EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une réunion tenue dans l'après-midi du mardi 16 octobre 2001 sous la présidence de M. Jacques Oudin, vice-président, la commission a entendu une communication sur la mission de contrôle, effectuée par M. Hubert Haenel, rapporteur spécial des crédits de la justice, sur les juridictions du Haut-Rhin.
En introduction, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a rappelé qu'il avait été chargé par la commission des finances du Sénat d'effectuer un contrôle sur pièces et sur place sur le fonctionnement de la justice dans le département du Haut-Rhin. Elle visait à analyser de manière concrète les moyens humains, matériels et financiers mis à la disposition du service public de la justice pour assurer ses missions.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a cité l'ensemble des juridictions qu'il avait visitées afin d'avoir une vision d'ensemble sur la présence de la justice dans le département du Haut-Rhin. Il s'agit de la cour d'appel de Colmar, des tribunaux de grande instance et d'instance de Colmar et de Mulhouse, des tribunaux d'instance de Guebwiller, d'Altkirch, d'Huningue, de Thann et de Ribeauvillé, des greffes permanents de Kaysersberg et de Sainte-Marie-aux-Mines, des bureaux fonciers de Cernay, Masevaux et Saint-Amarin ainsi que des conseils de prud'hommes de Mulhouse, Guebwiller et Altkirch. Il a précisé qu'il s'était entretenu avec les responsables des juridictions, mais également avec des magistrats de tout grade -du siège et du parquet- et avec des personnels des greffes.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a ajouté avoir également visité les trois établissements pénitentiaires du Haut-Rhin (la maison centrale d'Ensisheim et les maisons d'arrêt de Colmar et de Mulhouse). A cette occasion, il a rencontré le personnel de direction, mais également des surveillants, un fonctionnaire des services pénitentiaires d'insertion et de probation et une juge de l'application des peines.
Il s'est également déplacé dans tous les services de la protection judiciaire de la jeunesse, à savoir la direction départementale du Haut-Rhin, les centres d'action éducative de Colmar et de Mulhouse, le service éducatif auprès du tribunal de grande instance de Mulhouse le centre de placement immédiat de Mulhouse.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a ensuite déclaré avoir rencontré les représentants des différents métiers qui travaillent en collaboration avec la justice, à savoir la police et la gendarmerie, les maires, les avocats, les huissiers et les experts-comptables.
Il a estimé que ces multiples visites et entretiens étalés sur plus de sept jours lui avaient permis d'établir une radiographie des services de la justice implantés dans le département du Haut-Rhin en distinguant les points communs à l'ensemble des services publics de la justice et les problématiques spécifiques à chaque type de juridiction et d'administration.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a alors souligné l'importance des vacances de poste dans tous les services de la justice. Il a ainsi rappelé qu'en ce qui concerne les juridictions du Haut-Rhin, elles souffrent de 28 vacances de poste dont 7 postes de magistrat, 3 postes de catégorie A, 11 postes de catégorie B et 7 postes d'agent technique. Les services de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse sont également touchés par ce phénomène.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a également regretté la non compensation des manques d'effectifs liés au développement du travail à temps partiel. Il a estimé que les juridictions du Haut-Rhin devraient bénéficier de 23,5 postes en surnombre pour pallier les temps partiels, dont 0,5 poste de catégorie A, 7,5 postes de catégorie B, 14 postes de catégorie C et 1,5 poste d'agent technique.
Puis M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a souligné les difficultés d'application de la loi sur la réduction du temps de travail dans les services de la justice. Il a jugé irréaliste le défi lancé à la justice d'améliorer le service rendu aux justiciables tout en diminuant le temps de travail, à effectifs constants de surcroît.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a ensuite présenté les problématiques spécifiques liées à chaque type de juridiction. Il a ainsi constaté que les conditions de travail sont très inégales selon les types de juridiction. Il a alors cité la quasi-asphyxie des tribunaux de grande instance par la conjonction de charges de travail très lourdes et de sous-effectifs chroniques tandis que les conseils de prud'hommes ou certains tribunaux d'instance disposent d'effectifs généreux au regard de leurs activités.
Par ailleurs, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, s'est inquiété de ce que les services de la protection judiciaire de la jeunesse n'appliquent pas un nombre important de décisions de justice, remettant en cause l'efficacité de la politique pénale. A cet égard, il a souligné que les dysfonctionnements relevés mériteraient de faire l'objet d'une étude spécifique.
En ce qui concerne les établissements pénitentiaires, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a reconnu qu'ils restaient les parents pauvres de la République.
Il a ensuite évoqué l'évaluation chiffrée des besoins humains et matériels nécessaires au bon fonctionnement des juridictions. A cet égard, il a souligné que ces derniers étaient en réalité modestes. Certes, la création de postes de magistrats et de greffiers dans certaines juridictions comme la cour d'appel, les tribunaux de grande instance et certains tribunaux d'instance serait indispensable pour soulager les juridictions citées, réduire les délais de jugement et rendre la justice plus humaine. Toutefois, la principale revendication de tous les chefs de juridictions consiste à disposer d'un effectif réel correspondant à l'effectif budgétaire. La lutte contre les vacances de poste apparaît ainsi comme la véritable priorité.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a alors tenu à rappeler que c'était une situation qu'il dénonçait chaque année dans son rapport annuel sur les crédits du budget du ministère de la justice. Il a ajouté que cette présente mission lui avait permis de recenser non seulement l'ampleur du phénomène, mais également ses conséquences concrètes sur le fonctionnement des juridictions. Il a espéré que cette analyse au niveau d'un ressort de cour d'appel rendrait la Chancellerie sensible à la nécessité de remédier à cette situation et qu'elle s'inspirerait de ses propositions qu'il a alors énoncées en précisant qu'elles reposaient sur trois axes : une meilleure gestion du personnel, une plus grande reconnaissance du travail réalisé par les auxiliaires bénévoles de la justice et une meilleure prise en compte des contraintes liées au droit local.
En conclusion, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a souligné qu'il évoquerait son rapport lors de l'audition de la ministre de la justice et qu'il souhaiterait qu'elle réponde alors précisément sur les propositions qu'il contient.
Un large débat s'est alors ouvert.
M. Jean-Pierre Demerliat s'est interrogé sur les causes des nombreuses vacances de poste.
M. Jacques Oudin a demandé si cette mission avait permis d'évaluer la charge réelle de travail des magistrats.
En réponse, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a indiqué que les vacances de postes observées dans les juridictions du Haut-Rhin étaient liées aux mouvements fréquents de personnels. En effet, les concours des personnels des greffes ou encore des surveillants sont organisés au niveau national. Comme l'Alsace connaît un taux de chômage moins élevé que dans le reste de la France, les candidats alsaciens sont sous représentés. En conséquence, une partie non négligeable des personnes affectées dans le Haut-Rhin sort directement des écoles de formation puis cherche à se rapprocher de sa région d'origine. Les postes restent alors vacants.
En ce qui concerne la durée de travail des magistrats et des fonctionnaires de greffes, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a constaté qu'elle variait en fonction du type de juridiction et des individus. Il a constaté que les magistrats du parquet étaient particulièrement sollicités et s'est inquiété de la relative désaffection qui touchait le parquet, notamment en raison de ses charges de travail très lourdes.
A l'issue de ce débat, la commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication et a décidé d'autoriser la publication des conclusions sous forme d'un rapport d'information.