G. LE PROBLÈME D'ÉROSION DES PRÉFÉRENCES EST CONCENTRÉ SUR UN NOMBRE LIMITÉ DE PAYS PAUVRES
La question suivante est de savoir comment la libéralisation multilatérale se traduira en termes d'érosion des préférences, ce qui constitue une préoccupation légitime des pays pour lesquels ces préférences sont importantes et fortement utilisées, à savoir les pays africains les plus pauvres.
En fait, le niveau de préférences reçu par un pays donné dépend de la composition de ses exportations (est-il spécialisé dans des pays plus ou moins taxés que la moyenne), et d'une préférence « réelle » apparaissant une fois cet effet de composition pris en compte. Les marges de préférences « réelles » apparaissent essentiellement dans l'agriculture et dans les industries de main d'oeuvre, comme le textile habillement. La première ligne du tableau 12 s'interprète comme suit. Le Lesotho (le pays le plus préféré du monde dans l'agriculture) fait face à un droit de douane moyen de 18,4% pour ses exportations agricoles, soit 0,8 points de moins que la moyenne mondiale pour ces produits. Mais cette marge apparente d'environ un point est le résultat d'un effet de composition massif (-24,1 points) dû à une spécialisation sur des produits très taxés, et d'une forte « préférence réelle » (24,9 points) due aux accords préférentiels auxquels a accès ce pays. Il n'y a finalement qu'une quinzaine de pays en développement disposant d'une marge préférence réelle supérieure à 5 points dans l'agriculture, et encore beaucoup moins dans l'industrie.
Tableau 12 : Les 35 pays les plus préférés (35 plus fortes « préférences réelles ») dans l'agriculture et l'industrie
Source : MAcMap, CEPII [1]
L'impact de la proposition Harbinson sur ces niveaux de préférences « réels » est très prononcé. Parmi les 12 pays ayant une marge de préférence réelle initiale supérieure à 6 points, seuls un tiers d'entre eux bénéficient, après l'application de la proposition Harbinson, d'une marge supérieure à 3 points. Si au contraire on exclut de la formule les 2% de produits les plus « sensibles », l'impact sur l'érosion des préférences réelles devient limité. Ceci signifie que les préférences sont concentrées dans les produits sensibles.
Les quotas constituent une discrimination entre exportateurs vers un marché et sont par conséquent à l'origine de rentes, dont on peut calculer l'importance produit par produit et pour chaque exportateur. Il y a 8 pays en développement pour lesquels les rentes de quota représentent plus d'un pour cent du PIB, et ce chiffre peut atteindre plus de 2% du PIB : Belize, Maurice, Fiji et la Guyane. La proposition Harbinson constitue un choc important pour ces pays, probablement difficile à supporter sur le plan macro-économique (Tableau 13). A nouveau exclure 2% de produits sensibles (scénario 2) annule cet effet.
Tableau 13 : Rentes de quotas reçues par
les pays en développement
(supérieures ou égales
à un demi point de PIB, 2001)
Note : TRQ rent : rente de quota tarifaire
Source
: MAcMap, CEPII [1]