B. LES PROPOSITIONS DU COMITÉ DE RÉFLEXION ET DE PROPOSITION SUR LES DESSERTES AÉRIENNES FRANÇAISES

Le comité de réflexion et de proposition sur les dessertes intérieures aériennes françaises (le comité « Abraham »), mis en place en 1994, a bien analysé les conséquences possibles du nouveau droit communautaire à compter du 1 er avril 1997.

Il a, d'abord, relevé que la notion de « droits de trafic » disparaissait.

Tout transporteur national ou communautaire, pourvu qu'il dispose d'une licence délivrée par son pays, pourrait désormais exploiter librement toute liaison intra-communautaire sous réserve qu'il dispose des créneaux horaires nécessaires à son exploitation sur les aéroports saturés.

Dans des cas limités, des obligations particulières peuvent être imposées. Si aucun transporteur ne se déclare prêt à les respecter sans aide, alors un transporteur peut être subventionné, après avoir été choisi sur appel d'offres.

Le comité a jugé incompatible l'organisation actuelle du transport aérien intérieur et le nouveau contexte juridique du transport aérien intra-communautaire.

D'une part, a-t-il estimé, les conséquences économiques de l'ouverture à la concurrence ne permettront plus de pratiquer les péréquations internes entre liaisons ou activités rentables et liaisons ou activités non rentables, tant pour Air Inter que pour les compagnies régionales qui y recourent, du moins avec l'ampleur actuelle.

D'autre part, les liaisons aériennes actuellement aidées au moyen de subventions devront, elles aussi, progressivement être remises en concurrence, pour être conforme aux modalités communautaires qui imposent la tenue d'un appel d'offres préalablement à l'octroi limité à un seul transporteur du droit d'exploiter un service aérien, et au versement d'une compensation pour que celui-ci satisfasse aux obligations de service public.

Le « comité Abraham » a, aussi, rappelé les conséquences de la réglementation européenne en relevant :

- que l'industrie du transport aérien américain s'était fortement concentrée : il y avait 178 compagnies indépendantes aux Etats-Unis en 1978, il en restait une trentaine en 1994. En 1978, 18 transporteurs contrôlaient 95 % du marché. Au début des années 1990, 8 transporteurs contrôlaient 95 % du marché ;

- que l'industrie s'était également largement renouvelée : plusieurs grands transporteurs américains des années 1960 ont disparu. De nombreux transporteurs régionaux ont perdu leur indépendance ;

- que la gamme tarifaire s'était élargie : l'écart entre les tarifs des liaisons à fort trafic, et les tarifs des liaisons à faible trafic, s'est fortement creusé. L'écart entre les tarifs de base et les tarifs réduits s'est également creusé, la part du trafic voyageant au tarif le plus élevé ayant fortement décru ;

- que les systèmes de fidélisation de la clientèle s'étaient multipliés ;

- et qu'enfin, le transport aérien s'était structuré autour de plates-formes de concentration et rabattement (Hubs and spokes) sur lesquelles chaque grand transporteur contrôle plus de 70 % du trafic.

En conclusion, le comité de réflexion a, d'abord, souligné que les collectivités locales et les chambres de commerce, en liaison avec les transporteurs régionaux, avaient souvent été à l'origine du développement des liaisons à faible trafic, celles-là même qui, faute d'aide financière, seraient de plus en plus menacées, dans la mesure où les transporteurs de taille moyenne ne pourraient plus, autant qu'aujourd'hui, procéder à des péréquations internes, dans la mesure également où les transporteurs « nationaux » (Air France et Air Inter) seraient peut être, plus qu'aujourd'hui, tentés de limiter les coûts des affrètements qu'ils continueront à pratiquer.

Il a estimé qu'une seule solution pourrait garantir le service public de transport aérien dans le nouvel environnement concurrentiel : la mise en place d'un mécanisme systématique de soutien financier aux liaisons d'intérêt public qui le justifient .

Il a considéré que les collectivités locales et les chambres de commerce « devraient garder l'initiative ».

Ce sont elles, a-t-il souligné, qui sont en mesure de savoir de quelle liaison, avec quelle fréquence et quels horaires, et avec quel type d'avion, elles ont besoin. C'est aux collectivités locales et aux chambres de commerces qu'il appartient de définir les obligations de service public susceptibles d'être imposées à une liaison aérienne.

Le « comité Abraham » a jugé que « l'aggravation probable des distorsions entre grandes et petites liaisons, entre liaisons riches et liaisons pauvres, conduisait à considérer que la solidarité nationale devrait s'exercer bien plus qu'aujourd'hui, et qu'une partie de l'aide devrait être fournie par un fonds national aérien d'aménagement du territoire ».

Il a ainsi proposé que le financement des aides pour les liaisons qui seraient reconnues comme susceptibles de recevoir une participation du fonds soit assuré à 50 % par ce dernier.

Abordant la question majeure des critères d'éligibilité, le comité a estimé qu'une liaison aérienne n'était plus indispensable , même si elle demeurait utile , lorsque :

- il existe un train permettant d'effectuer le même trajet en moins de deux heures et demie ;

- il existe un aéroport de substitution à l'aéroport proche de la zone dont la desserte est examinée, imposant un trajet routier d'approche représentant un supplément de moins de 45 minutes, par rapport à l'aéroport de l'agglomération considérée.

Rappelant que le texte communautaire évoquait, pour les liaisons auxquelles peuvent être imposées des obligations de service public, les « aéroports desservant une zone périphérique ou de développement », il a considéré qu'un trajet ferroviaire de plus de deux heures et demie établissait l'existence d'une zone périphérique au sens du règlement.

Il a, aussi, estimé qu'un véritable service aérien supposait l'emploi régulier d'un appareil d'au moins 20 places, effectuant deux allers-retours par jour, 5 jours par semaine, 48 semaines par an, ce qui représentait une offre minimale de 19.200 sièges, soit un trafic minimal de 10.000 passagers par an.

En sens inverse, il a jugé que des liaisons à fort trafic ne devraient normalement pas se trouver en situation de se voir imposer des obligations de service public. Il a ainsi « exclu » les liaisons dont le trafic annuel dépassait 150.000 passagers.

Il a, enfin, admis que toute liaison aérienne qui ne serait pas desservie spontanément par au moins un transporteur s'engageant à respecter les obligations qui auraient été rendues publiques, et qui ne serait pas exclue du mécanisme d'aide nationale par les critères proposés, serait soumise à appel d'offres, la subvention nécessaire étant partagée à raison de 50 % par les collectivités locales et les chambres de commerces, 50 % par le fonds national.

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