B. UNE CRISE SANS PRÉCÉDENT
Cette crise, qui n'a cessé de s'aggraver au cours de ces trois dernières années, ne doit plus perdurer sous peine de causer des torts irréparables à de nombreux monuments et à un secteur économique.
1. Trois années de crise
La politique en faveur du patrimoine monumental s'est trouvée confrontée dès 2004 à des difficultés qui ont continué de s'aggraver en 2005 et en 2006.
•
2004 : un exercice déjà
très difficile
Le ministère de la culture s'est retrouvé, dès l'année 2004, dans une situation de très grande contrainte.
Il reconnaissait n'avoir pu solder la quasi-totalité de ses engagements que grâce à des redéploiements opérés en cours d'année à hauteur de 22 millions d'euros , et grâce à l'ouverture en loi de finances rectificative pour 2004 de 31 millions d'euros supplémentaires.
Le caractère inévitablement tardif de la mise à disposition de ces crédits a cependant fortement perturbé la mise en oeuvre de la programmation de l'exercice 2004, et l'insuffisance globale des crédits a contrarié l'engagement de nouvelles opérations, malgré la disponibilité des autorisations de programme.
• 2005 : la multiplication des
arrêts de chantiers
Ces difficultés se sont aggravées au cours de l'exercice 2005, malgré l'apport d'une partie des crédits votés en loi de finances rectificative pour 2004, et d'une dizaine de millions d'euros dégagés en fin d'année par le ministère pour alléger le poids des impayés et relancer certains chantiers.
Ces mesures se sont révélé impuissantes à éviter l'aggravation des perturbations dans le déroulement des programmes.
Le ministère évaluait lui-même à 80 le nombre des chantiers qui ont dû être interrompus du fait de l'insuffisance des crédits :
- 17 de ces chantiers concernaient des monuments appartenant à l'Etat comme les cathédrales d'Agen, de Bayonne, de Nevers, de Quimper, d'Auch, de Perpignan, de Rouen, de Saint-Claude, de Langres, de Lyon et de Saint-Dié, ou comme les châteaux d'Oiron, de Chaumont-sur-Loire, ou encore comme le monastère de la Grande Chartreuse ou la Villa Cavrois.
Parmi les chantiers sur des monuments n'appartenant pas à l'Etat , ont également dû être interrompus ceux qui concernaient l'ancienne cathédrale de Toul, l'ancien prieuré de la Charité-sur-Loire, l'église de Saint-Amand-en-Puisaye, l'abbatiale de Pontigny, l'église Saint-Savinien de Sens, l'église de Tannay, l'église de Perros-Guirec, le château de Tonquedec, la citadelle de Besançon, l'église Saint-Just à Arbois, l'église Saint-Pierre à Luxeuil, l'église Saint-Etienne à Lille, le beffroi de l'hôtel de ville de Douai, l'église Saint-Pierre à Aires-sur-la-Lys, l'église Saint-Eloi de Dunkerque, l'abbatiale Saint-Ouen et l'église Saint-Maclou à Rouen, l'abbatiale de Fécamp, l'église Notre-Dame de Louviers, les thermes de Sanxay, le château de Montmoreau, l'église de Parthenay, l'église de Thouars, l'église de Clermont ou l'abbatiale d'Abondance.
Au-delà de ces interruptions de chantiers, les lancements d'opérations nouvelles ont été très touchés par cette situation de pénurie : ce sont approximativement 170 chantiers importants qui ont dû, d'après le ministère, être différés faute de crédits de paiements suffisants, et ce, alors même que les autorisations de programme avaient été affectées et, dans certains cas, les marchés attribués.
Les entreprises de restauration des monuments historiques évaluent de leur côté, à 240 le nombre de chantiers arrêtés soit le quart de l'ensemble des chantiers en cours sur des monuments historiques.
Le taux de consommation des crédits d'investissement sur les monuments historiques, naguère d'un peu plus de 50 %, s'est approché en 2005 des 95 %.
Les reports de crédits disponibles pour 2006 ont atteint le seuil difficile compressible de 1 %.
En revanche, le ministère évaluait à 38 millions d'euros les reports de charges en fin d'exercice 2005.
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2006 : le bout du
tunnel ?
Jusqu'aux récentes décisions du Gouvernement, l'année 2006 s'annonçait comme une année plus sombre encore que la précédente.
En l'absence d'augmentation significative des crédits budgétaires, l'espoir reposait largement sur la décision d'affecter au patrimoine monumental une dotation en capital de 100 millions d'euros provenant des privatisations.
Or, le ministère n'a finalement affecté qu'une partie de cette dotation aux monuments historiques proprement dits :
- seuls 28,9 millions d'euros sont venus compléter les crédits de « l'action 1 » consacrée au patrimoine monumental pour financer les travaux du Palais de Chaillot et du Grand Palais, c'est-à-dire de grandes opérations réalisées sur des monuments appartenant à l'Etat et sis à Paris ;
- une enveloppe complémentaire de 18,75 millions d'euros a été consacrée à plusieurs actions patrimoniales (Versailles, Fort Saint-Jean, quadrilatère Richelieu, Théâtre de l'Odéon) qui étaient rattachées, dans le projet de budget pour 2006 à d'autres actions, voire au programme « création » .
Avec 281 millions d'euros de crédits disponibles , résultant de l'addition des crédits budgétaires (214 millions d'euros), de la dotation exceptionnelle (40 millions d'euros), des prévisions de report (3 millions d'euros) et du produit des fonds de concours (24 millions d'euros), le ministère semblait, récemment encore, devoir rester très en deçà de l'objectif de 400 millions d'euros 4 ( * ) qu'il se proposait initialement de dépenser en faveur des monuments historiques en 2006.
La pénurie financière a encore été aggravée par la mise en réserve réglementaire de 5 % des enveloppes financières, et le patrimoine monumental s'est retrouvé, dès le mois de février 2006, dans une situation plus menaçante encore qu'en 2005.
Ce sont, en effet, cette année, 300 chantiers qui ont dû être interrompus faute de moyens.
C'est ainsi, par exemple, et pour s'en tenir aux principaux, qu'ont dû être interrompus les chantiers cependant urgents des cathédrales de Strasbourg, de Bayonne, de Moulins, de Rouen, de Nantes, ainsi que ceux de l'abbaye de Clairvaux, de l'abbaye de Fontevraud, ou de la cité de Carcassonne.
La pénurie financière a également imposé le report d'opérations urgentes, notamment sur les cathédrales, d'Autun, de Nevers, de Vannes, de Oranges, de Bourges, d'Orléans, de Chartres, de Tours, de Blois, de Reims, de Chalons, de Beauvais, de Rouen, de Rodez, d'Albi, de Lyon ou de Chambéry.
Les mesures prises par le Gouvernement à l'automne peuvent cependant faire espérer un changement de perspective pour la fin de l'année 2006.
* 4 Communiqué du 16 septembre 2005.