5. Un droit du travail inexistant
a) Les conséquences de l'absence de contrat de travail
L'absence de contrat de travail explicitement prévue dans la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire a de multiples conséquences sur le plan de l'exercice du travail et des conditions de travail :
- l'absence de dispositions relatives à la période de l'emploi, la durée de la période d'essai, la rémunération, le contenu du poste, les objectifs professionnels, le licenciement... ;
- l'absence de dispositions relatives à la durée du travail ;
- l'absence de congés payés ;
- l'absence de droit à la formation du fait de l'exercice d'une activité professionnelle ;
- l'absence de possibilité de représentation auprès de l'employeur (délégués du personnel, comités hygiène et sécurité) ;
- l'absence de possibilité d'expression collective ;
- l'absence de pouvoir d'injonction de la part des organismes de contrôle : inspection du travail et caisse régionale d'assurance maladie.
La R.I.E.P. s'efforce néanmoins de développer une « culture » de droit du travail dans ses ateliers en introduisant d'une part entre l'établissement et le détenu un « support d'engagement professionnel » , qui s'il n'a pas de valeur juridique et n'est pas un contrat de travail, précise la durée de l'emploi, la nature de l'emploi, la nature de la formation associée et la rémunération, et d'autre part un règlement intérieur dans ses ateliers. S'il est très rare de trouver dans l'atelier d'un concessionnaire privé un tel règlement intérieur, la démarche est quasiment généralisée à la R.I.E.P. Mieux, dans des ateliers de numérisation d'archives sonores et photographiques présents à la maison centrale de Poissy ou à la maison centrale de Saint Maur, des contrats de travail ont été mis en place. Ces documents sans valeur juridique ont tous les attributs du contrat de travail et tendent à prouver qu'une part du droit du travail peut entrer en prison.
Le règlement intérieur des ateliers du centre de détention de Melun comme le support d'engagement professionnel du centre de détention de Muret, qui figurent en annexe, constituent des exemples qui mériteraient d'être étudiés par les autres établissements.
b) Des règles d'hygiène et de sécurité inégalement respectées
Les modalités d'intervention de l'inspection du travail pour l'application des règles d'hygiène et de sécurité au travail des détenus ont été précisées dans la circulaire conjointe entre le ministère de la justice et le ministère de l'emploi et de la solidarité du 16 juillet 1999.
Votre rapporteur spécial a constaté dans la quasi-totalité des établissements qu'il a visités que les contrôles de l'inspection du travail et de la caisse régionale d'assurance-maladie (C.R.A.M.) étaient déclenchés par les directeurs d'établissement : le contrôle des ateliers de travail pénitentiaire ne paraît être dans les priorités de l'inspection du travail. Celle-ci ne pratique pas de contrôles inopinés.
Votre rapporteur spécial a pu accéder aux rapports de l'inspection du travail et de la caisse régionale d'assurance-maladie (C.R.A.M.).
Au centre pénitentiaire de Châteauroux, votre rapporteur spécial a disposé du dernier rapport de l'inspection du travail et de la caisse régionale d'assurance-maladie (C.R.A.M.) en date du 23 avril 1999 : celui-ci a noté l'absence d'aération dans les ateliers, d'une surface de 1.500 m², et souligné les risques de température excessive en période d'été.
Au centre de détention de Melun, le dernier rapport de l'inspection du travail et de la caisse régionale d'assurance-maladie (C.R.A.M.) en date du 15 juin 2001 mentionnait que la valeur maximale d'exposition (VME) aux vapeurs de peinture était dépassée dans certains ateliers. De même, des mesures de bruit effectuées le 10 mai 2001 indiquaient que pour certaines machines, le niveau maximal de décibels autorisés était dépassé.
Dans son rapport du 4 février 2002, l'inspection du travail notait, s'agissant de plusieurs équipements dangereux des ateliers de la maison centrale de Saint Maur, que ceux-ci n'étaient pas équipés des protections nécessaires.
La maison d'arrêt de Fresnes a subi un contrôle de l'inspection du travail le 18 mai 2001 et de la caisse régionale d'assurance-maladie (C.R.A.M.) le 7 mars 2001 qui ont tous deux relevé la nécessité d'une remise aux normes de la cuisine où travaillent les détenus du service général.
L'inspection du travail, à l'occasion de sa visite au centre de détention du Muret des 21 mai, 22 mai et 23 mai 2001, a souligné un grand nombre d'infractions au code du travail dans les ateliers de concessionnaires. Ont été mis en évidence d'importants risques liés au bruit et à l'émission de vapeurs toxiques, voire très toxiques, dans certains ateliers.
De manière générale, l'administration pénitentiaire reconnaît volontiers que certains des équipements présents dans les ateliers ne sont pas aux normes. Face à cette situation, elle connaît deux difficultés. Quand ses matériels sont propriété de l'administration, les difficultés budgétaires des établissements empêchent de procéder aux investissements nécessaires. Quand, et c'est le cas le plus fréquent, ces équipement sont propriété d'une entreprise privée concessionnaire, le directeur de l'établissement pénitentiaire est obligé de négocier avec l'entreprise. Celle-ci, parfois dans une situation financière précaire, est néanmoins dans une situation de force : la menace brandie par l'administration d'une fermeture de l'atelier est à double tranchant car, mise à exécution, elle provoquerait le renvoi des détenus en cellule et, pour eux, une période d'inactivité forcée.
La R.I.E.P a, elle, lancé un vaste programme de mise aux normes de ses équipements qui s'est déroulé de 1998 à 2000 pour un coût de 1 million d'euros.
Votre rapporteur spécial, dans sa visite des ateliers, a constaté en outre qu'alors même que la RIEP met à disposition des appareils de protection contre le bruit, un grand nombre de détenus préfère ne pas les utiliser. Les établissements pénitentiaires n'ont pas encore trouvé le moyen de contraindre les détenus au travail au respect des normes de sécurité qui est pourtant dans leur propre intérêt. Une sensibilisation aux règles de sécurité mériterait d'être organisée.