C. LE SIDA EN EUROPE - DONNER UN AVENIR AUX ENFANTS ATTEINTS DU SIDA ET ORPHELINS DU SIDA - LA PROPAGATION DU SIDA CHEZ LES FEMMES ET LES JEUNES FILLES EN EUROPE
Trois rapports relatifs au sida ont fait l'objet d'une discussion jointe : « Le sida en Europe », « Donner un avenir aux enfants atteints du sida et aux orphelins du sida » et « La propagation du sida chez les femmes et les jeunes filles en Europe ». Les délégués ont insisté sur l'importance de la prévention et de l'éducation, cette dernière ne devant en aucun cas être considérée comme une promotion de la sexualité, mais bien comme un moyen de lutte contre la maladie. Ils ont regretté que la maladie se répande désormais chez les plus fragiles : les femmes et les enfants. Ils ont lancé un appel en faveur de la généralisation des traitements médicaux pré et post-natals en faveur des mères et des enfants. Ils ont plaidé pour que les jeunes victimes ne fassent pas l'objet d'une discrimination sociale ou affective. Ils ont souligné que les pays où la volonté politique se manifestait très fortement obtenaient des résultats probants.
Mmes Claude Greff (Indre-et-Loire - UMP) et Arlette Grosskost (Haut-Rhin - UMP) se sont exprimées dans ce débat.
Mme Claude Greff, députée :
« Trois rapports sont proposés à notre discussion commune, et nous faisons le même constat alarmant. Le nombre de personnes atteintes par la sida ne cesse de s'accroître : 40,3 millions au niveau mondial en 2005. Le continent européen n'est pas épargné : l'Europe de l'Est, notamment, a enregistré beaucoup de nouveaux cas. On constate par ailleurs une propagation de l'épidémie des populations dites traditionnellement «à risque», telles que les toxicomanes, les prostituées et les homosexuels vers la population générale.
L'épidémie progresse également vers les enfants, notamment en Afrique, où les médicaments permettant d'empêcher la transmission du virus de la mère à l'enfant lors de la naissance sont insuffisamment utilisés. Il faut citer aussi ce chiffre énorme de onze millions d'enfants orphelins du Sida en Afrique subsaharienne. Enfin, la pandémie semble toucher de plus en plus les femmes et les jeunes filles physiologiquement plus vulnérables au virus.
Tous ces faits ne sont pas encourageants car ils montrent qu'en dépit de nombreuses campagnes d'information et du progrès des traitements anti-rétroviraux l'épidémie progresse. Ce qui est paradoxal, c'est que le progrès des traitements semble même contribuer à une possible propagation du virus dans la mesure où la prudence diminue, les comportements individuels se relâchent, le Sida n'apparaissant plus forcément dans l'esprit des gens comme une maladie mortelle.
Que faire ? D'abord, informer, toujours et encore, sans se décourager. Informer les jeunes adolescents grâce à des cours d'éducation sexuelle obligatoires dispensés à l'école et recourir, le cas échéant, à des témoignages de personnes atteintes du virus, comme on a pu le faire dans les campagnes antitabac. Les témoignages retiennent plus l'attention qu'un savoir théorique.
Informer également par des campagnes de sensibilisation générale, à la télévision, dans la presse, par affichage, et soutenir fortement les associations oeuvrant en ce sens, rappeler combien les traitements médicaux actuels demeurent toujours lourds et contraignants. Il faut aussi abaisser le prix des médicaments et permettre l'accès aux traitements et leur suivi dans les pays les moins développés et former le personnel médical. En ce sens, il faut encore financer les travaux des chercheurs, notamment ceux visant à trouver un vaccin antisida, et tenter d'influer sur les comportements en mettant l'accent sur la responsabilité de chacun et non sur la culpabilité, car la maladie reste fortement connotée négativement.
Les autorités publiques doivent inlassablement et à tous les niveaux, poursuivre leurs efforts afin de mener une bataille sans merci contre l'extension mondiale du virus. Je vous le demande, monsieur le Président, le Conseil de l'Europe doit prendre toute sa place dans ce combat. »
Mme Arlette Grosskost, députée :
« Je salue bien évidemment les trois rapports qui mettent en exergue une pandémie qui ne cesse de croître. Si l'Europe occidentale a réussi à stabiliser sa progression, ce n'est pas le cas de l'Europe orientale ni de l'Asie centrale où, selon l'ONU, 1,7 million de personnes sont porteuses du virus. Ces rapports rappellent fort justement la nécessité de continuer à mener des actions de prévention, particulièrement à destination des jeunes générations.
Ils soulignent également - et j'insisterai sur ce volet - que la lutte contre le Sida passe aussi par une lutte contre les discriminations dont sont victimes les malades. II s'agit là du domaine d'excellence du Conseil de l'Europe.
Être séropositif, c'est devenir un paria. De nombreux malades vivent dans la hantise de perdre leur emploi si leur état de santé venait à être connu. Les amis, les voisins font preuve d'ostracisme. Tout devient plus difficile : se loger, souscrire un crédit; toute la vie quotidienne est bouleversée. Le sida est une priorité de santé publique en France. La lutte contre cette maladie a été déclarée en 2005 grande cause nationale.
Les actions de prévention et de soutien auprès des personnes atteintes sont définies par un programme national, qui énumère les actions menées par les administrations, les associations et les professionnels du secteur de la santé. La France ne se contente pas de mener des campagnes de prévention, d'inciter au dépistage par un examen gratuit et anonyme et d'améliorer le suivi et la prise en charge des malades avec pour objectif de réduire la mortalité liée au sida. Elle développe depuis de nombreuses années des actions ciblées pour prévenir les discriminations dont pourraient être victimes les malades.
Elle cible son action vers l'accompagnement des personnes atteintes. Cette donnée souvent occultée, comme le souligne le rapport, et est en fait primordiale dans nos sociétés qui érigent la dignité humaine en principe fondamentale. La France a mis au point une série de mesures dans les domaines du travail, du logement, des droits sociaux, afin d'éviter les discriminations. Le droit aux soins, sans discrimination du fait de la pathologie, est un droit fondamental garanti par le code de la santé publique. Par ailleurs, le malade a droit au respect de sa vie privée et au secret médical. En aucun cas la séropositivité ne peut être un obstacle à l'embauche ou un motif de licenciement. Seul le médecin du travail peut décider de l'aptitude ou de l'inaptitude du travailleur et peut proposer des aménagements de conditions de travail, au titre de statut de travailleur handicapé.
Pour éviter au malade de se retrouver à la rue, des hébergements spécifiques existent, appartements relais, hébergements d'urgence ou appartements de coordination thérapeutique. Depuis 2001, la Convention Belorgey, signée entre l'État et les principaux groupes d'assureurs et de banquiers, permet aux personnes séropositives de souscrire une assurance décès et de pouvoir bénéficier d'un emprunt ou d'un crédit. Ce dispositif a été amélioré et complété par la Convention Aeras, qui entre en vigueur les jours prochains.
Toutes ces actions visent à limiter les difficultés rencontrées par les malades. Ne nous leurrons pas, le chemin est encore long. C'est pourquoi, il est du devoir de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe d'inciter ses membres à lutter contre les discriminations dont peuvent être victimes les personnes séropositives. »
L'Assemblée a adopté deux Résolutions (n° 1536 et 1537) et deux Recommandations (n° 1784 et 1785) , dans lesquelles elle appelle de ses voeux que les législations nationales punissent ceux qui transmettent volontairement le virus. Elles incitent les pays du Conseil de l'Europe à développer la prévention, le dialogue et l'échange de bonnes pratiques, la non discrimination et le développement des soins.