b) Réduire le nombre des délais de la prescription acquisitive
La prescription acquisitive n'a guère suscité de commentaires de la part des personnes entendues par la mission d'information. Sans doute est-ce le signe qu'elle suscite moins de difficultés que la prescription extinctive.
Cette absence de commentaires tient également au fait qu'apparemment, la prescription acquisitive n'est pas fréquemment invoquée . Avocats et notaires ont ainsi observé qu'elle jouait principalement en Corse, en raison de l'importance des indivisions et de l'absence de titres de propriété. Les premiers ont également évoqué son utilisation pour l'annexion de parties communes d'immeubles. Quant aux seconds, ils ont rappelé que la chambre des notaires de Paris avait dû invoquer l'usucapion pour faire reconnaître son droit de propriété sur son siège, situé place du Châtelet à Paris, et obtenir un permis de construire.
A l'exception de M. Philippe Malaurie, professeur émérite de l'université de Paris 2, tous les intervenants qui se sont prononcés sur la prescription acquisitive ont souhaité que le possesseur de bonne foi et muni d'un juste titre soit mieux traité que le possesseur de mauvaise foi et bénéficie en conséquence d'une prescription abrégée .
En revanche, les avis divergent sur les durées à retenir. Ainsi, les représentants de la profession d'avocat et M. Jean-Jacques Taisne, professeur à l'université de Lille, ont soutenu la variante de l'avant projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, consistant à retenir deux délais de vingt et dix ans. A l'instar du groupe de travail de la Cour de cassation et du gouvernement de M. Dominique de Villepin, le Conseil supérieur du notariat a estimé quant à lui préférable de maintenir le délai trentenaire actuel en l'absence de bonne foi et de juste titre du possesseur et de fixer un délai de prescription abrégée unique de dix ans.
La mission d'information recommande elle aussi de maintenir la prescription acquisitive trentenaire pour les actions réelles immobilières et de fixer une durée abrégée unique de dix ans , quel que soit le lieu de résidence du vrai propriétaire.
Souscrivant aux arguments avancés par la Cour de cassation et le ministère de la justice, elle observe en outre que l'atteinte aux biens portée par l'usucapion constitue, selon la Cour européenne des droits de l'homme, une violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lorsque, compte tenu de la marge d'appréciation des Etats, la législation ne ménage pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et le droit au respect des biens 183 ( * ) . Il n'est pas assuré qu'un délai de vingt ans, a fortiori de dix ans, soit considéré, en l'absence de bonne foi et de juste titre du possesseur, comme ménageant cet équilibre.
Recommandation n° 11: maintenir à trente ans le délai de droit commun de la prescription acquisitive en matière immobilière et fixer une durée abrégée unique de dix ans en cas de bonne foi et de juste titre du possesseur, quel que soit le lieu de résidence du propriétaire. |
* 183 Cour européenne des droits de l'homme, sect. IV 15 novembre 2005, JA Pye (Oxford) LTD c/Royaume Uni