pour l'année budgétaire en cours, contre 423 pour l'année précédente sur la même période. Le degré de précision avec lequel sont publiées les dépenses mensuelles est donc tout à fait remarquable.

Encadré 1.1.4.a : Le Monthly Treasury statement

(La situation mensuelle du Trésor - mensuel)

Encadré 1.1.4.a (suite) : Le Monthly Treasury statement

(La situation mensuelle du Trésor - mensuel)

Si durant l'année en cours, les résultats publiés sont très peu modifiés, les résultats annuels de l'année précédente sont en revanche ajustés pendant environ six mois. Nous rappelons que l'Année Budgétaire 1999 s'écoule du mois d'octobre 1998 au mois de septembre 1999.

Tableau 1.1.4.a : Recettes, dépenses et déficit du budget de l'Etat fédéral américain

(en millions $)

Date de publication

Recettes 1998-99

Dépenses 1998-99

Déficit 1998-99

Octobre 1999

1 827 285

1 703 639

-123 647

Novembre 1999

1 827 285

1 704 006

-123 279

Décembre 1999

1 827 285

1 702 920

-124 366

Janvier 2000

1 827 285

1 702 920

-124 366

Février 2000

1 827 302

1 702 940

-124 362

Mars 2000

1 827 302

1 702 942

-124 360

Avril 2000

1 827 302

1 702 942

-124 360

Mai 2000

1 827 302

1 702 942

-124 360

Juin 2000

1 827 302

1 702 942

-124 360

Source : Monthly Treasury Statement.

Il n'y a que sur les résultats les plus agrégés que le Treasury publie des corrections de ses séries temporelles. Au niveau le plus fin de l'information disponible dans le Monthly Treasury Statement , soit les données ne sont pas présentées sous forme chronologique, ce qui exclue toute comparaison, soit elles ne varient pas au cours du temps.

1.2 Le suivi de l'exécution des comptes de la sécurité sociale

La gestion de la sécurité sociale est organisée selon des modes différents d'un pays à l'autre. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis l'ensemble de la sécurité sociale est géré par les administrations publiques centrales et locales au côté des assurances privées. Un système similaire existe en Allemagne à l'exception de la branche maladie qui est gérée paritairement, alors qu'en France c'est la totalité du système de sécurité sociale dont la gestion découle du paritarisme.

L'enjeu d'une communication sur les soldes d'exécution de la sécurité sociale diverge nécessairement selon que l'organisation qui en a la charge se voit reconnu ou non un statut d'administration spécifique. En effet, dès lors que la sécurité sociale n'est pas autonome, comme au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, il n'est guère pertinent de communiquer sur un solde spécifique à la sécurité sociale puisque les soldes des administrations auxquelles elle est rattachée sont connus. Les Britanniques par exemple ventilent l'ensemble de leurs administrations publiques entre administrations publiques centrales, administrations publiques locales et entreprises publiques. Les administrations de sécurité sociale ne constituent pas un élément spécifique de leur typologie. L'Allemagne, qui est dans une situation intermédiaire, ne communique que dans un seul document, celui de la Bundesbank, sur un solde agrégé de la sécurité sociale qui comprend à la fois les recettes et dépenses de l'administration fédérale, des administrations locales et de la branche maladie. Au sein des informations propres à l'échelon fédéral, la sécurité sociale n'est alors présentée que comme une fonction de dépenses ordinaire. Ainsi, seule la France fait de la sécurité sociale une branche réellement autonome des administrations publiques. Il découle de cette situation un réel besoin d'informations spécifiques qui rend le retard français encore plus manifeste.

1.2.1 Le suivi de l'exécution des comptes de la Sécurité sociale en France

La seule source d'information française sur l'exécution des comptes de la sécurité sociale est le rapport bi-annuel de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Le rapport publié au mois de mai présente notamment les comptes de l'année précédente et celui de septembre fournit une base de travail au projet de loi de finance de la sécurité sociale dont le vote intervient en novembre.

Si ces documents sont très complets et détaillés, un rythme bi-annuel de publication sur les soldes de la sécurité sociale est en deçà de la fréquence de l'information dispensée par les autres pays étudiés. Un tel calendrier est également critiquable dès lors que la France est dans l'obligation de suivre l'évolution de ses soldes publics consolidés. Ce dernier point soulève une seconde difficulté car la norme comptable utilisée dans les comptes de la sécurité sociale et la norme comptable européenne diffèrent substantiellement. Ainsi, l'estimation des comptes de la sécurité sociale de 1999 disponibles en mai 2000 présentent un solde positif de 0,2 milliard de francs selon la comptabilité publique et de 14,6 milliards de francs selon la comptabilité européenne. Au total, il n'existe qu'une seule publication annuelle - l'information rapide sur les comptes des administrations publiques réalisée par l'INSEE - afin de prendre connaissance du solde de la sécurité sociale française selon les normes européennes du Traité de Maastricht. Plus regrettable encore, le résultat de mai n'est que provisoire, aussi faut-il attendre un an et demi afin de disposer des résultats définitifs.

Encadré 1.2.1.a : Les Comptes de la sécurité sociale

(bi-annuel)

Encadré 1.2.1.a (suite)  : Les Comptes de la sécurité sociale

(bi-annuel)

Tableau 1.2.1.a : Soldes de la sécurité sociale française en 1999

FRANCE

Soldes de la sécurité sociale 1999

Documents

Parution

Détail

Chiffrage*

Loi de financement de la Sécurité Sociale

11-1998

Maladie

- 0,1

Accidents

1,2

Vieillesse

-3,8

Famille

2,8

Total

0,2

Comptes de la Sécurité Sociale

05-1999

Maladie

- 12,2

Accidents

1,2

Vieillesse

3,5

Famille

2,3

Total

- 5,1

Comptes de la Sécurité Sociale

09-1999

Maladie

- 12,1

Accidents

0,4

Vieillesse

4,4

Famille

3,3

Total

- 4,0

Comptes de la Sécurité Sociale

05-2000

Maladie

- 9,3

Accidents

1,0

Vieillesse

3,7

Famille

4,8

Total

0,2

Les comptes des administrations publiques INSEE

05-2000

Total

14,6

Comptes de la Sécurité Sociale

09-2000

Maladie

- 8,9

Accidents

1,1

Vieillesse

3,7

Famille

4,8

Total

0,7

* en milliards de francs

Une troisième caractéristique de la situation française ne plaide pas en faveur de son système d'information actuel. En effet, entre les premières estimations du solde de l'année 1999, disponibles en mai 1999, et le résultat définitif, connu en septembre 2000, les écarts sont substantiels. On passe respectivement d'un solde négatif de
-5,1 milliards de francs à un solde positif de 0,7 milliards de francs. Il paraît alors plus pertinent de communiquer également en cours d'exécution sur les recettes et dépenses effectives et pas uniquement en estimations annuelles. Un tel procédé permettrait à des instituts indépendants de se faire leur propre opinion sur le solde final au regard des perspectives économiques qu'ils retiennent dès lors que des séries longues existeront.

1.2.2. Le suivi de l'exécution des comptes de la Sécurité sociale au Royaume-Uni

Les dépenses britanniques relevant du ministère de la sécurité sociale ne correspondent pas exactement au champ retenu en France. L'administration britannique utilise plusieurs grandes catégories de dépenses telles que les pensions de retraite, d'invalidité, les aides à la recherche d'emploi, aux ménages et les soutiens aux revenus. L'équivalent de la branche maladie est géré par le ministère de la santé. Au total l'équivalent du secteur de la sécurité social française ne forme pas une administration indépendante au Royaume-Uni, il est au contraire entièrement inclus dans le secteur des administrations centrales et locales. L'information relative à un solde spécifique de la sécurité sociale n'a donc pas de sens au Royaume-Uni.

On distinguera alors d'une part les recettes liées aux cotisations sociales et d'autre part les dépenses des administrations centrales et locales du secteur de la sécurité sociale.

L'état central britannique communique notamment en rythme bi-annuel à partir des données budgétaires. La situation est alors largement comparable à celle de la France en terme d'information sur les agrégats de recettes et de dépenses.

Tableau 1.2.2.a : Résultats budgétaires de recettes de sécurité sociale au Royaume-Uni

Royaume-Uni

Social security benefits 1999

Documents

Parution

Détail

Chiffrage*

Pre Budget 19 ( * ) 1999

11-1998

Total

98,9

Budget 1999

03-1999

Total

101,5

Pre Budget 2000

11-1999

Total

97,2

Budget 2000

03-2000

Total

97,1

* en milliards de livres

Tableau 1.2.2.b : Résultats budgétaires de dépenses de sécurité sociale au Royaume-Uni

Royaume-Uni

Social security contributions 1999

Documents

Parution

Détail

Chiffrage*

Pre Budget 1999

11-1998

Total

57,0

Budget 1999

03-1999

Total

55,7

Pre Budget 2000

11-1999

Total

56,2

Budget 2000

03-2000

Total

56,4

* en milliards de livres

Cependant le Royaume-Uni ne se contente pas de communiquer à un rythme bi-annuel, il dispose également de publications mensuelles sur les recettes et dépenses effectives. Les Public sector finances proposent en effet des séries de recettes imputables à la sécurité sociale et de dépenses de l'Etat central en matière de sécurité sociale.

Depuis février 2000, l'administration britannique propose simultanément des données de recettes aux normes comptables européennes et britanniques. Toutefois, la régularité avec laquelle évoluent les recettes comptabilisées selon la norme ESA95 ( European System of Accounts ) laisse penser qu'il ne s'agit que d'une grossière approximation.

La série de dépenses de sécurité sociale de l'administration centrale britannique est renseignée rapidement, avec moins d'un mois de décalage, et n'est l'objet que de faibles corrections ultérieures. Cependant, huit mois après avoir été présenté, un chiffre mensuel peut encore être l'objet d'ajustements.

Tableau 1.2.2.c : Résultats mensuels de recettes de sécurité sociale au Royaume-Uni

I : Social security

II : Compulsory social contributions (ESA 95)

III : Social security contribution (à l'exclusion de la contribution de l'Irlande du Nord)

ROYAUME-UNI

Social security receipts 1999-2000

Documents

Parution

I*

II*

III*

Public sector finances (Avril)

19-05-99

5,6

Public sector finances (Mai)

16-06-99

3,9

Public sector finances (Juillet)

17-08-99

4,4

Public sector finances (Août)

16-09-99

4,7

Public sector fin ances (Septembre)

18-10-99

4,1

Public sector finances (Octobre)

18-11-99

4,7

Public sector finances (Novembre)

20-12-99

4,7

Public sector finances (Décembre)

21-01-00

4,7

Public sector finances (Janvier)

18-02-00

4,8

Public sector finances (Février)

20-03-00

4,8

4,9

Public sector finances (Mars)

20-04-00

4,8

4,9

Public sector finances (Avril)

19-05-00

4,8

4,3

Public sector finances (Mai)

20-06-00

4,8

5,6

Public sector finances (Juin)

20-07-00

4,8

4,4

Public sector finances (Juillet)

18-08-00

4,9

5,1

Public sector finances (Août)

20-09-00

4,9

4,8

Public sector finances (Septembre)

19-10-00

4,9

4,5

* en milliards de livres

Encadré 1.2.2.a : Les Public sector finances

(Les finances du secteur public- mensuel)

Tableau 1.2.2.d : Résultats mensuels de dépenses de sécurité sociale au Royaume-Uni

ROYAUME-UNI

Net social benefits 1999

Documents

Parution

mois*

01-99*

1999*

Public sector finances (Avril)

19-05-99

Public sector finances (Mai)

16-06-99

Public sector finances (Juillet)

17-08-99

Public sector finances (Août)

16-09-99

Public sector finances (Septembre)

18-10-99

Public sector finances (Octobre)

18-11-99

7,9

Public sector finances (Novembre)

20-12-99

9,1

Public sector finances (Décembre)

21-01-00

8,6

Public sector finances (Janvier)

18-02-00

7,9

7,9

Public sector finances (Février)

20-03-00

7,9

7,933

Public sector finances (Mars)

20-04-00

8,7

7,900

98,13

Public sector finances (Avril)

19-05-00

8,8

7,900

98,13

Public sector finances (Mai)

20-06-00

8,2

7,731

97,83

Public sector finances (Juin)

20-07-00

8,5

7,888

97,94

Public sector finances (Juillet)

18-08-00

8,1

7,888

97,94

Public sector finances (Août)

20-09-00

8,6

7,888

97,94

Public sector finances (Septembre)

19-10-00

8,3

7,872

97,89

* en milliards de livres

Il convient enfin de remarquer que les dépenses des collectivités locales relatives à la sécurité sociale ne sont connues qu'annuellement à travers le document des Public Expenditure . Au total, la globalité de l'information sur les recettes et dépenses de sécurité sociale n'est pas meilleure au Royaume-Uni qu'en France. Cependant les différences institutionnelles entre la France et le Royaume-Uni conduisent à ce que la méconnaissance de ce secteur particulier soit de peu d'importance dès lors que les soldes des administrations publiques locales et centrales britanniques sont connus. En France, la méconnaissance mensuelle ou trimestrielle du solde de la sécurité sociale ne permet pas de calculer régulièrement l'évolution du solde agrégé des finances publiques à un rythme infra annuel contrairement au Royaume-Uni.

Encadré 1.2.2.b : Les Public sector finances

(Les finances du secteur public- mensuel)

1.2.3. Le suivi de l'exécution des comptes de la Sécurité sociale en Allemagne

La situation allemande en matière de sécurité sociale se situe entre le système français entièrement paritaire et la situation britannique entièrement administrative. En effet, l'assurance maladie allemande est gérée paritairement alors que l'équivalent des autres branches françaises de la sécurité sociale est géré par l'Etat fédéral et les administrations locales.

Tableau 1.2.3.a

Solde mensuel de la sécurité sociale en Allemagne en comptabilité publique

ALLEMAGNE

Solde des Social security funds 1999

Documents

Parution

Trim*

Q1*

1999*

Deutsche Bundesbank monthly report

09-99

Q1

- 5,2

Deutsche Bundesbank monthly report

10-99

Q1

- 5,2

Deutsche Bundesbank monthly report

11-99

Q2

- 1,2

Deutsche Bundesbank monthly report

12-99

Q2

- 1,2

Deutsche Bundesbank monthly report

01-00

Q3

- 1,2

Deutsche Bundesbank monthly report

02-00

Q3

- 1,2

Deutsche Bundesbank monthly report

03-00

Q3

- 1,2

Deutsche Bundesbank monthly report

04-00

Q4

- 1,5

9,0

Deutsche Bundesbank monthly report

05-00

Q4

- 1,5

9,0

Deutsche Bundesbank monthly report

06-00

Q4

- 1,5

9,0

Deutsche Bundesbank monthly report

07-00

Q4

- 1,5

9,0

Deutsche Bundesbank monthly report

08-00

Q1

9,0

Deutsche Bundesbank monthly report

09-00

Q1

9,0

* en milliards de marks

On trouve donc des informations relatives à la sécurité sociale à la fois dans les documents de l'Etat fédéral et dans ceux des administrations locales, cependant ils n'intègrent pas la « branche maladie ». Seul la Bundesbank présente de manière agrégée l'ensemble des recettes et dépenses de sécurité sociale à travers l'appellation Social security funds .

Encadré 1.2.3.a : Le Deutsche Bundesbank monthly report

(Le rapport mensuel de la Bundesbank - mensuel)

* 1 Centre de Recherches pour l'Expansion de l'Economie et le Développement des Entreprises.

* 2 Votre Rapporteur n'abordera pas le sujet de l'information fonctionnelle sur les dépenses, élément essentiel de la révision de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui a déjà été traité par M. Alain LAMBERT, président de la commission des finances, dans son récent rapport sur ce sujet (Etude menée sur la réforme de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, rapport d'information n°37 (2000-2001).

* 3 Une interprétation restrictive des textes en vigueur au moment de l'affaire de la " cagnotte " laissait en effet penser que seuls les rapporteurs spéciaux pouvaient exercer un contrôle sur pièces et sur place, portant sur les seules dépenses relevant du département ministériel qu'ils avaient la charge de rapporter.

* 4 Rapport d'information sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances. Tome I - n° 485 (1999-2000), page 31 - Alain Lambert et Philippe Marini.

* 5 Où l'information annuelle est en revanche moins bonne qu'en France.

* 6 Décret 46-1432 du 14 juin 1946, modifié par le décret 89-373 du 9 juin 1989.

* 7 Art 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

* 8 « Pour répondre à l'exigence démocratique de transparence de l'Etat, un accès plus aisé à l'information publique est par ailleurs indispensable », discours d'Hourtin en août 1997 du Premier Ministre Lionel Jospin.

* 9 Rapport Lenoir et Prot, (1979), La Documentation française.

* 10 Rapport Lenoir et Prot (1979), p. 123.

* 11 Rapport Cieutat (2000), p. 15.

* 12 Doter la France de sa nouvelle constitution financière - Alain Lambert, Président - Rapport du Sénat n° 37, 2000-2001.

* 13 Rapport d'information n° 485, par MM. Alain Lambert et Philippe Marini (29 septembre 2000).

* 14 INSEE Résultat : Les agents de l'Etat.

* 15 INSEE Résultat : Les salaires des agents de l'Etat.

* 16 La fonction publique et la réforme de l'Etat, Rapport annuel mars 1998 - mars 1999, p. 181.

* 17 Rapport Joxe (1999), http://www.ccomptes.fr/Cour-des-comptes/publications/rapports/fonction publique/fpetat20.htm, p 1 / 2.

* 1 Les auteurs du rapport notent : « pour des raisons que nous ignorons, la Direction de la comptabilité publique n'est pas traitée comme disposant d'un service statistique. Est-ce parce que des centralisations sont pour l'essentiel comptables ? Voir notamment le « Rapport d'activité annuel de la comptabilité publique » ; celui auquel on s'est référé est de 1987, publié dans Notes bleues , 414, 12-18, décembre 1988. »

* 18 Les auteurs du rapport font observer  « l'ambiguïté du service en remarquant que dans le bilan de la Direction générale des impôts, on ne relève pas de mission statistique, mais en revanche le bilan annuel s'appelle « les statistiques de la Direction générale des impôts pour... » ; voir « Les statistiques de la Direction générale des impôts pour 1985 et 1986 », dans les Notes bleues , série trimestrielle, n° 1, juin 1988. »

* 19 Le Pre Budget existe depuis 1997. Il s'agit d'un document présentant l'évolution des résultats de l'année en cours ainsi que les nouvelles estimations pour les années à venir.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page