3. Le délicat partage des responsabilités entre le chef d'établissement et le président du conseil général ou régional
a) Une répartition subtile des compétences
Les relations entre les exécutifs locaux et les EPLE deviennent plus complexes dans un contexte institutionnel brouillé où les luttes de pouvoir et les replis corporatistes ne sont pas absents. Un équilibre devra être trouvé, d'une part entre le chef d'établissement qui dispose d'une autorité fonctionnelle sur les agents , et d'autre part le département ou la région qui exerce l'autorité hiérarchique .
Or, les nouvelles compétences accordées aux collectivités peuvent susciter de la part des principaux de collèges et de lycées des attitudes de défense de leurs pouvoirs dans un contexte de demande de renforcement de l'autonomie des EPLE. A terme, le ministère de l'Education souhaite parvenir à un équilibre ainsi défini par l'article L. 421-23 du code de l'Education :
- d'une part, les agents affectés dans des EPLE « sont administrés par la collectivité dont ils dépendent statutairement ». Le président du conseil général ou régional est désormais compétent pour accomplir les différents actes relatifs à leur carrière et notamment verser la rémunération, établir la notation, procéder à une mutation, prononcer le placement dans une autre position administrative, assurer le suivi des congés et mettre en oeuvre, le cas échéant, une procédure disciplinaire ;
- d'autre part, « le chef d'établissement... assisté des services d'intendance et d'administration... encadre et organise le travail des personnels techniciens, ouvriers et de service placés sous son autorité ». A ce titre, il :
- assure la responsabilité de l'organisation du travail des agents,
- en vérifie la réalisation,
- participe à l'évaluation des agents,
- propose des mesures disciplinaires et fait appliquer les décisions du président du conseil général ou régional,
- participe au recueil des besoins de formation.
L'article précité du code de l'Education dispose qu'« une convention passée entre l'établissement et, selon le cas, le conseil général ou le conseil régional précise les modalités d'exercice de leurs compétences respectives ».
Pour éviter que la position du conseil d'administration de l'EPLE, qui autorise la conclusion de la convention avec la collectivité, n'entre en contradiction avec les intérêts du département, le ministre de l'Education nationale, en réponse à une question écrite sénatoriale 29 ( * ) , a précisé, dans une réponse publiée le 29 décembre 2005 au Journal Officiel du Sénat, que, certes, le conseil d'administration peut refuser d'approuver une telle convention mettant le chef d'établissement dans l'incapacité de l'appliquer, toutefois, l'article L. 421-23 du code de l'Education prévoit que « pour l'exercice des compétences incombant à la collectivité, le président du conseil général ou régional s'adresse directement au chef d'établissement ».
Par conséquent, l'absence temporaire de convention n'empêche pas l'exercice par le président du conseil général ou régional et le chef d'établissement de leurs compétences respectives , telles qu'elles sont précisées par la loi.
En pratique, l'association des services techniques départementaux précise qu'une relation équilibrée entre département et EPLE pourrait dépendre des éléments suivants :
• veiller à l'existence de marges de manoeuvre pour chacune des deux autorités et à la prise en compte de la situation des établissements et de leur projet dans la contractualisation avec l'EPLE ;
• associer les chefs d'établissements à l'évaluation individuelle des agents ;
• mettre en place un dispositif d'animation et de management pour concrétiser le lien entre les agents et la collectivité territoriale tout au long de l'année, afin de favoriser le sentiment d'appartenance, la compréhension des objectifs de service et le respect des conditions de sécurité et des conditions de travail.
b) L'exemple de la gestion des cantines scolaires
L'article 82 de la loi du 13 août 2004 prévoit qu'à compter du 1 er janvier 2005, le département ou la région a une compétence générale sur les services de restauration et d'internat.
La décentralisation de cette compétence suscite une grande appréhension dans les collectivités concernées : ainsi, selon l'enquête de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation, elles sont plus de 51 % à juger que le transfert de la compétence « restauration » ne va pas sans difficultés, notamment le contrôle en matière d'hygiène ou de sécurité alimentaires et la qualification des personnels en cuisine ( annexe ).
Certes, pour compléter ce texte, le décret n° 2006-753 du 29 juin 2006 relatif aux prix de la restauration scolaire pour les élèves de l'enseignement public précise que les prix de la restauration scolaire fournie aux élèves des collèges et des lycées de l'enseignement public sont fixés par la collectivité territoriale qui en a la charge .
Cependant, la parution très tardive de ce décret a contribué à entretenir la confusion dans les collectivités, comme en témoigne plus de 18 % de celles interrogées par l'Observatoire ( annexe ).
De leur côté, les EPLE, en tant que personnes morales de droit public, dotées de conseils d'administration qui règlent par leurs délibérations les affaires de l'établissement, décident de tous les actes de gestion les concernant, à l'exception de ceux pour lesquels la loi attribue expressément compétence à l'Etat et à la collectivité de rattachement.
Il résulte de ces éléments que c'est dans la convention qui doit être conclue entre la collectivité et les EPLE dont elle a la charge, conformément au II de l'article L. 421-23 du code de l'éducation, que doivent être précisés leurs rôles respectifs, au-delà des compétences expressément déterminées par la loi.
En conséquence, il appartient dorénavant à la collectivité et à l'établissement de définir ensemble quel est le niveau le plus pertinent pour arrêter les décisions relatives au fonctionnement des services , dans l'objectif d'assurer conjointement un service public de qualité pour les usagers.
Dans la pratique, les collectivités sont dubitatives sur l'autorité responsable en cas de dysfonctionnement du service, notamment en matière d'hygiène et de sécurité. Certaines avouent même que, dans un contexte d'autonomie grandissante des EPLE, elles auraient préféré que la tarification de la restauration revienne aux chefs d'établissement.
Comme l'a souligné Mme Nicole Le Dieu de Ville, présidente de l'Association nationale des DRH de départements lors de son audition, les transferts de personnels représentent un défi formidable.
Outre qu'ils impliquent une évaluation des nouveaux besoins quantitatifs et qualitatifs, une adéquation des effectifs aux besoins, la recherche d'une nouvelle organisation, les transferts de personnels supposent aussi la transmission, le cas échéant, de certaines « valeurs territoriales » : réactivité, prévention des risques, adaptation à la commande publique...
Cependant, la transmission de valeurs si spécifiques n'annonce-t-elle pas le « repli sur soi » de chaque collectivité ?
* 29 Question écrite n° 17226 au ministre de l'Education nationale de M. Yves Krattinger, sénateur socialiste de Haute-Saône.