B. COMPTE RENDU SOMMAIRE DU DÉBAT
M. Hubert Haenel :
C'est à un exercice particulièrement difficile que vous vous êtes livré devant nous, et je vous remercie d'avoir pu présenter ce sujet avec autant de clarté. J'indique, d'ailleurs, que nous étudierons ultérieurement, suivant le même principe de répartition des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres, d'autres secteurs, notamment celui de l'éducation.
M. Jacques Oudin :
En matière d'environnement, j'observe que les bons sentiments l'emportent toujours sur la rigueur des règles juridiques. Lorsqu'un facteur de troubles quelconque, provenant d'un pays, peut porter nuisance à son voisin, il est légitime que la Communauté s'en préoccupe. Comme vous l'avez indiqué, ceci est valable pour l'air, pour l'eau, pour les oiseaux migrateurs. En revanche, lorsque le facteur n'est actif que localement, il n'y a pas lieu, logiquement, d'envisager d'action communautaire, sinon n'importe quel sujet peut être abordé sous l'angle de la politique de l'environnement.
Deuxième point qui me paraît essentiel : celui des normes. Il est un moment où l'objectif normé devient irréaliste, absurde, lorsque l'exigence est excessive : trouvons la juste limite entre l'absolu et la raison. Vous avez évoqué à ce sujet et à juste titre le problème du plomb dans l'eau potable : pour atteindre l'objectif zéro, la dépense sera de l'ordre de 120 milliards.
M. Lucien Lanier :
Notre débat d'aujourd'hui illustre parfaitement les défauts que nous constatons dans l'action de la Commission européenne : incapable d'être visionnaire, elle se contente d'être gestionnaire et d'émettre des réglementations. En matière d'environnement, où la situation diffère considérablement d'un Etat membre à l'autre, nous avons besoin d'orientations générales de la Communauté et non de réglementations ; les autorités nationales sont à même d'édicter ensuite ces dernières.
M. Jean-Paul Émin :
Vous avez évoqué le protocole de Kyoto et son objectif de réduction de 5 % des émissions de gaz à effets de serre. Or, il me semble que fixer un objectif identique pour tous les partenaires a pour inconvénient de ne pas tenir compte des efforts et des résultats déjà réalisés par certains pays.
C'est pourquoi, afin de tenir compte de cet élément, je proposerais volontiers que l'on ajoute au texte du traité l'adjectif « commun » dans la formule « la politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau commun de protection élevé » . On reflèterait mieux, ainsi, notre souci d'égalité des conditions écologiques à travers le territoire de l'Union.
M. Hubert Durand-Chastel :
Parmi les différents secteurs évoqués, vous n'avez pas abordé celui des risques technologiques liés à l'énergie nucléaire. Ne faut-il pas s'en préoccuper également au niveau communautaire, et même au niveau planétaire en prévoyant des normes mondiales, afin d'y sensibiliser les différents partenaires ?
M. Serge Lagauche :
J'ai bien entendu les objections de Lucien Lanier, mais, si je prends l'exemple de l'automobile qui, par définition, se déplace d'un pays à l'autre, il me semble légitime que la Communauté se préoccupe de sa filière de recyclage, de ses matériaux, du bruit qu'elle émet. Je vous rappelle d'ailleurs que la critique opposée au Concorde portait sur le bruit produit par ses réacteurs. Le problème est donc identique dans les zones aéroportuaires : il me semble qu'il faut imposer des normes communes aux avions qui, par définition, circulent d'un Etat membre à l'autre.
M. Lucien Lanier :
Je ne parlais pas de zones spécifiques, comme les aéroports. Je maintiens simplement qu'il me paraît logique que ce soit aux collectivités territoriales de régler les questions liées aux pollutions sonores de voisinage.
M. Hubert Haenel :
Je ne vois pas de contradiction entre vos propos, ni avec ceux du rapporteur. Il a bien été indiqué qu'il était légitime que la Communauté fixe des normes applicables à la fabrication de certaines machines - dont les avions ou les automobiles -, mais qu'il paraissait inutile qu'elle se préoccupe du bruit urbain, que les grandes villes européennes savent aborder elles-mêmes.
M. Serge Vinçon :
Je crois pouvoir tirer de nos échanges un sentiment unanime pour considérer que les problèmes de pollution de l'air ou de l'eau relèvent effectivement d'une approche communautaire, avec les limites d'appréciation locale que le simple bon sens impose. Globalement, la bonne façon d'agir serait de fixer au niveau européen le cadre général et de déterminer les voies et moyens au niveau d'intervention le plus pertinent, donc le plus proche de la source de pollution.
Pour répondre à l'interrogation de M. Emin, je crains que l'ajout du mot « commun » qu'il a suggéré contredise la fin du paragraphe visé, selon lequel la Communauté doit aussi tenir compte des spécificités locales. Et c'est exactement le souci premier que nous avons tous défendu au cours de cet échange. Par ailleurs, je lui indique qu'il a bien été prévu, entre la Communauté et les Etats membres, une clé de répartition des réductions d'émissions de substances polluantes, suivant la situation écologique de chaque partenaire.
Pour ce qui est du risque nucléaire, c'est effectivement un aspect important de la défense de l'environnement, mais il m'a semblé qu'il était plus opportun de le traiter dans le cadre d'un rapport général consacré à l'énergie.
La délégation a ensuite approuvé les conclusions de son rapporteur et les modifications qu'il suggérait d'apporter à l'article 174 du traité.