N° 152
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 décembre 2005 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 janvier 2006
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) à la suite d'une mission effectuée au Canada et à Saint-Pierre-et-Miquelon du 15 au 23 septembre 2005 ,
Par MM. Bernard SAUGEY, Jean-Claude PEYRONNET, Christian COINTAT, Philippe ARNAUD, Nicolas ALFONSI et Bernard FRIMAT,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.
Administration. |
EXAMEN EN COMMISSION
Le mercredi 21 décembre 2005, la commission des Lois a procédé à l' examen du rapport de MM. Bernard Saugey, vice-président , Jean-Claude Peyronnet, vice-président , Christian Cointat , Nicolas Alfonsi , Philippe Arnaud et Bernard Frimat , sur la mission d'information qu'ils ont effectuée au Canada et à Saint-Pierre-et-Miquelon du 15 au 23 septembre 2005.
M. Bernard Saugey, président de la délégation , a précisé que celle-ci avait rencontré entre le 15 et le 20 septembre des acteurs de la réforme de l'Etat à Ottawa et à Québec, avant de se rendre du 20 au 23 septembre à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour y examiner les perspectives d'évolution statutaire et de diversification économique de cet « avant-poste de la France au bord de la vaste Amérique », selon la phrase du général de Gaulle.
Il a tout d'abord indiqué que le Canada faisait exception parmi les pays membres du G7, en affichant depuis 8 ans un excédent budgétaire qui devait s'élever à 1,6 milliard de dollars canadiens pour l'année fiscale 2004-2005, sa dette publique ne dépassant pas 38,7 % du produit intérieur brut (PIB). Il a rappelé que le Canada connaissait pourtant en 1993-1994 un déficit budgétaire de 5,3 % du PIB et que la dette publique fédérale représentait 68,4 % de la richesse nationale en 1995-1996. Il a estimé que si le redressement des finances publiques canadiennes coïncidait avec une reprise de la croissance mondiale dans la seconde moitié des années 90, il semblait aussi avoir été favorisé par une ambitieuse réforme de l'Etat conduite de 1994 jusqu'à nos jours.
Evoquant d'abord le bilan de dix ans de réforme de l'Etat au Canada, il a souligné que la situation financière du pays au début des années 90 avait conduit le Gouvernement de M. Jean Chretien à supprimer près de 66.000 emplois dans la fonction publique fédérale entre 1994 et 1999, soit plus d'un fonctionnaire sur six. Il a relevé que les responsables administratifs et politiques rencontrés par la délégation avaient témoigné du climat de consensus politique et syndical dans lequel cette réforme avait été conduite.
Il a déclaré que le Gouvernement canadien avait, au cours de la même période, procédé à la révision des programmes ministériels afin de réduire les déficits publics en soumettant les ministères à une baisse moyenne de leurs crédits de près de 20 %.
M. Bernard Saugey, président de la délégation , a indiqué que les autorités canadiennes avaient toutefois procédé à de nouveaux recrutements de fonctionnaires dans les années 2000-2004, la réduction des effectifs ayant entraîné une dégradation des conditions de travail, ainsi qu'une perte d'expertise. Il a souligné que l'évaluation de l'action des sous-ministres de l'administration fédérale, assumant les fonctions de secrétaires généraux des ministères, avait des conséquences directes sur leur rémunération, 20 % de leur traitement dépendant de leurs résultats. Il a déclaré que le plan de modernisation de l'administration québécoise s'accompagnait d'un plan de gestion des ressources humaines prévoyant pour les années 2004 à 2007 la réduction des effectifs de la fonction publique par le non-remplacement d'un poste pour deux départs à la retraite.
Il a relevé que l'Assemblée nationale du Québec avait d'ailleurs renforcé son propre engagement dans la réforme de l'Etat en créant, en avril 1997, la commission de l'administration publique, chargée de procéder à la vérification des engagements financiers du Gouvernement, à l'audition du vérificateur général sur son rapport annuel, ainsi que des sous-ministres. Il a souligné que la présidence de cette commission était confiée à un membre de l'opposition officielle.
Rappelant que les Premiers ministres français et québécois, MM. Jean-Pierre Raffarin et Jean Charest, avaient scellé en mai 2003 une nouvelle alliance franco-québecoise portant sur la réforme de l'Etat, il a relevé que la coopération dans ce domaine portait en particulier sur la reconfiguration de l'Etat, les partenariats entre les secteurs public et privé, le gouvernement en ligne, la gestion axée sur les résultats et la qualité du français dans l'administration publique.
Estimant que la qualité du contrôle de l'emploi des fonds publics contribuait fortement à l'efficacité de la réforme de l'Etat menée au Canada, il a indiqué que le vérificateur général du Canada constituait une instance indépendante rattachée au Parlement.
Il a précisé que Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, avait indiqué à la délégation qu'elle bénéficiait d'une totale indépendance pour déterminer ses sujets d'enquête, ainsi que le moment et les modalités de ses vérifications. Il a souligné que le bureau du vérificateur général employait 600 personnes au sein de son administration centrale à Ottawa et dans ses quatre bureaux régionaux et disposait d'un budget annuel de 70 millions de dollars canadiens.
Evoquant ensuite la situation et les perspectives d'évolution statutaire de Saint-Pierre-et-Miquelon, M. Bernard Saugey, président de la délégation, a rappelé que pendant près de deux siècles l'archipel n'avait vécu que de la pêche, la disparition progressive de la « grande pêche » à la fin du vingtième siècle ayant rendu indispensable la diversification de ses activités économiques.
Rappelant que l'archipel se situait à la même latitude que Nantes et à moins de 25 km de la côte sud de Terre-Neuve, il a précisé que sa population s'élevait à 6.519 habitants au recensement de 1999, la commune de Saint-Pierre comptant 5.808 habitants et celle de Miquelon-Langlade 711.
Il a déclaré que l'économie de Saint-Pierre-et-Miquelon avait connu un revers brutal en 1992 avec, d'une part, la sentence du tribunal arbitral de New-York qui avait considérablement réduit la zone économique exclusive de l'archipel et, d'autre part, la décision du Canada de réduire le quota de pêche à la morue en raison du risque réel d'épuisement des stocks. Il a indiqué qu'aux termes du procès-verbal d'application de l'accord franco-canadien du 2 décembre 1994, des totaux admissibles de capture (TAC) étaient déterminés chaque année pour la morue, le sébaste, l'encornet, la plie grise, la plie canadienne et la pétoncle d'Islande, dans la zone de pêche dite 3PS, définie par l'organisation des pêches de l'Atlantique Nord (OPANO).
Relevant que la pêche était aujourd'hui à Saint-Pierre-et Miquelon une activité essentiellement artisanale, il a indiqué que la flotte se composait de 26 unités, dont une quinzaine étaient véritablement actives, les activités de transformation des produits de la pêche comptant quatre entreprises pour une centaine d'emplois. M. Bernard Saugey, président de la délégation, a souligné que l'économie de l'archipel était fortement soutenue par l'Etat, intervenu immédiatement après l'arrêt de la pêche industrielle en 1992, en lançant la construction d'une seconde piste aéroportuaire qui avait permis de maintenir l'activité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il a précisé que le conseil général accordait également un soutien financier important à l'activité économique depuis 1995, assurant ainsi chaque hiver le versement d'une indemnité d'hivernage aux marins.
Considérant que les faiblesses de la desserte aérienne représentaient un obstacle au développement économique de l'archipel, il a indiqué que la compagnie Air Saint-Pierre détenait, aux termes d'une convention signée le 14 septembre 1998, une délégation de service public pour assurer les liaisons internationales avec le Canada. Il a jugé que si la desserte maritime de Terre-Neuve et de Miquelon était assurée par un navire moderne, le mauvais état du port de Miquelon appelait des réparations urgentes, pour un montant de 367.000 euros.
Estimant que l'exploitation des produits de la mer devait conserver une place importante dans l'activité économique de Saint-Pierre-et-Miquelon, il a déclaré que la délégation avait visité les installations de la société EDC (Exploitation et carrières) qui développait depuis 2000 l'élevage des coquilles Saint-Jacques en utilisant des techniques inédites sur le territoire national. M. Bernard Saugey, président de la délégation , a souligné que l'archipel se situait en outre dans une région riche en hydrocarbures susceptibles d'être exploités, le Gouvernement ayant accordé le 23 février 1998 un permis d'exploitation aux compagnies Exxon Mobil Canada et Gulf Oil Canada dans la zone économique exclusive entourant Saint-Pierre-et-Miquelon. Il a relevé que l'exploitation de ces ressources était déjà mise en oeuvre dans la zone canadienne, la production off shore de la province de Terre-Neuve ayant atteint 123 millions de barils en 2003. Précisant que l'archipel cherchait actuellement à développer une activité de fournisseur de services assurant l'avitaillement des sites d'exploitation ou de production, il a indiqué que les gouvernements français et canadien avaient signé en mai 2005 un accord relatif à l'exploration et à l'exploitation des champs d'hydrocarbures transfrontaliers.
Souhaitant que la France veille au maintien de ses droits maritimes afin de permettre à Saint-Pierre-et-Miquelon de bénéficier pleinement du développement de l'exploitation d'hydrocarbures, il a rappelé que le Canada, après la sentence arbitrale de 1992, avait unilatéralement repoussé, en 1996, les limites de sa zone économique exclusive, privant ainsi l'archipel de son accès aux eaux internationales. Il a estimé que la France devrait demander, en tant qu'Etat côtier, l'extension de ses droits au-delà des 200 milles de la zone économique exclusive, jusqu'aux limites du plateau continental, conformément à sa définition figurant à l'article 76 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer du 10 décembre 1982. Jugeant nécessaire que la France saisisse à cette fin la commission des limites du plateau continental, il a considéré que cette démarche ne pouvait être conduite qu'avec le soutien de l'Etat, notamment pour la constitution du dossier de saisine.
Il a souligné l'intérêt des acteurs économiques de l'archipel pour les dérogations aux règles d'origine susceptibles d'augmenter l'attractivité de Saint-Pierre-et-Miquelon en tant que porte de l'Europe en Amérique du Nord. Il a ensuite relevé que les collectivités de l'archipel connaissaient une situation financière difficile, la commune de Saint-Pierre devant en particulier supporter des coûts spécifiques tels que le déneigement des voies publiques, pour un montant de 12.000 euros par jour, de la fin du mois de décembre à la fin du mois de mars. Il a précisé que Mme Karine Claireaux, maire de Saint-Pierre, avait considéré que depuis quatre ans, l'activité économique n'était plus assez dynamique pour assurer, par les recettes fiscales, l'équilibre du budget de la commune et s'était prononcée en faveur de la création d'une dotation spécifique de déneigement ainsi que d'un fonds de péréquation, sur le modèle du fonds intercommunal de péréquation existant en Polynésie française.
Le président de la délégation a déclaré qu'en matière de sécurité civile, la commune de Saint-Pierre disposait d'une quarantaine de pompiers volontaires, mais l'archipel ne disposant pas d'un service d'incendie et de secours, ceux-ci n'étaient protégés par aucune assurance. Estimant cette situation inacceptable, il a formé le voeu que le prochain statut de l'archipel prévoie la création d'un service d'incendie et de secours dans des conditions comparables à celles qui régissent le service mis en place à Mayotte.
M. Bernard Saugey, président de la délégation, a indiqué que de nombreuses dispositions de la loi du 11 juin 1985 relative au statut de Saint-Pierre-et-Miquelon devaient faire l'objet d'un reclassement en dispositions de nature organique afin de respecter le nouveau cadre des collectivités d'outre-mer défini par l'article 74 de la Constitution. Considérant que les élus de l'archipel avaient exprimé devant la délégation leur assentiment à l'égard d'une mise à jour du statut, il a indiqué que la proposition de loi organique déposée par M. Gérard Grignon, député de Saint-Pierre-et-Miquelon, tendait notamment à réformer le régime électoral de la collectivité en supprimant les deux circonscriptions actuelles au profit d'une circonscription électorale unique. Il a indiqué qu'aux termes de cette proposition de loi organique, le conseil général conserverait ses compétences en matière de fiscalité, de régime douanier, d'urbanisme, de construction et de logement, mais qu'il reviendrait aux maires de délivrer les autorisations de construire dans le respect de la réglementation applicable dans la collectivité territoriale.
Il a déclaré que la délégation partageait le souhait exprimé par Mme Karine Claireaux, maire de Saint-Pierre, et M. Denis Detcheverry, sénateur et maire de Miquelon-Langlade, d'attribuer une compétence aux maires pour la délivrance des permis de construire. Soulignant que la délégation avait relevé une contradiction entre la compétence unique du conseil général en matière fiscale et le principe constitutionnel selon lequel aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre (article 72, 5e alinéa de la Constitution), il a souhaité que la mise à jour du statut permette également l'attribution d'une compétence fiscale aux communes. S'agissant du mode d'élection du conseil général, il a indiqué que M. Denis Detcheverry était défavorable à l'instauration d'une circonscription unique risquant de faire disparaître toute représentation de la commune de Miquelon-Langlade, mais souhaitait la création d'une circonscription composée de deux sections sur le modèle des sections de communes.
Souhaitant que la modernisation du statut de l'archipel permette le maintien d'une représentation équilibrée des deux communes, il a estimé que toutes les solutions institutionnelles possibles devaient être envisagées, en s'inspirant, le cas échéant, des formules adoptées pour d'autres collectivités d'outre-mer. Il a ainsi considéré que le conseil général de l'archipel pourrait devenir l'émanation de ces deux communes. Il a jugé que la révision du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon devrait permettre de mieux répartir les compétences de la collectivité et des communes et d'assurer une plus grande autonomie financière à celles-ci.
M. Jean-Claude Peyronnet a déclaré que la réduction du déficit et de la dette publics du Canada, réalisée au moyen d'une forte diminution du nombre de fonctionnaires, n'était pas directement transposable à la France en raison de cadres juridiques et culturels différents. Il a rappelé que le départ de certains fonctionnaires expérimentés vers le secteur privé avait entraîné un coût important, l'Etat canadien étant conduit à les embaucher à nouveau quelques années plus tard pour pallier un manque d'expertise. Il a relevé que le Parlement exerçait au Canada et au Québec une fonction de contrôle très développée, dont l'exemple pourrait utilement compléter les travaux de la mission d'information sur les Parlements des pays européens.
M. Jean-Jacques Hyest, président , a précisé que toute appréciation de la réforme de l'Etat conduite au Canada devait prendre en compte d'importantes différences avec notre pays en matière de statut de la fonction publique.
M. Christian Cointat a estimé que si les autorités canadiennes rencontrées par la délégation s'étaient attachées à présenter les succès de la réforme de l'Etat conduite au Canada, les résultats de cette dernière n'en étaient pas moins tangibles. Il a considéré qu'à cet égard, le Canada était parvenu à allier, dans une démarche pragmatique, les meilleurs aspects des approches latine et anglo-saxonne de l'intervention de l'Etat. Il a convenu que les réformes réalisées au Canada n'étaient pas directement transposables en France, en raison de différences très importantes, notamment dans le domaine de la protection sociale. Jugeant que l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon tenait en particulier au développement de l'aquaculture, de l'exploitation des hydrocarbures et à la mise en valeur de la situation géographique de l'archipel en tant que porte de l'Europe dans l'Atlantique-Nord, il a souhaité que l'Etat soit plus attentif aux intérêts de la France dans cette région.
Rappelant que les projets statutaires relatifs à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin prévoyaient la création d'une seule collectivité exerçant également les compétences dévolues aux communes, il a souligné l'opposition des habitants de Miquelon-Langlade à toute perspective de fusion avec la collectivité territoriale. Il a précisé que l'attachement des Miquelonnais à leur commune pouvait être renforcé par l'existence, à Langlade, de nombreuses résidences secondaires appartenant à des Saint-Pierrais.
Rappelant que l'archipel ne comptait que 6.519 habitants, il a jugé nécessaire d'éviter un système institutionnel trop complexe, et préférable que le conseil général devienne l'émanation des deux communes. Il a déclaré que le développement de l'archipel dépendait étroitement de son organisation institutionnelle, qui devait tendre à plus d'efficacité.
M. Bernard Frimat a indiqué que la délégation avait eu le sentiment que la France ne défendait pas suffisamment les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon dans ses négociations internationales. Il a estimé que la défense de la France auprès du tribunal arbitral de New-York avait été particulièrement faible face aux moyens mobilisés par la partie canadienne. Il a jugé indispensable que la France évite de renouveler un tel échec lors de la renégociation en 2007 du procès-verbal d'application de l'accord de coopération du 2 décembre 1994, ainsi que dans la définition des droits de l'archipel pour l'accès aux ressources en hydrocarbures. Il s'est interrogé sur la volonté de la France de prendre en considération et de défendre ses intérêts stratégiques à Saint-Pierre-et-Miquelon ou de préserver, au détriment de ces derniers, la qualité de ses relations avec le Canada.
Il a souhaité que la France définisse à cet égard une position claire et cohérente, tant de la part du ministère de l'outre-mer que du ministère des affaires étrangères. Il a souligné que les difficultés financières de l'archipel, rapportées à l'échelle nationale, pourraient être réglées très rapidement. Rappelant que les coûts des réparations urgentes et de l'aménagement du port de Miquelon-Langlade étaient respectivement estimés à 367.000 euros et à près de 12.000.000 d'euros, il a considéré que si Saint-Pierre-et-Miquelon appartenait à une région métropolitaine, ces investissements seraient très vite réalisés. Il a déclaré que ces dépenses indispensables devaient être rapportées aux investissements réalisés en faveur de la gendarmerie, soit 4 millions d'euros pour la construction d'un nouveau bâtiment de commandement et 7 millions d'euros pour la construction de 12 logements de fonctions. Il a estimé qu'il appartenait à l'Etat de consacrer les moyens nécessaires au développement de l'archipel.
M. Nicolas Alfonsi , jugeant nécessaire le soutien de l'Etat au développement de Saint-Pierre-et-Miquelon, a par ailleurs estimé que le futur statut de l'archipel devrait permettre une simplification de son organisation institutionnelle. Il a vivement déploré la mobilisation insuffisante de la France en faveur des intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon lors de l'arbitrage international de 1992.
M. Philippe Arnaud , considérant que le Canada et la France avaient des cultures et des histoires différentes, a jugé que la réforme conduite depuis dix ans outre-atlantique ne saurait être transposée directement en France. Il a souligné que les forces politiques et syndicales avaient réalisé que le Canada était devenu, au début des années 1990, dépendant des marchés financiers, en raison du volume de sa dette. Il a indiqué que la réussite des réformes s'était appuyée sur un travail pédagogique approfondi, l'ensemble des élus et des hauts fonctionnaires s'étant rendus dans toutes les provinces et territoires pour y expliquer la gravité de la situation. Il a déclaré que la France pourrait s'inspirer utilement de cette approche de vérité et de pédagogie.
Soulignant que la fonction publique canadienne n'était plus soumise à un cloisonnement des administrations, il a estimé que son organisation, répondant à une logique de mise à disposition en fonction de missions définies, favorisait une meilleure distribution des compétences.
Affirmant que Saint-Pierre-et-Miquelon disposait d'une indéniable capacité de développement, il a jugé que les efforts attendus de l'Etat pour assurer l'avenir de l'archipel n'étaient pas susceptibles de remettre en cause la qualité des relations de la France avec le Canada, mais nécessitaient une véritable volonté politique.
M. Patrice Gélard , regrettant vivement l'insuffisante mobilisation des autorités françaises en faveur des intérêts de l'archipel devant le tribunal arbitral de New-York au début des années 90, a estimé que le ministère des affaires étrangères avait manifesté un désintérêt identique à l'égard du sort des îles anglo-normandes. Estimant que la France devait mieux défendre les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon face au Canada en matière de définition du plateau continental, il a jugé nécessaire la tenue d'une question orale avec débat sur ce sujet. S'agissant du statut de l'archipel, il a considéré que son organisation institutionnelle pouvait faire l'objet d'innovations tendant à créer une communauté de communes sui generis, exerçant les compétences aujourd'hui dévolues au conseil général.
M. Jean-Jacques Hyest, président, se félicitant de la qualité des informations rapportées par les membres de la mission d'information, a rappelé qu'il était nécessaire pour les parlementaires de se rendre dans les collectivités d'outre-mer afin de mieux connaître et prendre en compte leur situation. Il a souhaité que les membres de la délégation, et en particulier M. Christian Cointat, rapporteur pour avis des crédits de l'outre-mer, interviennent auprès des ministères de l'outre-mer et des affaires étrangères afin qu'ils conduisent les actions nécessaires au développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il a jugé nécessaire d'éviter de faire de cet archipel une cause de querelle avec le Canada. Soulignant que le ministère des affaires étrangères, lors des négociations internationales intéressant notamment la défense des intérêts des collectivités d'outre-mer au regard du droit de la mer, ne mobilisait pas des moyens juridiques aussi importants que les pays d'Amérique du Nord, il s'est interrogé sur l'origine politique ou structurelle des revers rencontrés dans ce domaine par le passé.
M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur la part de la croissance économique dans la forte réduction du poids de la dette publique fédérale dans le produit intérieur brut du Canada au cours des dernières années.
M. Bernard Saugey, président de la délégation, a indiqué que si le Canada connaissait un rythme de croissance de près de 3 % depuis plusieurs années, notamment grâce à l'exploitation des hydrocarbures dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, la réduction du poids de la dette publique fédérale tenait néanmoins largement à la diminution des dépenses publiques engagée par le gouvernement depuis 1994.
La commission a ensuite autorisé la publication du rapport d'information relatif à la mission d'information de la commission sur la réforme de l'Etat au Canada et sur l'évolution statutaire de Saint-Pierre-et-Miquelon.