(4) Maintenir une protection douanière
Il serait paradoxal que les biocarburants, soumis en France aux dispositions du code des douanes (cf. infra ), ne bénéficient pas, vis-à-vis de l'extérieur, d'une protection douanière.
Comme le souligne le Conseil économique et social, le maintien d'une protection suffisante du marché européen contre des importations à très bas prix est une condition impérative du développement des filières de biocarburants .
Le Conseil économique et social préconise, au minimum, le maintien durant les dix prochaines années du niveau actuel de protection ; au mieux, une modification du code douanier de l'Union européenne tendant à taxer au taux de l'alcool non dénaturé (plus élevé que celui applicable à l'alcool dénaturé 79 ( * ) les importations d'éthanol.
Il importe aussi, pour éviter un afflux déstabilisant de produits du sud, de situer l'obligation d'incorporation à un niveau compatible avec celui de nos capacités de production (cf. supra ) ; et d'utiliser éventuellement des instruments autres que fiscaux (primes aux agriculteurs, subventions d'investissement) privilégiant l'aide à ce qui n'est pas délocalisable : les champs et les usines.
(5) Libéraliser le soutien à la filière
Dans son rapport de l'an dernier sur l'évolution des prélèvements obligatoires, votre rapporteur général jugeait « sur administré » le système d'aides fiscales aux biocarburants.
Une « libéralisation » de celui-ci doit conduire à remettre en cause ses dispositions relatives à l'agrément des unités de fabrication et au contingentement de leur production ; au régime douanier qui leur est applicable ; aux conditions d'octroi des réductions de taxes.
- Sur le premier point, votre rapporteur général a déjà indiqué qu'il était partisan, à tous le moins, d'une suppression des quotas actuels et d'un assouplissement des modalités d'agrément des unités de production.
Il rejoint, en cela, les préoccupations exprimées par notre collègue député Alain Marleix, dans son rapport précité, qui signale que les raffineurs désireraient que des autorisations puissent leur être accordées en une seule fois, pour l'implantation de plusieurs complexes agro-industriels.
Sa préférence va à un système d'incorporation obligatoire, dont les pouvoirs publics veilleraient à l'exécution des objectifs, négociés par les professionnels concernés.
Plus tard, pourrait être envisagée l'instauration d'un mécanisme de certificats verts, inspiré de celui expérimenté avec succès au Royaume-Uni et aux Pays-Bas pour la production d'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables.
Dans un tel système, la production, totalement libre, d'une certaine quantité de biocarburants serait associée à la création d'un certificat que les producteurs pourraient négocier sur un marché libre. Les distributeurs, à l'issue d'une période de référence, devraient justifier d'un montant de certificats verts correspondant à l'obligation d'incorporation fixée.
- Est-il possible d'affranchir la filière des biocarburants des sujétions douanières auxquelles sont soumis les produits pétroliers ?
Une telle hypothèse mériterait en tout cas réflexion.
A priori , un système d'incorporation obligatoire, avec défiscalisation totale ou partielle, entraîne des risques de fraudes consistant à travestir des produits pétroliers en biocarburants pour faire bénéficier les premiers de l'exonération auxquels ont droit les seconds, tous en prétendant avoir satisfait aux obligations de mélange des deux.
Toutefois, une telle opération n'a pas d'intérêt si le prix, toutes taxes comprises, des deux catégories de produits est identique et que les biocarburants sont facilement disponibles, en quantité suffisante, pour permettre aux distributeurs de se conformer aux normes d'incorporation.
En tout état de cause, il semble que le contrôle doive s'exercer en priorité, en aval, au stade du mélange qui précède la distribution. Ce sont principalement les pétroliers, ou les distributeurs indépendants, qui devraient en faire l'objet.
L'Assemblée nationale a prévu, en outre, des sanctions à leur encontre, en cas de manquement à leurs obligations, sous forme d'une majoration d'impôt sur les sociétés.
Les dispositifs douaniers en vigueur paraissent, à ce stade, suffisants.
Pourquoi appliquer, en amont, le code des douanes à la fabrication ou à la détention des produits destinés à être mélangés aux essences et au gazole ?
- Concernant la taxation des biocarburants, le Conseil économique et social a déclaré, dans son avis précité qu' « il serait très fâcheux, qu'au nom du principe de subsidiarité, la France, lorsqu'elle transposera la directive concernée, en rende l'application complexe et incertaine pour les opérateurs ».
Le Conseil économique et social estime qu' « une exonération totale des biocarburants simplifierait considérablement la gestion de l'aide fiscale ainsi accordée ».
S'agissant de la « surcompensation » qui pourrait en résulter, il constate que le texte de la directive « taxation » précitée, dont l'esprit tend à laisser aux Etats-membres l'initiative la plus large, ne définit pas, de façon précise, les éléments à prendre en compte et les procédures à suivre.
Rien ne s'opposerait donc -selon lui- à ce que la France suive l'exemple de l'Allemagne, de l'Espagne et de la Suède. Il conviendrait cependant, comme l'a rappelé votre rapporteur général, de se prémunir par une protection douanière appropriée contre des importations à bas prix en provenance d'états extérieurs à l'Union européenne.
Au cas où la France entende continuer à garantir l'absence de surcompensation de l'écart entre les coûts des carburants végétaux et fossiles, il serait opportun de confier la mesure de ce différentiel à une autorité indépendante, par exemple la CRE (commission de régulation de l'énergie).
En résumé, il convient de favoriser l'essor des biocarburants à la fois par des aides et des protections particulières, par un effort programmé sur le long terme, et par l'appel au dynamisme des mécanismes de marché.
* 79 La dénaturation consiste en l'adjonction à l'alcool, pour bénéficier d'une fiscalité plus favorable, de produits tendant à le rendre impropre à certains usage « nobles » (alcool de bouche) et aptes à d'autres utilisations (cosmétiques).