ÉCHANGES AVEC LA SALLE
Olivier SCHNEID
Monsieur Turmes, vous nous disiez que si la fusion Eon-Ruhrgas se faisait, ce
serait la fin du marché. Que dire de la fusion EDF-GDF ?
Claude TURMES
Le débat doit être lancé. A Barcelone, les chefs d'Etats
ont discuté pendant des heures sur la question de l'ouverture totale du
marché. Mais cela n'est pas important pour le fonctionnement du
marché en ce moment. Les questions importantes sont les distorsions de
concurrence, les fonds de démantèlement, l'accès aux
réseaux et les régulations. Si nous ne nous occupons pas de cela,
il n'y aura pas de marché concurrentiel ! Chaque grand opérateur
construira son petit royaume.
Christian MARMAIN
, Président directeur
général de SCH Consultants
De la part d'un député Vert, je m'attendais à entendre des
attaques contre la politique européenne de l'énergie, et à
recevoir des propositions...
J'aimerais connaître votre position sur le nucléaire, à la
suite des décisions qui ont été prises en Finlande, et les
propositions des Verts pour faire évoluer la politique
énergétique.
Claude TURMES
Dernièrement, lors d'une table ronde, l'économiste Philippe
Herzog a dit que j'étais un Vert... intelligent ! La question du
nucléaire ne peut pas être résolue au niveau
européen. Si la France veut s'engager dans le nucléaire, qu'elle
le fasse, mais il ne faut pas de distorsions sur le marché. Monsieur
Lamy lui-même dit clairement que le nucléaire est une question
relevant de la subsidiarité, une question nationale. La Commission
européenne abuse de la discussion à propos du Livre Vert sur la
sécurité d'approvisionnement pour relancer le nucléaire.
Je préfèrerais qu'elle agisse sur notre dépendance par
rapport au pétrole, liée au transport, ce qui est un vrai
problème.
Concernant les énergies renouvelables, les Français n'ont pas
seulement perdu contre le Danemark au Championnat du monde du football, ils ont
aussi perdu la bataille du positionnement sur le marché mondial des
énergies renouvelables, face à un "nain industriel" comme le
Danemark ! Les Allemands ont compris : ils seront numéro 1 mondial
sur ce marché cinq fois plus important que le marché du
nucléaire.
Dominique RISTORI
Il suffirait, je crois, d'interroger les responsables actuels du gouvernement
danois pour modérer l'enthousiasme relatif à leur
expérience sur les énergies renouvelables.
Claude TURMES
Le secteur éolien au Danemark est tout de même aujourd'hui le
troisième employeur du pays...
Dominique RISTORI
En ce qui concerne le nucléaire, nous disons qu'il faut un débat
sans tabou ni préjugés qui analyse les avantages et les
inconvénients. Le nucléaire n'émet aucun gaz à
effet de serre, ce qui constitue un atout irremplaçable par rapport aux
objectifs de Kyoto. C'est par ailleurs un élément essentiel pour
la réduction de notre dépendance énergétique. Un
dernier point concernant les fonds de démantèlement, qui ont
été évoqués. Nous sommes attachés à
tous les éléments qui renforcent la sûreté,
notamment pour le traitement des déchets. Il est vrai qu'il faut
être attentif à ce que les provisions en la matière soient
disponibles quand il le faut, et qu'il n'y ait pas d'utilisation
déraisonnable de ces fonds. Une réflexion est lancée en ce
sens ; il y aura très probablement une initiative de la Commission
à ce sujet, à la suite du débat qui a eu lieu au Parlement
européen.
Olivier SCHNEID
Que diriez-vous, Monsieur Ristori, de ce risque de dérive du
marché unifié vers la constitution d'oligopoles, avec les deux
gros éléments que sont EDF et Eon ?
Dominique RISTORI
Soyons lucides et réalistes sur ces questions de concentration. On nous
reproche souvent au niveau européen de ne pas appuyer la mise en place
de structures industrielles puissantes qui soient le socle de notre puissance
industrielle. Par ailleurs, certains avancent que nous devrions être plus
sévères encore vis-à-vis de la constitution de grands
groupes. La vérité se situe, à mon avis, à un point
d'équilibre. Il faut prendre en compte deux notions fondamentales :
celle d'un marché relevant pour le secteur spécifique dont nous
parlons et celle d'éventuels abus de position dominante.
Alain DARNEY
, groupe SNPE
Mon intervention s'adresse à Monsieur Syrota, à propos de la mise
en oeuvre du Fonds du service public de la production
d'électricité (FSPPE) en 2002. Vous nous parliez de 3 euros
par mégawattheure et un certain nombre de questions se posent : quels
sont les liens, par exemple, avec les tarifs de transport, qui
intégraient des charges couvertes par le FSPPE ? Les 3 euros sont
calculés, je crois, sur la base de 425 terrawattheures : cela
couvre donc les consommations des particuliers et des éligibles, de
même que les importations. Comment est donc envisagée la mise en
oeuvre, quel contrôle la CRE va-t-elle mener sur ces points ?
Jean SYROTA
Je tiens d'abord à préciser que le chiffre calculé sur le
montant du FSPPE pour l'année 2001 est provisoire, il sera
révisé après vérification des surcoûts
constatés. Etant donné la façon dont la loi a
été faite, nous risquons effectivement de rencontrer des
difficultés pour vérifier que chacun contribue comme il le doit.
Les producteurs doivent payer, mais aussi les importateurs, ce qui complique
les choses, puisqu'il est nécessaire de vérifier s'ils importent
et combien ils importent ; or, il est parfois difficile de savoir
d'où vient l'électricité. Il m'arrive d'espérer
qu'une nouvelle loi vienne remplacer les modes de perception actuellement
prévus par des modalités plus simples qui consisteraient à
prendre comme assiette l'électricité qui transite sur les
réseaux.
Paul-Henri REBUT
, conseiller auprès du Haut commissaire
au CEA
Nous avons parlé du développement des énergies dans les
décennies qui viennent, mais peut-être faudrait-il voir
au-delà : quels développements pourraient intervenir à la
fin de ce siècle ? Quelques éléments de recherche sont
déjà visibles : le contrôle du CO², la combustion de
l'uranium 238, la séparation des actinides des produits de fission, le
vecteur hydrogène pour les transports, etc.
Mais comment la recherche pourra-t-elle exister s'il n'y a plus
d'opérateurs principaux ?
Claude TURMES
Pour ce débat sur l'avenir énergétique, je vous lance un
chiffre : il y aura, en 2020, 300 millions de nouveaux
réfrigérateurs. Il est plus important aujourd'hui de renforcer
les normes internationales de consommation minimum de ces appareils que
d'engager des débats stériles sur le nucléaire ou les
énergies renouvelables. La Commission européenne doit aller
au-delà des paroles et établir de vraies directives en ce sens
dans ce domaine.