CHAPITRE DEUX :
POUR
UNE POLITIQUE DU TRAVAIL PÉNITENTIAIRE
Le travail pénitentiaire, s'il est en France dans une situation moins catastrophique que dans les autres pays européens, ne peut prétendre, en l'état, satisfaire les demandes exprimées à son égard.
Pour les parties civiles, les rémunérations obtenues par les détenus ne peuvent laisser espérer une indemnisation conforme à celle à laquelle ils ont droit.
Pour les détenus au chômage, la situation est souvent proche de la misère.
Pour les détenus au travail, le pouvoir d'achat tiré des fruits de leur activité est souvent insuffisant, le travail proposé parfois abrutissant, les offres de formation professionnelle limitées et les perspectives de réinsertion par ce biais quasi nulles.
Pour la société, l'absence, durant la peine de prison, d'actions significatives en faveur de la réinsertion socio-professionnelle laisse craindre le pire à la sortie du détenu.
Ce ne sont pas les efforts de l'administration pénitentiaire, méritoires compte tenu du contexte difficile dans lequel elle réalise sa mission, qui doivent être jugés sévèrement. C'est l'écart entre les objectifs proclamés par le législateur et le gouvernement, droit au travail et préparation à la réinsertion, et la mise en oeuvre de ces principes qui posent question. Il ne paraît pourtant pas raisonnable de revoir ces objectifs, à la fois réalistes et généreux, à la baisse.
Il convient de développer ambition et imagination au profit d'une véritable politique du travail pénitentiaire.
Alors que la dénonciation de la surpopulation pénale a donné lieu au lancement du programme 13.000, puis du programme 4.000, le chômage des détenus, évalué à plus de 10.000 personnes, oblige au lancement d'un programme similaire pour le travail en prison, adossé notamment sur le programme actuel de construction et de rénovation pénitentiaires et mobilisant un nombre accru de partenaires économiques. Ainsi, trois mesures permettraient d'afficher les ambitions d'une politique du travail pénitentiaire rénovée :
mesure 1 : un programme quinquennal portant sur 10.000 emplois supplémentaires en prison ;
mesure 2 : un appel à projets en direction des acteurs économiques ;
mesure 3 : l'obligation, pour toute construction ou rénovation de prison, de prévoir des espaces de travail modulables et de dimension proche des standards du monde de l'entreprise.
Par ailleurs, l'association des directeurs d'établissements à cette politique est primordiale.
mesure 4 : prendre en compte dans la notation des directeurs d'établissements leurs efforts en matière de travail pénitentiaire.
Les trois piliers d'une nouvelle politique du travail pénitentiaire reposeraient sur :
- une incitation accrue des acteurs économiques à entrer en prison ;
- une réforme de la R.I.E.P. pour en faire un exemple à suivre ;
- une définition plus exigeante du travail pénitentiaire.
I. INCITER LES ACTEURS ÉCONOMIQUES À ENTRER EN PRISON
L'accroissement de l'offre de travail aux détenus, compte tenu de la fragilité de la R.I.E.P., devra être assuré par une présence accrue des entreprises. Celles-ci considèrent les prisons comme peu attractives sur un plan financier. Pour les plus grandes d'entre elles, elles ne souhaitent entrer en prison que par le biais d'une chaîne de sous-traitants.
Une attractivité renforcée du travail pénitentiaire passe par une amélioration des conditions d'exploitation du travail pénitentiaire et une implication des moyennes et grandes entreprises. Cette attractivité doit permettre à l'administration pénitentiaire de renforcer parallèlement la sélectivité de son recrutement afin de :
- diversifier les secteurs d'activité présents ;
- privilégier les entreprises les plus solides.
A. L'IMPLICATION DES MOYENNES ET GRANDES ENTREPRISES
La part des PME parmi les entreprises présentes en prison est écrasante. L'implication de sociétés de taille plus importante permettrait de professionnaliser le secteur et d'améliorer la qualification des détenus. Il est illusoire de penser que des grandes entreprises pourraient s'implanter directement en prison. En revanche, certaines d'entre elles, sensibles aux discours de l'entreprise citoyenne ou soucieuses des enjeux économiques de la réinsertion des détenus, pourraient apporter une contribution indirecte au développement du travail pénitentiaire. Leurs salariés pourraient y être sensibilisés. Certaines fondations d'entreprise présentes dans le domaine social pourraient être intéressées.
mesure 5 : solliciter les fondations d'entreprise pour un appui financier sur certains projets ;
mesure 6 : susciter des parrainages d'ateliers par des moyennes et grandes entreprises ;
mesure 7 : proposer aux salariés d'entreprises en préretraite des actions de tutorat auprès des détenus ;