IV. QUELLES STRATÉGIES POUR LA POSTE FRANÇAISE 2000-2010 ?
M.
Gérard Larcher
Le problème de la poste française est un problème
posé à la société tout entière, et aux
politiques qui la gouvernent.
M. Jean-Claude Larrivoire :
Gilles Savary, député européen, vous qui tenez à
distinguer la mission de service public et l'entreprise qui la sert, la
Commission européenne manque-t-elle de réalisme à ce
sujet ?
M. Gilles Savary, député européen
Je vais
plutôt faire le témoignage de ce qui se passe au Parlement
européen, vu du côté parlementaire.
Premièrement, la France irrite beaucoup, jusqu'à
l'incommunicabilité, en matière de service public, et elle se
trouve dans un état de très grand isolement. Pour
différentes raisons, nous sommes l'un des derniers pays à avoir
des services publics pyramidaux, qui associent le service public à
l'entreprise publique et au statut public.
Deuxièmement, la France, si dynamique soit-elle, lorsqu'il s'agit de
passer aux « travaux pratiques », résiste ;
elle est soupçonnée de vouloir faire du protectionnisme
larvé, tout en affectant, dans les traités et dans les
débats européens, une volonté de constitution du
marché à l'extérieur. Donc, ce paradoxe irrite.
Troisièmement, nos services publics marchent plutôt bien,
contrairement à ce qu'il se passe dans d'autres pays, qui peuvent avoir
de véritables problèmes en matière d'entreprises publiques.
Enfin, dans bien des domaines, nous sommes géographiquement
charnières, et par nos résistances nous dressons contre nous des
pays qui pourraient être des alliés naturels, les Italiens, les
Espagnols ou les Portugais. Certains dossiers en empoisonnent d'autres, et les
résistances françaises sont considérées comme des
obstacles à la continuité, en particulier à la
mobilité des biens et des personnes.
Donneurs de leçons, nous sommes cependant présents sur tous les
marchés. L'exercice de style pratiqué par la France est le
suivant : protectionnisme à l'intérieur, mais
compétition à l'extérieur. C'est vrai pour EDF, c'est vrai
pour La Poste, c'est vrai dans pratiquement tous les domaines pour lesquels on
résiste à l'intérieur. Il y a donc une très grande
incompréhension qui transcende les clivages : à gauche, nous
sommes isolés à l'intérieur de la gauche. Le clivage
Nord-Sud, avec d'un côté les Latins ouverts au service public, et
d'un autre les Anglo-Saxons qui ne concevraient le service public que par des
entreprises privées n'existe plus.
Concernant La Poste, la plupart vous disent qu'il ne faut pas de débat
dogmatique. Or, nous avons clairement le sentiment que la Commission a eu une
approche dogmatique, pour ne pas dire intéressée. Des lobbies
nationaux très forts et très puissants sévissent à
Bruxelles, par exemple le lobby néerlandais qui pilote toutes les
directions pour la poste ; il ne faut pas considérer que la
position néerlandaise est seulement libérale, elle est aussi
nationale. Ce pays, champion de logistique, se trouve trop à
l'étroit dans ses frontières, et a besoin d'aller chercher des
marchés à l'extérieur.
J'en viendrai à ce que disait le sénateur Haenel tout à
l'heure, ne prenons pas la Suède comme canon de ce qui pourrait se faire
en matière postale. Or, la Commission prend la Suède comme canon
de ce qui doit être fait en matière postale. Bien que l'ayant
demandé, nous n'avons jamais réussi à obtenir une
évaluation des étapes premières de la
libéralisation... Toutefois, les conséquences indéniables
en Suède sont les suivantes : baisse des prix pour les entreprises,
augmentation pour les usagers, rétraction du réseau. Aux
Pays-Bas, il y a une journée de moins de distribution, on est à
cinq jours sur sept, et en France on est à six sur sept. Quant à
l'impact social, on parlait précédemment de 1,7 million
d'emplois...
On est donc sur l'approche de la Commission en matière de service
public. La Commission a mandat sur les traités. Les traités,
c'est 80 % en code de la Concurrence. Aujourd'hui, on ne peut pas
reprocher à la Commission de mettre en avant le marché
intérieur, on peut peut-être critiquer les États de ne pas
améliorer progressivement les traités et le contenu de l'Europe.
Par ailleurs, la Commission raisonne en termes de services
d'intérêt général qui ne figurent pas dans les
traités ; ne figurent dans les traités que les services
d'intérêt économique général. C'est une
nuance non négligeable. Son sujet est de dire : les services
d'intérêts général doivent être accessibles
à tous. On s'aperçoit qu'à 95 %, le marché est
accessible à tous, parfois même avec un prix inférieur au
prix pratiqué lorsqu'il n'y a pas de marché.
On parlait tout à l'heure du lien social, y a-t-il un réseau ou
pas ? En tout état de cause, la directive proposée est
extrêmement dure. Au-delà des dates de libéralisation, je
suis d'accord pour considérer que La Poste aujourd'hui est ambivalente.
D'une part, elle est une entreprise ; elle est déjà dans un
environnement concurrentiel ; de ses prestations dépend en grande
partie l'efficacité de notre économie. Elle est présente
sur tout le territoire et offre, à certains endroits, des services
irremplaçables qui décident de la déshérence totale
ou non, de ces dits territoires. Or, le texte nous demande de réduire au
minimum le service universel, ce qui voudra dire que la question du financement
du réseau est posée. On ne peut pas réduire au minimum le
service universel et maintenir un maillage aussi important.
Enfin, on nie le principe d'adaptabilité du service universel puisqu'on
enlève beaucoup de services, dits services spéciaux. Finalement,
le service public postal ne concernerait plus que l'antique lettre...
Le Parlement européen, avec une majorité dépassant
très largement les clivages, a amendé et refusé le texte
du commissaire Bolkestein. Sur la plupart de ces problèmes
sensibles : niveau du service universel, adaptabilité,
progressivité de la libéralisation, une grande partie des
libéraux européens est venue à notre rescousse parce que
la question territoriale se pose de façon accrue pour tous les
élus. Malgré tout, le commissaire Bolkestein refuse l'ensemble de
ces amendements. L'affrontement est plus idéologique qu'il n'y
paraît.
On en vient naturellement à s'interroger sur le statut du service public
au sein des traités de l'Union. Pour ma part, je suis pour une Europe
intégrée, donc un marché postal unique, alors que nos
résistances françaises aimeraient un marché unique de la
poste, à condition qu'il y ait une conception du service public
partagée et que l'on puisse, à l'intérieur de cet ensemble
postal unique, faire prévaloir un cahier des charges du service
universel qui soit communément admis.
C'est la très grande controverse et la très grande question non
résolue. Une question extrêmement lourde concernant la poste
demeure. Le service universel n'a pas le même coût aux Pays-Bas ou
en Grèce. Si on propose un « costume
prêt-à-porter », l'écrémage des
marchés est irréversible : bagarre féroce en France
sur les grandes entreprises et sur les grandes agglomérations, et,
naturellement, déperdition de la présence postale en zone rurale
ou augmentation de prix pour cause de rentabilité. Or, nous voulons
à la fois que la poste française se coltine à la
concurrence, et que soit préservé ce qu'il y a d'essentiel dans
les missions postales, en termes de cohésion territoriale surtout.
M. Jean-Claude Larrivoire
Jean Besson, député du Rhône, membre de la Commission
supérieure du Service public des Postes et
Télécommunications. Quel est, selon vous, la stratégie
pour la poste française dans les dix années à
venir ?
M. Jean Besson, député du Rhône, membre de la CSSPPT
Cette
table ronde inspire un certain nombre de questions, et j'en retiendrai trois
différentes en importance et en ordre.
La première concerne le terme de stratégie. C'est un terme
souvent utilisé par La Poste. La stratégie est un ensemble de
manoeuvres en vue d'un objectif précis : la victoire. Les
invités rassemblés ici ont des démarches
différentes, divergentes selon que l'on s'entretient du courrier, des
colis, de l'exprès, des services financiers ou de l'assurance. Est-il
possible de construire une stratégie d'entreprise globale et
cohérente, dès lors que l'on se met à raisonner par
branche ou par métier, en perdant assez largement de vue la
véritable raison d'être de La Poste, le service aux femmes et aux
hommes, citoyens ou simples habitants, voire même simples visiteurs de ce
pays.
Deuxième point, faut-il utiliser le terme d'évolution, de
révolution ou de réforme ? Par rapport à la
stratégie, il faut choisir et fixer les objectifs. Je n'ai jamais
cessé depuis des années de dénoncer le mythe du changement
au seul motif de la modernisation, de l'adaptation à d'autres concepts.
Il peut y avoir deux raisons pour vouloir changer les choses : soit les
choses vont mal, on a du mal à atteindre les objectifs auxquels on
tient ; soit on a décidé de viser d'autres objectifs ou
d'ajouter de nouveaux objectifs aux anciens. Aujourd'hui, personne ne peut nier
la nécessité de faire évoluer La Poste, ni la
nécessité de soigner les modalités d'articulation entre
les différentes postes, au niveau européen notamment.
L'objectif de ceux qui font la promotion de cette réforme serait-il par
hasard d'améliorer l'indice de satisfaction des clients usagers des
services postaux ? Cela signifierait que la santé de La Poste est
très mauvaise, or est-ce bien exact ? Je n'imagine pas non plus
qu'il s'agisse d'une attitude purement dogmatique du culte libéral,
puisque le grand exemple mondial du libéralisme, les États-Unis,
a pris le contre-pied de cette démarche.
Cette stratégie serait-elle alors faite pour développer de
l'emploi ? Mais aucune expérience n'est probante dans ce sens. Je
ne vois plus guère qu'une seule justification : la concurrence fait
baisser les prix. La Commission européenne peut-elle confirmer que
l'objectif de la réforme est de faire baisser le prix du timbre ?
Pardon à ceux qui ont parlé de révolution ! La
libéralisation ne devrait pas être une religion économique.
Encore faut-il savoir où l'on veut aller.
À La Poste, ça devrait être d'autant plus facile de
travailler dans l'intérêt général et pour des
missions de service public qu'il s'agit d'une entreprise publique. La Poste
exerce plusieurs métiers au sein de la maison mère, et souffre
d'un manque d'autonomie réelle. Le choix des priorités
étant fait par l'État, contrôlé par le Parlement
dans le cadre de la réglementation communautaire. Si ces
priorités vont à l'encontre de ce qu'aurait visé un
entrepreneur normalement soucieux d'accroître la rentabilité de
son entreprise, elles deviennent des contraintes qu'il faut assumer. La
politique de l'emploi et le maintien ou non du statut du personnel, ainsi que
l'aménagement du territoire peuvent être des objectifs de premier
rang.
Je voudrais qu'on aille peut-être plus loin dans le problème
financier. Il y a des points que nous devrons prendre en compte prochainement,
au niveau de la loi. Certains de mes devanciers en ont parlé. En ce qui
concerne la réglementation, le régulateur et le
réglementeur sont très différents, et j'insiste beaucoup
là-dessus.
Selon Churchill, auquel je me rallie, un bon politicien est celui qui est
capable de prédire l'avenir et ensuite d'expliquer pourquoi ça ne
s'est pas passé comment il l'avait prédit.
M. Jean-Claude Larrivoire
La stratégie pour les dix années à venir, telle qu'elle
est vécue par un responsable syndical de La Poste, Patrick Bourgeois,
secrétaire fédéral de la CGT-PTT. Que représente
votre centrale syndicale au sein de l'ex-PTT devenue La Poste ?
M. Patrick Bourgeois, secrétaire fédéral de la CGT-PTT
La CGT
représente plus de 33 % à La Poste, et elle est la
première organisation syndicale, puisque la deuxième arrive
à 19 %, les autres se tenant à 18 et 17 %. Donc la CGT
représente une force, elle sait que les défis à relever ne
se feront pas avec la seule organisation CGT.
La CGT est un acteur avec son autonomie de réflexion, et de proposition
et d'action. Depuis deux décennies aux PTT, les ministres socialistes ou
radicaux alternent avec les ministres de droite, mais sans alternative
politique. La communication d'entreprise relaie le même discours :
la concurrence est fatale, la soumission aux exigences du marché est
inéluctable. La seule différence entre eux serait que certains
accepteraient plus que d'autres de négocier quelques aspects du
calendrier, et des modalités d'alignement sur le marché.
On le sait, la déréglementation, qu'elle soit frontale ou
graduelle, favorise le remplacement du monopole public par le monopole
privé, et se traduit par la même brutalité dans ses
conséquences, en particulier sur l'emploi. Derrière la
déréglementation, il y a les multinationales et leurs exigences
de domination culturelle, économique et politique. Dans tous les pays
où la déréglementation sévit, l'activité du
service public est démantelée, écrémée par
les entreprises privées qui encaissent les bénéfices,
tandis que les usagers, devenus clients, sont sélectionnés en
fonction de leur solvabilité financière, et le personnel
découvre précarité et chômage.
Pour nous, il existe une politique pour maîtriser la mutation
technologique actuelle au profit des citoyens, de leurs besoins par
l'aménagement équilibré du territoire, l'accès de
tous à tous les services, y compris ceux liés aux nouvelles
technologies de l'information et de la communication, le développement
de l'emploi, de la recherche et de l'industrie nationale.
Alors, quelle stratégie pour la poste française pour les dix
années à venir ? Il y a d'abord une question clé qui
est celle du droit à la communication. Aujourd'hui, le droit à la
communication est un des droits essentiels pour vivre libre, travailler,
échanger et se cultiver. Donc la communication est un droit et pas une
marchandise. La Poste a un rôle tout à fait essentiel dans le
domaine démocratique pour faire circuler de l'information.
L'évolution des technologies n'est pas en soi révolutionnaire,
tout dépend de l'usage qu'en font les peuples. La Poste reliera encore
pour longtemps « Les hommes entre les hommes ».
Pour exister véritablement, le droit à la communication suppose
une logique de service public. L'avenir de La Poste est dans l'affirmation de
son identité, de sa différence, elle est un service public. Elle
dispose d'un réseau, de capacités de modernisation et
d'adaptation, et jouit aussi d'une grande confiance dans l'opinion publique.
Le président de La Poste affirmait lui-même, dans un récent
discours, qu'il ne veut pas de la banalisation de La Poste. Dire que La Poste
n'aurait pas de projet industriel pour développer ses activités
serait inexact. La question est : pour quoi faire ?
La Poste est confrontée évidemment à l'ouverture du
marché, à l'explosion des nouvelles technologies, au passage
à l'euro où le choc peut être brutal, en particulier dans
le domaine bancaire et celui des assurances.
L'Europe est le relais des politiques nationales de libéralisation des
services publics. Quand on parle de libéralisation, de
déréglementation, on pense à France Télécom.
La situation évolue dans la même direction à La Poste avec,
certes, un peu de retard sur le calendrier parce que le taux de
rentabilité n'est pas de même nature qu'aux
télécommunications, et qu'il reste pour le capital, notamment en
France, des problèmes complexes à affronter, comme l'emploi, la
présence en zone rurale, la cohésion sociale, et aussi car il y a
des luttes associant les usagers et les élus locaux avec des couleurs
politiques très diversifiées.
La Poste, aujourd'hui, agit comme une multinationale sans qu'elle ait besoin de
changer de statut. Elle a une stratégie de groupe en utilisant la marque
« La Poste » pour redéployer ses activités,
c'est la haute valeur ajoutée vers ces filiales regroupées au
sein de trois holdings, centrées chacune sur les trois coeurs de
métiers de la poste : courriers, colis logistiques, services
financiers. En cela, on peut dire que La Poste a un projet, une
stratégie de développement, mais au prix d'une politique
d'externalisation de ses activités de la maison mère vers ses
filiales, au prix d'une politique de changement de nature de l'emploi. Elle
utilise ces sociétés holdings, GO Poste étant le fer de
lance pour procéder aux opérations de rachats, prises de
participation à des alliances avec des opérateurs privés
et des postes européennes, sans que nous, organisations syndicales, ne
soyons informés de tout ce qui se passe à ce niveau. Les
critères marchands prévalent sur ceux du service public, le
vidant progressivement de sa substance.
Les impacts de cette logique marchande et financière conduisent à
briser l'originalité de notre service postal en France, celle de la
liaison étroite entre la situation des personnels et les services rendus
à tous les usagers. C'est pourquoi nous combattons les multiples
restructurations en cours à La Poste. Nous combattons aussi
l'idée de réduire le service public à un service
improprement baptisé universel.
La CGT agit pour une alternative fondée sur une nouvelle
efficacité économique et sociale. Pour nous, le service public
doit rester une référence de progrès social, celui-ci est
directement lié au développement de ses activités,
à son statut, au recrutement de fonctionnaires, ses garanties
collectives, ses niveaux de rémunération, sa protection sociale
et j'ajouterai le droit de revendiquer, le droit de grève.
Dans les prochaines années, La Poste va voir disparaître le tiers
de ses effectifs avec les départs à la retraite, 100.000 agents
vont partir d'ici à 2009. Anticiper sur ce processus par le recrutement
de fonctionnaires dans tous les métiers est bien un enjeu
stratégique pour transmettre les savoirs, le passage de relais, si on
veut assurer la pérennité de La Poste et le développement
de ses activités.
La modernisation sociale à La Poste, comme dans les autres secteurs en
France et en Europe, passe obligatoirement par une politique de l'emploi
offensive, anticipative, intégrant formation, reconnaissance des
qualifications, garantie collective élevée, droits nouveaux pour
les salariés.
La Poste doit être un moteur pour l'industrie française et la
recherche pour construire des coopérations en France, en Europe, dans le
monde, sur les normes, les services, les produits.
La Poste et les autres postes européennes offrent des capacités
importantes d'emplois dans tous les secteurs de l'économie. Si les
enjeux postaux sont devenus prépondérants dans la construction de
l'Europe, cela nous ramène à la même question : pour quoi
faire ? L'Europe, c'est 18 millions de chômeurs et
55 millions d'exclus, car sa construction est soumise à la logique
des multinationales. La solution n'est pas dans un subtil dosage entre
l'économie de marché et la société de
marché. Ce qui est urgent, c'est de démocratiser la gestion de La
Poste, de la rendre transparente, de respecter et d'étendre les droits
des salariés pour développer une véritable logique de
service public pour répondre aux besoins de tous les usagers.
La démocratisation est la réponse à la
désétatisation et à la privatisation. La participation des
personnels et des citoyens usagers à la gestion et à la
définition des stratégies, telle est l'issue neuve qui pourrait
être poussée, jusqu'à l'autogestion. Naturellement, c'est
à l'opposé des combinaisons étatico-bruxelloises
actuelles. De nouveaux critères de gestion de service public, combinant
efficacité économique et sociale, sont à inventer.
Moins que jamais, le service public n'est un mythe dépassé. C'est
une réalité résolument moderne pour relever les
défis de notre temps. Le droit à la communication est un enjeu de
société, et pour le syndicalisme, il a un rôle essentiel
pour relever ce défi. C'est en ce sens que la CGT proposera à son
prochain congrès fédéral son adhésion à
l'
Union Network International
, l'UNI.
M. Jean-Claude Larrivoire :
En septembre 2000, La Poste signait un accord avec Fedex, leader mondial du
transport exprès. La filiale Chronopost allait travailler main dans la
main avec le géant américain. Richard van Bruygom, vous en
êtes le directeur général pour la France, comment se passe
cette collaboration ?
M. Richard van Bruygom, directeur général France chargé des opérations de Fedex
Elle se
passe très bien, malgré des problèmes de début de
partenariat. Entre la filiale de Chronopost et la filiale de Fedex à
Roissy, il y a une très grande coopération. Il faut dire que les
liens qui unissent Fedex à la France sont multiples.
Notre compagnie est installée en France depuis 1992, l'année
où nous avons déplacé le centre de transit de Bruxelles
à Paris. En 1993, Fedex a décidé, au terme de nombreuses
études d'évaluation, d'implanter son bureau européen
à Roissy CDG, en raison de la situation exceptionnelle de
l'aéroport en France et en Europe. Nos installations représentent
un investissement conjoint avec notre partenaire Aéroport de Paris qui
devrait atteindre 1,4 milliard de francs en 2006.
Aujourd'hui 1350 salariés travaillent pour nous, et Fedex prévoit
un total de près de 3000 emplois directement et indirectement
liés aux activités de l'entreprise. Ce chiffre ne tient pas
compte des 350 salariés travaillant en province, un nombre lui aussi
appelé à croître dans les années à venir.
En janvier 2001, nous avons passé un accord avec Chronopost, au
terme duquel Fedex et La Poste transportent l'un pour l'autre leurs frets
respectifs. Les clients de Chronopost International peuvent disposer du
réseau Fedex pour acheminer leurs envois dans le monde entier. Tandis
que les clients habituels de Fedex peuvent bénéficier des
services et du réseau du groupe de La Poste, plus
particulièrement de sa filiale GO Poste.
Fedex, la plus grande société de transport exprès dans le
monde, connecte un ensemble de pays représentant 90 % du PIB du
monde, livrant à domicile en 24 à 48 heures,
dédouané et garanti de remboursement. L'offre de Fedex permet
à l'équivalent de 80 % du PIB de l'Europe et à la
très grande majorité de la Communauté européenne
des affaires de disposer d'une heure d'enlèvement des produits entre 18
et 20 heures, soit la limite extrême de la journée de
travail. Les colis sont livrés avant 10 heures 30 partout
où cela est possible.
Les services de messagerie sont souvent appelés intégrateurs
parce que nous intégrons la plupart des fonctions du fret traditionnel
aérien. Nous avons bâti notre réputation sur le fait que
nous assurons l'enlèvement, la livraison et le dédouanement des
marchandises qui franchissent les frontières.
Les clients reçoivent également des services à valeur
ajoutée, tels que le suivi de la marchandise grâce au vaste
service de réseau Internet de Fedex ou à l'aide d'un logiciel
spécialisé, fourni gratuitement par la compagnie. Initialement
spécialisé dans le petit colis et les documents, Fedex transporte
aujourd'hui les marchandises de tous gabarits. La livraison exprès est
un moteur de la globalisation de l'économie et aussi un outil
indispensable au développement du commerce économique. Les sites
Internet
Business to business
ou
Business to consumer
doivent
pouvoir s'appuyer sur les services rapides et fiables d'un transporteur
exprès, pour pouvoir répondre à la demande des
consommateurs dans un délai toujours plus courts entre le passage de la
commande et la livraison.
Fedex permet des livraisons intereuropéennes et intercontinentales ainsi
que les services qui les accompagnent, rendant les entreprises
françaises et européennes plus compétitives dans
l'économie mondiale.
Fedex est membre de l'Association européenne de l'exprès, et
soutient les positions de l'EEA au niveau européen.
Je voudrais par ailleurs aborder certains points évoqués au cours
de cette table ronde. En premier lieu, Fedex pense qu'une date butoir pour la
libéralisation des services postaux en Europe doit être
fixée, afin que les opérateurs publics puissent s'y
préparer, mais aussi afin que les acteurs privés aient une
certaine visibilité en ce qui concerne leur projet d'investissement.
Cette visibilité à moyen terme nous est nécessaire pour
innover, pour offrir toujours plus de nouveaux services à nos clients et
créer de nouveaux emplois.
Je voudrais rappeler que Fedex et les autres intégrateurs ne sont pas
des adversaires du service public postal. À ce titre, nous pensons que
le réseau postal joue un rôle important en matière
d'aménagement du territoire et d'infrastructure de communication dans
les zones rurales. Je sais que cette question est très importante en
France, notamment pour les élus issus de zones rurales ou
isolées. Nous sommes convaincus que cette mission de service public ne
sera pas remise en cause par la libéralisation des services postaux en
Europe. Nous souhaitons qu'une définition claire soit apportée
aux services spécialisés et aux services publics postaux afin
d'éviter que ne se mette en place une réintégration dans
la sphère des services publics postaux, des activités de services
spéciaux, comme les services exprès. Nous souhaitons que puisse
se mettre en place des règles de concurrence homogènes dans les
secteurs de services spécialisés. À ce titre, nous nous
préoccupons des systèmes de subventions croisées qui ne
garantissent pas des conditions de concurrence égale dans le secteur
exprès et les secteurs spéciaux.
La libéralisation des services postaux en Europe encouragera
l'amélioration des services postaux universels. Les
développements technologiques plaident en sa faveur. En effet, la
convergence des nouvelles technologies de l'information, des activités
postales et logistiques traditionnelles se fait à vitesse
accélérée depuis quelque temps, et va dans le sens d'une
amélioration des services aux entreprises et aux particuliers.
Les accords de partenariat passés par Fedex avec Chronopost en France et
la poste américaine prouvent qu'une complémentarité est
possible. L'accord sur les transports passé avec la poste
américaine, qui doit prendre effet en septembre 2001, offrira aux
clients de la poste américaine le sérieux, la fiabilité et
la qualité du service aérien exprès de Fedex. Tandis que
les clients Fedex, eux, bénéficieront de l'implantation du
réseau des bureaux de la poste américaine. Une fois encore, le
public gagnera en choix et en flexibilité.
Je terminerai en disant que la libéralisation du service postal
européen constitue à la fois un défi, mais
également un formidable élément de développement
dans la croissance économique en France et en Europe.
*
* *
Débat avec la salle
Question de la salle
Suite aux propos de MM. Savary et Besson, ne pourrait-on pas demander la mise
en place d'une évaluation par des organismes neutres et
indépendants. Car les chiffres énoncés par les uns ou les
autres semblent contradictoires ?
Très sincèrement, je crois qu'il serait utile d'y voir un peu
plus clair, et seul un organisme indépendant peut nous permettre de
savoir à quoi nous en tenir.
M. Gilles Savary
Une très large majorité de parlementaires européens font
la demande de cette évaluation. Elle était prévue dans la
directive précédente, mais n'a jamais été fournie.
Si l'usager représente l'avenir des services publics,
l'évaluation des services est nécessaire. Il est vain de se
renvoyer des modèles, l'important est de savoir si le service est
correct, et à partir de là, procéder aux ajustements qui
sont inéluctables.
M. Raphaël Crinier,
élève de l'École
nationale supérieure des Postes et Télécommunications
Puisqu'elle semble être au centre des débats, on peut se demander
à qui cette libéralisation est profitable. En écoutant
M. Bourgeois, elle ne semble être profitable ni aux usagers ni
même aux salariés. Selon M. Maschke, elle ne semble profiter
qu'à la
Deutsche Post Worldnet company
. Dans ces conditions, sous
couvert de directives européennes, certaines grandes compagnies postales
européennes ne cherchent-elles pas à se développer
à l'international ? Ma question sera double et s'adressera plus
particulièrement à M. Savary. Ne peut-on considérer
comme légitime que la poste française fasse encore quelque temps
du protectionnisme, tant que le champ et le financement du service universel ne
sont pas réellement définis ? Est-ce que l'issue de cette
libéralisation n'est pas entre les mains de lobbies à
Bruxelles ?
M. Gilles Savary
On ne peut pas porter d'accusations de cet ordre-là, mais ce qui est
clair, c'est que la France se porte volontiers sur les marchés des
autres et qu'elle refuse que l'on se porte sur le sien. Cela ne sera pas
tenable longtemps...
Deuxièmement, je suis de ceux qui pensent qu'on appelle
libéralisation ouverture, on ne peut vouloir l'Europe et la cadenasser
de frontières, y compris virtuelles. Notre discours est
extrêmement schizophrène. Dans le domaine du transport, par
exemple, les camions passent, les trains pas. Un cheminot italien n'a pas le
droit de tirer un train sur la France, résultat : ce sont les
camions qui passent parce que l'Europe de la route existe.
Je pense que la poste française a vocation à être un des
opérateurs européens. À partir du moment où la
géographie se dilate, il ne peut plus y avoir de monopole. Si les
frontières françaises disparaissent dans un ensemble de
marché unique, on ne peut pas soutenir qu'on a un monopole, sinon on
remet des frontières. La Poste doit se positionner dans un ensemble
concurrentiel.
Le débat sur le service public est à mener à
l'intérieur des différents marchés, le marché
ferroviaire, le marché postal... Et tout ceci demande une clarification.
C'est la raison pour laquelle je demande un délai dans la
libéralisation postale, plutôt qu'une résistance
obstinée.
*
* *
M.
Jean-Claude Larrivoire
Monsieur Bernard Siouffi, délégué général de
la Fédération des entreprises de vente à distance, la
FEVAD, êtes-vous satisfait des services de La Poste et qu'avez-vous
à nous dire aujourd'hui ?
M. Bernard Siouffi, délégué général de la Fédération des entreprises de vente à distance (FEVAD)
Je suis
le porte-parole des clients-entreprises. Il est important que vous sachiez ce
qu'ils pensent et ce qu'ils ont à dire sur la libéralisation du
service postal, entre mythes et réalités.
Les clients que je représente sont les entreprises qui vendent à
distance, et les entreprises qui font du marketing direct. Leurs deux
activités portent vraisemblablement l'avenir de La Poste, puisqu'elles
représentent près de 80 % de l'activité. Il s'agit
d'un client qui dépense 9 milliards de francs auprès de La
Poste, et, si on prend le monde du marketing direct, environ 17 milliards.
Dans certaines entreprises, ces coûts sont le premier coût de
l'entreprise.
La vente à distance est un monde plébiscité par plus d'un
foyer sur deux chaque année. Aujourd'hui, elle s'exprime bien sûr
dans les produits, dans les services. On vend à distance dans le monde
de la banque, des assurances, des livres, des disques, du textile, et les
tendances de la vente à distance sont les tendances porteuses de la vie
moderne, aussi bien en termes de distribution qu'en termes d'utilisation des
nouvelles technologies. La vente à distance a été
créée par les technologies et prospère grâce
à chacune des technologies. Sans la technologie, on ne sait ni
gérer un fichier clients, ni téléphoner, ni faire
d'Internet, or, demain, le mariage des télécommunications, de
l'informatique et de l'audiovisuel à travers la télévision
interactive sera un moyen de commerce.
Commerçant, je ne rajouterai pas de choses définitives sur les
débats, si ce n'est que l'activité postale est très
importante pour moi.
La Poste porte, sinon nos espoirs, l'ensemble de nos investissements
commerciaux à travers les catalogues, les mailings, la presse
également. Elle porte nos transactions, c'est-à-dire nos
commandes, nos paiements. Il faut savoir que plus d'une commande sur deux est
passée par courrier, même en 2001. Plus de 52 % des
Français qui achètent à distance le font à travers
un moyen de commande postal. Même si 40 millions de porteurs ont des
cartes bancaires, plus de 40 % paient également par chèque.
La Poste porte l'aller, le retour, elle distribue pratiquement la
totalité de nos messages, sans quoi, on n'arriverait pas à vivre.
Et elle assure la distribution des colis, même si l'activité est
en secteur hors réservé actuellement.
Selon moi, La Poste a de très grandes forces et quelques faiblesses : sa
présence historique sur le territoire français, et sa motivation,
même si sa culture est quelquefois éloignée de la culture
des entreprises, notamment en matière de continuité du service.
Les besoins des professionnels de la vente à distance et du marketing
direct sont simples. Il s'agit d'adapter l'offre à leurs besoins, et
à cet égard, nous avons au fil du temps éprouvé la
nécessité de changer, par exemple, le nom de nos plis
commerciaux : De « pli non urgent » de
troisième catégorie, nous sommes passés à
« poste impact ». L'intitulé est la partie la plus
visuelle, mais on avait besoin de déclaratif paquet. Aujourd'hui, on
peut affranchir informatiquement, par déclaration, on peut aussi adapter
les tarifications linéaires, etc. On peut effectivement mettre en place
des organisations produits à tous égards, et La Poste a beaucoup
travaillé en ce sens. Les entreprises ont besoin de visibilité
tarifaire car elles font des budgets, des plans à deux ou trois ans. La
qualité des services est très importante.
Nous sommes demandeurs d'un service universel, car l'ensemble du territoire
français doit être desservi de la même façon. Dans le
débat du service universel, il y a le débat du service
réservé, dont le périmètre doit être
harmonisé et calibré au niveau européen.
Les professionnels agissent sur l'adaptation de l'offre, sur la
visibilité tarifaire, sur la qualité de service qui, dans les
quinze dernières années, ont beaucoup évolué.
S'agissant de l'adaptation de l'offre, j'ai évoqué
l'évolution produits. S'agissant de la visibilité tarifaire,
j'évoquerai le contrat de plan, et sur la qualité de services, je
fais allusion aux engagements contractuels de qualité, visant
éventuellement à compenser financièrement les
défaillances, quitte à demander aux entreprises une organisation
spécifique avec des accords spécifiques, à partir d'un
panel reconnu et neutre, etc.
La libéralisation est un phénomène qui nous concerne
peu ; néanmoins, nous considérons la libéralisation
comme une évolution passant par plus d'adaptation au marché, plus
de concurrence. Alors, pourquoi la refuser ?
Nous souhaitons que La Poste devienne un prestataire, un fournisseur comme les
autres, avec des relations normales et des relations de contractualisation.
Pour nous, la stratégie de La Poste n'a pas d'alternative, elle doit
contractualiser l'offre, le tarif, la qualité de services, pour
fidéliser ses clients.
M. Jean-Claude Larrivoire
Parmi les activités de La Poste, l'acheminement à prix
raisonnable de la presse et la stratégie espérée. Nous
écoutons Nicolas Clément, président de la Commission des
affaires postales de la Fédération nationale de la presse
française.
M. Nicolas Clément
, président de la commission
des Affaires postales de la Fédération nationale de la presse
française
J'ai intitulé ma présentation : Presse-Poste, la longue
marche vers la relation-client. Le statut de la presse est assez particulier.
Trois grands points. La presse est un acteur singulier, même s'il est en
voie de normalisation. Le chiffre d'affaires postal de la presse, aide de
l'État incluse, est proche de celui de la VPC, et représente plus
de 5 milliards de francs.
Deuxième point, la presse, et notamment la presse quotidienne, a ses
propres exigences. Sa « date de péremption » est la
plus courte parmi celles de tous les produits, ce qui est
bénéfique pour l'ensemble du réseau puisqu'il est
tiré vers le haut en termes d'exigence. La presse est une
activité structure pour l'activité courrier de La Poste.
Troisièmement, c'est un acteur singulier, car c'est un rassemblement
d'entreprises hétéroclites, avec des tailles très
différentes, qui ont des parts d'abonnement et des
périodicités diverses, puisque cela va du quotidien au
trimestriel. À cet égard, les besoins, les attentes et les tarifs
ne sont pas les mêmes. C'est un ensemble dont
l'hétérogénéité même est un garant du
pluralisme de la liberté dans notre pays.
La presse participe largement de la citoyenneté, notamment par le
développement des idées et des libres opinions. L'article 11
de la Déclaration des droits de l'homme le confirme. De ce fait, le
service public est dans l'obligation de distribuer la presse par La Poste, et
cela induit une subvention élevée de l'État
(1,9 milliard par an), qui est constante en francs courants. Il faut noter
qu'il n'y a pas eu d'interruption depuis le 16 avril 1930, si ce n'est
durant la période de Vichy. Cela dit assez clairement pourquoi et
comment il y a un rapport entre aide de l'État et fonctionnement de la
démocratie.
La conséquence plus diffuse de cette singularité est que,
parfois, La Poste a quelques difficultés à considérer la
presse comme un client « normal ». Ajoutons à cela
qu'historiquement, la presse était très atypique, puisqu'elle ne
payait pas, ou peu. Avant les accords Galmot de 1996, on estimait qu'il y avait
trois tiers sur le prix de livraison d'un journal : un tiers payé
par les éditeurs, un tiers par l'État par sa subvention et un
tiers par La Poste. Le tiers payé par La Poste est contestable, mais ce
qui l'était moins, c'est la participation non négligeable de La
Poste.
Par ailleurs, La Poste est un acteur en voie de normalisation grâce aux
accords Galmot de 1996 qui ont été pleinement appliqués de
part et d'autre. Ces accords préconisaient une augmentation en francs
constants de 50 % des tarifs d'affranchissement pour la presse, jusqu'à
la fin de l'année 2001. Pour beaucoup d'entre nous, c'est le fournisseur
le plus important. Le fournisseur principal a augmenté de 50 %. Et
ceci a concerné l'ensemble de la presse, y compris la presse
quotidienne, cette augmentation a été encore supérieure
(100 %) sur les titres « légers » (moins de
70 g et urgents). Dans le même temps, la presse a
amélioré ses routages.
En contrepartie, La Poste a abattu 1,5 % de ses tarifs pour gains de
productivité, déduction faite de l'inflation, chaque
année. D'autre part, elle a assoupli considérablement la
réglementation face aux besoins des annonceurs. Dans les journaux, la
publicité comportait des réglementations. Il était normal
que la presse, étant totalement aidée ou très largement,
cette aide s'accompagnât de contraintes. L'aide venait à la fois
de l'État et de La Poste. La part de La Poste disparue, les contraintes
s'en réduisirent d'autant. Ce fut d'ailleurs bénéfique
pour La Poste.
Fin 2001, deux constats sont à faire : la presse paie le juste prix
de sa distribution, aide de l'État incluse ; la qualité
s'est beaucoup dégradée, notamment à cause du passage aux
35 heures. Les problèmes postaux de ces derniers temps touchent
beaucoup plus qu'auparavant le facteur, qui est incontournable.
La qualité se décline sur trois plans : la qualité
perçue, la qualité mesurée et la qualité de
l'information.
La qualité perçue a été exécrable fin 1999
et début 2000, très médiocre au quatrième trimestre
2000, et ne semble pas devoir être indemnisée. Les effets sont
déplorables sur la relation client. Tous les jours, nos abonnés
réclament, beaucoup préfèrent de fait passer au kiosque.
Or, le kiosque rapporte moins d'argent que l'abonnement. Nous perdons leur
fidélité et dépensons beaucoup de temps et
d'énergie à tenter de les récupérer.
Concernant la mesure de la qualité de la réception, depuis
avril 2000, la SOFRES fait enfin ce travail de mesure, prévu depuis
1992 dans les accords presse-Poste-État...
Quelques chiffres, pour montrer la médiocrité de la
qualité. La situation est désastreuse pour la presse non
urgente : 65 % seulement des publications étaient
distribuées au jour attendu, qui n'est pas le jour de distribution,
entre avril et décembre 2000. Pour la presse magazine urgente,
20 % ne sont pas distribués à temps, et pour la presse
quotidienne nationale et régionale, 5 à 6 %.
Les mesures ci-dessus doivent cependant être affinées pour
être plus opérationnelles, car elles ne permettent pas de faire de
distinctions par département et par jour de livraison. Il y a un
problème de transparence d'informations dans les relations avec La Poste.
Enfin, il est capital que La Poste indemnise quand elle est fautive.
Que souhaiterait-on pour l'avenir ? Je rappelle que la presse paie son
juste prix. Deuxièmement, la concurrence apparaît possible.
Libéralisation ou pas ? Des alternatives existent, mais plus
explicitement dans les zones peuplées.
Un grand quotidien du matin est passé en portage de 5600 exemplaires
à 43 000 en quatre ans. Donc, il y a des alternatives fortes. Le
13 juin, lors des grèves de fabrication des journaux, une grande
partie d'entre eux est passée sur Internet, c'est aussi une alternative.
Troisième point, les hausses tarifaires très fortes des TS3 des
années 1990 se sont traduites par un blocage des tarifs de La Poste.
Le service postal actuel est une forme de service minimal qui doit être
tenu, et dont la qualité doit s'améliorer. C'est vrai pour la
livraison des journaux et pour la livraison des courriers de prospection et de
relance qui doivent pouvoir se faire sans surclassement tarifaire. Pratique
courante depuis quelques années si l'on veut obtenir la qualité
escomptée. Les mensuels passent en tarif urgent pour arriver dans les
temps, les non-urgents arrivent hors des temps à 35 %... Des titres
expédient leur relance de réabonnement en tarif urgent, car les
TS3 n'arrivent pas dans les temps, et surtout leurs délais sont trop
longs et trop aléatoires.
La Poste doit avoir une obligation de résultats et non plus de moyens.
Il faut une mesure améliorée par famille de presse, selon la
périodicité, par département et par jour. Il faut
dès 2002 et non pas 2003 et 2004, une fixation d'objectif sur chacun de
ces critères, et d'indemnisation automatique.
L'État intervient beaucoup dans notre relation, et je suggérerais
qu'il y ait un système de bonus-malus qui soit lié à la
qualité de la prestation de la presse, c'est-à-dire que l'aide de
l'État soit valorisée si La Poste fonctionne bien, ou l'inverse.
Amélioration de l'existant, transparence réelle et
complète sur la situation actuelle de la distribution.
Aménagement du contrat commercial (il faut qu'il soit applicable
à toutes les dépenses que font les groupes de presse ;
actuellement, il n'est applicable que sur nos envois de courriers ; nos
envois de journaux ne bénéficient pas de contrat commercial). Un
système stable aussi dans le temps.
Au-delà du service minimal actuel, on a besoin de choses
supplémentaires, telles que des éditions régionales, des
livraisons le dimanche, des livraisons plus tôt le matin.
M. Jean-Claude Larrivoire
Je passe maintenant la parole à Jean-Claude Lechanoine, président
de la Fédération nationale des syndicats d'agents
généraux d'assurance.
M. Jean-Claude Lechanoine, président de la Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurance (AGEA)
J'interviens en tant que président d'AGEA, la
Fédération nationale des syndicats d'agents
généraux d'assurance. À ce titre, je suis le porte-parole
des intermédiaires et je crois pouvoir faire preuve de plus
d'objectivité que ne pourrait le faire une organisation de consommateurs
ou la Fédération française des sociétés
d'assurance.
Petite anecdote, l'Europe, en ce qui concerne l'assurance, a vraiment envie de
bannir le système de bonus-malus.
Aujourd'hui, les agents nationaux d'assurance, 15 000 en France, sont les
premiers opérateurs sur le marché d'assurance dommages et ont des
opérateurs sur le marché d'assurance vie. Nous distribuons sur
l'ensemble du territoire, des produits d'assurance dommages, des produits
d'assurance vie, des produits financiers, nous sommes très
représentés, voire sur-représentés, dans les zones
rurales et semi-rurales, et le sommes beaucoup moins dans les grandes
agglomérations.
Les trois quarts de nos clients sont des particuliers. Un quart de notre
chiffre d'affaires est représenté par les professionnels au sens
large : commerçants, agriculteurs et PME.
En 1997, nous nous sommes clairement opposés avec Groupama, le
Crédit agricole et les Mutuelles sans intermédiaire au projet
d'accord entre La Poste et les AGF pour distribuer de l'assurance dommages.
Ensuite, au moment de la négociation du contrat de plan, nous avons fait
en sorte que cela soit reporté au prochain contrat de plan, qui arrive
à échéance en fin d'année.
Notre opposition relevait de notre inquiétude de voir bouleversé
le secteur de l'assurance en général. Les agents
généraux qui, avec leurs collaborateurs, représentent
aujourd'hui 50.000 personnes en France, soit un quart des effectifs totaux de
l'assurance française, souhaitent un respect par La Poste des conditions
de concurrence normales, tout cela dans le respect de la liberté du
commerce. Nous voulons une égalité de traitement fiscal entre les
différents opérateurs et des conditions de concurrence
équitables.
Aujourd'hui, La Poste est le deuxième réseau de distribution de
l'assurance-vie en France. Sa filiale
Assurposte
avec la CNP fait un
chiffre d'affaires supérieur à 40 milliards de francs, soit
6 % du marché français. La Poste, c'est 17 000 points
de vente, plus de 6000 conseillers financiers. C'est un chiffre d'affaires, en
ce qui concerne les services financiers, d'environ 25 milliards,
c'est-à-dire un quart du chiffre d'affaires de La Poste. Ce sont
28 millions de clients et 45 millions de comptes. L'encours vie et
capitalisation est supérieur aux livrets A et B en l'an 2000, et depuis
1999, l'assurance santé est distribuée.
Les agents généraux, que je représente, s'inscrivent tout
à fait dans une logique de marché. Il faut savoir que le
marché de l'assurance en France est de loin le plus concurrentiel
d'Europe, notamment pour tout ce qui concerne les particuliers. Il faut
rappeler qu'en France, en dehors des agents généraux qui sont les
premiers intervenants sur l'assurance dommages, il existe des mutuelles sans
intermédiaire, des banques, il subsiste des réseaux
salariés, il y a de la vente directe et une quantité d'autres
nouveaux opérateurs. C'est une situation unique en Europe. Nous sommes
particulièrement vigilants et nous le resterons pour tout ce qui
concerne le respect des règles de la concurrence.
Aujourd'hui, même s'il y a quelques avancées (la
comptabilité analytique), nous considérons que La Poste a encore
des avantages concurrentiels sur nous (l'abattement sur la taxe
professionnelle, sur les taxes foncières, etc., au nom de
l'aménagement du territoire). Une forte inquiétude demeure quant
à l'éventualité de la distribution d'assurance dommages ou
la vente d'assurance multirisque habitation par La Poste.
La Poste contribuerait à finir de déstabiliser un secteur
où le nombre d'intervenants est déjà très
important, et ne cesse de s'accroître car arrivent les concessionnaires
automobiles, la grande distribution, la vente à distance, pour la simple
raison que les produits sont de grande consommation.
Ce marché de l'assurance dommages en France est un marché
à croissance très lente, c'est un marché de simple
renouvellement. C'est un marché dur, quasiment saturé dans
certains cas. Le niveau de prix en France, en assurance automobile, est
d'environ la moitié du niveau de prix allemand ou italien, du simple
fait de la concurrence.
L'assurance dommages, aujourd'hui, ne représente plus que 24 % de
la collecte de primes d'assurance en France. Les trois quarts de la collecte se
font autour de l'assurance dite de personne, au sens large.
Les agents généraux sont de petites entités
économiques très représentées dans les zones
rurales et semi-rurales. 22 % sont en dehors de toute zone d'attraction
urbaine et contribuent, à ce titre-là, à entretenir un
tissu économique et social important. J'ai entendu l'expression
« lien social » tout à l'heure, cela nous va
très bien, nous le pratiquons tous les jours.
On a une démarche de prise en charge globale des familles, notamment
à l'occasion des catastrophes naturelles. La Poste, en amplifiant son
activité d'assurance, ne doit pas ruiner d'autres entreprises.
L'État doit jouer un rôle de régulateur. Ce qui est
relativement difficile car l'État est aussi l'actionnaire ou la tutelle
de La Poste.
La Poste a un statut mi-public, mi-privé, qui lui confère des
avantages mais qui lui coûte cher. Son manque de transparence nous heurte
dans un contexte de concurrence. Nous avons du mal à nous
représenter ce que nous avons à gagner de l'arrivée d'un
intervenant aussi important que La Poste.
M. Jean-Claude Larrivoire
C'est l'une des inquiétudes exprimées dans la journée, il
y a eu aussi des reproches et des regrets. On a entendu par ailleurs des
discours triomphants de représentants des postes européennes. M.
Martin Vial, président de la poste française, comment va La
Poste ? Où va-t-elle ?
M. Martin Vial, président de la poste française
La poste
française va bien, mais vu l'accélération du processus
actuel, nous ne pouvons pas faire du sur-place.
Je voudrais d'abord dire très modestement que nous avons à faire
face à quatre principaux défis dans la décennie qui s'est
engagée. Nous y apportons des réponses par quatre choix
stratégiques majeurs, sous réserve que l'équilibre de
notre environnement et les conditions de développement du secteur soient
maintenus au plan européen et que, nous-mêmes, nous fixions un
certain nombre de conditions pour assurer la réussite dans ce
développement.
En ce début de siècle, le premier défi est
l'internationalisation de nos activités. Autrefois, il fallait faire du
Paris-Lyon, aujourd'hui il faut faire du Paris-Madrid. Les blocs sont
tombés, c'est la mondialisation, mais c'est surtout
l'internationalisation de nos clients. M. Siouffi rappelait l'importance
de son secteur professionnel dans l'économie postale. Notre premier
client, qui est un grand groupe de vente par correspondance, réalise
plus de 60 % de son chiffre d'affaires en dehors de notre territoire. Ce
client nous demande aujourd'hui de l'accompagner en dehors de nos
frontières sur les activités courriers et sur les
activités colis. Nous nous devons de répondre au défi
d'internationalisation au risque de disparaître derrière les
grands groupes internationaux qui se constituent autour de nous, et qui
prendront progressivement la valeur ajoutée de La Poste et ses marges.
Je refuse ce scénario.
Deuxième défi, il est lié à l'évolution de
l'économie. Dans le domaine du courrier, nos clients sont d'abord des
entreprises (90 %). Ces clients veulent des réponses simples,
globales, intégrées et de qualité. Ce
défi-là est donc celui de la pluriactivité et de
l'intégration de services, car aujourd'hui, la plupart des grandes
entreprises externalisent tout ce qui n'est pas dans le coeur de leur
métier, et cette externalisation les amène à demander de
plus en plus de solutions clés en main sur de la prestation de service
à caractère logistique, au sens générique du terme.
C'est une analyse qui a été faite par nos grands concurrents. Les
Allemands, il y a seulement trois ans, étaient inexistants dans le
domaine de l'exprès à l'étranger, dans le domaine de la
logistique ; et même sur leur marché intérieur, ils
étaient très faibles dans l'activité colis.
Troisième défi, celui de la déréglementation dans
le secteur du courrier. Nous sommes face à un défi historique
parce que les postes ont été, depuis un siècle,
construites sur des monopoles nationaux et domestiques. Naturellement, le
débat qui s'est ouvert dans les années 1990 autour du Livre Vert,
puis la directive postale de 1997 et depuis 2000, la proposition d'une marche
vers la libéralisation totale engagée par la Commission, est un
défi majeur.
Je voudrais faire quatre remarques sur la question de la
déréglementation et de la libéralisation. Effectivement,
il faut bien dire que le débat économique n'a pas eu lieu, parce
qu'il faut nous expliquer, dans un mécanisme de libéralisation
totale, comment un opérateur qui doit acheminer du courrier six jours
sur sept, va pouvoir assurer le prix du timbre unique dans des conditions
économiques non déficitaires. En d'autres termes, la
libéralisation, c'est l'écrémage sur les grandes villes
puisque vous faites d'autant plus de profit sur votre activité que vous
avez un nombre d'objets élevé par point de remise. De ce point de
vue-là, l'affirmation consistant à dire que le coût de
distribution en zone rurale ne serait pas plus élevé qu'en zone
urbaine contredit tous les modèles économiques postaux.
Deuxième débat majeur, bien connu dans les
télécommunications, celui du droit d'accès. Est-ce que les
concurrents auront un droit d'accès au réseau de distribution des
opérateurs historiques ? Ces questions-là n'ont pas
été traitées à Bruxelles, et nous restons sur des
généralités.
Troisième remarque, c'est le fonds de compensation. J'ai
été président d'une Chambre syndicale du transport
aérien, je sais comment fonctionnent les fonds de compensation dans le
secteur aérien. Ils fonctionnent mal parce que les fonds de compensation
sont forcément voués à une paupérisation des
opérateurs qui doivent maintenir des missions de service public, tout
simplement parce qu'ils sont financés par les concurrents, dont le seul
intérêt est de limiter leur financement au fonds de compensation.
Enfin, dernière remarque, le débat sur l'économie du
secteur, c'est aussi le débat sur ce qui relève du service sous
monopole ou non. Je voudrais rappeler que sur le secteur de la presse, nous ne
sommes pas sur un monopole, tout le monde peut distribuer la presse. La Poste
est soumise à une obligation de service, dont il est dit que l'ensemble
des coûts, s'il n'est pas couvert par les tarifs, est couvert par une
subvention. Le débat sur la façon de financer les missions de
service public n'a pas eu lieu à Bruxelles.
Le secteur postal est un enjeu industriel majeur. D'ailleurs, si autant
d'acteurs veulent la libéralisation du secteur, c'est
précisément parce qu'il y a de l'argent à gagner. Le
secteur postal fait plus de 500 milliards de chiffre d'affaires au plan
européen. Il est normal que les intérêts économiques
ou industriels de nos amis de TPG ne soient pas strictement les mêmes que
ceux de la poste française, ou de la poste allemande, chacun a son
histoire.
Encore une remarque, il s'agit d'un enjeu international. À propos de la
libéralisation, nous sommes à front renversé par rapport
aux États-Unis. Dans le domaine des télécommunications, du
transport aérien, du transport, la vague de
déréglementation est venue des États-Unis. Dans les
discussions OMC, c'est la Commission européenne qui demande l'ouverture
du marché américain...
Dernier débat, l'enjeu sur la qualité de service. Certes, la
libéralisation a pour objet de l'améliorer, mais n'oublions pas
qu'en quatre ans, dans le cadre des accords que nous avons signés entre
opérateurs postaux, cette qualité de service a augmenté de
20 points sur le trafic international. Au sommet réunissant les
présidents des postes européennes, nous avons continué de
nous fixer une amélioration des objectifs accrue de qualité de
service probante.
Quatrième défi, celui des nouvelles technologies. De mon point de
vue, Internet est un défi de substitution sur le courrier physique.
D'ici à la fin de la décennie, 40 % de la facturation sera
faite probablement par voie électronique, c'est une part très
importante de notre chiffre d'affaires et, en même temps, c'est une
formidable opportunité de développement du marketing direct, y
compris par voie physique, et de développement du colis à travers
le commerce électronique.
Face à ces quatre défis, quatre choix majeurs. Premier axe
stratégique, nous installer de façon définitive comme un
groupe multimétiers unitaire. La Poste, ce n'est pas seulement le
courrier. Sur les 16 milliards d'euros de chiffre d'affaires
(106 milliards de francs) réalisés en l'an 2000, le courrier
représente 10 milliards d'euros, les services financiers
près de 4 milliards d'euros, et le colis un peu plus de
2 milliards d'euros. Nous avons d'ores et déjà une
activité assez largement diversifiée. Il semble qu'il y ait un
contresens quand on pense que La Poste, lorsqu'elle va à
l'étranger, ne s'ouvre pas sur son propre marché
intérieur. Nous allons à l'étranger sur l'activité
colis, mais nous sommes totalement ouverts sur le marché du colis qui
est libre et en concurrence sur le marché français.
La diversification, c'est aussi poursuivre l'extension de nos activités
de services financiers qui représentent une part très
significative de notre chiffre d'affaires, et aussi une part importante de
l'utilisation de notre réseau de bureaux de poste. Les services
financiers utilisent assez largement les bureaux des 17 000
établissements que nous gérons.
À propos de l'assurance, les positions exprimées par ce secteur
économique sont compréhensibles, mais le climat a changé
dans le domaine de l'assurance. Aujourd'hui, les banquiers font de l'assurance
avant même les assureurs, et nous sommes passés d'une phase de
séparation entre activités bancaires et activités
d'assureurs, à une phase où l'économie de la banque
assurance s'installe. À cet égard, des conditions devront
être prescrites.
Deuxième axe stratégique, acquérir la dimension
internationale, dont nous avons annoncé les ambitions il y a un peu plus
de deux ans. Nous avons abouti au résultat attendu de figurer parmi les
trois premiers opérateurs du colis en Europe, puisque nous
représentons aujourd'hui plus de 10 % du marché
européen du colis, à la fois par des acquisitions et par des
partenariats. Un accord stratégique a été signé
avec la poste italienne pour unir nos moyens sur le marché du colis en
Italie et en Europe, sur le marché du colis rapide et de
l'exprès. Un accord de même type, visant à
développer et à mettre en commun nos moyens en Espagne, sera
signé à Madrid. Une structure commune existe et sera
amplifiée par la mise en oeuvre des participations croisées sur
nos activités colis, dans le cadre d'un partenariat stratégique
à long terme.
Troisième axe stratégique, l'intégration de nouvelles
technologies dans notre offre de services. Historiquement, nous avons su
transporter du courrier physique, aujourd'hui, nous entendons transporter du
courrier sous toutes ses formes : courrier physique, courrier hybride et
courrier électronique.
Plusieurs opérateurs, dont MM. Besson et Savary, ont
évoqué la question sur l'identité de La Poste. Notre
quatrième choix majeur est effectivement de faire en sorte que nous
sachions garder notre originalité. La Poste a vocation de créer
de la richesse et, en même temps, de contribuer à
l'intérêt général. Telle est la difficulté et
l'originalité de La Poste. Notre responsabilité est de pouvoir le
faire de la meilleure façon, mais nous sommes jugés sur des
performances de contribution au bon fonctionnement de la société
et, en même temps, sur des performances économiques que nous
demande l'État à juste titre, parce que nous sommes une
entreprise, parce que nous avons un compte de résultat, parce que nous
avons des clients pour lesquels nous devons assurer de la qualité et des
prix les plus compétitifs.
Pour terminer, signalons qu'il y a des conditions incontournables à la
réussite des quatre choix stratégiques majeurs qui viennent
d'être évoqués. Premièrement, la clarté dans
nos comptes à travers une comptabilité analytique de plus en plus
irréprochable, parce qu'il faut que les règles de transparence
jouent de façon réciproque. Je rappelle que notre groupe comporte
aujourd'hui deux cents sociétés consolidées. Nous avons
cherché à respecter de plus en plus ces règles
prudentielles dans le secteur de l'assurance ou dans le domaine bancaire.
Lorsque nous avons créé Efiposte, Assurance Poste
(agréée par la Fédération française des
sociétés d'assurance), Sogéposte, nous avons fait en sorte
que ces filiales soient soumises aux règles de contrôle du secteur
bancaire, du secteur des assurances ou de la COB.
Je voudrais dire que la seconde condition est bien évidemment le
dialogue social. En effet, La Poste est d'abord une entreprise de
main-d'oeuvre. Plus de 80 % de notre valeur ajoutée est
représentée par des charges de personnels. C'est 300 000
personnes. Nous sommes la plus grosse entreprise en termes de taille de
personnel en France. La stratégie de La Poste doit s'élaborer
avec et pour son personnel. Nous avons décidé, dans le
renforcement du dialogue social et malgré des débats et des
aspirations qui peuvent être contradictoires, d'ouvrir un cycle de
discussions avec les organisations syndicales sur les grandes conditions de
développement industriel et économique de La Poste des prochaines
années, et sur ses métiers. Nous tâcherons de faire
converger toutes les idées sur nos métiers courrier, services
financiers, colis, sur l'intégration des nouvelles technologies. Par
ailleurs, d'autres propositions ont été lancées. Tout cela
nous permettra de répondre à ces défis. Les débats
sur la libéralisation dans le domaine du courrier, sur les questions
statutaires des entreprises en charge du service public, ou encore sur le
développement et les capacités de développement sur ces
activités, pourront se nouer à la fois en interne et en externe.