2. Quelles conséquences pour l'évaluation de l'impact de la libéralisation ?
Lorsque la négociation porte sur la baisse de tarifs douaniers qui ne sont pas les droits effectivement appliqués par les États, l'appréciation de son impact devient extrêmement aléatoire.
Ceci peut être illustré par le graphique ci-dessous :
ILLUSTRATION DES IMPACTS POSSIBLES
D'UN
SCÉNARIO DE LIBÉRALISATION TARIFAIRE
Droit consolidé
I Binding overhang
NPF
II Marge préférentielle
Droit appliqué
III
Réduction I : aucun impact
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La première droite horizontale figure le droit consolidé sur un produit ; la deuxième, le droit appliqué NPF ; la troisième, le droit appliqué préférentiel.
Il peut y avoir trois scénarios de libéralisation tarifaire :
- le droit consolidé négocié à l'OMC est abaissé mais reste supérieur au droit appliqué NPF : ce scénario n'a aucun impact, puisque le tarif douanier effectif n'a pas changé ;
- le droit consolidé est abaissé à un niveau inférieur au droit appliqué NPF ; ceci entraîne deux effets : le droit appliqué aux exportations entrant dans le cadre de la clause NPF - relevant du « droit commun » en quelque sorte - est abaissé, ce qui stimule ces exportations ; la marge préférentielle au profit des pays « préférés » se réduit, ce qui diminue d'autant leur avantage comparatif à l'exportation ;
- le droit consolidé est abaissé à un niveau inférieur au droit appliqué préférentiel ; ceci stimule l'ensemble du commerce mondial, mais les pays « préférés » voient les préférences dont ils bénéficiaient, et ainsi l'avantage à l'exportation, disparaître.
Dans les deux derniers scénarios, on parle d'érosion des préférences commerciales pour les pays en développement qui en bénéficient, ce qui traduit la disparition d'un avantage et la perte de compétitivité consécutive à un abaissement généralisé des droits de douane.
On perçoit donc assez facilement à l'aide du graphique ci-dessus, qu'évaluer l'impact de la libéralisation à partir de la seule prise en compte des droits consolidés, comme cela a été longtemps pratiqué, a deux conséquences :
- l'impact positif sur le commerce mondial de la libéralisation est surestimé ;
- les accords préférentiels ne sont pas pris en compte et l'impact de leur « érosion » est passé sous silence .
Ces deux critiques fondamentales étaient adressées aux évaluations de la libéralisation, en particulier celles conduites par la Banque Mondiale.
Il devenait donc nécessaire de mettre en oeuvre de nouvelles méthodes, prenant en compte de manière systématique les préférences commerciales.
C'est pourquoi, le CEPII, conjointement avec le Centre du commerce international (ITC), commun à la CNUCED et l'OMC, a élaboré une base de données, MacMap, qui contient une mesure exhaustive des droits de douane appliqués bilatéraux, pays par pays, tenant compte des préférences commerciales et des accords régionaux et, également, des autres barrières tarifaires : quotas tarifaires, droits antidumping et « équivalent tarifaire des droits ad valorem » (voir encadré ci-après).
Il peut exister des droits de douane spécifiques, c'est-à-dire exprimés en valeur monétaire. Pour prendre un exemple fictif, l'Union européenne peut appliquer un droit de douane spécifique de 2 euros par chemise. Il est nécessaire de calculer un équivalent ad valorem de ce droit de douane qui exprime le montant de la taxe en pourcentage de la valeur du produit, pour deux raisons : - la négociation à l'OMC porte sur cet équivalent ad valorem en pourcentage ; - ce droit spécifique est en fait progressif en ce sens qu'il pèse plus lourdement sur les produits à bas prix : 2 euros sur une chemise à 10 euros exportée par un pays en développement pèsent beaucoup plus que 2 euros sur une chemise à 30 euros exportée par un pays développé. La baisse de ce droit aura donc des effets très différents sur les exportations de chemises des pays en développement et sur celles des pays riches. Un apport important du CEPII, salué notamment par l'OMC, a été d'élaborer une méthode de calcul de cet équivalent ad valorem . |
La base de données élaborée par le CEPII est aujourd'hui utilisée par toutes les équipes de modélisation du commerce international et en particulier par l'OMC .