IV. L'ACTION ÉDUCATIVE
Comme l'a rappelé M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie au cours de sa communication en Conseil des ministres du 3 novembre dernier, l'action éducative est une dimension essentielle de notre action culturelle à l'étranger. Elle permet en effet, non seulement d'offrir aux enfants de nos concitoyens expatriés un enseignement de qualité, mais aussi et surtout de tisser des liens indéfectibles avec des élèves et des étudiants étrangers « élevés » au contact de la culture française. Elément essentiel de notre rayonnement culturel, le réseau joue aussi un rôle économique non négligeable puisqu'il constitue souvent le préalable à l'expatriation des familles françaises.
Compte tenu de l'étendue de notre réseau et de sa qualité, votre rapporteur constate avec satisfaction « l'engouement » que ce dernier a suscité au cours des mois écoulés. En effet, pas moins de trois rapports ont été réalisés à son sujet : « L'enseignement français à l'étranger : le rôle de l'AEFE » dans le rapport public 2003 de la Cour des Comptes, « Quel avenir pour l'enseignement français à l'étranger ? » par Bernard Cariot pour le Conseil économique et social et enfin « Financements de l'enseignement français à l'étranger, réagir et s'unir pour un nouvel élan » réalisé par M. André Ferrand à la demande du Premier ministre.
Votre rapporteur s'est inspiré de ces travaux pour rédiger ses conclusions. Il ne s'agit ni de les critiquer ni de les paraphraser mais seulement, après avoir effectué un rapide état des lieux du réseau et du personnel, de proposer d'autres pistes de réflexion concernant un dispositif remarquable mais malheureusement sous-utilisé.
A. UN RÉSEAU DIVERSIFIÉ
Si les autres domaines de l'action culturelle (audiovisuel, culture stricto sensu ) se caractérisent par une multiplicité d'opérateurs, le réseau d'enseignement français à l'étranger est marqué quant à lui par la diversité des établissements rencontrés. Il compte en effet trois catégories d'établissements scolaires : les établissements en gestion directe, les établissements conventionnés et les établissements homologués.
Cohabitent ainsi à l'étranger au sein d'un réseau très étendu, des établissements relevant directement du secteur public et soumis à la tutelle de l'Etat et, en l'espèce majoritairement, des établissements privés avec lesquels les pouvoirs publics entretiennent des relations qui n'en comportent pas moins des engagements réciproques.
1. Trois catégories d'établissements
A ce jour, le réseau comprend près de 410 établissements répartis dans trois catégories différentes et dans 128 pays du monde.
Le réseau comprend d'abord 74 établissements en gestion directe, placés sous la tutelle de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Leur mode de gestion est équivalent à celui des établissements scolaires publics français à une exception près : ils sont payants.
Ces établissements perçoivent des subventions versées par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger qui assure également la rémunération des personnels titulaires grâce, d'une part, à la subvention qui lui est allouée par l'Etat français, et d'autre part aux remontées que les établissements effectuent d'une partie des droits de scolarité demandés aux familles, droits de scolarité qui constituent une part non négligeable de leurs ressources.
Le réseau compte également 195 établissements conventionnés, gérés par des associations de droit local. Celles-ci ont choisi de passer avec l'Agence un accord portant sur les conditions d'affectation et de rémunération des agents titulaires, sur l'attribution de subventions et sur le versement de bourses pour les élèves français.
A la marge du réseau, car ne dépendant pas directement de l'AEFE, se trouvent 184 établissements homologués. Ceux-ci n'ont passé aucune convention avec l'Agence et ne bénéficient pas d'aide directe. Ils sont simplement, lorsqu'ils le souhaitent, associés aux actions de formation continue organisées par l'Agence et bénéficient du conseil pédagogique des inspecteurs de l'éducation nationale détachés à l'étranger.
UN RÉSEAU AU SEIN DU RÉSEAU : LA MISSION LAÏQUE FRANÇAISE (MLF)
La Mission laïque française, association fondée en 1902, gère environ 70 établissements à travers le monde et dispense un enseignement à caractère laïque et interculturel.
La Mission laïque s'appuie d'abord sur un réseau « traditionnel » qui compte 31 établissements. Ce réseau est formé de :
- 12 établissements conventionnés avec l'AEFE ;
- 2 établissements conventionnés avec la direction de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale ;
- 7 établissements auto-financés ;
- 4 établissements au Maroc (réseau OSUI) ;
- 6 établissements ayant une convention spécifique avec la Mission laïque et des affiliés.
Concernant les établissements conventionnés, la Mission laïque française a signé avec l'Agence pour l'enseignement à l'étranger une convention générale prévoyant une double tutelle sur ses 12 établissements : -la Mission assure leur gestion tandis que l'AEFE fournit le personnel d'encadrement et des personnels enseignants sur le même principe que celui qui prévaut dans les établissements dépendant directement d'elle. Ces établissements conventionnés sont principalement présents en Espagne, au Liban et en Afrique (Libye et Ethiopie).
La Mission assure également la gestion indépendante d'un réseau d'établissements au Maroc à travers l'Office Scolaire Universitaire International (OSUI). Ce réseau parallèle à celui de l'AEFE, qui comporte quatre établissements accueillant au total plus de 3 000 élèves, a été créé afin de répondre à la forte demande des parents d'élèves marocains. Un suivi est assuré, comme pour les établissements de l'AEFE, par le poste diplomatique, les tests d'évaluation et d'entrée étant par exemple communs.
La plupart des autres établissements sont homologués ou sont actuellement en attente de l'être.
La Mission laïque française a créé également, depuis 25 ans, des écoles d'entreprises permettant de scolariser sur site les enfants des agents expatriés.
Elle gérait ainsi, lors de la rentrée 2004, 25 écoles d'entreprises. Ces écoles peuvent avoir une taille très variable, allant de 1 à 150 élèves, scolarisés aussi bien en classes maternelles qu'en lycée sous la direction d'une équipe enseignante comptant entre 1 et 5 professeurs titulaires de l'éducation nationale.
En général, l'entreprise installe l'école et la Mission laïque française prend en charge le recrutement (en concertation avec l'entreprise si celle-ci le souhaite), la gestion des carrières, la rémunération, la protection sociale et professionnelle, la formation et l'évaluation des enseignants. En échange des services proposés par la Mission laïque française, l'entreprise verse un forfait qui varie selon le pays, la qualification et le nombre des enseignants.
L'ensemble scolarisait en juillet 2003, 21 969 élèves (garçons et filles) dont 17,26 % d'élèves français.
Quelle que soit la catégorie dans laquelle se trouve l'établissement, il doit en tout état de cause, pour faire partie du réseau, avoir demandé et obtenu une homologation de la part du ministère de l'éducation nationale français. Cette homologation, qui peut-être retirée à tout moment et peut également être limitée à une partie des classes présentes dans l'établissement n'est accordée que si les conditions établies par le décret n° 93-1084 du 9 septembre 1993 sont respectées, à savoir :
- l'ouverture de l'établissement aux enfants français résidant hors de France ;
- l'enseignement respectant les programmes applicables dans les établissements d'enseignement public français ;
- la préparation aux mêmes examens et diplômes qu'en France ;
- le contrôle du respect de ces critères par l'Inspection générale de l'éducation nationale.
2. L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)
Depuis la loi du 6 juillet 1990, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger est officiellement chargée de gérer et d'animer le réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger. Etablissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, l'Agence s'est en effet vu confier par la loi un ensemble important de missions, rappelées dans l'encadré ci-dessous.
LES MISSIONS DE L'AEFE TELLES QUE
DÉFINIES
PAR LA LOI DU 6 JUILLET 1990
84
(
*
)
L'Agence a pour objet :
1° D'assurer, en faveur des enfants de nationalité française résidant à l'étranger, les missions de service public relatives à l'éducation ;
2° De contribuer au renforcement des relations de coopération entre les systèmes éducatifs français et étrangers au bénéfice des élèves français et étrangers ;
3° De contribuer, notamment par l'accueil d'élèves étrangers, au rayonnement de la langue et de la culture françaises ;
4° D'aider les familles des élèves français ou étrangers à supporter les frais liés à l'enseignement élémentaire, secondaire ou supérieur de ceux-ci, tout en veillant à la stabilisation des frais de scolarité ;
5° D'accorder des bourses aux enfants de nationalité française scolarisés dans les écoles et les établissements d'enseignement français à l'étranger dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l'éducation nationale, du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la coopération.
En dépit de la lettre de la loi, l'Agence ne dispose ni des moyens ni des instruments lui permettant d'exercer le rôle qui lui a été assigné. Comme à l'accoutumé serait-on tenté de dire, le ministère des affaires étrangères et, dans une moindre mesure, le ministère de l'éducation nationale ont en effet veillé à conserver la majeure partie de leurs prérogatives, se contentant « d'associer » l'Agence aux décisions les plus importantes.
Votre rapporteur souhaite ainsi rappeler que l'Agence ne dispose pas de la pleine maîtrise de son budget. Si celle-ci en établit le projet, le budget n'est en effet fixé qu'après accord entre le ministère des affaires étrangères et celui de l'économie et des finances.
De même, comme l'a reconnu M. Xavier Darcos 85 ( * ) , ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie lors de sa communication en Conseil des ministres, l'Agence n'est pas en mesure de mettre en place une véritable politique immobilière pour les établissements en gestion directe. Les crédits destinés aux travaux les plus importants transitent en effet directement par le titre V du budget du ministère des affaires étrangères.
Il en va ainsi en matière de gestion des homologations. L'Agence est certes représentée au sein de la commission chargée d'émettre un avis sur les demandes d'homologation mais la liste est établie in fine par le ministre chargé de l'éducation nationale en accord avec le ministre des affaires étrangères.
Enfin, le pouvoir d'impulsion de l'Agence est limité par l'absence de portée contraignante des décisions qu'elle est amenée à prendre. A l'égard des établissements conventionnés ou homologués, celle-ci n'agit ainsi que par l'intermédiaire de recommandations ou d'incitations.
Votre rapporteur tient à préciser qu'il ne s'agit pas à ce stade ni de remettre en cause le fonctionnement du réseau ni de limiter l'autonomie, bien réelle, des établissements privés appartenant au réseau. Il s'agit simplement de constater l'écart existant entre la volonté du législateur -créer une « tête de réseau » capable de gérer et d'animer un dispositif composé de plusieurs centaines d'établissements aux statuts et aux caractéristiques extrêmement disparates- et la réalité -une Agence qui subit trop souvent l'ingérence des tutelles et dont l'autorité sur les établissements dont elle a la responsabilité peine à s'affirmer.
* 84 La loi n°90-588 du 6 juillet 1990 a depuis lors été codifiée aux articles L.452-1 et suivants du Code de l'Education par l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000.
* 85 Le ministre a proposé à cet égard dans sa communication « d'élargir les compétences immobilières de l'AEFE, pour améliorer les conditions d'accueil et de sécurité de ses établissements ».