B. TIRER DE MANIÈRE PRAGMATIQUE LES ENSEIGNEMENTS DES RÉACTIONS AU PROJET D'ACCORD INTERINSTITUTIONNEL

Toutes les idées du projet d'AII ne doivent pas être jetées aux orties au motif que la Commission se serait fourvoyée dans le choix de l'instrument juridique. Une approche pragmatique des enseignements des réactions à ce texte met en évidence des idées à conserver et des compléments à apporter.

1. Les idées du projet d'AII à reprendre

a) L'idée d'un conseil d'administration ramassé

Le souhait de la Commission de limiter la taille des conseils d'administration des agences risque, dans certains cas, de poser des difficultés pratiques, notamment pour apprécier les situations dans lesquelles chaque État membre disposera d'un siège. Il pourrait, bien sûr, poser également des problèmes politiques.

La composition du conseil d'administration de l'Autorité européenne de sécurité des aliments démontre cependant que le législateur peut, quand il le veut, décider de ne pas attribuer un siège par État membre. C'est un précédent sur la voie duquel il convient de s'engager, car il est évident qu'un conseil d'administration de 70 à 80 membres n'est pas en mesure de délibérer efficacement.

b) Des conseils d'administration sans représentant du Parlement européen

Le fait que le Parlement européen ne dispose pas de siège dans les futures agences est également un point à approuver. Moins parce qu'il contribue à limiter le nombre de membres du conseil d'administration d'une ou deux personnes que pour une question de principe : le Parlement européen ne peut être juge et partie, il ne peut en même temps être investi du pouvoir indispensable de contrôler les agences européennes et siéger ou être représenté en leur sein.

c) La distinction entre le conseil d'administration et le comité scientifique

Lorsque, en décembre 2004, elle a débattu de la communication de la Commission sur l'Agence des droits fondamentaux, la délégation pour l'Union européenne du Sénat a adopté des conclusions réclamant « la mise en place d'un conseil scientifique distinct du conseil d'administration » , voyant en cela « une solution de nature à favoriser l'indépendance de l'Agence (...), condition nécessaire à l'objectivité de ses analyses ».

Ce constat d'un lien entre, d'une part, un conseil scientifique distinct du conseil d'administration et, d'autre part, l'indépendance et donc la crédibilité de l'agence demeure valable pour toutes les agences de régulation appelées à donner des avis techniques ou scientifiques. Au conseil d'administration revient la tâche d'assurer la programmation, la surveillance et le bon fonctionnement de l'agence ; il n'a pas vocation, en revanche, à en être l'organe d'expertise.

Sur ce point aussi, la proposition de la Commission, en ce qu'elle distingue clairement le conseil d'administration et le comité scientifique mérite d'être reprise.

d) L'exigence d'une analyse d'impact pour justifier toute proposition de création d'une agence.

Cette exigence satisfait au voeu émis lors de la discussion par la délégation pour l'Union européenne du Sénat de la communication de la Commission sur l'Agence des droits fondamentaux, voeu que votre rapporteur présentait en ces termes : « Je crois que les institutions de l'Union ont parfois tendance à recourir un peu hâtivement au système des agences, au point de risquer d'apparaître comme voulant échapper à des responsabilités qui devraient leur incomber. Je ne dis pas qu'il ne faille pas, dans certains domaines, recourir à ce mode d'expertise. J'estime seulement que ce genre de décision devrait toujours être précédé d'un état des lieux justifiant sa nécessité ».

2. Des compléments à apporter

a) Sur le fonctionnement du conseil d'administration

La Commission ne propose pas de règles quant au fonctionnement des conseils d'administration des agences. Elle ne dit rien, en particulier, de leurs systèmes de vote. Les exemples des agences créées jusqu'à présent démontrent pourtant que, sur ce point comme sur d'autres, le législateur a retenu des solutions diverses. Le souci de cohérence aurait sans doute dû conduire la Commission à proposer une homogénéisation sur ce point également. Il serait notamment opportun de prévoir selon quelle règle de vote devraient être nommés et, le cas échéant, révoqués les directeurs, puisque cette tâche est impartie aux conseils d'administration. La même remarque vaut, par exemple, pour l'adoption du programme annuel de travail de chaque agence.

b) Sur la meilleure utilisation des deniers publics

L'un des reproches, souvent injuste, fait aux agences de régulation est le coût qu'elles représentent pour le contribuable. Cette critique, comme il a été dit plus haut, n'a pas véritablement de sens : il n'y a rien de contestable à ce que des moyens soient mobilisés pour une agence qui répond à un impératif d'intérêt général.

Il convient en revanche de veiller à ce que la mobilisation de ces moyens n'entraîne pas davantage de dépenses publiques que nécessaire. En particulier, lorsqu'une agence reprend des tâches relevant de la Commission, elle va employer des agents pour des travaux qui étaient auparavant effectués par des fonctionnaires européens. Ces derniers devraient aussitôt être employés à d'autres tâches, sauf s'ils sont mis à la disposition de l'agence.

C'est pourquoi, au nom de la bonne gouvernance (qui revient si souvent sous la plume de la Commission), il serait souhaitable de prévoir que les fonctionnaires de la Commission chargés de tâches devant être transférées à une agence seront, dès la mise en place de celle-ci, soit mis à sa disposition, soit appelés à exercer d'autres fonctions.

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