d) Placer l'information au coeur du dispositif de gestion de crise
La visite mouvementée sur les lieux de M. Lionel Jospin, Premier ministre, le 9 avril, n'a manifestement pas permis de calmer l'inquiétude perceptible des élus et de la population.
M. Joël Hart, maire d'Abbeville, a exprimé avec force devant une délégation de la commission d'enquête, le 23 mai puis le 21 juin 2001, le grand sentiment de solitude ressenti par les élus locaux pour affronter un sinistre d'une aussi grande ampleur.
Il a précisé que c'est précisément cette raison qui l'avait conduit à « alerter les média », ce qui a eu, selon lui, pour conséquence ensuite que les services préfectoraux « ont commencé à traiter sérieusement les problèmes ».
M. Joël Hart a fait valoir que la passion manifestée par de nombreux élus devait être mieux comprise, dans le contexte difficile qu'ils avaient dû affronter, sans préparation particulière .
M. Henri Sannier, maire d'Eaucourt-sur-Somme, a observé que la cellule de crise s'était montrée efficace pour venir en aide aux sinistrés, mais que les communes n'étaient pas suffisamment aidées pour la réparation ou la reconstruction de leurs équipements sinistrés. Il a indiqué que les élus avaient le sentiment que l'État ne leur faisait pas confiance.
D'une manière plus générale, la perspective de difficultés budgétaires prévisibles pour la remise en état d'équipements communaux a pu contribuer à alimenter un sentiment d'inquiétude de la part des élus.
Observant que sa commune avait subi quatre inondations en treize ans, M. Patrick Poliautre, élu maire de Fontaine-sur-Somme pour la première fois en 2001, a regretté que les maires, en particulier ceux qui venaient d'être élus, ne soient pas informés de manière suffisamment précise sur leurs pouvoirs et leurs moyens d'action . On rappellera que les inondations ont connu l'ampleur que l'on sait dans les jours suivant les élections municipales des 11 et 18 mars.
M. Gilles de Robien, député-maire d'Amiens, a pour sa part insisté sur le besoin d'accompagnement psychologique ressenti par les personnes sinistrées et sur la nécessité d'une meilleure information, par exemple sur la reconstruction éventuelle des logements au regard de leur exposition au risque.
M. Alain Gest, président du conseil général, a fait valoir que certaines rumeurs sur les causes des inondations, certes non fondées, provenaient, pour une large part, d'une mauvaise communication et d'un manque de transparence, en particulier sur la gestion des canaux. Cette observation rejoint l'idée formulée, il y a sept ans, par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale : le manque de transparence alimente la rumeur .
Par ailleurs, comme l'a indiqué à la commission d'enquête M. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, « dans le respect des compétences de chacun, il est incontournable que les collectivités locales, à commencer par les communes et le département, soient en permanence associées à la gestion de crise ».
A cet égard, des progrès paraissent devoir être accomplis par les services de l'État, pour informer plus régulièrement les élus, dont la population attend beaucoup.
Comme l'a indiqué le colonel Lionel Le Clei 66 ( * ) , un retard en communication est nocif dans 99 % des cas. « La première communication qui fait état de l'événement et de la position des autorités imprime profondément sa marque. L'ensemble des acteurs-clés (notamment élus, administrations et leaders d'opinion) se mobilise et se positionne par rapport à cette première communication (...). Si (la communication) est négative, c'est-à-dire à l'initiative d'autres acteurs (...), le dossier sera plus difficile à mener à bien ». En effet, dans un tel cas, ce sont les opposants qui choisissent le terrain de la communication.
En d'autres termes, il appartient à l'État de prendre, le plus en amont possible, l'initiative d'informer le plus précisément possible élus et population, dans un souci de transparence.
Une gestion de crise nécessite la prise en considération du besoin d'information de toutes les parties prenantes, surtout au début de celle-ci, voire auparavant lorsqu'elle est prévisible. C'est en effet lorsque la connaissance sur la catastrophe se situe à un niveau faible que le besoin de communication est ressenti le plus intensément, tant par les élus que par la population.
Un souci de transparence rigoureuse sur le contenu de l'information apparaît, de surcroît, de nature à limiter le risque de rumeur.
Une meilleure information suppose en particulier que soit enfin assurée une véritable formation des préfets et des cadres administratifs à la gestion des crises , ce qui serait d'ailleurs de nature à favoriser une « culture de crise ».
Une telle formation est également indispensable pour les élus locaux , qui auraient eu besoin de connaître les premières mesures qu'ils leur étaient possible de prendre. Nul doute qu'une bonne formation aurait réduit le sentiment de solitude qu'ils ont ressenti lors des premiers débordements constatés.
Votre commission d'enquête attache une importance particulière à sa recommandation ci-après, concernant l'information des élus et de la population.
Proposition n° 20 : Prévoir une information transparente de l'État à l'attention des élus et de la population et la placer au coeur du dispositif de gestion de la crise. Associer étroitement les élus à la gestion de la crise et former les préfets et les élus à cette gestion. |
Il appartiendrait essentiellement aux préfets de mettre en oeuvre une telle recommandation.
* 66 « Administration » 1999, pp. 45 à 49 : gestion de crise : moyens et perspectives.