B. LA POLITIQUE DE L'EAU « DÉMEMBRÉE »
Budgétairement peu lisible, la politique de l'eau semble également « malmenée » dans son intégrité . Ses démembrements résultent à la fois de l'éclatement des crédits de politique publique « eau » entre les deux programmes 181 et 153 de la mission « Ecologie et développement durable » et de l'impact produit par le programme d'interventions territoriales de l'Etat de la mission « Politique des territoires ».
1. Une politique entre deux programmes
a) Des crédits éclatés pour une gestion intégrée
La configuration actuelle de la mission « Ecologie et développement durable » comporte deux programmes de politique publique qui se distinguent en fonction des finalités environnementales qu'ils poursuivent 22 ( * ) et les crédits de politique de l'eau sont ventilés sur ces deux programmes , à raison de deux actions par programme.
Ainsi que le fait valoir la direction de l'eau, récemment relayée par les conclusions d'un rapport du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) 23 ( * ) , la distinction milieux / usages qui fonde l'architecture de la mission et la scission des crédits de politique de l'eau qui en résulte sont fondamentalement inadaptées à cette politique , dans la mesure où « le suivi du cycle de l'eau conduit inévitablement à un cheminement entre la notion de milieux aquatiques, d'usages et de gestion de la ressource, d'inondations, d'eaux usées ou de pollutions des eaux » .
Cette présentation budgétaire contrevient de surcroît à l'objectif de gestion intégrée assigné par la directive cadre sur l'eau, qui suppose que les approches en termes de préservation des milieux aquatiques et de satisfaction des usages de l'eau soient étroitement liées.
Votre rapporteur spécial reconnaît que la distinction milieux / usages s'applique très artificiellement à la politique de l'eau. De fait, cette politique continue d'exister de façon autonome à travers la présence de ce que le CIAP qualifie de « sous-programmes eau » , dont l'existence est trahie par le fléchage des crédits « eau ». En contradiction avec l'esprit de la LOLF , ce fléchage consiste à interdire aux gestionnaires de transférer des crédits « eau » vers d'autres politiques sans accord du responsable de programme et entrave la fongibilité qui devrait pouvoir s'appliquer au sein de chaque programme.
b) Un pilotage malaisé
La direction de l'eau du ministère chargé de l'écologie plaide ardemment pour le regroupement des crédits de politique de l'eau au sein d'un même programme. Elle fait valoir, à l'appui de cette demande :
1) que la scission arbitraire des actions de politique de l'eau complique l'exercice de budgétisation en faisant obstacle à la fongibilité des crédits « eau » répartis entre les programmes 153 et 181, et alors même que cette politique connaît des aléas de gestion fréquents ;
2) qu'elle rend le périmètre de ces programmes fluctuant et que cette fluctuation compromet le contrôle des dépenses , en rendant incertaines leurs règles d'imputation ;
3) qu'elle empêche de « capitaliser » les regroupements de services en constituant un schéma d'organisation financière simplifié fondé sur la généralisation des budgets opérationnels de programme (BOP) de bassin ;
4) qu'elle empêche enfin de faire coïncider les objectifs intermédiaires résultant de la nomenclature LOLF avec l'objectif global de bon état écologique des eaux assigné par la directive cadre sur l'eau et, ce faisant, nuit à la lisibilité de notre politique de l'eau pour les autorités communautaire s et contraint l'Etat et ses opérateurs à faire fonctionner deux systèmes d'évaluation au lieu d'un , respectivement dédiés au rapportage sur la directive cadre et à l'évaluation de la performance dans le cadre de la LOLF.
Votre rapporteur spécial prend acte de ce diagnostic, tout en relevant :
- que les éventuelles erreurs d'imputation des crédits de politique de l'eau pourraient autant résulter de la période de « rodage » de la nouvelle nomenclature LOLF que du flou des périmètres des programmes ;
- que la constitution d'un schéma d'organisation financière simplifié n'est pas totalement entravée par la scission des crédits « eau », puisque trois BOP de bassin ont déjà été créés.
* 22 Selon un distinguo milieux / usages, le programme n° 153 « Gestion des milieux et biodiversité » vise à protéger et à gérer le patrimoine naturel, tandis que le programme n° 181 « Prévention des risques et lutte contre les pollutions » tend à traiter l'ensemble des éléments ayant une incidence sur les milieux.
* 23 Rapport du CIAP n° 2006-AI-A-50-02 du 6 février 2007 sur les programmes n° 181 « Prévention des risques et lutte contre les pollutions » de la mission « Ecologie et développement durable » et n° 189 « Recherche dans le domaine des risques et des pollutions » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».