C. LES EFFETS DE L'AUGMENTATION DES COÛTS SALARIAUX SUR LE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ DU TRAVAIL
Les excès salariaux observés dans le secteur doivent être pris en considération.
Ils se traduisent par une tendance au creusement des déséquilibres, qui est aujourd'hui mal maîtrisée par des expédients peu satisfaisants.
1. Le développement des phénomènes d'externalisation de la main-d'oeuvre
Favorisée par le gonflement des ressources financières des clubs, ainsi que par des situations d'aléa moral - sur lesquelles on reviendra - la dynamique des coûts de nombreux clubs a atteint un rythme élevé qui conduit à s'interroger sur sa viabilité .
Le développement des prêts de joueurs, parade à l'excès des coûts salariaux et moyen d'éviter la survenance de moins-values susceptibles de déséquilibrer profondément les bilans, semble à votre rapporteur représenter une sorte d'anomalie juridique , du moins en France où le prêt de main-d'oeuvre est généralement prohibé. Une adaptation de la législation serait ainsi justifiée afin de sécuriser une pratique légitime ou d'en prévenir les abus.
Le besoin d'encadrement des conditions d'emploi dans le football professionnel est encore attesté par l'existence de pratiques, qui semblent se répandre, au terme desquelles les relations salariales entre les joueurs et les clubs pour lesquels ils évoluent tendraient à s'effacer au profit du développement de sortes de « centres de main-d'oeuvre » mettant à disposition des clubs les joueurs liés à ces centres par contrat. Sans que votre rapporteur puisse mentionner de cas précis d'occurrence de tels montages, il peut, d'une part, indiquer l'existence, sur ce point, de témoignages concordants et évoquer les perspectives inquiétantes associées à un tel processus. Un dumping social pourrait se produire dans l'hypothèse où les « centres de footballeurs » se localiseraient dans des pays sans législation protectrice avec des effets redoutables, sur les joueurs, sur la loyauté de la concurrence entre les clubs, et, in fine , sur la valeur identitaire du football.
2. Le chômage dans le football professionnel
L'augmentation de la masse salariale des clubs s'explique en effet davantage par une croissance des salaires par tête que par une augmentation des emplois.
Contrairement au marché du travail classique, l'offre d'emplois est, dans le football, relativement rigide . Le nombre de clubs de divisions 1 et 2 est limité, ainsi, qu'il y a peu encore, celui des contrats par équipe. Une libéralisation est intervenue sur ce point, mais les capacités de gestion d'un effectif professionnel très étoffé sont faibles et les effectifs par club restent naturellement réduits. L'appel croissant aux centres de formation permet d'élever le nombre de stagiaires pour faire jouer la concurrence et de baisser les coûts salariaux des emplois secondarisés 25 ( * ) . Mais cette politique a ses limites (la nécessité de limiter les inégalités entre joueurs effectivement engagés dans l'équipe) et de sérieux revers. Selon le syndicat des joueurs (l'UNFP), sur 10 apprentis entrés en formation , 1 devient professionnel en division 1 et un autre en division 2 , soit un très faible pourcentage de réussite (20 %). L'augmentation du salaire par tête exerce ainsi un effet d'éviction sur l'emploi .
Très circonscrit jusqu'aux années 80 (16 en 1988), le chômage touchait en 1996 de 100 à 120 joueurs, soit un taux de 11 %. Ce taux déjà élevé n'est, de plus, pas pleinement significatif. Au-delà des footballeurs qui, faute d'obtenir un contrat, s'inscrivent à l'ANPE, un chômage déguisé sous forme de déqualification se développe. Il s'agit des joueurs qui sont contraints de quitter le plus haut niveau pour des compétitions inférieures. Ils occupent alors des postes où leur productivité est inférieure à ce qu'elle était dans les emplois antérieurs. Ces sorties prématurées sont accélérées par le recours croissant aux jeunes peu payés. Les défenseurs et les joueurs âgés sont les plus exposés. Enfin, il faut prendre en compte les joueurs qui, soit arrêtent leur carrière, soit n'y ont jamais accès, catégorie qui regroupe les nombreux joueurs sans emploi à l'issue de leur période de formation.
* 25 Il y a environ 800 joueurs professionnels et 800 apprentis, aspirants et stagiaires dans une quarantaine de centres de formation.