2. Une ressource peu dynamique, dépourvue de lien avec la charge à financer
Votre rapporteur a déjà eu l'occasion de souligner le faible dynamisme de la TIPP. Ainsi, à l'occasion de la discussion générale du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA, il indiquait : « Si l'on avait décentralisé le RMI [en 1993], il aurait fallu transférer 2,5 milliards d'euros prélevés sur la TIPP aux départements.
« Comment ont évolué depuis le RMI d'un côté et la TIPP de l'autre ? Le RMI a, en 2003, représenté (...) 4,4 milliards d'euros, soit près de 4,5 milliards d'euros. Quant à la TIPP, qui évolue indépendamment, son produit atteint 2,98 milliards d'euros, soit environ 3 milliards d'euros 3 ( * ) . « Manque » donc 1,4 milliard d'euros, même si je ne tire pas de ces deux évolutions et de cette constatation la conclusion qu'il manquera systématiquement 1,4 milliard d'euros, parce que, demain, les choses peuvent évoluer différemment. »
Source : JO Débats Sénat, séance du 26 mai 2003, pages 3606-3607
Depuis lors, la tendance ne s'est pas démentie. La consommation de carburants en France a évolué comme suit :
Consommation 2003 en Mhl |
Consommation 2004 en Mhl |
Evolution en % |
Fraction de tarif en € / hl |
|
Super sans plomb |
147,4 |
143,3 |
-2,73 |
12,50 |
Super ARS |
14,8 |
10,5 |
-29,47 |
13,56 |
Gazole |
348,7 |
357,9 |
+2,63 |
8,31 |
Source : Douanes |
En conséquence, sans le considérant 23 de la décision n°2003-489 DC du Conseil Constitutionnel cité en introduction du présent rapport, c'est-à-dire s'il avait été simplement tenu compte de l'évolution de la consommation de carburants en France, la fraction de tarif allouée aux départements pour financer le transfert de la charge du RMI serait passée des 4 941 millions d'euros calculés en 2003 (mais non versés, le transfert de compétence datant du 1 er janvier 2004) à 4 908 millions d'euros en 2004, soit une baisse de 0,7 %.
En dehors même de toute considération d'opportunité politique, l'État est donc contraint de compléter la fraction de tarif transférée afin d'atteindre le montant à sa charge au titre du RMI en 2003, soit 4 941 millions d'euros (source DGCP), et ce pour une année où la croissance du PIB a atteint +2,6 %. Cela illustre bien le faible dynamisme structurel de la TIPP.
Les principales raisons en sont bien connues et ont déjà été exprimées par la commission des finances du Sénat. Ainsi, dans son commentaire de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2005, notre collègue Philippe Marini, rapporteur général de notre commission des finances, évoquait quatre grandes causes :
- les progrès en matière de consommation d'énergie effectués par les fabricants d'automobiles, s'agissant notamment des véhicules diesel 4 ( * ) ;
- le renforcement de la politique de sécurité routière engagé par le gouvernement en 2002 ;
- le développement des véhicules à énergie alternative ;
- la volonté affichée par le gouvernement d'encourager les économies de consommation de pétrole afin de limiter la facture énergétique de la France, dans un contexte où les prix du pétrole sont particulièrement élevés .
Sans préjuger de l'avenir, il est donc probable que le manque de dynamisme de cette taxe demeure une réalité .
Comme par ailleurs les départements n'ont aucune prise sur la modulation de la taxe, ce que votre rapporteur a déjà regretté à plusieurs reprises, les conseils généraux ne sont pas en mesure d'ajuster le montant de la ressource à l'évolution de la charge, laquelle ne dépend quasiment pas d'eux .
* 3 Il s'agit ici du montant de la TIPP tel qu'il aurait résulté du transfert d'une quote-part portant sur un montant de 2,5 milliards d'euros en 1993, et non du produit total de la TIPP.
* 4 On notera d'ailleurs que la diésélisation croissante du parc automobile français (les moteurs diesel équipent désormais environ 40 % des voitures particulières) entraîne une diminution de la part relative de la consommation des essences les plus taxées.