B. UNE PROFONDE ÉVOLUTION DES PRATIQUES FUNÉRAIRES
Les évolutions que la loi du 8 janvier 1993 visait à prendre en compte se sont confirmées. De nouvelles évolutions ont eu lieu depuis lors.
1. Les évolutions démographiques
En 2004, la France a connu 518.000 décès et donc autant de convois, contre 560.000 en 2003, année marquée par la canicule du mois d'août, et 544.000 en 2002.
La mort s'est délocalisée. Depuis le début des années 1970, un nombre accru de décès a lieu en secteur médicalisé , soit à l'hôpital soit en maison de retraite. Cette proportion atteint 70 % en moyenne sur l'ensemble du territoire national et plus de 90 % en région parisienne.
Ces chiffres témoignent du rôle structurant des hôpitaux et des maisons de retraite pour le fonctionnement du service extérieur des pompes funèbres, en dépit de l'obligation stricte de neutralité à laquelle sont astreints les gestionnaires de chambres mortuaires.
La canicule de l'été 2003, qui a provoqué 15.000 décès, a mis en lumière, outre des carences dans la prise en charge des personnes âgées ou malades, « des dysfonctionnements de la chaîne funéraire liés essentiellement à une insuffisance des moyens mobilisés et mobilisables pour des raisons structurelles ou réglementaires », selon l'expression retenue par le professeur Dominique Lecomte, directrice de l'Institut médico-légal de Paris, dans son rapport sur les décès massifs établi au mois de mars 2004 7 ( * ) :
« - l'établissement du certificat de décès a posé des problèmes entraînant des délais ;
« - la multiplication des autorisations administratives et des vacations de police a entraîné des contraintes importantes pour les opérateurs entraînant des retards dans la gestion des corps ;
« - la gestion des funérailles à Paris a été confiée à un trop petit nombre d'opérateurs funéraires ;
« - l'absence d'obligation pour un opérateur funéraire de disposer en propre des moyens en rapport avec l'activité pour laquelle il est habilité a rapidement épuisé les moyens des sous-traitants ;
« - le nombre de places dans les lieux de dépôt de corps s'est révélé insuffisant dans certaines grandes villes, notamment à Paris . »
Pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise, le rapport formulait plusieurs propositions :
- élargir la convention passée entre la direction de la sécurité civile et la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie à tous les opérateurs funéraires qui le souhaitent, selon un cahier des charges type ;
- suspendre immédiatement et temporairement, en cas de décès massifs, l'application de la réglementation sur le transport des corps avant mise en bière ;
- élaborer un schéma départemental de recensement annuel des moyens funéraires (zones de dépôt, moyens de transport des corps, cimetières, crématoriums...) ;
- simplifier les démarches administratives en assurant un contrôle de la qualité des entreprises fondé sur une assurance qualité de la profession ;
- réfléchir en cas de décès massifs à la prise en charge financière des obsèques sur la base d'un tarif unique.
Lors de son audition par vos rapporteurs, le professeur Dominique Lecomte a regretté qu'aucune de ces propositions n'ait pas encore été mise en oeuvre, près de trois ans après cette canicule .
Vos rapporteurs invitent le Gouvernement à les mettre en oeuvre rapidement , à l'exception toutefois de celle prévoyant la prise en charge financière par la solidarité nationale des obsèques sur la base d'un tarif unique. Une telle proposition leur semble en effet contrevenir aux règles actuelles, dont l'application ne soulève pas de difficulté, d'une prise en charge des obsèques par les familles, généralement sur les ressources du patrimoine successoral, ou par les communes.
Plusieurs représentants de la profession ont, quant à eux, exprimé leur inquiétude de ne toujours pas pouvoir faire face à des décès massifs.
* 7 « Rapport sur les décès massifs : Situation actuelle, circonstances particulières, proposition, plan d'intervention spécifique » du professeur D. Lecomte et du docteur D. de Penanster - 12 mars 2004 - pages 105 et 106.