Rapport d'information sur colloque n° 250 (2002-2003) de M. Bernard JOLY , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 9 avril 2003

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N° 250

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur les Actes du Colloque « Tourisme et métiers d'art »,

Par M. Bernard JOLY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, Serge Mathieu, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Tourisme et loisirs.

INTERVENTION DE M. GÉRARD LARCHER,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Monsieur le Ministre,

Chers Collègues,

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

A l'initiative de mon collègue et ami Bernard Joly, sénateur de la Haute-Saône et représentant du Sénat au Conseil national du tourisme, vous êtes réunis aujourd'hui pour débattre des relations entre le tourisme et les métiers d'art. Avant toute chose, je souhaite vous souhaiter la bienvenue, et vous dire le plaisir que Bernard Joly et moi-même avons de vous accueillir au Palais du Luxembourg. Puis-je rappeler, à cet égard, ce que la beauté et la richesse patrimoniale de ce palais national et du mobilier qu'il abrite doivent à tous les artisans qui les entretiennent et les restaurent ?

Car, au-delà de cette salle ultramoderne qui doit peu, je le concède, aux métiers d'art, il y a au Sénat, vous le savez, des plafonds peints, des boiseries - en particulier dans la salle des séances - des tapisseries, des meubles, des tapis, des tableaux, etc., qui datent de plusieurs siècles et qui conservent leur beauté, et leur fraîcheur, grâce au savoir-faire, au talent, à l'amour du métier de centaines d'artisans et d'artistes de tous les secteurs. Qu'ils en soient ici publiquement remerciés.

Si le lieu de cette rencontre est ainsi parfaitement adapté à son sujet, son moment ne l'est pas moins. En effet, depuis quelques jours, le Jardin du Luxembourg, que visitent chaque année des milliers de touristes français et étrangers, accueille les sculptures monumentales réalisées par cet artiste du métal qu'est devenu Jean-Pierre Rives, après avoir longtemps été celui du ballon ovale. Dans l'une et l'autre de ces spécialités, il a su déployer ses talents pour notre plus grand bonheur. Cette exposition s'est ouverte à la veille de vos travaux, puisque son vernissage a eu lieu, sous la Haute autorité du Président Poncelet, il y a deux jours.

Mais la présente journée de réflexion et d'échanges inaugure elle-même, d'une certaine façon, les Journées des Métiers d'Art qui, dans vingt-deux régions françaises, vont avoir lieu demain et le week-end prochain. Pendant trois jours, nos compatriotes et les touristes étrangers qui visitent notre pays seront invités à la rencontre de plus de trois mille artisans d'art, qui ouvriront leurs ateliers sur tout le territoire pour présenter leur savoir-faire, expliquer leurs techniques et faire découvrir la richesse de leurs réalisations. Je salue cette initiative bienvenue, à laquelle je souhaite un succès populaire aussi manifeste et durable que celui des Journées du Patrimoine.

Vos travaux vont donc s'inscrire dans des conditions d'espace et de temps dignes des meilleures pièces du théâtre classique. Quant à leur argument, il me semble tout aussi judicieusement choisi. En tant que président de la commission des affaires économiques du Sénat, à laquelle est en outre rattachée la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, je voudrais en effet souligner combien la logique d'apports réciproques entre le tourisme et les métiers d'art est riche de perspectives pour notre pays.

Il faut ainsi rappeler que le nombre des visiteurs étrangers en France est de l'ordre de 77 millions, ce qui fait de notre pays la première destination mondiale. Ainsi, le solde du tourisme dans la balance des paiements a été supérieur à 15 milliards d'euros en 2001, ce secteur étant devenu depuis quelques années le premier poste de cette balance, et contribuant à près de 88 % de la capacité de financement de la Nation. C'est dire si le tourisme est important pour notre économie, et en particulier pour l'emploi, puisque l'on sait qu'une partie significative des activités qui en relèvent ont grand besoin de main d'oeuvre, notamment pour assurer la qualité du service : je pense bien entendu à l'hôtellerie-restauration, mais aussi à l'animation, aux voyagistes, etc.

Pourtant, derrière ces statistiques globalement satisfaisantes, se dissimulent deux réalités qui doivent susciter notre réflexion.

En premier lieu, la France ne parvient pas à tirer tout le parti économique qu'on serait en droit d'attendre de son leadership. Ainsi, par rapport à 2000, les recettes tirées du tourisme en 2001 ont diminué de 2,4 % alors que la fréquentation touristique augmentait de 1,2 %. Au contraire, la croissance de celle-ci en Espagne, + 2,7 %, s'est accompagnée d'une augmentation plus importante encore des recettes, de l'ordre de 6 %. En outre, on ne peut manquer d'observer que le rapport entre les recettes touristiques françaises et celles de partenaires comme l'Allemagne et l'Angleterre n'est que de 2 pour 1 environ, alors qu'en termes de fréquentation, il est respectivement de l'ordre de 4,3 et 3,3 pour 1. Cette impossibilité persistante de notre pays à rentabiliser aussi bien que nos voisins la présence des touristes sur son sol ne laisse pas d'inquiéter, et il est nécessaire de réagir.

En second lieu, il existe entre les régions des différences, parfois sensibles, en matière de résultats touristiques. Certaines bénéficient naturellement d'atouts géographiques ou structurels qui leur donneront toujours un avantage comparatif qu'aucun dynamisme, engagement et imagination des acteurs locaux des autres régions, qu'ils soient élus ou professionnels, ne parviendra jamais à totalement combler. Mais il ne faut toutefois pas s'arrêter à cette réalité objective, sauf à risquer d'élargir une fracture territoriale au plan du tourisme qui serait particulièrement grave. Elle serait grave car tout démontre que, dans notre société, l'activité touristique est appelée à prendre davantage d'ampleur qu'aujourd'hui, et à devenir un élément réellement structurant de nos politiques territoriales de développement.

Pour répondre au premier comme au second de ces problèmes, il paraît ainsi indispensable de mieux définir le contenu de notre offre touristique et de favoriser une politique attractive de produits qui, à la fois, réponde à la demande des touristes, mais aussi la suscite, dans une perspective de valorisation de nos atouts. A cet égard, je veux ici saluer les travaux en la matière de l'Agence française de l'ingénierie touristique, dont notre collègue et ami Michel Bécot vient d'être nommé président.

Et pour réaliser ces objectifs, je suis convaincu que les métiers d'art constituent une opportunité de première importance dont nous devons nous saisir, au plan local comme à l'échelon national. Trois éléments me semblent déterminants.

D'une part, les 20.000 entreprises artisanales concernées par les métiers d'art, les artistes, les artisans, sont présents dans tout le pays, en milieu rural comme en milieu urbain, y compris dans des zones où le tourisme ne représente pas jusqu'à présent une activité traditionnelle : s'appuyer sur ces milliers de professionnels peut permettre de créer un réseau équilibré dans le cadre d'une politique volontariste d'aménagement du territoire.

D'autre part, ces métiers sont représentatifs de notre culture séculaire, de notre savoir-faire traditionnel, mais aussi de son adaptation continue à la modernité. En outre, ils valorisent par nature la beauté et l'originalité au travers des objets et des oeuvres qu'ils créent, du patrimoine mobilier et architectural qu'ils contribuent à entretenir et à préserver. Or, à une époque où la standardisation se développe, où les repères culturels s'estompent, où le temps s'accélère, on constate un regain d'intérêt très net et très profond des individus pour leurs racines, pour la compréhension de leur environnement, et pour la singularité. Toutes ces valeurs culturelles se concentrent précisément dans les métiers d'arts, qui savent si subtilement associer les traditions héritées du passé et les techniques du présent au service de la création et de la restauration. Ainsi, ces métiers, qui répondent parfaitement aux attentes et recherches de nos contemporains, constituent un gisement certain de valorisation du tourisme, pour peu que l'on favorise et organise leur présence dans le domaine touristique. Beaucoup de collectivités locales, je le sais, l'on bien compris, et ont d'ores et déjà mis en place des projets en partenariat avec les professionnels concernés. Mon ami Bernard Joly, qui a été président de la Fédération nationale des comités départementaux du tourisme, ne me démentira point quand j'affirme que cette structuration de l'offre touristique a donné des résultats très satisfaisants, qui justifient de multiplier les initiatives.

Dernier élément, enfin, à propos du contenu économique. Les métiers d'art sont des activités à très forte valeur ajoutée. Développer ce secteur, notamment grâce à son intégration dans des réseaux d'offre touristique, présente donc un intérêt économique certain, qui bénéficie à toute la collectivité. Un artisan qui voit ses commandes s'accroître est un professionnel qui va peut-être recruter. Quand des emplois se créent, des hommes et des femmes s'installent avec leurs familles, consomment, animent la vie locale. Quand des communes et des départements se repeuplent, un cycle vertueux s'engage et des moyens nouveaux peuvent être mis à disposition pour l'entretenir. Quand les territoires sont dynamiques, c'est le pays tout entier qui s'enrichit. Ainsi, une des réponses à trouver pour accroître la valeur ajoutée de l'industrie touristique est certainement l'affermissement et l'encouragement des métiers d'art.

Monsieur le Président de la SEMA, je sais combien votre action est à cet égard déterminante, et je vous en remercie.

Vous l'aurez compris, je suis intimement convaincu que tourisme et métiers d'art ont besoin l'un de l'autre pour se développer. Ce sont des partenaires naturels pour élaborer une politique ambitieuse de l'offre répondant parfaitement aux demandes nouvelles des touristes d'aujourd'hui. Ils sont ainsi un atout précieux pour l'économie de notre pays, ce qui explique que la commission des affaires économiques du Sénat s'associe pleinement aux ambitions du secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, dont je salue le représentant, et du ministre délégué au commerce extérieur, que je remercie chaleureusement pour sa présence à nos côtés.

Je ne doute pas que sous leur égide, les travaux que vous mènerez tout au long de cette journée contribueront à renforcer, conformément à mes voeux, le soutien mutuel que peuvent, que doivent s'apporter tourisme et métiers d'art. Je vous souhaite ainsi un colloque passionnant, inventif et fructueux, en remerciant à nouveau chacune et chacun d'entre vous pour sa participation.

*

* *

INTERVENTION DE M. BERNARD JOLY,
SÉNATEUR DE LA HAUTE-SAÔNE

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d'abord de m'associer aux voeux de bienvenue du Président Gérard Larcher, pour vous dire ma joie de vous recevoir, pour la seconde fois, au Sénat. Merci d'être venus si nombreux ; heureusement que certains professionnels mettent, dans nos régions, la dernière main aux « journées des métiers d'art » sinon la salle aurait été trop petite !

Comme vous l'avez constaté, j'ai été en mesure de répondre aux demandes formulées l'an dernier, notamment par Pierre Chevalier dans sa conclusion, de prévoir une journée entière pour notre réflexion. Je ne doute pas que la qualité des intervenants, et des débats qu'ils susciteront avec la salle, nous permettra de l'occuper pleinement, et d'en tirer des enrichissements à la hauteur de nos espoirs.

Je vous remercie très chaleureusement, Cher Président Larcher, d'avoir bien voulu présider ce colloque, et de l'avoir ouvert en inscrivant ses travaux dans une perspective économique qui sied particulièrement bien au président de la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat que vous êtes. Il est clair, en effet, que l'approfondissement des liens entre le tourisme et les métiers d'art doit permettre une valorisation mutuelle profitable à tous. Développer l'un et l'autre de ces deux secteurs, l'un avec l'autre, je dirais même l'un par l'autre et réciproquement, constitue ainsi une gageure que nombre d'entre vous ont déjà entreprise.

L'importance des métiers d'art au plan économique ne cesse d'augmenter. Chacun sait ici que, pour définir les métiers d'art, on associe communément trois critères :

- un métier au sens d'une technique ou d'un ensemble de savoir-faire complexes, souvent longs à acquérir, fondés sur une transformation de la matière ;

- la production d'objets uniques ou en petites séries qui présentent un caractère artistique ;

- un professionnel maîtrisant ce métier dans sa globalité.

Selon une étude publiée il y a quelques mois, le noyau central des professionnels des métiers d'art est composé aujourd'hui de plus de 30.000 actifs, dont 13.500 artisans et 16.500 salariés. Leur nombre a progressé de plus de 20 % en vingt ans, alors que l'emploi total n'augmentait que de 7,4 %, ce taux de croissance étant même de 36 % pour les artisans d'art. C'est dire la vitalité de ce secteur, et cela explique que les artisans d'art soient en moyenne plus jeunes que les autres artisans.

Ce mouvement, de mon point de vue, n'est pas étonnant, et l'aspiration à exercer de tels métiers, qui se renforce à notre époque, se comprend aisément. Ces métiers puisent tout d'abord leur source dans la tradition, dans des savoir-faire séculaires qui ont progressivement été adaptés et complétés pour y intégrer ce que le progrès peut apporter sans dénaturer. Ils associent la mémoire collective, la recherche des racines, la transmission du savoir de génération en génération par un apprentissage minutieux, à l'ouverture sur le monde, sur les apports des techniques, sur ce qu'enseigne la comparaison des procédés. Ces métiers sont ainsi « hors du temps », ce qui constitue une qualité et un avantage certains à notre époque où tout s'oublie à mesure que tout s'accélère. Mais ils sont aussi « dans leur temps », ce qui permet leur renouvellement et leur adaptation, et évite leur disparition.

Les métiers d'art sont par ailleurs des activités qui donnent toute leur valeur à l'homme : ils n'existent que par la conjonction de leur dextérité manuelle et de leur créativité artistique, de leur imagination, de leur approche de la beauté. Qu'il s'agisse de créer un objet nouveau ou de restaurer quelque chose d'ancien, qu'on parle d'un bijou, d'un meuble, d'un tableau ou d'un bâtiment, l'artisan d'art est toujours confronté à une singularité que seule l'association de sa main et de son esprit pourra faire naître ou renaître. En ces temps où des millions de biens sont produits mécaniquement à l'identique et vendus partout dans le monde, où ce qui est « in » aujourd'hui sera « out » dès demain, où jeter l'objet cassé ou dépassé est devenu un réflexe, ce rapport à l'unicité, à la qualité et à la beauté caractérise une authenticité à laquelle aspire chaque jour davantage l'homme moderne.

Il n'est donc pas étonnant, je le répète, qu'un nombre croissant de jeunes exprime le désir d'embrasser ces métiers, dont ils estiment à juste titre qu'ils leur apporteront beaucoup de satisfactions personnelles. A partir du premier contact avec leur art , ils accompliront un bien long chemin parsemé des fleurs de la réussite et de l'expérience où ils allieront la chaleur de la spontanéité. Peut-être obtiendrons-ils la consécration en recevant le titre envié de maître d'art créé en 1994 ; les 50 artisans qui ont été distingués maîtres d'art s'apparentent aux trésors nationaux vivants japonais.

Il n'est pas plus étonnant, vous en conviendrez, que nos contemporains se tournent de plus en plus vers les produits des métiers d'art. Tous les professionnels du tourisme peuvent témoigner qu'on assiste depuis une vingtaine d'années à un regain d'intérêt à la fois ample et profond en faveur des activités culturelles. Toutes se développent : les circuits touristiques des cités aux fortes traditions artistiques et artisanales, la visite des sites et monuments historiques, la fréquentation des musées. Parallèlement, le poids économique des métiers d'art ne cesse de progresser : le chiffre d'affaires qu'ils génèrent chaque année est de l'ordre de 3,2 milliards d'euros, et leur valeur ajoutée dépasse le milliard d'euros, ce qui est comparable à celle du reste de l'artisanat.

Il existe donc aujourd'hui, dans notre monde contemporain avide de repères, de compréhension de ses origines et de recherche de la singularité, une conjonction très particulière entre offre et demande qu'il convient de saisir et d'encourager. Ce sera tout l'objet de nos travaux de dégager les lignes de force et d'établir, à partir des expériences locales, les principes qui peuvent nous guider.

A cet égard, je voudrais saluer la mise en place d'une initiative que j'appelais de mes voeux l'an dernier, tant elle me semblait riche de promesses : l'institution de Journées des Métiers d'Art dans toute la France, ou presque. Dès demain, et pendant tout le week-end, dans vingt régions, plus de 2.000 professionnels vont ouvrir leurs ateliers et leurs entreprises à nos compatriotes et aux touristes qui visitent notre pays. Ils vont leur présenter leurs travaux et leur savoir-faire, et faire partager leur passion. Je félicite le secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, et la Société d'encouragement aux métiers d'art, ainsi que tous les partenaires concernés : les chambres de métiers, les régions, les communes, la DATAR, le Fonds national de promotion et de communication de l'artisanat, les ministères de la culture et de l'éducation nationale, etc. Je suis convaincu que nos concitoyens seront nombreux à participer aux centaines de manifestations organisées dans tout le pays, et que très rapidement, ces journées connaîtront un succès aussi impressionnant que celui des Journées du Patrimoine . J'espère que les touristes sauront également se laisser séduire par ces initiative, même si, il faut bien le reconnaître, la saison n'est pas particulièrement propice et que le nombre des touristes présents sur notre sol ne doit pas être très élevé en ce moment !

Mais j'attache en particulier une grande importance à la journée de demain, pendant laquelle plus de 150 lycées professionnels « Métiers d'art » et centres de formation aux métiers d'art ouvriront leurs portes aux jeunes. Je souhaite que ceux-ci soient nombreux à venir les visiter, car ils pourront sans doute y trouver là une réponse à leurs interrogations sur leur avenir, et une vocation à même de leur apporter une passion professionnelle : or, quoi de plus important qu'exercer un métier qui apporte chaque jour d'intenses satisfactions, voire de la joie ?

J'avais également suggéré, lors de notre colloque de l'an dernier, de créer une Route française des métiers d'art afin de fédérer toutes les initiatives locales que beaucoup d'entre vous, Mesdames et Messieurs, avez remarquablement su mettre en oeuvre. Il s'agissait en quelque sorte de donner à vos réalisations un label national, ou à tout le moins une identité visuelle commune, et de les inscrire dans un schéma de développement touristique concerté au plan national.

Lors de nos travaux de l'année dernière, plusieurs des intervenants, ainsi que de nombreuses personnes participant aux débats, avaient donné des exemples très intéressants de valorisation mutuelle de l'activité touristique et des métiers d'art, notamment par la mise en réseau des partenaires, l'élaboration de circuits touristiques, la promotion de sites et de lieux, ou la création de routes départementales ou régionales des métiers d'art. Nul doute qu'aujourd'hui, d'autres réalisations seront citées, présentées et analysées.

Mais mon propos est bien de fédérer toutes ces initiatives à l'échelon national pour établir un ancrage thématique par lequel les touristes pourraient découvrir la France. Les projets devront naturellement toujours être entrepris à l'échelon local, dans une démarche de partenariat associant tous les acteurs du développement, qu'il s'agisse des pouvoirs publics (les collectivités locales, les DRAC, les CDRT, etc.) ou des professionnels (chambres des métiers, professionnels du tourisme, etc.). Mais l'unité et la cohérence du dispositif pourraient être assurées, après une concertation réalisée au niveau des comités départementaux et régionaux du tourisme, par une signalétique et une signalisation homogènes au plan national, ainsi que par l'établissement de circuits labellisés qui pourraient figurer sur des cartes spécialement établies à cet effet. Je suis convaincu qu'une telle démarche serait de nature à renforcer l'attractivité touristique de nos territoires et à favoriser le développement des circuits locaux créés par les collectivités territoriales : l'apport mutuel entre tourisme et métiers d'art serait ainsi particulièrement manifeste.

L'an dernier, Madame Françoise Landais, qui est chargée de mission pour les métiers d'art au secrétariat d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, nous avait indiqué que l'Agence française de l'ingénierie touristique devait assurer la maîtrise d'ouvrage d'une étude d'opportunité sur le développement des itinéraires « Métiers d'art ». Je serais heureux que Mme Landais, ou tout autre représentant du secrétariat d'Etat, puisse aujourd'hui nous faire part, à l'occasion de nos débats, de l'état actuel des travaux de l'AFIT, et, si cela est déjà envisageable, de ce que pourraient être les préconisations du gouvernement en la matière.

Avant de céder la parole aux divers intervenants de cette journée de réflexion collective, je voudrais enfin vous informer de deux initiatives que j'ai prises, dans la droite ligne du thème qui nous réunit aujourd'hui. D'une part, j'ai soumis au Président du Sénat, Monsieur Christian Poncelet, qui avait montré l'an passé tout l'intérêt qu'il portait à notre problématique en nous faisant l'honneur d'ouvrir notre colloque, un projet d'organisation, au printemps prochain, d'une grande exposition sur les métiers d'art dans le Jardin du Luxembourg. Présenter en un lieu prestigieux, et particulièrement fréquenté par les visiteurs, toute la richesse, la créativité et l'originalité de plusieurs des 220 métiers d'art que compte aujourd'hui notre pays, me paraîtrait de nature à favoriser leur connaissance, et leur reconnaissance, par nos concitoyens et par les touristes qui parcourent la France. J'ai bon espoir que ce projet rencontrera l'assentiment du Président Poncelet et du Bureau du Sénat, ainsi que la faveur des professionnels et partenaires avec lesquels cette exposition serait organisée. Cela constituera une vitrine qui peut être inspirera le Fonds national d'art contemporain, basé sur le parvis de la Défense, qui a réintroduit « les arts décoratifs, la création industrielle et les métiers d'art » selon ses propres termes, dans sa politique d'achats.

D'autre part, je crois que la thématique tourisme et métiers d'art suscite toujours plus d'intérêt de la part des élus, tant il est manifeste que de la conjonction de ces activités peuvent naître des projets de développement local très porteurs, et propres à irriguer tout un espace de vie économique et sociale. A cet égard, les sénateurs se devant d'être à l'écoute de leurs territoires, je suis certain que plusieurs d'entre eux pourraient se retrouver au sein d'un groupe de travail de la commission des affaires économiques et du Plan. Dans ce cadre, et à partir de vos travaux, ils pourraient faire fructifier vos propositions et réflexions et en assurer le relais auprès des pouvoirs publics nationaux. J'ai déjà évoqué ce projet avec mon ami Gérard Larcher, et il ne sera donc pas surpris que je l'aborde à nouveau aujourd'hui. Je suis convaincu que la richesse de nos échanges et la qualité de vos interventions justifieront pleinement l'opportunité de les relayer au plan parlementaire au sein d'un tel groupe de travail.

Avant de terminer mon propos, je souhaiterai que chacun sache que si ce colloque qui constitue une sorte de pré-inauguration des journées consacrées aux métiers d'art a pu avoir lieu c'est grâce aux excellentes relations que j'entretiens avec Pierre Chevalier, président de la SEMA et à l'amitié partagée avec Yvon Houssard, directeur général, acteur passionné, très méticuleux et combien efficace. J'associe à ces remerciements Mme Murielle Richet et MM. Jean-Michel Kosianski et Nicolas Risot.

Il faut reconnaître qu'avant la première édition du colloque l'an dernier, j'ignorai l'existence de la SEMA. Depuis beaucoup m'en ont parlé notamment pour son action de développement local. Elle a su mettre en place des relations de proximité avant que le gouvernement face de la décentralisation une de ses priorités. Il est incontestable que la SEMA apporte des réponses aux problèmes posés par le développement local grâce à un appui technique en liaison avec les acteurs concernés.

Un dernier mot pour dire l'admiration et l'estime que je porte aux métiers d'art. La belle pensée de Saint-Exupéry qui estimait que « l'homme se découvre quand il se mesure avec l'objet » prend tout sa dimension lorsque cet objet naît de l'alchimie de l'art créatif.

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* *

ALLOCUTION D'OUVERTURE DE

M. RENAUD DUTREIL, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PETITES
ET MOYENNES ENTREPRISES, AU COMMERCE,
À L'ARTISANAT, AUX PROFESSIONS LIBÉRALES
ET À LA CONSOMMATION

Regrettant de ne pas pouvoir assister au colloque « Tourisme et Métiers d'art », M. Renaud Dutreil a demandé à M. Michel Alloncle , Chef de Cabinet, de le représenter et de lire le communiqué suivant :

« En tant que ministre en charge des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce et de l'Artisanat, je ne peux que me féliciter de la tenue de ce deuxième colloque « Tourisme et Métiers d'art » qui me paraît un excellent prélude aux premières Journées nationales des Métiers d'art organisées à partir de demain sous la coordination de la Société d'Encouragement des Métiers d'Art, et qui s'étendra jusqu'au 1 er décembre.

Les entreprises de métiers d'art sont des vitrines de l'artisanat et jouent un rôle très important pour le développement local des territoires. Leur activité a des retombées économiques et culturelles dans bien d'autres domaines : tourisme, industrie de luxe, culture et patrimoine notamment. Elles ont un potentiel certain à l'exportation.

Les métiers d'art englobent de nombreux corps de métiers (210) et de nombreuses disciplines qu'il est toujours délicat de citer pour ne pas frustrer, mais il y a effectivement de nombreuses disciplines bien connues : tapissier, maroquinier, glypticien, ferronnier, coutelier, ébéniste, doreur sur bois à la feuille d'or, etc.

Il s'agit d'une activité économique considérable puisque ce secteur des métiers d'art, outre son chiffre d'affaires, son poids à l'exportation, concerne à peu près 30 000 personnes au sein de 20 000 entreprises avec, en particulier, des secteurs importants pour notre économie : celui de la bijouterie joaillerie orfèvrerie qui représente plus de 4 000 entreprises ; le secteur de la finition, de la restauration et de la réparation de meubles qui représente près de 3 400 entreprises ; enfin, autre secteur important, le graphisme, la décoration, 2 300 entreprises.

Au-delà de cette description économique, les métiers d'art sont vraiment des métiers de passions qui se répartissent en trois grandes familles :

- les métiers que l'on peut sans doute rattacher à la tradition, spécialisés dans la reproduction d'objets rares et dans le savoir-faire traditionnel ;

- les métiers tournés vers le patrimoine, pour ce qui concerne la restauration conservation du patrimoine mobilier ou immobilier ;

- les métiers de la création.

Ce ne sont pas pour autant des secteurs tournés vers le passé, ce sont vraiment des métiers de demain tournés vers hier, mais ils possèdent d'exceptionnels atouts pour notre avenir. Par exemple, certains savoir-faire français exceptionnels ont permis de conquérir de nouveaux marchés à l'étranger ; ce sont les métalliers champenois, spécialisés dans le repoussage en ferronnerie qui, après avoir restauré magnifiquement la place Stanislas à Nancy, se sont vus confier la réalisation de la nouvelle torche et de la flamme de la Statue de la Liberté de New-York pour son centenaire.

Ces métiers d'art détiennent également une très forte capacité de création et d'innovation ; les métiers de demain. Comme l'exemple de ce verrier qui a créé une magnifique réalisation pour l'Hôtel départemental de Haute-Loire. Cette création qui intégrait des fibres optiques était tellement performante que l'ANVAR 1 ( * ) lui avait permis de réaliser cet objet rare.

Ce deuxième colloque « Tourisme et Métiers d'art » met aussi en évidence le rôle que ces activités jouent en matière de développement économique local et de création d'emplois. Les pôles d'artisanat d'art, les visites des métiers d'art maintenant organisées dans le cadre des « Routes touristiques » - idée chère au sénateur Bernard Joly - la création de labels et d'espaces muséographiques sont devenus des atouts forts de l'animation locale.

Ces réseaux, liés aux métiers d'art, sont clairement en phase avec notre temps. Le mariage de la tradition et du futur, de la création d'art et du savoir-faire technique qu'ils développent, attirent de plus en plus de publics, bien souvent saturés par l'uniformité et la standardisation des produits manufacturés. Ces créations rares, uniques, permettent ainsi aux publics et à nos compatriotes de renouer avec l'authentique et le personnalisé.

Mais nous ne devons pas perdre de vue que l'artisanat d'art est aussi une entreprise qui doit dégager des ressources. Les artisans d'art ont donc besoin de se faire connaître pour développer davantage la demande et attirer des clientèles potentielles. En drainant vers l'artisan ces flux de clientèles supplémentaires, le tourisme d'art permet ainsi à ces entreprises de pérenniser et de développer leurs activités et leurs talents. Il y a donc une complémentarité exemplaire que ce colloque contribue bien évidemment à souligner. »

Le secrétariat d'Etat aux Petites et Moyennes Entreprises entend d'ailleurs, par l'action du FISAC 2 ( * ) , encourager davantage toutes ces initiatives en apportant son concours plus spécifiquement aux opérations qui s'organiseraient autour de thématiques d'artisanat d'art comme la création de rues d'artisans ou d'espaces dédiés aux artisans d'art, notamment en zone rurale.

Au-delà de cette action spécifique mais très importante que le FISAC pourra développer, le secrétariat d'Etat entend dès le début de l'année prochaine - et c'est une politique plus globale - apporter à la demande du Premier ministre une réponse d'ensemble aux difficultés des entreprises. C'est notamment la nécessité d'accompagner les entreprises vers un « baby boom » de l'entreprise, vers une plus grande création d'entreprises et transmission. Ce sera le cadre du projet de loi « Agir pour l'initiative économique » qui sera présenté au Parlement très prochainement.

Faciliter la création par la diminution de la durée d'inscription d'immatriculation ; favoriser l'entreprise par une transmission plus facile, notamment au plan fiscal ; favoriser la pérennité de l'entreprise par des financements plus spécifiques, notamment grâce à des opérateurs locaux qui connaîtront les entreprises, c'est l'objet du projet de Fonds d'investissement de proximité qui sera proposé à la représentation nationale. Un certain nombre de mesures de bon sens seront, nous l'espérons, prises dans les semaines et les mois à venir pour susciter ce développement de l'entreprise.

Le président de la République a fixé au gouvernement la nécessité de créer un million d'entreprises supplémentaires dans les cinq années qui viennent, et, bien entendu, le secteur de l'artisanat aura une contribution forte dans ce domaine ; forte pour la création d'entreprises, forte pour l'emploi également, c'est une ambition importante du gouvernement.

Le deuxième volet vis-à-vis des entreprises, et notamment des entreprises artisanales, qui sera proposé dans les semaines à venir est une simplification pour la vie des entreprises. Deux grandes mesures sont en réflexion et seront proposées aussi très certainement par voie d'ordonnances :

- la mise en place d'un guichet unique simplifié pour le commerce et l'artisanat pour éviter à l'artisan de perdre trop de temps dans des démarches administratives lourdes ;

- la mesure « titre emploi salarié » pour l'entreprise, ce qui devrait permettre à l'artisan, au chef d'entreprise, à l'indépendant de pouvoir, en un seul geste, établir ses obligations en matière de fiches de paie et de déclarations sociales.

Ces mesures permettront aux chefs d'entreprise d'aller à l'essentiel, c'est-à-dire la production d'objets, la production de services.

Après le projet de loi sur la création d'entreprise, un autre volet législatif sera présenté, très certainement l'année prochaine : un projet sur le statut de l'entrepreneur.

Lorsque l'on interroge les Français, il s'avère qu'il y a une formidable envie de création d'entreprise, mais la part de risque qui est bien souvent importante dissuade un certain nombre de nos compatriotes de franchir le pas et les conduit à rester dans le secteur protégé qu'est le salariat. Il faut donc donner cette possibilité à tous les Français qui débordent d'initiatives et de projets de pouvoir passer progressivement vers le statut d'entrepreneur sans penser que cela est irréversible et que cela provoquera des dégâts irréparables pour leur vie de famille.

Voilà rapidement brossé le paysage d'ensemble que le gouvernement souhaite proposer aux entreprises et, bien entendu, à l'artisanat dont vous êtes les représentants connus, reconnus et brillants.

Les travaux de cette journée vont contribuer à ce que les métiers d'art tiennent toute la place qui leur revient dans l'économie des territoires, et par là même dans l'économie nationale, tout en continuant à procurer à de très nombreux Français le plaisir esthétique qu'apporte la rareté d'un objet et l'effort fourni pour le concevoir.

Pour conclure, Michel Alloncle invite l'assemblée à rejoindre demain ces premières Journées nationales des Métiers d'art que le sénateur Joly avait appelé de ses voeux l'année dernière et qui rencontreront sans aucun doute un franc succès. L'objectif est que les Français sachent que dans leur calendrier, deux ou trois jours par an sont consacrés aux métiers d'art et qu'ils participent de plus en plus nombreux à ces journées.

*

* *

L'OBJET TOURISTIQUE, L'OBJET DÉRIVÉ DU PATRIMOINE,
L'OBJET CADEAU

Animateur : Philippe CHAIN - Inspecteur Général de l'Industrie et du Commerce

Le groupement des Imagiers s'inscrit dans la logique développée depuis un certain nombre d'années dans le Languedoc-Roussillon, dans le cadre du réseau de l'Archipel des Métiers d'Art. L'expérience qui va être présentée et qui s'est développée à partir de Lagrasse (Aude) est tout à fait particulière.

I. LES IMAGIERS, GROUPEMENT DE PROFESSIONNELS - LAGRASSE (AUDE)

M. Alphonse SNOECK, sculpteur et mouleur, vice-président du groupement.

Les Imagiers , dont la démarche est en pleine évolution depuis trois ans, est un groupement professionnel de sept ateliers de disciplines différentes (scénographes, muséographes et concepteur d'objets inspirés du patrimoine) :

- un fondeur bijoutier,

- un éditeur,

- deux céramistes,

- un designer,

- un sculpteur mouleur,

- un imprimeur.

Différentes disciplines mais aussi différences en matière d'âges, de mentalités, de rythmes de travail, éloignement ; tous les ingrédients étaient rassemblés pour « aller droit dans le mur ».

Quelle est cette alchimie qui provoque cette fusion, cette transmutation mystérieuse ?

Une succession de rencontres sur les mêmes lieux, généralement des monuments historiques, musées ou patrimoines privés ont occasionné une réflexion partagée : plutôt que de se rendre sur ces lieux les uns après les autres, et peut-être en concurrents, pourquoi ne pas se présenter ensemble sous une même identité en créant une structure qui fédère plusieurs ateliers en les rend complémentaires afin d'offrir des prestations soit à la carte, soit en créant des lignes de produits inspirés du patrimoine et partant éventuellement d'un thème. Cette démarche à fait l'objet d'une formation et d'une étude approfondie.

Quelques exemples d'objets inspirés du patrimoine :

A Lagrasse se trouve une abbaye avec une partie médiévale du XIV e siècle remaniée et un chapiteau très ouvragé qui proviendrait de l'atelier du Maître de Cabestany 3 ( * ) où apparaît un petit visage qui s'appelle « le souffleur » et dont Les Imagiers ont fait une empreinte. Le souffleur est présenté en premier lieu en tant que moulage. L'éditeur n'a pas manqué d'en faire des marque-pages et des cartes postales et le bijoutier l'a décliné sous forme de bracelets, épingles de cravate, bagues et autres accessoires.

D'autres objets ont été déclinés d'après des détails de chapiteaux du cloître d'Elne (Roussillon) qui renferme de véritables trésors, ou de la tribune très ouvragée du Prieuré de Serrabonne.

L'intérêt du moulage est de provoquer une relecture de l'oeuvre, et après l'avoir détouré, l'objet est d'une qualité plastique exceptionnelle qu'il est difficile de distinguer dans son ensemble quand on est plongé dans l'atmosphère du monument. On peut être très attentif à l'ambiance, au cadre, à la qualité architecturale des lieux, on ne peut toutefois pas éviter d'avoir un regard furtif sur les détails. En conséquence, quand un détail est sorti de son contexte, il se suffit à lui-même et devient une nouvelle oeuvre d'art. La qualité esthétique de l'oeuvre la sort du contexte historique et l'on s'approche presque de l'art contemporain.

« Le moulage est un babillard qui ne peut rien cacher ». Falconet 4 ( * )

Le moulage permet de découvrir un objet, l'approcher, le prendre en main, l'examiner dans ses moindres détails et permet au visiteur de retrouver les lieux avec un regard nouveau.

Les objets sont déclinés sous plusieurs formes : cartes postales, bijoux, coffrets, etc. Par cette complémentarité, la griffe des Imagiers est progressivement devenue synonyme d'originalité, mais c'est aussi une charte de qualité. Les travaux des Imagiers ne peuvent supporter aucune approximation. Cela doit tomber juste dans l'oeil du visiteur et de l'historien ; si Les Imagiers s'inspirent du patrimoine, ils ont le devoir de le valoriser, ils ne peuvent se permettre aucune fantaisie dans ce que l'on appelle les produits dérivés.

Les Imagiers se doivent d'entretenir les meilleures relations avec les inspecteurs des Monuments historiques de chaque région concernée, les mairies et les départements généralement propriétaires du patrimoine pressenti, ainsi qu'avec les propriétaires privés de monuments. Bien entendu, une collaboration avec les conservateurs et avec les associations chargées de la gestion des monuments, mais également avec toutes les personnes qui ont en charge la communication relative aux activités culturelles des lieux, est nécessaire.

Toutes ces personnes apportent leur concours à la réussite d'un programme. Cela requiert une relation qui ne souffre aucune ambiguïté car Les Imagiers touchent à un patrimoine classé, parfois classé au patrimoine mondial de l'humanité. Pour illustrer ses propos, Alphonse Snoeck souligne que Les Imagiers seront à Moissac dans deux semaines pour faire une seconde collection de moulages. Une première collection a déjà été réalisée, le projet s'avérant intéressant, la DRAC et la mairie sont d'accord pour le faire évoluer. C'est aussi dans ce cadre prestigieux que les Imagiers présenteront leur savoir-faire par une exposition didactique au printemps prochain.

Le climat relationnel doit donc être excellent, basé sur la confiance, sur le partage d'une passion commune qui participe à la promotion, à la communication, à la connaissance du patrimoine, et indirectement peut-être à sa conservation. Ces objets ont des prix qui vont de 1,50 € à 1 000 € pour des produits déclinés sur le même sujet. Ces objets répondent réellement à l'attente des visiteurs et tout objet emporté par un visiteur devient un excellent support de communication, une référence pour le monument.

Les Imagiers interviennent de la création et la conception jusqu'à la réalisation artisanale, de la pièce unique ou de petite ou moyenne série aux grandes séries industrielles si le cas se présente, en passant par les séries limitées, les séries numérotées et les souscriptions. Les Imagiers peuvent s'adapter à tous les cas de figures. Le potentiel économique est important, des portes peuvent s'ouvrir à de nombreux ateliers à travers le pays.

D'après les tests réalisés sur des monuments du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, notamment dans les musées de Toulouse, la réponse des visiteurs est tout à fait positive. La France possède des chefs-d'oeuvre cachés, ignorés parce que souvent dans la pénombre d'un édifice, voire sur les hauteurs, et cette mission permet de ramener à hauteur des yeux de véritables trésors, parfois carrément inconnus, et de proposer au public une découverte très intéressante.

Il est évident que les Imagiers dans leur dimension actuelle, ne pourraient travailler dans toutes les régions, aussi leur souhait est que le groupement évolue, s'agrandisse et éventuellement se développe dans d'autres régions. Les Imagiers ont le sentiment d'un avenir très prometteur.

Pour conclure et au nom de toute l'équipe des Imagiers , Alphonse Snoeck adresse des remerciements appuyés à M. le Sénateur Joly pour l'accueil qu'il leur a réservé dans ce monument prestigieux qui peut-être, un jour, pourrait faire l'objet de produits dérivés, à M. Pierre Chevalier, président de la SEMA, pour son aide et son accompagnement.

Les Imagiers qui résident dans un village classé parmi plus beaux villages de France (Lagrasse) ont eu l'honneur, il y a trois ans, d'entrer dans l'Archipel des Métiers d'Art du Languedoc-Roussillon. C'est à cette époque qu'ils ont fait la connaissance de M. Houssard, Directeur Général de la SEMA, qui, depuis, reste très attentif à l'évolution des travaux du groupement.

Ce ne sont pas de remerciements de pure forme qu' Alphonse Snoeck vient d'adresser. Le climat relationnel dans lequel Les Imagiers travaillent représente un aspect très important, et les références obtenues par leurs travaux les rend crédibles. En effet, pour qu'un conservateur de musée ou un élu ouvre ses portes et les vitrines pour obtenir des objets prestigieux, la compétence, la confiance et la crédibilité sont essentielles. Le fait d'être invités en ces lieux aujourd'hui représente pour Les Imagiers une référence extrêmement importante et un crédit supplémentaire qu'ils apprécient énormément.

*

M. Philippe Chain remercie M. Snoeck qui est à la fois un découvreur, un inventeur et un transformateur d'objets qui donne une vie nouvelle à l'objet tout en restant dans une sincérité et une reproduction exacte et précieuse. Puis il cède la parole à M. Le Gal qui va maintenant évoquer l'action de la Chambre de métiers de Loire-Atlantique pour la présentation du catalogue Obj'art .

II. LE CONCOURS ET LE CATALOGUE OBJ'ART, CHAMBRE DE MÉTIERS DE LOIRE-ATLANTIQUE

M. Jacques LE GAL, graveur, Membre du Bureau de la Chambre de métiers et Délégué SEMA Pays de la Loire.

Le constat de départ

Les actions conduites en faveur des métiers d'art par la Chambre de métiers de Nantes ont fait prendre conscience du potentiel en termes de savoir-faire et de créativité de ce secteur. Cependant, les acteurs politiques locaux restent assez à l'écart de l'artisanat d'art. Afin qu'une prise de conscience ait lieu, ils doivent eux-mêmes être impliqués dans une opération.

L'idée

Organiser un concours artisanal où les personnalités politiques seraient elles-mêmes associées, d'une part comme membres de jury, d'autre part comme acheteurs d'objets cadeaux artisanaux locaux afin de les offrir lors de réceptions.

La présentation de l'idée

En septembre 1999, rencontre entre le porteur de projet et le premier adjoint de la mairie de Nantes. L'argumentaire déployé montrait la volonté des politiques locaux de promouvoir les produits locaux, offrir un cadeau unique porteur d'une identité forte, communiquer sur le « made in Nantes ». L'idée séduit et est proposée au Conseil général où elle trouve le même écho.

La construction de l'opération

Des rencontres avec les services communication de la ville et du département conduisent à l'élaboration d'un règlement et d'un cahier des charges. Des contacts pris avec d'autres structures locales comme le Comité départemental du Tourisme, l'Office du tourisme de Nantes, la CCI, la Cité des Congrès, permettent d'élargir le partenariat.

Lancement de l'opération fin septembre 2000

Une circulaire est envoyée à 250 artisans d'art du département ; en retour, une cinquantaine de demandes de renseignements. Il est envoyé aux artisans un dossier et il leur est imposé un délai très court (six semaines pour la conception et la réalisation) afin de témoigner de la réactivité et de la créativité propre de l'artisanat.

Le concours

Extraits du règlement : « Cette création doit être évocatrice de son temps et devra symboliser soit la fin du XX e siècle, soit être l'expression de l'identité artisanale de demain. Les dimensions de l'objet, entier ou démonté, doivent permettre son transport dans un bagage à main ; un emballage spécifique devra être prévu pour assurer son transport. Sa présentation devra être celle d'un objet cadeau. »

27 objets sont présentés. Une réunion de présentation avec six membres associés (CDT, Cité des Congrès) permet de retenir dans un premier temps 17 oeuvres correspondant au cahier des charges. Dans un deuxième temps, intervient le vote du jury constitué de deux représentants de la Chambre de métiers (le président et le représentant de la SEMA), deux conseillers généraux et deux élus de la ville de Nantes.

Chaque objet est présenté et noté à bulletin secret suivant les critères retenus (créativité, esthétique, symbolisme de son temps, l'évocation de Nantes ou de la Loire-Atlantique). Le total des points accordés à chaque oeuvre permet un classement.

La promotion de l'opération

Une conférence de presse réunissant les créateurs avec leurs oeuvres permet de communiquer sur l'événement. La participation financière de la mission régionale Métiers d'art permet de publier un petit catalogue assez prestigieux, tiré à 1 000 exemplaires.

La diffusion de ce catalogue est faite auprès de tous les politiques de Loire-Atlantique, ainsi qu'auprès des chefs d'entreprise de plus de 500 salariés comme idée cadeau d'entreprise.

Le constat final

- Du côté des partenaires :

L'idée a tout de suite plu et soulevé l'adhésion. Le travail de sensibilisation s'est fait auprès des hommes politiques, les administratifs des différentes structures se sont sentis beaucoup moins impliqués.

L'opération s'est montée six mois avant des échéances électorales, les deux conseillers généraux et les premier et deuxième adjoints de la ville de Nantes, partenaires de l'opération, n'ont pas été réélus.

Le laps de temps entre le concours et la réalisation du catalogue a été trop long du fait de la recherche de financements.

Les chefs des grandes entreprises n'ayant pas été sensibilisés précédemment, n'ont pas été très consommateurs d'objets cadeaux artisanaux.

- Du côté des artisans :

Les artisans ont trouvé l'opération intéressante et originale, ils auraient toutefois préféré une dotation pour les trois premiers. Ils ont bien joué le jeu sur toute la phase conception et création, cependant, très peu d'entre eux se disaient prêts à pouvoir reproduire l'objet créé en plusieurs exemplaires à l'identique.

Deux des objets, dont le premier sélectionné, étaient muni d'un système d'éclairage électrique, or du fait des normes européennes actuelles, la Chambre de métiers ou l'artisan devait faire homologuer l'objet avant de pouvoir recevoir une quelconque commande. Le coût des tests effectués en laboratoire d'essai ne pouvait être supporté ni par l'un ni par l'autre.

Quelques conseils

- Ne jamais lancer une opération impliquant des politiques avant des échéances électorales ;

- Construire l'opération toujours en lien étroit avec les administratifs des collectivités, en leur donnant l'impression que l'idée vient aussi d'eux ;

- Impliquer toujours le chargé des achats cadeaux car il a davantage à coeur de se libérer de ses stocks plutôt que d'acquérir des imprévus ;

- Prévoir une dotation financière afin d'avoir des lauréats. Dans l'esprit des participants, un concours implique une dotation ;

- Dans le cahier des charges, exclure toute création impliquant des branchements électriques.

*

Après avoir remercié M. Le Gal pour sa très belle présentation des aléas qui peuvent se présenter dans ce style d'opération, M. Philippe Chain donne la parole à la salle pour le débat. M. Le Gal nous a ouvert les yeux sur les erreurs à ne pas commettre, toutefois il faut regarder l'aspect positif : le dynamisme apporté par les créateurs.

DÉBAT AVEC LA SALLE

M. Lauralu - Directeur d'une école de 1 200 étudiants en formation Bac + 5 - regrette que le domaine de la formation n'ait été abordé dans les discours généraux que de manière très succincte, comme s'il s'agissait seulement des CAP ; les métiers d'art ont évolué, certains requièrent des Bac + 5.

Par ailleurs, les informations qui ont été données ne semblent pas actualisées. Il faut faire en sorte que le public soit informé de la modernité des métiers d'art. Les métiers d'art sont à l'origine de beaucoup de multinationales, de beaucoup d'entreprises qui se développent, alors il faut cesser de traiter les métiers d'art comme des « Indiens dans leur réserve ».

Cette question s'adressant davantage aux responsables de la SEMA qu'aux deux intervenants précédents, Philippe Chain cède la parole à M. Pierre Chevalier.

M. Pierre Chevalier n'a pas le sentiment d'être un « Indien dans sa réserve », il se sent même plutôt moderne. D'ailleurs, les interviews récentes du secrétaire d'Etat, pour l'annonce des Journées des Métiers d'Art, mettent bien en valeur la modernité et la créativité des métiers d'art.

M. Chevalier reconnaît toutefois qu'il y avait un déficit énorme d'information et d'image sur les métiers d'art il y a quelques années. Depuis, beaucoup d'actions ont été menées pour démontrer que les métiers d'art sont des métiers de création et des métiers d'innovation.

Le Sénateur Joly pensait avoir démontré dans son propos que la beauté des métiers d'art provenait justement du mélange de la tradition et de la modernité. Le premier colloque n'a pas bénéficié de la présence de ministres, aujourd'hui, deux ministres sont présents à ce deuxième colloque, toutefois, comme le tourisme, les métiers d'art intéressent beaucoup de ministères et il serait bien venu que plusieurs ministres assistent à ces débats, notamment le ministre du Tourisme et le ministre de l'Education. Ce colloque va se renouveler, et M. Bernard Joly s'engage à consacrer une session plus particulièrement à la formation.

*

M. Olivier Dozon - Juriste international - aimerait savoir s'il existe une action régionale ou nationale en vue de promouvoir les métiers d'art à l'étranger.

Bien que le débat d'aujourd'hui porte sur le tourisme, M. Chevalier précise qu'il y a effectivement des projets et des réalisations. Il cite notamment l'action des Ateliers d'Art de France , syndicat professionnel.

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M. le Président du Parc naturel régional de Corse approuve M. le Sénateur Joly qui a parlé de tradition et de modernité ; la tradition, c'est le passé, ce sont les racines, le creuset de la mémoire. Malheureusement, le passé a été un peu oublié et il est indispensable de faire appel à la formation. L'ouverture des établissements de formation au public, notamment dans le cadre des Journées des Métiers d'art, est quelque chose de très important car, pour que des métiers menacés de disparition reprennent vie, il faut former des artisans.

Au niveau du Parc naturel régional de Corse, il y a longtemps que la valorisation du patrimoine naturel culturel et paysager fait partie intégrante du développement. Les visiteurs ne viennent plus aujourd'hui en Corse uniquement pour les plages et le soleil, ils veulent également aller au contact des autochtones, connaître un pays et sa culture.

M. Alloncle a parlé de guichet unique ; il est évident qu'il faut aider les artisans en leur simplifiant les démarches administratives, mais il faut également les aider à s'installer en milieu rural car actuellement ils mènent une vie difficile. Plutôt que du statut de chef d'exploitation, sans doute faudrait-il parler du statut du rural et des gens qui sont installés dans le rural, qui vivent la ruralité et qui continuent à apporter leur contribution dans le développement d'une microrégion.

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M. Philippe Chain demande à Mme Landais, chargée des métiers d'art à la Direction des Entreprises commerciales, artisanales et de services, d'intervenir afin de préciser les actions conduites au plan international.

Avant d'aborder le sujet de l'international, Mme Landais souhaite revenir sur les remarques précédentes pour souligner que la formation pourrait effectivement donner lieu à une journée entière de réflexion.

A propos de la modernité, Mme Landais indique que l'intérêt que l'Administration porte au secteur est bien symbolisé par les locaux modernes et fonctionnels mis désormais à la disposition de la SEMA et du public qui s'y rend. Par ailleurs, la SEMA vient de relooker son magazine Métiers d'art qui donne une tout autre image du secteur.

En ce qui concerne l'international, Mme Landais indique que le ministère a favorisé, grâce à une collaboration entre la Direction des entreprises commerciales, artisanales et de services et la Direction des relations économiques extérieures, la création d'une mission artisanat - très petites entreprises au sein du CFCE 5 ( * ) pour favoriser l'exportation des petites entreprises, dont les entreprises métiers d'art.

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M. Bernard Ponsin précise qu' Ateliers d'Art de France , dont il est le Directeur général, aide très concrètement les artisans et les PME souhaitant proposer leurs produits à l'étranger. Ateliers d'Art de France apporte des appuis logistiques ou financiers aux entreprises désireuses de participer à des salons étrangers. Par ailleurs, Ateliers d'Art de France a créé, en début d'année 2002, un showroom permanent à New-York. Après une tentative infructueuse avec deux salariés français, le showroom fonctionne maintenant avec deux salariés américains. Les prises de contact sont très importantes et les commandes démarrent véritablement. M. Ponsin souligne que cette opération a été réalisée avec l'aide du ministère des PME, du Commerce et de l'Artisanat.

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M. François Vermande - Vice-président du Conseil général du Cantal - témoigne qu'il essaie, à son niveau, de promouvoir les métiers d'art. Il remercie et félicite les autorités, les institutions et le Sénateur Bernard Joly pour toutes les initiatives qui sont prises, ainsi que la SEMA.

Parce qu'un petit peu isolé, le Cantal est un département insuffisamment attractif qui a grand besoin des métiers d'art.

Parmi les événements qui se déroulent dans son département, M. Vermande cite « Les Rencontres des Métiers d'art » qui ont lieu tous les seconds week-ends d'octobre à Maurs, dans le sud du Cantal. « Rencontres », cela veut dire se retrouver ; les artisans d'art et les consommateurs se rencontrent et se retrouvent. Il est important que tous les acteurs se connaissent mieux et que l'aménagement du territoire veille à ne pas isoler davantage ceux qui sont déjà isolés. Il faut décentraliser les métiers d'art et les métiers en général dans les zones rurales.

La décentralisation permettra aux régions d'avoir un rôle accru en matière de formation, or les jeunes ne sont actuellement ni poussés ni attirés vers ces métiers qui ne sont pas valorisés. M. Vermande propose au sénateur Joly et au président de la SEMA de venir en Auvergne pour ouvrir les prochaines « Rencontres » sur le thème « Monde rural et Métiers d'art » ou « Jeunesse et Métiers d'art ».

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Pour revenir à la question sur l'étranger, le Sénateur Joly rappelle avoir indiqué qu'il fera en sorte de faire participer un certain nombre de ministres aux prochains colloques (Culture, Education nationale, Tourisme, PME, Commerce extérieur), toutefois il ne sait pas s'il faut inviter le ministre de l'Europe. En effet, le Sénateur Joly perçoit actuellement à travers les métiers d'art une sorte de « vive la France ».

Par son expérience, M. Joly est d'une culture du Tourisme, aussi cite-t-il des tentatives qui ont été réalisées dans ce domaine à l'échelon européen d'après des modèles nationaux, ( Les plus beaux villages d'Europe inspirés des Plus beaux villages de France ; Les logis d'Europe inspirés des Hôtels logis de France ). Mais en ce qui concerne les métiers d'art, il pense que de telles initiatives sont encore prématurées.

Ce combat fait partie de la francophonie. C'est un problème qui sera abordé dans le budget 2003 et le Sénateur Joly a l'intention de prouver qu'il faut en faire davantage en ce qui concerne la francophonie et la défense de la langue française ; la France a une image de marque : ses métiers d'art. Et, à moins que l'assistance soit d'un avis contraire, M. Bernard Joly aimerait que l'on cultive encore ce « cocorico ».

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Un intervenant aimerait avoir des détails sur l'aspect statutaire du groupement Les Imagiers .

M. Alphonse Snoeck explique qu'après une longue réflexion et après avoir consulté juristes, avocats et comptables, il a été convenu que l'association aurait pour rôle d'être un support de promotion et de communication, et qu'elle ne s'occuperait nullement de commercialisation. Lorsque l'association se présente sur un site, toutes les disciplines ne sont pas systématiquement retenues. Celles qui le sont travaillent en direct avec les personnes concernées et la comptabilité se fait directement avec l'atelier concerné. Les ateliers sont soit inscrits au registre de la Chambre de métiers, soit libéraux.

Cette organisation est la plus limpide et la plus simple. Par contre, lorsque les membres de l'association se déplacent pour un salon, par exemple, cela engage des frais (déplacement, logement, publicité...) Dans ce cas, le budget est globalisé et divisé par le nombre d'adhérents.

Le même intervenant pense qu'il aurait été également possible d'imaginer une forme de coopérative comme cela se faisait il y a un siècle.

D'après M. Snoeck , les membres de l'association Les Imagiers ont songé à cette solution ainsi qu'au projet d'entreprise, toutefois ils ont estimé que cela était prématuré.

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DES INITIATIVES INDIVIDUELLES DE TOURISME
DE DÉCOUVERTE ÉCONOMIQUE (TDE)

Animateur : Philippe CHAIN, Inspecteur Général de l'Industrie et du Commerce

L'année dernière, ce thème avait suscité un débat assez approfondi chez les artisans qui souhaitaient ouvrir leurs ateliers, savoir comment gérer les visites des touristes et des scolaires.

Aujourd'hui, nous accueillons deux témoins, Philippe Beltrando, potier, et Etienne Dulin, dinandier, pour expliquer comment se déroulent leurs pratiques quotidiennes.

I. LA CONCEPTION DE L'OBJET D'ART ET DE LA CULTURE D'ENTREPRISE

M. Philippe BELTRANDO, Potier, Aubagne (Bouches-du-Rhône).

Après des études de publicité où il a été stupéfait de constater que, dans les années soixante-dix, soixante-quinze, 70 % des objets cadeaux en France étaient importés, Philippe Beltrando est devenu potier à la poterie Ravel à Aubagne, puis a créé sa propre entreprise en 1980.

En 1989 il a été élu président de l'Association des Céramistes et Santonniers avec un projet : créer une maison méditerranéenne de l'argile à Aubagne.

Ce projet a suscité la mobilisation des entreprises, y compris au plan financier, ce qui a permis d'embaucher un intervenant extérieur : M. André Ruffier. En 1991, une la première biennale Argilla est organisée. En 2001, elle a déplacé 60 000 visiteurs en deux jours et a généré plus de 2 millions de francs de chiffre d'affaires pour une centaine d'exposants de métiers d'art exclusivement. La première biennale de l'art santonnier a vu le jour en 1994 et, en 1997, c'était la création des Ateliers Thérèse Neveu à Aubagne, qui sont une structure à la fois municipale et associative permettant des expositions artistiques ou à caractère patrimonial liées au « matériau argile » et ainsi de faire reprendre conscience de la propre culture de la cité d'Aubagne qui est profondément ancrée dans l'argile depuis le II e siècle av. JC.

Une étude réalisée en juillet 2002 par Philippe Français Conseil : « Etude économique et marketing de la filière argile à Aubagne et dans les Bouches-du-Rhône », a fait apparaître que 125 entreprises de métiers d'art appartiennent à cette filière et que 70 % du chiffre d'affaires départemental est réalisé par dans le Pays d'Aubagne.

L'entreprise de Philippe Beltrando compte 5 personnes et se situe au 13 e rang dans les Bouches-du-Rhône. Elle réalise 235 000 € de chiffre d'affaires et 25 % d'exportations. Les métiers d'art sont en effet des métiers d'avenir et également des métiers d'exportation.

Pour faire partager son expérience touristique, Philippe Beltrando propose d'abord d'évoquer les hommes de l'entreprise, puis l'apport d'un groupement à l'entreprise et l'apport des hommes au groupement. Tout ceci est intimement mêlé et permet de créer une profonde culture et une profonde richesse. Il s'interrogera ensuite sur la clientèle (quelle clientèle ? qu'est-ce qu'un touriste ?) et sur le paradoxe de sa demande, tel que démontré par toutes les études sur le sujet. Pour terminer, il s'interrogera sur ce que sont les objets et comment donner du sens et de la profondeur à un objet et à la démarche de l'atelier.

1. Les hommes, l'entreprise, le groupement d'entreprise :

En 1991, Argilla a été un réel choc pour l'entreprise car c'est une manifestation reposant sur un triptyque :

- un volet archéologique (le passé) mené avec le Laboratoire d'Archéologie Médiévale Méditerranéenne et le CNRS avec une exposition dont le but didactique pour les visiteurs et les entreprises était de reprendre conscience de leur culture ;

- un volet économique (le présent) avec un marché potier, 100 Potiers exposent dans la rue ;

- un volet artistique (l'avenir) avec une exposition de céramiques inédites de Pablo Picasso et des sculptures de Jean-Paul Van Lith, Gilbert Portagner et Gérard Lachens, mis en scène par Serge Tribouillois .

Philippe Beltrando et ses salariés ont été profondément bouleversés par la richesse des informations qu'ils ont reçues, avec une unité de temps, une unité de lieu et une unité d'action. Ils ont pu voir :

- ce que faisaient les potiers du XVI e au XIX e siècle,

- ce qui se fait aujourd'hui,

- et quelle création artistique, quelle passerelle vers l'esthétique, vers l'imaginaire, dans le sillage de Picasso.

A partir de ce jour, P. Beltrando a décidé que chaque exposition d'art liée à l'argile ferait désormais l'objet d'un déplacement de l'ensemble du personnel de son entreprise. Chacun s'enrichissant avec sa propre sensibilité alimente en même temps la culture générale de l'entreprise pour déboucher, non pas sur une reproduction des objets qui ont été vus, mais plutôt sur la composition d'une gamme adaptée aux besoins quotidiens ; c'est la poursuite actuelle d'un savoir-faire ancestral.

Faire venir tous les deux ans 60 000 visiteurs à Aubagne et communiquer sur le matériau Argile, a permis le renforcement de l'image de la ville ainsi que le développement économique des entreprises. De nombreux ateliers se sont réorganisés à l'intérieur du réseau urbain. De même, Philippe Beltrando s'est trouvé dans l'obligation de déménager et d'agrandir son entreprise ; il a fallu déménager les hommes, les outils, mais le plus difficile a été de déménager l'âme. Pour ce faire, il lui a fallu faire des recherches sur ce qu'étaient les ateliers de poterie traditionnelle à Aubagne, sur ce qui faisait l'âme de ces poteries et comment les gens organisaient leur travail quasiment sur la place publique. Notre urbanisme est différent de celui du siècle dernier, de fait, il faut retrouver des repères que les gens connaissent, mais de façon inconsciente.

Après avoir installé des séchoirs extérieurs pour faire sécher les pots au soleil, un voisin a dit : « Je retrouve mon Aubagne ». Philippe Beltrando n'était pas né quand cet homme a connu « son » Aubagne, mais ce qui était important, c'était de faire ressortir l'âme des poteries et l'âme de l'atelier.

L'association a organisé des rencontres entre des artistes et des artisans réalisant des objets en petites séries et, pour la plupart, usuels. L'entreprise Beltrando a ainsi accueilli : Gérard Rocherieux, François Mezzapelle, Marie Ducate, Athem Akrout, qui tous les quatre ont pu réaliser des pièces dans l'atelier. Là aussi, l'expérience s'avère extrêmement enrichissante, notamment pour les salariés qui vont retrouver la propre valeur de leur travail à travers une autre interprétation de l'objet qu'ils fabriquent. Cette rencontre a débouché sur une exposition qui a eu un succès fabuleux et qui a permis à la population de connaître les différentes entreprises d'Aubagne.

Aujourd'hui, l'association mène une démarche « qualité accueil ». L'accueil est un dénominateur commun dynamisant pour les ateliers. 75 % des entreprises souscrivent à ce projet financé par l'Etat, la Région, la commune et les entreprises.

2. La clientèle

Comment se compose la clientèle ? Qu'est-ce qu'un touriste pour un métier d'art ?

Dans son étude 2002, Philippe Français indique : « La plupart des analyses convergent vers une même définition, celle du consommateur paradoxal que l'on pourrait caricaturer par la formule : du luxe, oui, mais pas cher ! »

Exemple de consommateur paradoxal :

Un touriste tend à Philippe Beltrando trois petits sétons 6 ( * ) en faisant remarquer que le prix de 9 € la pièce est trop élevé. Pour Philippe Beltrando, ce n'est pas une question de moyens, mais de culture, aussi il lui répond : « Non, ce n'est pas cher du tout, cette pièce a été tournée à la main, elle a été engobée, puis elle a été décorée au clou façon XVI e siècle. Cette méthode vient des Syriens qui, au XII e siècle l'ont transportée en Italie. Les Italiens l'ont ensuite exportée en Provence où cette méthode est appliquée depuis le XV e siècle ». Pendant qu'il lui parle, le touriste regarde un plat, et Philippe Beltrando de lui expliquer qu'il s'agit là d'un poisson qui a été découvert dans l'épave d'un navire échoué en 1516 au large de Villefranche et que c'est un décor au clou. Le touriste qui trouvait trop chers les sétons est reparti avec le plat, huit assiettes et les trois sétons. C'est le consommateur paradoxal.

L'information et le partage de la culture ont donné une valeur ajoutée au produit qui a justifié son prix.

Quand on lui pose la question : Qu'est-ce qu'un touriste ? Philippe Beltrando a tendance à penser qu'à Aubagne, un touriste est un Aubagnais. Pour lui, dans les métiers d'art, les touristes sont ses propres concitoyens parce que leur comportement change. Ces gens-là prennent une heure de leur temps pour apprendre quelque chose dans tel ou tel atelier d'art ; s'ils y trouvent leur plaisir, s'ils peuvent voir produire, ils invitent leurs propres amis et leur font une visite guidée. Ils se sont appropriés leur culture provençale. Ils se valorisent au travers d'une technique.

Que recherchent-ils ? Je crois qu'ils recherchent des racines :

La civilisation de production intensive de l'après-guerre a abouti à une société de consommation, laquelle nous a conduit à une civilisation de prêt-à-jeter. Aujourd'hui, on gère l'important problème des déchets et on prend conscience d'une « nouvelle valeur de l'objet ». Le temps où l'on échangeait la table en noyer contre la table en formica est terminé.

3. L'objet

Maintenant, comment donner du sens et de la profondeur à l'objet et à la démarche de l'atelier ? L'objet est le trait d'union entre l'artisan d'art et l'acheteur. C'est authentique, on voit fabriquer. Les fonctions de l'objet ont changé puisque les us et coutumes ont changé également, mais l'esthétique demeure.

Comment susciter l'intérêt dans l'entreprise ? En donnant un lien comme imprimer des recettes de cuisine, expliquer comment utiliser une daubière ou un mortier. En plus de l'objet, on va vendre sa fonction, mais aussi le rêve. L'objet devient un vecteur culturel et identitaire.

Chaque année depuis plus de 15 ans, Philippe Beltrando envoie à ses clients (6 800 cette année) un mailing qui va leur apporter un petit instant de rêve en leur disant « Je permet des bons repas » et ce faisant je fais mon métier de potier ; je le fais comme tous les potiers depuis le Néolithique, cette époque où apparaissait simultanément les céréales et le bol , et le décor sur le bol ... Je fais une assiette, je la décore, je fais un mortier, une daubière, je fais des objets qui permettent encore aujourd'hui aux hommes de manger.

Pour conclure, Philippe Beltrando cite Bernard Duplessy (« Poteries et Faïence de Provence », éditions Aubanel, septembre 2002) qui résume assez bien la relation qu'il y a entre le potier, la poterie et l'utilisateur : « Quand une grand-mère, un potier et un gourmand se rencontrent, c'est tout un passé qui renaît. L'histoire recommence et les potiers le savent pour la plus grande gloire et le plus grand plaisir de l'aïoli et de la daube ».

II. ENTRETENIR ET SAUVEGARDER UN SAVOIR-FAIRE

M. Etienne DULIN, dinandier, Villedieu-les-Poêles (Manche), délégué SEMA de la Manche

Située sur la Route de L'Etain, entre la Cornouailles et Saint-Jacques de Compostelle, à la rencontre de la Bretagne et de la Normandie, Villedieu-les-Poêles est spécialisée dans la dinanderie, terme qui vient de Dinant en Belgique, là où jadis on faisait de la dinanderie, mais où, malheureusement, on n'en fait plus. Depuis une trentaine d'années, environ 14 entreprises de dinanderie ont disparu à Villedieu.

Après avoir travaillé dans une entreprise qui fabriquait des ramasseuses de pommes et de noix, Etienne Dulin , alors âgé de 32 ans, a repris une entreprise de dinanderie à Villedieu-les-Poêles. Il s'est formé et s'est entouré des collaborateurs déjà présents dans l'entreprise, qui avaient un savoir-faire avéré.

Sans se placer sur le terrain des métiers d'art, Etienne Dulin pense avoir réussi à entretenir un savoir-faire et il espère avoir contribué à le sauvegarder, ce qui est très difficile.

Après avoir repris cet atelier, Etienne Dulin l'a très vite dynamisé en multipliant les commandes et en relançant l'activité. Toutefois, faute de moyens, il a dû « subir » une association qui n'a pas donné les résultats escomptés. C'est alors qu'il a décidé de s'orienter vers le tourisme en expliquant la fabrication, ce qui a apporté une valeur ajoutée au produit. Une personne qui voit comment est fabriquée une aiguière, qu'il faut repousser le pied, le corps, la souder, la polir, la marteler, etc., regarde l'objet de manière totalement différente et a envie de l'acheter.

Pour s'orienter vers le tourisme de découverte économique, Etienne Dulin a essayé de répondre à trois critères :

- Pourquoi le cuivre à Villedieu ?

- Comment le travaille-t-on ?

- A quoi cela sert-il ?

Dès lors, il se situe dans un rôle de formateur auprès des touristes.

Dans un atelier qu'il a voulu authentique, il explique le travail du repoussage, du martelage, de l'étamage dans tous ses détails et pourquoi il est préférable de cuisiner dans une casserole en cuivre plutôt que dans une casserole en inox. Pour retrouver un certain marché, il faut éduquer et expliquer.

Toujours dans le domaine touristique, Etienne Dulin a initié la Route de la table selon le même concept, avec notamment une information par vidéo.

L'Atelier du Cuivre est ouvert toute l'année. Alors qu'il y a encore quelques années, le tourisme faisait travailler les entreprises trois mois par an, aujourd'hui, du fait de l'évolution des comportements induite par les 35 heures, la saison touristique en Normandie représente une activité soutenue pendant six mois. Pour équilibrer les six autres mois, Etienne Dulin a eu l'idée de proposer des services à ses clients, ce qui lui a permis d'obtenir de nouveaux débouchés.

De plus, Villedieu ne recevant pas des touristes toute l'année, Etienne Dulin a mis en place une Maison de l'étain, créé un petit train touristique et repris un hôtel. Il a monté un produit touristique pour essayer de vivre toute l'année, mais il a souffert d'une fréquentation insuffisante. Quelqu'un lui a alors parlé du Viaduc des Arts, à Paris, en lui disant que ce serait une très belle opportunité pour lui. Par contre, on avait omis de lui dire qu'il manquait des cheminées pour évacuer certaines vapeurs. C'est ainsi qu'un dossier de 1,5 million de francs d'investissement s'est transformé en 3 millions et qu'aujourd'hui il frôle le dépôt de bilan. Cet investissement a ruiné 15 années de travail. Malgré tout son dynamisme, M. Dulin est aujourd'hui très remonté à l'encontre de certaines administrations parce que « l'on n'a pas le droit de se faire asphyxier de cette façon-là ».

Le côté positif de cette expérience parisienne est que Etienne Dulin est devenu fabricant de baignoires, tout simplement parce qu'un jour, avec un commissaire-priseur qui voulait vendre des produits contemporains, il a organisé, au Viaduc des Arts, la première vente aux enchères de produits contemporains parmi lesquels une baignoire en cuivre entièrement faite à la main par l'Atelier du Cuivre. Cette baignoire a été le clou de la vente. Un journaliste a rapporté le fait à tout le gotha parisien et dans les revues professionnelles, et c'est ainsi qu'Etienne Dulin fabrique aujourd'hui une baignoire par mois et en restaure. Récemment, il a réalisé une baignoire dorée à l'or fin.

Pour finir Etienne Dulin voudrait attirer l'attention de l'assistance sur les nombreuses difficultés qui jalonnent le parcours d'un entrepreneur.

Les professionnels des métiers d'art ont du dynamisme, mais ils ne peuvent pas tout faire, être chefs d'entreprise et dynamiser. Certains des clients d'Etienne Dulin ne viennent pas à Villedieu pour le voir, mais à Paris, au Viaduc des Arts, mais pour cela, il faut qu'il y soit. Par ailleurs, il y a autour des métiers d'art de réels produits touristiques et il y a des débouchés, mais on ne peut pas parler de tourisme si l'on n'est pas capable de faire de l'accueil.

Les visites présentent un grand intérêt pour les artisans. Au début, les salariés d' Etienne Dulin appréhendaient ces visites, maintenant ils sont demandeurs. Pour la Journée des Métiers d'art, l'atelier sera ouvert et ils seront tous là.

Pour revenir à la Route de la table, Etienne DULIN précise qu'elle réunit sept artisans autour d'une charte de qualité. Il y a une billetterie, un accueil, des circuits sont organisés, les produits sont prêts, mais les artisans n'ont pas toujours les moyens de mettre tout cela en place.

En outre, Etienne DULIN fait part de ses difficultés avec l'Inspection du travail, qui voudrait que ses machines soient modernes. Or Etienne Dulin n'a conservé que les machines anciennes !

Sur le plan de la transmission des savoir-faire, Etienne Dulin souligne aussi un manque d'intérêt des jeunes pour l'artisanat : les seuls organismes de formation ou d'insertion qui lui proposent du personnel, sont ceux qui s'occupent de handicapés. Il cite le cas d'une personne handicapée d'une main, qui est devenue meilleur soudeur que celui qui lui a enseigné. Une autre personne, à son arrivée dans l'entreprise, ne savait ni lire ni écrire ; elle était incapable de s'exprimer. Aujourd'hui, ce travailleur est également devenu un collaborateur compétent.

Pour être efficace, la formation doit être basée sur la mixité atelier/école. Ce qui a fonctionné aussi chez Etienne Dulin , c'est le binôme ancien/jeune. C'est le seul moyen de transmettre le savoir, mais il faut du temps. L'école enseigne la théorie, mais il faut que la pratique suive.

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* *

DISCOURS DE MME CLARA GAYMARD
REPRÉSENTANT LE MINISTRE DÉLÉGUÉ
AU COMMERCE EXTÉRIEUR

C'est pour Mme Gaymard un grand honneur et un grand plaisir d'être présente à ce colloque où elle représente M. François Loos, ministre délégué au Commerce Extérieur qui s'excuse de ne pas pouvoir être là. Cela donne l'occasion à Mme Gaymard de dire à quel point le réseau de la DREE qui comprend 2 000 agents à l'étranger, 300 personnes à Paris et 150 personnes dans toute la France est attaché aux métiers de l'artisanat, politique qu'elle développe depuis quelques années.

Les artisans d'art incarnent les métiers de l'excellence, de la perfection ; leur savoir-faire est unique puisqu'ils le matérialisent dans des exemplaires qui ne se font qu'à quelques unités.

Son métier lui permettant d'aller un peu partout dans le monde, Mme Gaymard à l'occasion de se rendre compte à quel point l'artisanat d'art français est connu dans le monde entier ; même les grandes entreprises françaises « s'en plaignent » car la haute puissance industrielle et technologique est moins spontanément reconnue que les métiers d'art. Rentrée du Japon depuis quelques jours, elle a été tout à fait frappée de cette image de la France dans l'esprit des Japonais, et c'est pour ça qu'il faut tout à fait insister sur l'imbrication extrêmement étroite entre le tourisme et l'artisanat d'art.

La question, ce n'est ni une question d'image ni de réputation, la qualité française existe, elle est reconnue, elle est acceptée, elle est sans doute encore mieux reconnue à l'étranger qu'elle ne l'est en France, et le rôle des pouvoirs publics qui s'occupent à l'étranger d'aider les entreprises français à exporter et à s'internationaliser, c'est d'en prendre compte et d'aider chacun à la hauteur des besoins qu'il rencontre.

Ce que la DREE essaie d'agir à plusieurs niveaux :

- D'abord à Paris avec une mission, la MAT, qui est basée au CFCE et qui travaille étroitement avec les Chambres de métiers pour donner aux artisans l'information dont ils ont besoin sur les marchés extérieurs.

Il est clair que le problème de l'artisan est qu'il est un chef d'orchestre ; il doit non seulement être orfèvre dans son métier, mais il doit aussi être chef d'entreprise, discuter avec les différentes administrations, et s'il doit en plus aller à l'export et avoir une connaissance exhaustive des marchés, il ne s'en sortira pas. Le rôle de la DREE est d'essayer de lui faire gagner du temps afin qu'il puise d'abord choisir les pays cibles sur lesquels il peut travailler et, parce qu'il y a toujours besoin d'un décodage des marchés et des possibilités de vendre sur ces marchés, quels sont les distributeurs, les agents avec qui on peut travailler, etc.

- Il est très important de pouvoir participer aux foires et aux salons spécifiques. La DREE a pris l'initiative d'organiser à Djedda un salon intitulé « Design et métiers d'art, printemps de France » et qui se tiendra la semaine du 21 mars 2003. La même initiative est lancée pour le Japon en juillet 2003. Ce sera une exposition uniquement consacrée au design dans le sens large du terme, c'est-à-dire la créativité dans l'objet dans tous les domaines, ce qui fait cette spécificité française qui attire tant les japonais où seront présents les artisans, mais également des grandes entreprises qui seront le sponsor de cette opération. L'exposition aura lieu lors de l'inauguration de la tour Mori ; Mori étant l'un des grands bâtisseurs de la nouvelle Tokyo qui est en pleine transformation car les Japonais n'ont réussi à solutionner la question des tremblements de terre et des tours que depuis une quinzaine d'années.

- Il y a également des opérations plus classiques comme le salon du tourisme à Alger, mais avant d'aller sur les foires et les expositions, il faut bien sûr pouvoir aider les artisans sur le terrain.

- Dans le cadre des contrats de plan Etat-Région, la DREE dispose d'une ligne spécifique qui permet de subventionner les artisans qui souhaitent aller à l'export. Il s'agit d'une somme qui peut aller jusqu'à 200 000 F (env. 30 489 €) et qui permet de financer les premières dépenses de prospection ou de recrutement d'un cadre export ou de première démarche, quelle que soit sa nature à l'international. Sur ces contrats de plan Etat-Région, 25 % des entreprises sont des artisans qui utilisent cette procédure avec un très grand profit.

La DREE essaie aussi d'organiser un peu mieux ce financement dans le cadre de plans d'actions régionaux de développements internationaux ; il est important de pouvoir aider les artisans dans le cadre d'actions collectives.

Savoir qui peut assister l'artisan pour se développer à l'international est un sujet important. Il a été mis en place des « volontaires à l'international » (VIE) qui se substituent aux anciens coopérants avec des procédures beaucoup plus souples permettant de recruter quelqu'un pour s'occuper du développement international dans un pays donné et qui peut être porté dans le cadre d'une association « Partenariat France » qui regroupe une quarantaine de grands groupes et qui s'engage gratuitement ou moyennant un prix minimal à héberger ou aider ou porter dans un salon les petites entreprises qui souhaitent aller à l'international.

Tout cela, c'est le dispositif existant, mais François Loos a une priorité, c'est le développement des petites et moyennes entreprises à l'international, sachant qu'aujourd'hui elles constituent 25 % des échanges et que, dans un pays où un français sur quatre travaille pour l'international, et quand on sait que le commerce extérieur est sans doute le seul secteur qui croît de 10 % depuis 10 ans, on peut penser qu'en mettant nos efforts là, on favorisera la croissance et l'emploi qui sont indispensables.

L'une des pistes engagées par François Loos, c'est de créer un vivier d'opérateurs privés pouvant aider les petites entreprises à s'internationaliser. Il a annoncé tout à fait récemment devant l'Assemblée la fusion de deux organismes : le CFCE et Ubifrance qui organise des foires et des salons à l'étranger. Cette fusion va se faire au cours de l'année qui vient avec un changement majeur qui est d'abord une priorité donnée à l'information aux petites entreprises, mais surtout la création d'un fonds qui permettra, sur la base de priorités sectorielles et géographiques qui seront définies, de financer des opérations de promotion quelle que soit leur nature (participation à des foires, expositions, séminaires, colloques ; des invitations de décideurs, de journalistes ; des revues de presse, etc.), qui sont déjà dans l'activité d'Ubifrance et qui seront ouvertes sur la base d'appels d'offres à des opérateurs privés.

Les consortiums export des Italiens constituent une idée à retenir. Cinq ou six entreprises se regroupent, elles ont chacune une activité différente, mais complémentaires, ainsi ces entreprises sont capables de proposer une offre complète avec la nouveauté et la créativité qui caractérisent ce secteur.

La DREE voudrait que des entreprises formant une sorte de consortium export viennent voir les pouvoirs publics en leur disant qu'elles ont envie de faire une exposition dans un hôtel aux Etats-Unis, par exemple, ou une manifestation au Japon ou en Allemagne, et que l'on puisse apporter une subvention à ces entreprises qui ont déjà accompli une première démarche export. Cela peut aussi se faire avec un opérateur privé qui servira de relais pour organiser l'opération, mais très sincèrement, Mme Gaymard pense que les artisans métiers d'art doivent pouvoir se réunir pour proposer une offre globale.

La grosse difficulté des métiers d'artisanat, c'est de pouvoir s'insérer dans une offre globale qui fait que des acheteurs potentiels ne vont pas simplement acheter un objet, mais un ensemble d'offres françaises qui leur permet ensuite d'aller voir des clients potentiels. L'atomisation qui est à la fois une force (la créativité est toujours personnelle) est aussi un inconvénient lorsqu'on est à l'international, et la DREE est ouverte à toutes les suggestions qui peuvent lui être faites dans le cadre de ce fonds qui mettra à disposition des montants assez importants ; pour la promotion, cela représente, en plus de ce qui existe déjà, 7 millions d'euros par an.

Mme Gaymard reste à la disposition des artisans pour entendre leurs suggestions pour que l'artisanat, secteur par secteur ou dans son ensemble, puisse être acteur de cette nouvelle politique où il y a une volonté pour que l'Etat puisse être un facilitateur sans vouloir toujours être l'opérateur et l'acteur, mais au contraire se désengager et laisser les acteurs du privé devenir maîtres de leur destin. Pour prendre comparaison, pour 1 € du contribuable français mis sur l'assurance prospection, ce sont 50 € d'exportation qui sont générés ; il semble que c'est une bonne manière d'utiliser l'argent public.

La DREE attache une importante toute particulière au secteur de l'artisanat. Lorsqu'elle organise une grande exposition française, elle a toujours à coeur d'exposer dans une vitrine qui fait un peu l'image de la France des produits d'artisanat d'art ou des produits de luxe qui attirent l'oeil et qui sont une manière de faire accéder les visiteurs étrangers à nos produits.

Mme Gaymard souhaiterait qu'aujourd'hui ne soit pas pris simplement l'engagement que les artisans métiers d'art sont une porte d'entrée, mais que cette image leur serve et que les outils qui sont mis en place soient les plus faciles d'accès pour qu'ils puissent les utiliser.

Regroupement est un maître mot à l'international. Visiter les sites Internet de la DREE représente le meilleur moyen de connaître les outils à disposition et aussi le meilleur moyen de correspondre avec les missions économiques. Il est possible d'y accéder par le site du ministère des Finances, sinon c'est très simple qu'il faut mettre le nom de la ville et ensuite « //dree.org ».

*

L'Etat représenté d'abord par M. Renaud Dutreil et ensuite par Mme Gaymard, montre qu'il est de plus en plus un partenaire. Par rapport à un sentiment assez répandu chez les artisans où l'Etat est vécu comme un prédateur, Philippe Chain pense que depuis plusieurs années il y a une évolution et avec un Etat qui va au-devant des attentes et des besoins des différentes professions.

DEBAT AVEC LA SALLE

Avant de conclure la première partie de ce colloque, Philippe Chain propose à la salle de poser d'abord quelques questions spécifiques sur le commerce extérieur puis sur les thèmes développés par MM. Beltrando et Dulin.

M. Didier Couteau - Artisan d'art, organisateur d'expositions - aimerait savoir ce que sont devenues les centaines d'ateliers qui exposaient aux « Ateliers d'art » à la Porte de Versailles en 1980 et avant. N'ont-ils pas été remplacés par des centaines d'importateurs de créations extérieures à la CEE à « Maison & Objet » ? N'y a-t-il pas un problème d'harmonisation des taxes frappant les métiers d'art ? Ne faut-il pas en créer ?

Bien qu'elle ne puisse pas répondre précisément à la question, Mme Gaymard reconnaît qu'il y a une vraie question sur l'organisation des salons en France. Si l'on veut s'internationaliser, il faut qu'il y ait des grands salons en France, tel que « maison & Objet », pour faire venir une clientèle étrangère susceptible de s'intéresser à ce que font les artisans français ; en même temps, Mme Gaymard exprime le sentiment qu'il n'y a pas de vraie politique coordonnée en matière de salons.

M. Ponsin , directeur des Ateliers d'Art de France , précise que la centaine d'ateliers d'art qui était à la Porte de Versailles est aujourd'hui à Villepinte dans le cadre du salon « Maison & Objet ». Ces ateliers d'art profitent du salon « Maison & Objet » par le phénomène expliqué par Mme Gaymard. La réputation mondiale de « Maison & Objet » offre aux ateliers d'art une possibilité d'appel d'air et il ne faut pas s'en plaindre.

D'autre part, M. Ponsin souligne que les Ateliers d'Art de France sont propriétaires à 50 % du salon « Maison & Objet » avec un groupe anglais. Par les recettes dégagées par ce salon, la chambre syndicale peut affecter à la promotion commerciale des artisans d'art français des budgets largement supérieurs à ceux qu'elle aurait si elle devait se contenter des seules cotisations de ses adhérents. L'un ne concurrence pas l'autre, les deux peuvent très bien s'entraîner et le bénéfice en sera pour tout le monde.

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Madame la représentante du ministre du Commerce Extérieur a fait un exposé très intéressant sur les actions de ce ministère en matière d'export, toutefois le colloque concernant les métiers d'art et le tourisme, M. Christian Dumege - Ex-directeur de la Fédération nationale des Comités départementaux de Tourisme et membre du Conseil économique et social - pense que l'on pourrait peut-être faire jouer davantage l'interministérialité. Par ailleurs, en matière de promotion, la France dispose au niveau touristique d'un outil fort apprécié qui a fait ses preuves, « Maison de la France », et qui participe à de nombreux salons.

M. Dumege imagine très bien que sur certains salons où la France est présente pour le tourisme, notamment au Japon, l'identité de la France et la promotion de la France se fassent aussi au travers des métiers d'art qui pourraient être présents physiquement sur ces salons.

Et pour répondre à M. Dulin qui disait avoir rencontré quelques difficultés à mettre en synergie son action, M. Dumege pense que s'il avait consulté le Comité départemental du Tourisme, cette structure, tout comme le Comité régional du Tourisme, l'aurait aidé en matière de promotion dans bon nombre de ses actions. Il est préférable de regrouper les synergies plutôt que de faire chacun des actions dans ses petites territorialités ; regroupons et optimisons les moyens.

Mme Gaymard approuve les propos de M. Dumege et précise que la DREE travaille étroitement avec « Maison de la France » qui est présente lors de toutes les grandes manifestations qui touchent aux métiers d'art et au tourisme. Faire qu'à tous les niveaux les acteurs travaillent ensemble et sachent ce que font les uns et les autres est quelque chose de tout à fait important. Les directions régionales essaient de travailler en synergie complète avec les chambres de commerce, les chambres de métiers, les fédérations professionnelles, les régions et les départements.

Cette synergie se retrouve autant que possible dans les PARDI 7 ( * ) , qui ne couvrent pas uniquement l'artisanat : on essaie de voir avec les différents acteurs quels sont les secteurs porteurs dans une région, quelles priorités fixer et quelles actions mener. C'est ainsi que dans les salons organisés par Ubifrance, il y a une sorte de cascade parce que la Chambre de commerce va assurer la venue d'une vingtaine d'entreprises, un grand groupe dans le cadre d'un partenariat va en porter une vingtaine d'autres, une fédération professionnelle va en accompagner un certain nombre. Par ailleurs, diverses opérations transversales se font, notamment par la présence d'organismes comme « Maison de la France », mais également d'organismes dans le domaine de la formation.

En conclusion, comme M. Dumege, Mme Gaymard souligne l'importance de travailler conjointement.

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M. Bernard Lebrun - Président de l'Office de Tourisme de Saint-Quentin (Aisne) et de l'Union départementale des Offices de Tourisme de l'Aisne - a beaucoup apprécié les interventions de M. Beltrando, qui a situé l'accueil au coeur du sujet et qui a tout à fait raison quand il dit qu'il faut transformer l'acte de vente en acte de communication, et de M. Dulin, qui a mis l'accent sur la nécessité de conserver l'authenticité du métier. Les offices de tourisme sont très sensibles à ces deux idées dans la mesure où ils essaient de faire venir des touristes dans les entreprises ou chez les artisans locaux.

M. Lebrun souhaite néanmoins souligner le problème de l'accueil, préoccupant pour les offices de tourisme qui doivent s'assurer que le professionnel qui reçoit le public a la capacité d'accueillir un certain nombre de personnes ; problème qui est directement lié à la sécurité des visiteurs dont les offices ont la responsabilité. Il subsiste un flou en la matière qui est fort dommageable pour la profession.

Exemple des limites de l'activité d'un office de tourisme :

- Il y a quelques années, l'Office de Tourisme de Saint-Quentin a voulu développer un ensemble de visites chez un célèbre fondeur - les fonderies Le Creuset. Le Comité départemental du Tourisme voulait également intégrer ce produit à la liste des produits vendus par le département. Les critères et les normes étaient tels qu'il devenait impossible de prendre la décision de faire venir des touristes au Creuset parce que le président du CDT pourrait avoir à rendre des comptes s'il se produisait un jour un accident. M. Lebrun a décidé de prendre ce risque en continuant d'organiser des visites des fonderies, mais personne ne l'a jamais informé sur les risques qu'il prenait. Le CDT voulait faire des travaux gigantesques pour protéger les visiteurs des gerbes d'étincelles provenant des coulées. C'étaient des frais que le professionnel lui-même ne voulait pas assumer.

Les visiteurs veulent découvrir les savoir-faire, mais il y a des résistances et des difficultés. M. Lebrun se demande s'il n'y aurait pas moyen de réunir des commissions de sages avec des gens qualifiés au plan administratif et au plan des métier, pour fixer des critères raisonnables.

M. Dulin connaît bien le problème qui vient d'être évoqué. Dans la Manche, il a été mis en place un système que l'on appelle « les visites du jeudi ». En tant que professionnel, il a fait d'importants efforts financiers afin d'avoir une structure dite capable d'accueillir un groupe, c'est-à-dire 50 à 60 personnes. M. Dulin estime qu'il y a les vrais professionnels du tourisme qui sont organisés et qui ont un label et il y a ceux qui, comme M. Lebrun , font du tourisme occasionnel en prenant des risques. Il n'est pas contre l'idée de faire découvrir un savoir-faire, mais pour lui, ce n'est pas du tourisme car on ne peut pas faire venir un groupe de visiteurs dans une entreprise qui n'est pas adaptée pour cela.

Exerçant dans une profession moins dangereuse, M. Beltrando ne peut pas faire tout à fait la même réponse. Toutefois, sur le principe, il considère qu'à un moment donné, il faut rentrer en résistance car celui qui a fait tout ce qu'on lui a demandé ne sait pas si, dans six mois, on ne va pas lui en demander davantage ou si on ne va pas lui interdire de recevoir des visiteurs.

M. Beltrando partage le souci de M. Dulin quant au problème de sécurité dans son atelier, mais demain, ni l'un ni l'autre ne sont à l'abri d'une nouvelle loi et, du jour au lendemain, si l'on ne rentre pas en résistance, plus aucune personne ne pourra rentrer dans aucun atelier et ce ne sera plus 70 % d'objets cadeaux qui seront importés en France, mais 100 % parce que les entreprises auront fermé.

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Mme Danièle Legoff - Présidente de la Fédération nationale des Ateliers d'Art - se demande jusqu'où les métiers d'art doivent être un acteur du tourisme. Des artisans d'art sont devenus professionnels du tourisme grâce à leur métier ; c'est très bien, c'est une ressource supplémentaire pour eux, mais en général, ils apportent un service en contrepartie d'un prix d'entrée. Mais pour des visites ponctuelles, les responsables des offices de tourisme doivent-ils se servir des ateliers comme des animateurs ?

Pour Mme Legoff , c'est un grand problème car les professionnels des métiers d'art n'ont pas les moyens, dans leurs petits ateliers, d'accueillir des cars entiers et même du public en général. Ils accueillent leur clientèle, ce qui n'est pas la même chose, ils ne sont pas là pour animer la visite. S'ils sont là en tant qu'animateurs, il faut les payer comme des animateurs, ils ne peuvent pas être les animateurs de lieux qui sont désertés, qui sont dans les centres-villes où il n'y a plus de commerces ni de commerçants. Il existe des organisations spécialisées dans l'animation de visites en toute sécurité, mais un professionnel des métiers d'art doit vivre avant tout de son métier, de sa production et de la vente de ses produits.

Pour compléter les propos de Mme Legoff, Mme Sophie Toti - Déléguée SEMA Val-de-Marne - ajoute que certains petits artisans ne sont pas contre l'idée de faire des journées portes ouvertes, mais lorsqu'ils ouvrent leurs portes un samedi une fois l'an, quelle est leur responsabilité juridique ? Le fait de faire signer une décharge à l'entrée de l'atelier peut-il constituer une protection ?

M. Ponsin indique que ce n'est pas vraiment un problème car les artisans sont assurés au moins individuellement, ce qui peut suffire. Ce n'est pas la venue de quelques visiteurs une journée dans la semaine qui va changer la donne du risque de l'atelier. Il est néanmoins préférable de le signaler à la société d'assurance.

M. Etienne Dulin estime qu'à partir du moment où l'on décide d'accueillir du public, il faut prendre un minimum de précautions et prendre ses responsabilités. En ce qui le concerne, il a choisi de faire du tourisme professionnel. Les touristes qui viennent chez lui n'ont pas pour objectif d'acheter un cuivre, mais la volonté de M. Dulin est qu'ils repartent tous avec un cuivre, donc au cours de la visite, il doit les convaincre et leur faire prendre conscience que le savoir-faire français a un prix.

M. Dulin voudrait qu'il y ait des relais car, aujourd'hui, les artisans qui, comme lui, font du tourisme de découverte économique passent pour des exploiteurs, et son souhait est d'arriver à prouver que si on le fait bien, on peut quelque part en retirer un plus. Quand on accueille des visiteurs, on fait sa propre publicité. Organiser une visite avec de la sécurité et du confort a un coût, les entreprises sont jugées sur les résultats et font l'objet d'enquêtes de notoriété de la part du département ; or lorsque l'on fait du gratuit, on ne peut pas être organisé et c'est de la concurrence déloyale.

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Originaire de l'Aude et plus précisément de Montolieu, village du livre, M. Edouard Ricard estime qu'il ne faut pas faire une identité totale entre tourisme et artisanat d'art. Il existe un tourisme de grande consommation, c'est certainement celui qui attire le plus de monde, et il existe un tourisme de culture. C'est vrai que des touristes de grande consommation, après avoir fait un bon repas peuvent aller visiter un musée, mais de toute façon, la culture n'a pas de frontières. Il existe des artisans d'art partout dans le monde et il en a existé partout dans l'histoire.

M. Ricard pense qu'aller vers la standardisation entraîne vers la grande consommation. Les artisans ont certainement un rôle très important à jouer dans la ruralité, ils travaillent énormément, ils ont beaucoup de courage, d'abnégation et d'intelligence.

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M. Max de Beauvais - Céramiste, Président du syndicat professionnel des métiers d'art - constate que les propositions qui sont faites aujourd'hui existaient déjà dans un rapport présenté dans le début des années quatre-vingt et que sur le terrain, il n'y a pas eu de grandes évolutions. Les professionnels sont de moins en moins sur les lieux touristiques, mais de plus en plus aux fins fonds des campagnes, là où ils ont encore un espace.

A l'occasion des Journées Métiers d'art, M. de Beauvais a pu constater que l'accueil posait problème pour certains professionnels ; les ateliers étant petits, il est difficile d'accueillir plus de deux ou trois personnes. Au-delà des problèmes de sécurité qui peuvent être couverts par des assurances, reste le problème de l'accès pour les professionnels à une véritable activité qui pourrait être de type touristique.

Aussi, M. de Beauvais aimerait connaître les moyens qui peuvent être mis à la disposition d'un artisan pour moderniser son atelier (le lieu et l'outil) et si les professionnels sont associés à la réflexion sur les projets qui se mettent actuellement en place car, bien souvent, les professionnels des TPA 8 ( * ) ne sont pas informés. La communication a du mal à les atteindre, eux-mêmes ont des difficultés à communiquer avec ce qui pourrait être le tourisme culturel.

Les TPE 9 ( * ) qui représentent 80 % du secteur des métiers d'art sont en voie de disparition et même avec le renfort d'un développement touristique pour les métiers d'art, M. de Beauvais craint que la réalité des professionnels métiers d'art ne change pas si les solutions ne sont pas mieux adaptées et s'ils ne sont pas davantage consultés pour l'élaboration des projets.

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En ce qui concerne les assurances, le Sénateur Joly , qui, pour avoir été président de syndicat d'initiative, connaît bien la question précise que la protection des visiteurs rentre dans le cadre de la responsabilité civile de l'artisan.

Sur la question du lien tourisme et métiers d'art, le Sénateur Joly précise que ces colloques sont organisés pour que les gens du tourisme et ceux des métiers d'art se connaissent mieux car ils ont beaucoup à s'apporter mutuellement. Les artisans d'art ont besoin de se faire connaître, mais ils n'en ont pas toujours les moyens, alors que les professionnels du tourisme ont ces moyens pour faire paraître des documents, pour organiser des salons aussi bien en France qu'à l'étranger avec tout l'arsenal de la communication.

Pour répondre au dernier intervenant, le Sénateur Joly indique que beaucoup de choses ont changé en vingt ans, et notamment le mode de vacances. Il y a vingt ans, les gens prenaient un mois ou un mois et demi de vacances, généralement entre le 15 juillet et le 15 août. Aujourd'hui, ce n'est plus ainsi. Aujourd'hui, ce sont des petites vacances, des ponts, des week-ends et, à ce moment-là, c'est la porte ouverte pour les artisans à une clientèle assez française, mais surtout étrangère, et qui est intéressante parce qu'elle a les moyens. C'est donc aux professionnels du tourisme à proposer un certain nombre de circuits découverte ou de visites, et notamment au point de vue culturel chez les artisans d'art. Il faut s'adapter à l'offre des touristes potentiels.

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En ce qui concerne le problème de l'exiguïté des tout petits ateliers, M. Beltrando signale avoir vécu très longtemps dans une très petite entreprise dont l'atelier était minuscule. C'était toujours la pire des difficultés de faire rentrer une maman avec la poussette de son bébé dans l'atelier ; pourtant il y a des choses qui sont possibles à réaliser, notamment quand une grande occasion comme les Journées des Métiers d'art se présente. Si l'on ne peut pas accueillir tout le monde dans l'atelier en même temps, on peut essayer de réfléchir sur la façon d'organiser une file d'attente, comment occuper l'espace extérieur, comment décorer la vitrine, comment décorer la façade, ce qui permet, s'il y a du monde, de pouvoir gérer le flux à l'intérieur de l'atelier.

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DES INITIATIVES LOCALES DE TDE

Animateur : Philippe CHAIN, Inspecteur Général de l'Industrie et du Commerce

M. Philippe Chain accueille Mme Marie-Hélène Devillard et Mme Sophie Lossky-Aïchelé qui vont évoquer des initiatives collectives avec une entrée plutôt touriste pour la première action et, pour la deuxième action, une entrée métiers d'art liée au tourisme et à la gastronomie.

I. JOURNÉES PORTES OUVERTES D'ATELIERS MÉTIERS D'ART, SAÔNE-ET-LOIRE

Mme Marie-Hélène DEVILLARD, Directeur Promotion, Comité départemental du Tourisme

Le Comité départemental du Tourisme, émanation du Conseil général de Saône-et-Loire, a souhaité intégrer les métiers d'art dans l'offre touristique au même titre que les hébergeurs, les sites, les prestataires de loisirs, ou les restaurateurs ou vignerons... qui forment les différentes composantes de l'activité du département.

Dans un premier temps, il s'agissait de sensibiliser les conseillers généraux, les élus, les Chambres consulaires et la Chambre départementale de métiers ainsi que les 45 offices de tourisme de Saône-et-Loire, afin de constituer une base de données des ateliers d'art. Ce sont 300 ateliers qui ont été enregistrés et qui ont été sollicités par le biais d'une enquête visant à les interroger sur leurs besoins en matière de communication touristique auprès des clientèles françaises, auprès des clientèles étrangères ainsi que sur l'ensemble des prestations qu'ils pouvaient proposer dans cette offre touristique : ouverture au public de l'atelier, les langues parlées, l'accueil au niveau du grand public, l'accueil des groupes, les formations, les stages d'initiation ou de perfectionnement et l'intérêt qu'ils avaient à développer, aux côtés du Comité départemental du Tourisme, les marchés à l'export au niveau de leur activité.

Le bilan de cette enquête a permis d'identifier 180 artisans d'art favorables à cette démarche et qui se sont vus proposer l'édition, tirée à 40 000 exemplaires, d'une brochure, Les métiers d'art en Bourgogne du sud . Comme l'ensemble des éditions touristiques, elle subissait une charte graphique et devenait réellement l'une des composantes du département.

Au-delà de la diffusion et de la connaissance des différents métiers d'art qui avaient été classés par matière et qui avaient été visités par le Comité départemental de Tourisme et la Chambre de métiers, il fallait essayer de profiter, puisque l'on s'acheminait vers l'an 2000, des événements qui émanaient des divers conseils généraux. Avec l'appui du sénateur Jean-Patrick Courtois, le Comité a proposé au Conseil général de mettre en valeur l'artisanat d'art sous forme de portes ouvertes sur deux week-ends. Le titre était « Les artisans d'art en Bourgogne du sud donnent le ton ». L'objectif consistait à animer l'ensemble du département, soit 574 communes en basse saison touristique, les derniers week-ends d'octobre.

Pour essayer d'avoir un contrat festif, le Comité a proposé au Conseil général de renforcer l'attractivité de l'événement et il s'est créé un partenariat avec l'association Musique et Danse en Saône-et-Loire dont l'une des vocations est de développer la pratique musicale des amateurs, ce qui a permis l'organisation d'animations musicales dans les ateliers par une trentaine de groupes musicaux amateurs bénévoles, avec des répertoires très divers. Sur les 180 ateliers qui voulaient bénéficier de communication touristique, 97 ateliers ont répondu favorablement.

Le budget de ces Journées portes ouvertes était de 170 000 F alloués par le Conseil général de Saône-et-Loire.

RÉSULTATS DES JOURNÉES PORTES OUVERTES

L'opération Musique et Danse en Saône-et-Loire s'est déroulée sur deux grands week-ends (du vendredi 14 h au lundi soir) pour laisser la possibilité aux commerçants, au voisinage et aux écoles de venir découvrir ces savoir-faire. Près de 80 % des artisans ont été satisfaits de cette opération et, sur la centaine participante, ils ont reçu en moyenne 280 visiteurs par atelier sur les deux week-ends.

La provenance des visiteurs :

- 9 % étaient des prestataires touristiques, ce qui n'était finalement pas mal car les hébergeurs, les sites touristiques, l'ensemble des gestionnaires d'activités de loisirs ne connaissent pas les métiers d'art, donc il faut déjà faire ouvrir ces portes pour que l'offre touristique puisse être au mieux véhiculée ;

- 27 % de touristes ; c'est encore trop faible puisque la Saône-et-Loire reçoit 45 % de clientèle étrangère ;

- 64 % provenaient du voisinage.

La communication a été organisée avec 10 associations et a reposé sur les 400 abris bus du département. 30 000 programmes et 40 000 tracts ont été édités, ainsi qu'une trentaine de cartes postales « invitations » pour chacun des ateliers d'art et 2 000 affiches auprès de la presse professionnelle. Le Comité départemental du Tourisme a également acheté des espaces publicitaires, le premier bassin émetteur étant Lyon et la région Rhône-Alpes.

Cette opération a été intéressante dans le sens où elle a permis une première motivation et le Comité a pu être aux côtés des ateliers pour leur démontrer qu'il était opportun, entre autres, d'ouvrir les portes et de montrer les savoir-faire, et qu'il était possible de les intégrer progressivement dans une dimension touristique.

La seconde édition de ces Journées portes ouvertes a eu lieu en 2001, sur un week-end, avec 65 ateliers d'art et l'association Musique et Danse en Saône-et-Loire , et avec un budget de 120 000 F.

Mme Devillard pense que cette initiative départementale peut réellement apporter une sensibilisation, d'abord des élus et ensuite de l'ensemble de la population sur ce secteur d'activité, et engendrer des retombées notables.

Certes, ces retombées ne sont pas chiffrées et tous les ateliers n'ont pas reçu 280 visiteurs. Toutefois, citons deux artisans, l'un perdu aux fins fonds de la Bresse et l'autre aux fins fonds du Charolais, qui n'ont reçu que 4 visiteurs : un couple d'Américains et un couple de Belges. Ces visiteurs vont permettre à l'artisan de faire face à toutes ses taxes car ils ont acheté deux oeuvres d'art pour un montant total de 21 000 F.

Les comités départementaux du tourisme ont vraiment une mission de soutenir et promouvoir l'ensemble des prestataires touristiques dont les artisans font désormais partie, en tout cas en Bourgogne du sud. Cette opération ne sera pas reconduite cette année, toutefois les artisans de Saône-et-Loire souhaitent que les Journées des Métiers d'art s'étendent au niveau national tout comme les Journées du Patrimoine, mais aussi qu'elles soient avancées dans le temps, c'est-à-dire qu'elles aient lieu au mois d'octobre, période où les clientèles touristiques sont encore présentes.

Par ailleurs, le Comité départemental du Tourisme a proposé au Conseil général une autre initiative : que les artisans d'art qui se sont engagés dans cette communication soient tous identifiés par une signalétique coordonnée dans le cadre du schéma départemental. Désormais, les artisans d'art souhaitent également être intégrés lors des accueils de journalistes français et étrangers, ils sont aux côtés du Comité dans certains salons thématiques et sont représentés au sein du conseil d'administration du Comité par la Chambre de Métiers de Saône-et-Loire, ils assistent aux conférences et aux réunions de formation. Au mois de décembre, le Comité organise une présentation des marchés allemand et scandinave à laquelle seront conviés les 2 400 prestataires touristiques intégrant les ateliers d'art invités.

Pour conclure, Mme Devillard indique à M. Alloncle qui a annoncé les mesures qui seront prochainement adoptées que, dans le cadre de la décentralisation, la mission des comités départementaux du tourisme sera bien d'être des relais, des coordinateurs, porteurs de projets et d'initiatives promotionnelles. Se trouvant sur le terrain, les artisans à nos côtés peuvent porter haut et fort les couleurs de la tradition, de la restauration, de la création, de la vitalité des patrimoines. Ces savoir-faire, ce souci de l'esthétisme, cette excellence existent réellement en Bourgogne du sud.

II. « A TABLE ! » RÉSEAU DE PROFESSIONNELS DES MÉTIERS D'ART, CHEFS GASTRONOMIQUES ET PRODUITS DE TERROIR EN PROVENCE ET LANGUEDOC

Mme Sophie LOSSKY-AÏCHELÉ

La troisième édition de A table ! parcours esthétique et gourmand se déroule en ce moment en Languedoc et Provence.

A Tables ! est un réseau de professionnels de très petites entreprises de métiers d'art associées aux entreprises de métiers de la gastronomie et de métiers de terroir. L'idée fondatrice est de réunir autour du projet de la belle et bonne table toutes les compétences à une échelle artisanale.

Un chef cuisinier gastronomique est un artisan et produit chaque jour au même titre qu'un artisan des métiers d'art. Ils ont la même manière de fonctionner : artisanale. L'idée de la table permettait de réunir de nombreuses disciplines de métiers d'art et de les associer aux secteurs de la gastronomie et des produits.

Le réseau a permis des rencontres qui n'existaient pas alors que la table aurait dû déjà les faire se rencontrer.

A Tables ! a été créé avec trois outils :

- le parcours esthétique et gourmand ;

- un guide ;

- un site Internet.

1. Le parcours esthétique et gourmand

Un parcours esthétique et gourmand se déroule chaque année pendant 40 jours du 1 er octobre au 10 novembre et relie des restaurants partenaires qui accueillent chacun une table dressée avec les objets des métiers d'art. Les restaurants pôles du parcours, accueillent une dizaine de disciplines des métiers d'art et chaque chef de ces restaurants propose un menu composé autour des produits du terroir.

Dans chaque restaurant, les chefs présentent les artisans exposés, les noms et coordonnées des artisans en métiers d'art, tous les objets présentés sont mis en vente ; le but étant de créer une dynamique interne dans ce réseau de qualité... A Tables ! est avant tout une sélection, A Tables ! présente des personnes qui s'engagent à exprimer dans la qualité leur savoir-faire et leur créativité ; A Tables ! est assez tourné vers le contemporain. A Tables ! présente la créativité dans le domaine des objets et dans celui des saveurs.

Cette année nous avons pu définir 6 itinéraires distincts à travers le Languedoc et la Provence. Les itinéraires ainsi définis, A Tables ! communique sur ces itinéraires en s'appuyant sur le réseau des CDT - à cet égard, Mme Lossky-Aïchelé remercie le CDT du Gard qui a été le premier à soutenir A Tables ! - des offices de tourisme et des pôles eux-mêmes : chefs, artisans, producteurs.

La communication a toujours été la force du réseau, notamment par le biais de la presse, à la fois en France et à l'étranger, A Tables ! a eu une notoriété avec un retour presse très important et un visitorat qui s'est fait sur le parcours esthétique et gourmand. A Tables ! permettait d'une part de faire redécouvrir des restaurants, des savoir-faire de métiers d'art et des producteurs sur la région aux autochtones et, en même temps, A Tables ! attirait une clientèle étrangère et périphérique des régions.

2. Le guide

Le guide du parcours esthétique et gourmand en Languedoc et Provence , que l'on peut trouver en librairie, recense les chefs qui ont été sélectionnés et qui font partie de A Tables ! . Chaque chef a proposé une recette qui a été photographiée et mise en scène dans de la vaisselle de métiers d'art. Chaque artisan est identifié avec son adresse et son numéro de téléphone, la spécificité de son travail, une photographie pour illustrer son travail. Pour les producteurs nous avons communiqué sur la manière dont les produits sont élaborés.

3. Le site Internet

Pour prolonger le parcours le reste de l'année, nous avons crée le site Internet : www.atables.com qui permet de retrouver les partenaires et participants de A Tables ! . Dans le développement du site, il est envisagé de créer une boutique et de proposer des itinéraires. A Tables ! se dirige vers une offre touristique.

Le projet est porté par une forte communication assortie de beaucoup d'énergie.

L'enjeu : fédérer.

Sur le plan touristique, deux apports :

- une image de qualité pour la région du fait de la sélection qualitative des partenaires ; le CRT s'est associé à la démarche et demande que soient organisés des voyages de presse sur le thème d'un parcours esthétique et gourmand pour faire découvrir la région ;

- l'accès pour l'ensemble des petites structures qui sont fédérées à une promotion de qualité et à une communication vers la presse.

Au plan du développement économique, l'opération est assez favorable aux restaurants dans la mesure où elle leur permet, en période d'arrière-saison, de bénéficier d'une clientèle qui va, par curiosité, fréquenter leurs établissements. Les restaurants présentent la table dressée, les visiteurs ne sont pas obligés de manger. Plusieurs artisans ont été sollicités par des grands restaurants de l'ensemble du territoire pour composer de la vaisselle spécifique. De plus en plus de restaurants s'intéressent à l'offre qui est faite par A Tables !

Les professionnels de A Tables ! sont sélectionnés pour leur excellence et leur créativité, ils adhèrent à ce projet qui est maintenant largement promu par les CDT, le CRT de Languedoc et les Maisons de la France à l'étranger.

Produits dérivés

Salon produit économique et touristique : Avec tous les savoir-faire fédérés, A Tables ! avait toute la matière pour créer son salon dont la première édition a eu lieu au printemps 2002 au Duché d'Uzès (Gard). Il permet de présenter toute l'offre en même temps et en un même lieu. Cette idée de salon interpelle de nombreux artisans des métiers d'art qui travaillent dans le secteur de la table. En 2002, 50 artisans (40 du Languedoc et 10 de régions extérieures) ont rejoint le groupement. Un grand festin composé par trois grands chefs a été servi dans la vaisselle des créateurs matérialisant enfin une vraie rencontre de la gastronomie et des métiers d'art. Par ailleurs, pendant le salon, A Tables ! propose des cours de cuisine, des cours de dégustation de sommellerie, des démonstrations pour assembler les objets et la présentation de tous les objets des artisans.

Exposition produit culturel

A Tables ! en constituant une image d'ensemble permet de présenter un aperçu de la création française en matière d'Art de la table. L'exposition est un produit en elle-même dont la cohérence globale a permis qu'elle soit sollicitée afin de composer l'exposition inaugurale du musée des arts de la table et de la faïence de Samadet (Landes) pendant tout l'été 2002.

En fédérant, A Tables ! crée une image forte, c'est un produit qui peut être identifié au niveau touristique, économique et culturel.

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LA MONTÉE DE LA DEMANDE DE LOISIRS CULTURELS

Animateur : Philippe CHAIN, Inspecteur Général de l'Industrie et du Commerce

M. Rameau-Monpouillan et M. Rose, vont évoquer maintenant les produits axés sur la fonction musée, mais qui débouchent également sur l'information et sur la production.

I. LE MUSÉE DU VITRAIL, CURZAY-SUR-VONNE (VIENNE)

M. Cédric RAMEAU-MONPOUILLAN, Directeur du musée et délégué SEMA Poitou-Charentes

Quelle n'est pas la surprise du visiteur qui ose franchir tous les a priori d'une présentation culturelle et artistique en milieu rural ? Du vitrail dans une église, dans un village perdu aux fins fonds du Poitou. Quelle n'est pas sa surprise de découvrir le musée du Vitrail ?

Artiste peintre verrier de formation, M. Cédric Rameau-Monpouillan installe son atelier de vitrail en 1985 à La Jallière (Deux-Sèvres) dans d'anciens bâtiments agricoles restaurés. Il découvre la lumière émanant des vitraux grâce à des voyages et des rencontres avec des verriers. Ces rencontres le conduisent à se former aux techniques du vitrail et à faire des recherches sur l'histoire de cet art.

Dans le début des années quatre-vingt, alors qu'il est en formation de peintre verrier en vitrail en Suisse alémanique, Cédric Rameau-Monpouillan réfléchit à la meilleure manière de faire venir les commanditaires dans son atelier. C'est à ce moment même que naît l'histoire du musée du Vitrail de Curzay-sur-Vonne.

Au début de l'année 1985, une première association loi 1901 est créée pour prendre en charge ce musée dans un bâtiment attenant au futur atelier. Cette association ne bénéficiera jamais d'aucune subvention. Le 25 juin 1985, sont inaugurés le musée et l'atelier du vitrail de La Jallière. A la période de Noël est organisée dans ce même lieu une exposition avec d'autres artisans d'art de la région. Située à proximité d'un site gallo-romain, celui de Sanxay qui est un site d'importance, le musée du vitrail de La Jallière a un succès rapide : 3 000 visiteurs se rendent à l'exposition et à l'atelier du vitrail la première année.

Au mois de juin 1986, en plus de l'activité musée du vitrail, l'association organise les premières fêtes médiévales dans un château tout proche, le château de Marconnay. Pour cette occasion, un grand marché d'artisans d'art est créé dans la cour d'honneur du château. C'est un grand succès, énormément de visiteurs mais aussi d'acheteurs, ce qui est important pour les gens qui travaillent dans les métiers d'art.

Les visiteurs, bien sûr, sont très nombreux dans l'atelier de La Jallière, très vite, M. Rameau-Monpouillan s'aperçoit qu'il est difficile de travailler lorsqu'on reçoit dans son atelier 3 000 personnes par an. Il est nécessaire, à ce moment-là, de trouver une autre solution. Bien sûr, plusieurs possibilités sont évoquées, mais c'est celle de Curzay qui est retenue.

En effet, le maire de cette commune voisine fait une demande de devis pour la création de vitraux dans la partie non cultuelle de l'église ; il s'agit d'une petite église classée du XVe siècle dans laquelle avait été construit un deuxième transept qui n'a jamais été utilisé pour le culte, et c'est dans cette partie que le maire du village demande la réalisation de deux vitraux.

En allant prendre les mesures des fenêtres alors occultées par des parpaings, M. Rameau-Monpouillan découvre un espace tout à fait adapté pour recevoir le musée du Vitrail qui encombre un peu son atelier. Il en fait la proposition à M. le Maire et est invité à présenter le projet devant le conseil municipal. Tout d'abord étonnement, puis scepticisme, et petit à petit cet étonnement et ce scepticisme font place à une envie politique de développement. Curzay-sur-Vonne est une petite commune située sur la rivière la Vonne, à 25 km de Poitiers, à 11 km de Lusignan, en plein coeur du pays Mélusin, pays de légendes, pays de la fée Mélusine, entre le Futuroscope et le Marais Poitevin.

En 1987, la population s'élève à 450 habitants. En dehors des voies de communication, le village, meurt doucement. La boulangerie a disparu en 1983, le café du village est en perte de vitesse. Mais qu'est-ce donc que le développement en milieu rural ? Tout d'abord, un village, une volonté politique, bien sûr, un espace à utiliser et une idée.

En 1988, au mois de juillet, le musée de Curzay ouvre ses portes pour la première fois. Une convention de mise à disposition est signée entre l'association de La Jallière et la municipalité de Curzay. Un emploi, qu'à l'époque on appelait TUC, est créé par la commune pour 4 mois, de manière à tenir la billetterie du musée municipal du Vitrail de Curzay quatre après-midi par semaine. Les visiteurs sont peu nombreux. Ils passent de 3 000 à 350. Les visites n'étant plus guidées, ceci pourrait en partie expliquer la baisse du nombre de visiteurs. Pendant trois saisons, la fréquentation évolue peu. Les expositions ne sont plus à la hauteur des prétentions.

Au mois de juin 1991, le maire de Curzay et M. Rameau-Monpouillan font le constat d'une impasse. Le musée ne peut pas fonctionner sans la présence d'une personne spécialisée pour la création et la mise en place des expositions, et pour la présentation au public. Le maire charge Cédric Rameau-Monpouillan de tenir cette place et, à la fin de la saison, le nombre d'entrées a doublé - on pourrait presque dire que c'est un succès.

Lors du bilan de l'année 1993, alors que le musée reçoit 1 700 visiteurs, M. Rameau-Monpouillan fait une proposition au maire de Curzay de façon à mettre en place un véritable projet de développement. Le conseil municipal valide son embauche comme agent contractuel du patrimoine.

Dès le mois de janvier 1994, M. Rameau-Monpouillan conçoit le dossier « Le musée du Vitrail, projet de développement en milieu rural ». La préfecture accorde à ce moment-là un FRILE 10 ( * ) de 225 000 F. Le Conseil général gratifie le projet d'une subvention exceptionnelle d'investissement pour l'aide à la constitution d'un fonds muséographique : 100 000 F. C'est peu, mais ça commence déjà bien. La commune crée deux postes à mi-temps en contrats CES. Un lieu d'accueil est aménagé dans des locaux communaux non utilisés. Une exposition est mise en place : 5 000 visiteurs sont guidés du 10 avril au 24 décembre cette année-là.

Il est difficile, tout le monde le sait, de fonctionner en gestion de régie de recettes, c'est très compliqué, c'est pourquoi M. Rameau-Monpouillan propose à la municipalité de créer une association loi 1901 pour gérer le musée.

En 1995, l'association du musée du Vitrail prend en charge la gestion et les emplois. M. Rameau-Monpouillan est nommé directeur. Les contrats CES sont transformés en contrats CEC. Les travaux entrepris par la Communauté de communes du pays Mélusin permettent de créer un étage dans le musée et de doubler ainsi la surface d'exposition. Ouvert de mai à décembre, le musée reçoit 5 000 visiteurs, deux expositions sont créées cette année-là, « Le vitrail XIX e dans le département de la Vienne » et « L'atelier Lobin de Tours », exposition créée en relation avec la mairie de Tours. La commune, la Communauté de communes et le Conseil général de la Vienne soutiennent ces expositions.

En 1996, un grand événement : Max Ingrand. Cette exposition reçoit 7 000 visiteurs. Le musée du Vitrail développe cette année-là plusieurs emplois en contrats CES, ces personnes sont formées sur place pour présenter le vitrail. Toutes les visites au musée du Vitrail de Curzay sont guidées. Une boutique musée est ouverte, elle présente les réalisations de plusieurs verriers français. Un point information, en relation avec l'Office de Tourisme, est installé dans l'accueil. Il faut également préciser que le musée participe chaque année à des salons touristiques avec le CDT ou le CRT.

En 1997, le projet s'étoffe. Depuis 1994, la construction de l'atelier du musée est en attente. Le bâtiment est terminé en septembre, il reçoit ses premiers stagiaires pour une découverte du vitrail traditionnel. Cet atelier est un centre de formation aujourd'hui reconnu, il est agréé par Jeunesse & Sports. Des artistes et artisans de la profession interviennent comme formateurs. Les publics concernés par l'atelier sont les classes du Patrimoine ou les classes à PAC 11 ( * ) , les stages loisirs pour tous publics, des formations de 40 à 440 heures (à partir de 2003, formations de 1 200 h). Dans cet atelier sont enseignées les différentes techniques du vitrail : le vitrail traditionnel et la peinture, la dalle de verre à la résine époxy, le fusing (collage des verres à chaud), la technique Tiffany.

L'exposition du musée du Vitrail, pour l'année 1997-1998, s'intitule « Il était une fois la saga des Guevel ». Cette famille de verriers confirme le succès du musée de Curzay, plus de 8 000 visiteurs découvrent l'art de la dalle de verre, spécialité de ces artistes. Jean-Pierre Raffarin achète pour la région Poitou-Charentes une oeuvre exposée de Michel Guevel. On va découvrir au fur et à mesure qu'en montant certaines expositions, on peut développer des ventes autour de ces expositions.

C'est une autre famille de verriers qui participe à l'exposition 1998-1999, « Loire, un atelier familial à Chartres au XX e siècle ». Une oeuvre est vendue à des visiteurs. Du mois de mars 1999 au mois de mars 2000, l'exposition « Un siècle de vitrail féminin en France » permet de découvrir de nombreuses artistes femmes pratiquant l'art du vitrail depuis le début du XX e siècle. L'exposition « Quelques notes en verre et pour tous », présentée entre mars 2000 et mars 2001 propose des instruments de musique et des vitraux anciens et contemporains. Sept oeuvres de sept artistes différents sont vendues à des visiteurs Mexicains ; le musée du Vitrail se charge de l'exportation au Mexique. Deux autres pièces de création de deux artistes sont vendues à un visiteur français.

En 2001-2002, une rétrospective Jean Mauret est présentée au musée du Vitrail. 70 oeuvres de l'artiste sont mises en scène, des sculptures, des xylographies, des maquettes, des cartons et des vitraux ; c'est l'exposition la plus importante de cet artiste. Un projet est en marche pour faire réaliser par Pierre Buraglio et Jean Mauret les vitraux d'une petite église romane dans les Deux-Sèvres, près de Niort.

En 2002-2003, le thème « Marines » est présenté avec des oeuvres dont certaines ont été conçues spécialement pour cette occasion.

Aujourd'hui, le musée du Vitrail est un lieu incontournable pour le vitrail français. Il emploie 8 personnes pour un équivalent temps plein de 6,6. Il reçoit entre 8 000 et 10 000 visiteurs par an, son budget annuel est d'environ 250 000 € et il s'autofinance à 60 %.

Ses partenaires sont :

- la commune,

- la Communauté de communes,

- le pays,

- le département,

- la région.

En 2001, une convention multipartite et triennale a été signée avec l'ensemble des partenaires. Le musée constitue un fonds verrier important, à la fois par des achats et par des dons, et aussi par un dépôt important. Par son action touristique, il a permis la construction d'une boulangerie pâtisserie alimentation de proximité dans le village de Curzay, et donc l'installation d'un artisan boulanger.

Le café restaurant du village s'est rebaptisé « Café du musée ». Une bonne partie de son chiffre d'affaires est réalisée grâce aux employés du musée, aux stagiaires et aux visiteurs du musée. Un relais & château existe à Curzay depuis juillet 1994, c'est un hôtel 4 étoiles et un restaurant classé. Le musée et le relais château ont organisé ensemble un produit touristique : une journée à Curzay.

Par son rôle d'expert, le musée du Vitrail aide à la mise en place de sites métiers d'art dans la région Poitou-Charentes. Il conseille les collectivités pour la restauration et la création de vitraux. Il envoie des listes de verriers aux commanditaires potentiels. Il fédère autour de lui les verriers de la région et il participe à des rencontres de professionnels en organisant des réseaux. Le département de la Vienne lui a commandé une étude pour la création de vitraux monumentaux pour décorer les halls des hôtels d'entreprises construits sur le site du Futuroscope. Jean-Jacques Fanjat, maître verrier de Lyon, a déjà réalisé une première oeuvre.

Depuis 1998, le musée du Vitrail est chargé par la région Poitou-Charentes du Grand prix régional du vitrail. Ce prix de 14 000 € permet de créer chaque année dans un édifice de la région une oeuvre contemporaine. Les maquettes et panneaux d'essais des artistes participant au concours sont achetés par le musée et entrent dans les collections.

La DRAC Poitou-Charentes vient de passer une convention de dépôt avec le musée concernant les vitraux modernes et contemporains. Le musée a également été chargé de l'inventaire de ces mêmes vitraux pour la région Poitou-Charentes. Ceci représente une reconnaissance du travail du musée du Vitrail par les instances de l'Etat. Le musée est membre de plusieurs associations métiers d'art, tant en région que sur le territoire national, comme la SEMA, la Chambre syndicale nationale du Vitrail, le Pôle régional des métiers d'art en région Poitou-Charentes, et plusieurs publications ont été éditées par le musée.

Il est important de noter que pour faire du développement local, il est nécessaire d'avoir un lieu, un espace, une idée, une volonté politique, mais aussi et surtout un chef de projet.

II. L'ATELIER-MUSÉE DU CHAPEAU, CHAZELLES-SUR-LYON (LOIRE) : DU MUSÉE À L'ATELIER-MUSÉE OU DE L'ENTREPRISE CULTURELLE À L'ENTREPRISE ÉCONOMIQUE

M. Gilles ROSE, Directeur

Chazelles-sur-Lyon est situé dans la Loire, à 50 km à l'ouest de Lyon et 30 km au nord de Saint-Etienne, dans une région rurale très agricole, assez vallonnée à 600 m d'altitude.

1. Chazelles-sur-Lyon, berceau de la chapellerie

La chapellerie est une tradition locale ancienne puisque les premières traces remontent au XVI e siècle. Ce fut l'un des centres français les plus importants dans le domaine de la production de chapeaux en feutre, fabriqués à partir de poils de lapins pour donner du feutre haut de gamme. Dans les années trente, on comptait localement 28 usines, 2 500 ouvriers sur une population d'environ 5 500 habitants. Cette monoactivité a fait de Chazelles une ville industrieuse à la campagne.

La grande crise est arrivée dans les années soixante-cinq, soixante-dix, avec un déclin des manufactures les plus importantes jusqu'en 1976 où la plus grande chapellerie a fermé ses portes. Il n'en subsistera plus qu'une jusqu'en 1997, ce qui a créé localement une crise économique et un traumatisme social assez important puisque tout le monde était chapelier de père et de grand-père en fils et en petit-fils.

2. La création du musée

Dans ce contexte, la réalisation du musée traduisait d'abord la volonté de conserver une identité locale très forte et un patrimoine assez important. Le projet est parti d'une association locale qui effectuait des recherches historiques et archéologiques et qui a donné naissance, quelques années plus tard, à une seconde association avec pour objet la création d'un musée en 1983.

A la base, c'est un musée très traditionnel contrôlé par le ministère de la Culture, installé dans un ancien site chapelier, une usine du début du siècle, avec à sa tête un conservateur assisté de deux personnes employées par la commune, l'animation étant toujours assurée par une association qui a constamment joué son rôle dans le développement de la structure.

Les collections concernent à la fois toute la partie technique de production avec le soufflage, le bastissage, les techniques de transformation des poils en feutre, puis du feutre en chapeau, ce qui requiert à peu près une douzaine d'opérations très spécifiques nécessitant un grand savoir-faire. Au départ, la collection mode était assez réduite, constituée de pièces trouvées localement, et progressivement, elle s'est développée pour devenir l'une des premières collections françaises comparable à celles qui sont présentées dans les musées parisiens.

En 1986, les élus et les membres de l'association ont pris conscience de la lourdeur du fonctionnement et de la difficulté de gérer cet établissement public. La gestion du musée a donc été confiée à l'association qui en était à l'origine, avec signature d'une convention pluriannuelle.

3. Le développement du musée

Ce sont essentiellement la volonté forte et la passion des bénévoles et des salariés de l'association qui ont conduit à mener différentes actions en dehors du cadre traditionnel des musées dont la vocation est la conservation du patrimoine, la recherche et la valorisation et la diffusion auprès du public.

La première action importante a touché au savoir-faire. Au-delà des collections de machines et de chapeaux finis, la demande des visiteurs était assez importante pour voir les étapes du process de fabrication. Dans le même temps, parmi les membres de l'association, des chapelières retraitées souhaitaient faire partager leur métier autrement que par des photographies et des vidéos.

Dans les années quatre-vingt-dix, des démonstrations avaient lieu deux fois par mois, ce qui était assez peu. Sous la pression du public et pour renouveler l'intérêt culturel et touristique du site, le musée a engagé un jeune chapelier qui a été formé en interne par des chapeliers qui avaient 30 ou 40 ans de métier. Les démonstrations sont maintenant assurées chaque jour toute l'année. Avec les 35 heures et les contraintes horaires, une seconde personne a reçu une formation pour assurer ces démonstrations en permanence. On procède à la mise en forme du feutre, étape qui s'opère à partir de vapeur sur des moules de bois.

Ces actions ont conduit à travailler sur un projet de boutique puisque, au départ, il y avait simplement un petit comptoir qui diffusait quelques cartes postales et quelques chapeaux miniatures. Pour satisfaire les attentes des visiteurs et pour aller dans le sens de l'autofinancement de la structure, a été lancée une production de chapeaux diffusée simplement à l'intérieur du musée. Sans faire de concurrence à des professionnels qui avaient déjà bien souffert ces dernières années, il était important que les visiteurs puissent repartir avec un produit lié aux traditions du territoire. Quand on voit faire et que l'on connaît les méthodes, le process de fabrication, le regard est totalement différent par rapport au prix de vente d'un chapeau qui peut valoir de 7,5 € à 120 € l'unité.

En termes d'animation, nous avons mis en place à partir de 1998 un centre de formation mode-chapellerie, déclaré à la Direction Régionale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelles, qui permet d'accueillir des stagiaires venant de France et de l'étranger. La proposition en termes d'offre de formation permanente pour adultes en mode chapellerie est très faible en France. Les stages accueillent des professionnels qui désirent se spécialiser sur certaines techniques ou des personnes qui souhaitent se reconvertir. Actuellement, ces stages représentent une quinzaine de sessions par an d'une durée de deux à sept jours. L'encadrement est assuré par des chapeliers retraités et un professeur de mode d'une école parisienne qui vient régulièrement, mais également par une artiste genevoise puisque dans le cadre des stages, outre le savoir technique, il y a une approche artistique pour favoriser la création.

La collaboration entre les acteurs locaux héritiers des techniques traditionnelles et les créateurs a permis des échanges professionnels assez riches.

4. Les retombées économiques

Le bon taux de fréquentation de l'établissement engendre un flux économique pour le petit commerce local. Bien que modestes, les retombées sont intéressantes à l'échelle de la collectivité puisque, en 2001, 56 stagiaires ont généré 206 nuitées sur le secteur. Une notoriété assez importante est obtenue pour le musée et pour la collectivité. Différentes publications nationales se font l'écho de l'expérience de Chazelles.

En France, l'appellation « musée » a une connotation assez négative, c'est pourquoi le musée a été rebaptisé Atelier-musée du chapeau . Tout en se tournant vers la création et la production, la vocation première essentielle est conservée. Le musée est un lieu de transmission de savoir-faire.

La seconde action a porté sur l'élargissement des publics. La préoccupation actuelle au plan touristique consiste à essayer d'adapter l'offre à la demande, et notamment de segmenter et d'évaluer les offres destinées à différents types de publics. L'accueil des personnes handicapées par exemple a surtout impliqué la formation des guides et des personnels du musée. Il a également fallu une adaptation importante aux publics scolaires à travers différents outils de médiation comme un jeu et des ateliers de feutrage.

5. Les partenaires

La mise en place de l' Atelier-musée du chapeau a nécessité un important travail en réseau avec les différents organismes (CDT, CRT et autres). Une action a été mise en place avec l'Office de Tourisme cantonal de Chazelles-sur-Lyon. D'autres partenaires comme des fermes découvertes et des ateliers artisanaux ouverts à ce type de tourisme pédagogique ont accepté de travailler sur la médiation. C'est-à-dire que leur premier savoir-faire est la production et non pas l'accueil du public, et ces gens ont accepté de suivre des formations pour acquérir une bonne qualité d'accueil.

En trois ans, les différentes prestations ont permis de générer plus de 15 000 € de chiffre d'affaires.

6. Quelques actions

Aujourd'hui, la fréquentation du musée avoisine les 22 000 entrées par an. En 1993, un hôtel-restaurant a été créé. Au niveau de la population de la commune, le musée a eu un impact psychologique bénéfique ; les habitants ont pris conscience qu'un public extérieur pouvait être intéressé par leur activité, par leur histoire, alors que la crise avait été tellement importante dans les années soixante-dix que même les petits-enfants en parlent encore comme d'une activité catastrophique alors qu'elle a été source de richesses très importantes pour la collectivité pendant des siècles.

La création d'un site Internet ( www.museeduchapeau.com ) a permis une ouverture assez large et une promotion des différentes activités de visite et de formation, ainsi que la mise à disposition d'informations pratiques pour faciliter la venue du public à Chazelles-sur-Lyon.

La dernière action a été la mise en place d'un concours international de créateurs de chapeaux pour s'ancrer dans le contemporain et montrer que l'accessoire chapeau qui a lui aussi une image pour le moins vieillotte, est quelque chose qui permet véritablement une expression artistique. Il s'agit d'un concours biennal lancé en 1995 avec une trentaine de participants au départ, 124 en 2001, 16 pays représentés, un soutien de la maison Hermès, de Lyonnaise de Banque et un prix de la SEMA. Le flux des concurrents et de l'ensemble de l'organisation génère environ une cinquantaine de nuitées sur la région.

7. Les projets

Les projets dans le sens de l'exploitation économique de ce patrimoine se poursuivent ; un programme européen devrait démarrer prochainement sur la transmission de savoir-faire avec la SEMA. On s'interroge également sur la structure associative, sur son adaptation aux impératifs notamment commerciaux, au champ de la concurrence, sur le degré de renouvellement des produits - transmettre des savoir-faire à travers des formations, c'est bien, avoir également une gamme de produits serait quelque chose d'intéressant - et la capacité à multiplier encore la création de richesses localement.

Pour conclure, l'évolution du musée en atelier-musée est tout à fait atypique dans le monde des musées français. Sans être généralisable, cela semble être une voie de développement intéressant pour lier à la fois patrimoine et économie, et apporter un mode de structuration intelligent et intelligible de micro territoires.

*

Ces témoignages montrent qu'il n'y a pas de hasard, il n'y a pas de fatalité, il y a une construction d'un projet qui réussit s'il n'est pas solitaire et s'il reçoit également des soutiens extérieurs. Philippe Chain a également retenu qu'il fallait adapter l'offre par rapport à une demande, qu'une évolution était envisagée on voit poindre par ailleurs l'impact de l'Europe puisque l' Atelier-musée du chapeau bénéficiera également d'un programme européen.

DÉBAT AVEC LA SALLE

Marie-Hélène Devillard a émis un souhait quant aux dates des Journées Métiers d'art, aussi M. le Sénateur Joly profite de cette opportunité pour demander aux participants s'il faut faire un troisième colloque, quand et où.

M. Pierre Chevalier répond que ce colloque, s'il doit se pérenniser, ne peut se dérouler qu'au Sénat. Reste à préciser le thème : il souligne qu'ila beaucoup été question de formation ce matin. M. Chevalier propose donc au sénateur Joly d'envisager un troisième colloque au Sénat, en octobre 2003 et précise que la SEMA , pour sa part, organisera d'autres colloques, mais pas uniquement à Paris, sur le développement local.

La SEMA avait proposé que l'étude d'opportunité sur le développement des routes et itinéraires métiers d'art, réalisée sous la maîtrise d'ouvrage de l'AFIT 12 ( * ) et cofinancée par la Direction du Tourisme et la Direction des Entreprises commerciales, artisanales et de services, soit présentée aujourd'hui. Cette étude n'étant pas terminée, notamment dans sa partie prospective qui paraît la plus intéressante, Mme Landais a considéré qu'une présentation aurait été prématurée, d'autant qu'elle n'est pas validée.

Toutefois, pour en parler rapidement, Mme Landais indique que l'analyse de l'existant est faite et bien faite. Environ 30 routes, dont 16 routes spécifiquement métiers d'art, ont été analysées de manière précise. Une enquête a été menée auprès des professionnels, tant métiers d'art que professionnels du tourisme, collectivités, etc.

En ce qui concerne les résultats, il n'y aura pas de données sur les chiffres d'affaires, ni sur les retombées économiques ; en revanche, on peut dire que les retombées sont positives pour les professionnels métiers d'art en termes de notoriété, de travail en réseau ou de rapprochement avec d'autres professionnels. Sans doute n'y aura-t-il pas de réponse sur l'opportunité de développer les routes métiers d'art, mais Mme Landais indique qu'en revanche il y aura des facteurs-clés de succès, notamment : avoir une véritable stratégie (quels objectifs, quels publics, quels moyens, quels partenaires, quels marchés sont visés, quels moyens humains, quels moyens financiers ?) et associer les professionnels (les routes qui marchent le mieux sont celles qui sont portées par les professionnels, viennent d'une initiative des professionnels, ou dans lesquelles les professionnels se sont beaucoup impliqués). Les autres facteurs de succès : s'associer à d'autres réseaux ; superposer les réseaux, c'est-à-dire associer musée et métiers d'art ou gastronomie et métiers d'art pour regrouper les moyens, prévoir une animation (un chef de projet ou un animateur) ; développer un dispositif de connaissances et de suivi de la demande avec la mise en place d'indicateurs sur la fréquentation, l'impact économique, l'image, etc. ; organiser éventuellement une formation à l'accueil.

L'étude est intéressante et riche d'informations, c'est pourquoi Mme LANDAIS pense qu'elle pourrait donner lieu à une présentation suivie d'un débat qui pourrait être l'un thème du prochain colloque ou d'une demi-journée de ce colloque.

En ce qui concerne l'expérience de A table ! M. Philippe Beltrando aimerait avoir quelques précisions sur le statut juridique.

Mme Sophie Lossky-Aïchelé indique que A table ! est géré par une association loi 1901 qui assure la promotion et la communication. C'est un réseau de professionnels qui sont tous représentés au travers de A table ! Il n'y a pas de coopérative, mais cela pourrait effectivement évoluer vers ce type de structure. La réponse produit n'est pas encore en place, aussi, pour l'instant, l'association loi 1901 suffit totalement.

*

Mme Sophie Toti - Déléguée SEMA du Val-de-Marne - attire l'attention sur le fait que l'on a parlé des « artisans d'art », or « artisan » est une qualification, aussi il faudrait dire « Métiers d'art », ce qui permet d'intégrer les professions libérales et les artistes libres qui exercent également leur profession dans les métiers d'art. Ceci soulève la question du statut d'une partie des métiers d'art puisque, d'après l'administration fiscale, une partie des artisans métiers d'art (restaurateurs, conservateurs) va passer du régime BIC au régime BNC. Ces artisans métiers d'art vont sans doute partir des Chambres de métiers ( cf. note du ministère des Finances ) sous prétexte d'excellence . Aujourd'hui, il est question de l'excellence des artisans, des métiers d'art, or il faut reconnaître que si tous les artisans ont une excellence, ils peuvent rester dans les Chambres de métiers.

Mme Marie-Hélène Devillard indique que ce sont les professionnels des métiers d'art de son département qui ont souhaité que les manifestations soient présentées sous le terme « d'artisanat d'art », pour évoquer la genèse même de leur savoir-faire, et c'était entre autres en ouvrant leurs ateliers, qu'ils se considéraient comme de véritables artisans faisant partie de cette grande corporation des métiers d'art.

*

M. Hervé Lasseron - Artisan cuisinier - qui a le projet d'animer, avec un ami lithographe graveur, un restaurant exposition en Bourgogne pour s'inscrire dans un patrimoine culturel extrêmement fort, a entendu que « le chef gastronomique est un artisan d'art ».

Pour M. Lasseron , artisan d'art est un peu la consécration du métier artisanal. Un seul savoir-faire répété tous les jours permet d'avoir de la matière, donc de dégager une sensibilité extrême. Il faut absolument dissocier les deux choses, ce sont deux métiers complémentaires et valorisant l'un pour l'autre dans tous les sens.

*

* *

LE RÔLE DES AGENTS DE LA CHAMBRE DE MÉTIERS DANS LA VALORISATION TOURISTIQUE
DES MÉTIERS D'ART

Alexis GOVCIYAN, Directeur de l'Institut Supérieur des Métiers

La valorisation touristique de l'artisanat est un domaine d'intervention croissant des Chambres de métiers, notamment en milieu rural. Les Chambres de métiers sont en effet de plus en plus souvent interpellées par les élus locaux ou par les collectivités pour développer des projets dans ce domaine. Projets souvent à la croisée des thématiques patrimoine, tourisme, culture, comme l'ont montré les témoignages précédents.

L'activité touristique constitue un support aux activités traditionnelles des entreprises artisanales, domaine très vaste qui comprend entre autres la restauration, le commerce alimentaire, les métiers de bouche, les stations services, les garages et, bien sûr, les métiers d'art.

I. LES FONDEMENTS DE L'INTERVENTION DES CHAMBRES DE MÉTIERS

Les Chambres de métiers constituent un relais institutionnel, essentiel pour les professionnels des métiers d'art. Elles sont positionnées dans les différentes instances territoriales et, à ce titre, régulièrement consultées et informées. Ce sont donc les partenaires privilégiés des responsables des métiers d'art.

Les Chambres de métiers sont ainsi en capacité de défendre et de relayer si besoin les projets métiers d'art auprès des représentants institutionnels et des élus locaux. Elles ouvrent des portes, en tous les cas, elles sont censées ouvrir des portes, et jouent un rôle de médiation essentiel pour des professionnels souvent peu organisés et peu structurés. A ce titre, il faut citer le fait que les représentants des métiers d'art qui siègent dans les Conseils de développement de pays, dans les nouvelles instances territoriales, sont invités non pas en raison de leur professionnalisme ou de leur profession, mais parce qu'ils sont des élus des Chambres de métiers et qu'ils ont un mandat consulaire.

Les Chambres de métiers représentant également une base logistique pour la mise en oeuvre de projets que les métiers d'art peuvent avoir à mettre en place. Monter un projet suppose un investissement en temps très lourd pour un professionnel et requiert des compétences spécifiques par ailleurs largement présentes dans les compagnies consulaires.

Enfin, les Chambres de métiers détiennent une compétence en matière d'accompagnement individuel et collectif des entreprises, une expertise clé pour la réussite de tout projet de développement lié aux métiers d'art. En effet, il ne faut jamais perdre de vue que les métiers d'art, à part la beauté et l'importance de la créativité, sont avant tout incarnés par des entreprises soumises aux contraintes économiques classiques, donc il y a un enjeu économique majeur de développement.

L'expérience montre que les entreprises doivent être impérativement préparées aux retombées de tout projet de développement local. Une entreprise insérée dans une route touristique et qui ne se sera pas préparée à l'accueil de touristes peut ainsi être mise en péril par un projet de développement local.

Pourtant, les élus locaux ont tendance à éluder cette dimension économique de l'entreprise de métier d'art, et on pense, à l'Institut Supérieur des Métiers, que s'ils ont cette attitude, c'est peut-être parce qu'ils ne connaissent pas bien la portée économique des entreprises. Il est donc important d'être vigilant et de les sensibiliser à ce sujet.

II. PRINCIPALES LOGIQUES ET TYPES D'INTERVENTION DES CHAMBRES DE MÉTIERS DANS CE DOMAINE

Les Chambres de métiers ont des logiques d'interventions sur le terrain parce que ce sont des établissements publics de proximité. Les enquêtes conduites les années passées par l'Assemblée permanente des Chambres de métiers montrent que les interventions des compagnies, en matière de valorisation touristique des métiers d'art, s'inscrivent dans trois stratégies différentes qui peuvent être concomitantes :

- l'adaptation des produits locaux qui, souvent, s'organise autour d'une marque collective de promotion territoriale ; les Chambres de métiers sont à l'initiative de ce genre de stratégie. C'est le cas, par exemple, de la marque Pays Cathare ou du concours de l'objet touristique de la région Centre. Ainsi, les efforts d'adaptation des produits demandés aux professionnels sont souvent importants et consignés dans un cahier des charges ;

- le renforcement de la relation commerciale . Il s'agit de valoriser subjectivement les produits par l'attention portée aux clients touristes : explicitation du produit dans son histoire, son matériau, son environnement, etc. Les routes touristiques, en mettant en exergue les artisans remarquables, s'inscrivent également dans cette stratégie ;

- la mise en scène de l'acte de production et de création . Cette stratégie vise à valoriser et à communiquer sur les métiers et sa limite porte sur les risques de moindre gratification matérielle des artisans. Ces interventions s'inscrivent majoritairement dans les thèmes cités au cours de cette journée.

Si l'on fait référence à une base de données élaborée récemment par l'ensemble des permanents des Chambres de métiers, à partir des témoignages de 29 Chambres consulaires, on constate qu'il y a des actions transversales :

- les actions sur les filières liées à des savoir-faire anciens ou traditionnels (la plupart des Chambres de métiers ont ce type d'action) ;

- les actions de communication et de promotion commerciale des métiers d'art (routes, guides, expositions ventes, salon, etc.) ;

- la remise en valeur des techniques anciennes dans le bâti, les pôles d'économie du patrimoine, la participation à des salons ou foires du patrimoine, les routes ou les fêtes des métiers.

III. LE RÔLE DES AGENTS CONSULAIRES

Quels sont les facteurs de succès des projets ? Même si c'est une évidence, il faut là aussi le redire, la première clé du succès réside dans la bonne gestion du partenariat entre les professionnels des métiers d'art et les agents de Chambres de métiers. Cela passe souvent par l'établissement d'une bonne relation en binôme entre le professionnel et le technicien.

Dans ce cadre, le rôle du technicien qu'est l'agent de développement économique sera de piloter techniquement les projets en respectant les critères traditionnels requis ; la liste ayant été établie dans le cadre de séminaires interrégionaux organisés en 2002 par la SEMA avec le concours de la DATAR et de l'Institut Supérieur des Métiers.

A la suite de ces séminaires interrégionaux, un cahier des charges a été établi. Il établit les commandements de ce que doit faire un chef de projet :

1. Construire un projet en fonction d'un besoin territorial identifié . Il faut qu'il y ait une opportunité territoriale à un projet territorial. Autrement dit, l'agent consulaire doit réaliser un véritable travail d'ingénierie de projet et non plus un travail de montage de projet. Les financeurs et les partenaires publics s'accordent en général sur le fait qu'un bon projet trouvera toujours un soutien institutionnel et politique, et donc un financement.

2. Faire attention aux effets de mode et aux projets clé en main . Il faut faire attention aux effets de mode et à la tentation de reproduire dans des contextes territoriaux forcément distincts des projets identiques. Un projet de développement local doit respecter l'image, les racines, les pratiques du territoire, et correspondre à ses caractéristiques économiques . Attention donc à ne pas accepter de la part de cabinets de consultants des projets photocopiés.

3. Tenir compte des résultats des actions antérieures et bien diagnostiquer les besoins . Tout projet doit s'appuyer sur les actions de développement économique conduites antérieurement de façon à mieux prendre en compte et à intégrer les bonnes pratiques, et surtout à ne pas répéter les mêmes erreurs. Il est par ailleurs important, à travers le projet, de traiter l'origine des problèmes et non pas les symptômes. Les agents consulaires doivent donc consacrer le temps nécessaire à l'analyse des besoins territoriaux.

4. Fédérer les professionnels autour du projet et relayer le projet auprès des décideurs locaux et de la population . Pour voir le jour, tout projet de développement local doit d'abord faire l'objet d'un consensus auprès des professionnels concernés. Le projet doit également être soutenu par un élu ou un représentant institutionnel local, ainsi que plus globalement par la population du territoire, donc l'agent a un travail très important à réaliser.

5. Conjuguer logique d'entreprise et intérêt public . Un projet de développement local doit contribuer à l'intérêt général du territoire et il se distingue en cela du projet d'entreprise, même si l'un et l'autre sont en interaction étroite. Il est donc important d'essayer de sortir d'une logique purement sectorielle. Cette contribution au développement global du territoire peut notamment se caractériser par la création ou le maintien de l'emploi, des services à la population, par la valorisation patrimoniale, culturelle et touristique des territoires, par le renforcement des compétences sur les territoires, et enfin par le renforcement de l'image et de la communication territoriale.

6. Ancrer les projets dans la durée . Pour produire un effet structurant sur le territoire, un projet doit s'inscrire dans la durée. Par ailleurs, il faut veiller à gérer cette durée en rythmant la réalisation du projet d'objectifs à court, moyen et long terme. En effet, des objectifs fixés exclusivement à long terme enlisent la dynamique de projet.

7 . Prévoir un dispositif de suivi et d'évaluation dès la phase amont du projet . Les indicateurs de résultats qui permettent un bon suivi et une bonne évaluation des projets sont très souvent qualitatifs plus que quantitatifs. Il faut donc bien prévoir l'ensemble des paramètres dès la phase de lancement du projet afin d'être en mesure d'assurer une bonne cohérence de ce qui est prévu et de ce qui est ou de ce qui sera réalisé.

*

* *

CONCLUSION

M. Pierre CHEVALIER, Président de la SEMA

Avant de conclure cette journée, M. Pierre Chevalier remercie sincèrement le Sénateur Bernard Joly pour son accueil, mais aussi pour avoir demandé le soutien effectif de la SEMA en faveur de l'organisation de ce colloque car il est important pour les métiers d'art que les sénateurs puissent connaître toute la problématique du secteur.

Situés au point de rencontre des sphères économiques et culturelles, les métiers d'art ouvrent de réelles perspectives pour la dynamisation des quartiers, communes ou territoires. Ils apparaissent de plus en plus liés aux dynamiques touristiques.

En effet, présents partout en France, en milieu rural comme en milieu urbain, les métiers d'art peuvent constituer des points d'appui pour le développement de politiques d'aménagement du territoire, notamment en lien avec le tourisme culturel et le tourisme de découverte économique qui sont actuellement en plein essor.

Les témoignages de ce colloque nous ouvrent des voies nouvelles. Tous les intervenants ont témoigné de l'existence de potentialités économiques au point de croisement du tourisme et des métiers d'art. Ces deux secteurs apparaissent plus que jamais constituer de véritables facteurs de développement local, surtout lorsque des initiatives associent étroitement des acteurs qui n'ont pas encore l'habitude de travailler ensemble, comme les offices de tourisme, professionnels des métiers d'art, professionnels des métiers de bouche, collectivités locales, etc., et qu'elles permettent de faire converger des préoccupations qui pouvaient paraître antinomiques au premier abord.

A travers la valorisation des métiers d'art, on diversifie l'offre touristique, on contribue à l'attractivité et à l'aménagement des territoires. Les professionnels des métiers d'art se doivent d'être solidaires de ces préoccupations générales de développement de leur commune ou de leur pays. Mais, bien évidemment, ils en attendent en juste retour un essor de leur entreprise. Ils ne sauraient se satisfaire d'être des faire-valoir touristiques. Ils sont des professionnels avec des savoir-faire visant à l'excellence. Leurs métiers, parce qu'ils sont beaux et nobles, contribuent à valoriser l'image des lieux où ils s'exercent. Les responsables élus et les acteurs du tourisme doivent donc bien comprendre que les professionnels des métiers d'art ont, eux aussi, des préoccupations et des attentes. Il convient donc que chacun, professionnel du tourisme et artisan d'art, comprenne mieux les besoins et motivations de l'autre. Dès lors, des partenariats solides où tout le monde gagnera sont possibles.

Le constat en a été fait aujourd'hui et, encore une fois, M. Pierre Chevalier remercie le Sénateur Joly qui est l'instigateur de ces Journées.

Bien évidemment, cela passera par le renouvellement de ce genre de journée, et surtout la large diffusion de tous les exemples afin que, sur la base de discussions et de partenariats locaux, les bonnes pratiques révélées par ce colloque se répandent là où il est pertinent qu'elles se reproduisent.

La SEMA entend contribuer pleinement à cette diffusion.

D'ailleurs, un travail en profondeur sur le thème de l'aménagement du territoire conduit tout au long de cette année avec ses délégués et les Chambres de métiers, en partenariat avec la DATAR et l'Institut Supérieur des Métiers, a permis de prendre conscience que les métiers d'art ne peuvent bénéficier d'une réelle attention de la part des acteurs politiques des futurs pays et agglomérations que s'ils mettent en avant des liens qui les unissent au patrimoine, à l'identité de leur territoire, ou mieux encore, s'ils participent dans ce territoire à la valorisation du patrimoine et au développement d'un tourisme culturel.

Certes, tous les professionnels des métiers d'art ne peuvent attendre du tourisme une augmentation directe de leur chiffre d'affaires. Cependant, nous avons eu aujourd'hui la confirmation, à travers plusieurs témoignages, que le tourisme offre des opportunités commerciales plus ou moins immédiates pour certains métiers.

Alors que beaucoup de professionnels recherchent des marchés loin de leurs ateliers, il faut les persuader que des clients éloignés, à l'occasion de leur séjour touristique, sont appelés à se déplacer près de leur atelier. En partenariat avec les acteurs locaux du tourisme, nombre d'artisans peuvent avoir alors un réel intérêt à faire venir jusqu'à eux ces clientèles. Moyennant, bien évidemment, une réflexion sur l'accueil et une adaptation de leur fonctionnement, de leur comportement et de leur gamme de produits, des marchés et des débouchés nouveaux sont là, à portée de main. La demande existe, pourquoi ne pas y répondre par une offre mieux adaptée ?

M. Pierre Chevalier rappelle les propos de M. Philippe Moisset, ancien directeur de l'AFIT, qui, à l'occasion du premier colloque en 2001, plaçait au premier rang des grandes tendances du comportement touristique des préoccupations qui ne peuvent être étrangères au secteur des métiers d'art. M. Moisset soulignait en effet que les touristes souhaitent, à l'occasion de leur séjour :

1) Découvrir des savoir-faire et des pratiques inconnues ;

2) Etre rassurés, avoir des garanties sur la vérité du produit (ce qui rejoint le problème de la traçabilité pour les produits de bouche) ;

3) Etre traités comme des personnes et non pas comme un segment de marché ou des consommateurs types.

Les professionnels des métiers d'art peuvent répondre à ces aspirations en jouant sur l'aspect unique, personnalisé de l'achat, en fabriquant sur mesure, en insistant sur l'unicité de la démarche, sur sa rareté. Et puis il faut aussi qu'ils fournissent le discours qui permettra à l'acheteur de parler de l'objet à son entourage une fois rentré à son domicile.

Face à ces enjeux, conformément à son rôle et à ses missions, la SEMA souhaite apporter un soutien actif à l'émergence et à l'expansion des initiatives locales et régionales de rapprochement entre les secteurs du tourisme et des métiers d'art.

A travers son service Action territoriale et développement local, et grâce à l'appui très important de la DECAS 13 ( * ) , elle peut accompagner par une aide ou un conseil les porteurs de projets. Avec son magazine ou son site Internet, elle peut contribuer à promouvoir les démarches exemplaires.

Le tourisme ouvre et ouvrira encore dans un futur proche d'autres pistes à peine effleurées aujourd'hui. En particulier, l'étude en cours sur les routes et itinéraires métiers d'art conduite dans le cadre du partenariat entre le secrétariat d'Etat au Tourisme et le secrétariat d'Etat aux PME, au Commerce, à l'Artisanat et aux professions libérales apportera dans les prochains mois de précieuses informations qui pourront alimenter d'autres communications.

En outre, M. Pierre Chevalier , à quelques heures des premières Journées des métiers d'art, voudrait dire qu'au-delà des préoccupations purement commerciales, tous ceux qui ouvrent leurs ateliers au public, même ponctuellement, oeuvrent à la sensibilisation et à la promotion de l'ensemble de leur secteur. Il ne faut pas oublier que la méconnaissance des métiers d'art par le grand public contraint leur développement économique car l'offre crée bien évidemment la demande. Si les métiers d'art ne s'associent pas aux efforts de valorisation de l'offre, comment espérer un accroissement de la demande ?

Pour conclure, M. Chevalier rappelle qu'un rapport d'octobre 2000 du Conseil national du tourisme sur le tourisme de découverte économique montrait que l'industrie et l'agroalimentaire ont compris ce qu'ils pouvaient attendre de la valorisation touristique de leur activité.

Il propose donc à l'assemblée que les métiers d'art, par les valeurs dont ils sont porteurs, par leur rôle de vitrine pour l'ensemble des métiers de l'artisanat, deviennent également des acteurs efficaces du développement touristique.

*

TOURISME ET METIERS D'ART

Il y a deux ans lors du premier colloque « Tourisme et Métiers d'art », le sénateur Bernard Joly qui en était l'initiateur, avait formulé deux propositions : l'institution de Journées des métiers d'art dans toute la France et « une route française des Métiers d'art ».

Relayé par le secrétariat d'Etat aux PME, au Commerce et à l'Artisanat, aux Professions libérales et à la Consommation le premier projet est devenu réalité le 29 novembre 2002. Le second chemine notamment par la valorisation mutuelle de l'activité touristique et des métiers d'art conjuguant la mise en réseau des partenaires, l'élaboration de circuits touristiques de lieux et sites incluant l'expression artistique traditionnelle ou novatrice.

La troisième édition de la manifestation, plus particulièrement axée sur la formation, devrait être précédée, toujours sur une idée originale du sénateur Joly, par une opération « 1.000 artisans dans les jardins du Palais du Luxembourg », exposition s'inscrivant dans la dimension culturelle affirmée par la Haute Assemblée.

* 1 Agence Nationale de Valorisation de la Recherche.

* 2 Fonds d'intervention pour la sauvegarde du commerce et de l'artisanat.

* 3 Sculpteur anonyme du XII e siècle qui a travaillé en Catalogne, en Languedoc-Roussillon et en Toscane.

* 4 Sculpteur et théoricien français du XVIII e siècle.

* 5 Centre Français du Commerce Extérieur

* 6 Petite assiette décorée au clou sur engobe façon XVI e s.

* 7 Programmes d'Actions Régionales pour le Développement International.

* 8 Très petits ateliers

* 9 Très petites entreprises

* 10 Fonds régional d'intervention locale pour l'emploi

* 11 Projet Artistique et Culturel

* 12 Agence Française d'Ingénierie Touristique

* 13 Direction des Entreprises commerciales, artisanales et de services

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