III. L'UNION EUROPÉENNE, NOUVEL HORIZON DU CO-DÉVELOPPEMENT ?
Partiellement communautarisées par le Traité d'Amsterdam, les politiques migratoires ont connu un regain d'intérêt sous l'impulsion des Etats du Sud, frontières extérieures de l'Union. Les images frappantes des événements de Ceuta et Melilla en octobre 2005 ont illustré à la fois l'ampleur des difficultés et la nécessité d'une solidarité européenne et d'une approche globale de ces questions. Le sommet de Hampton Court d'octobre 2005 a ainsi élevé la question migratoire au rang de priorité.
A. LE CADRE INSTITUTIONNEL : UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE
1. L'intérêt d'une approche communautaire de la question des migrations
L'intérêt d'une approche communautaire de la question des migrations est, pour notre pays, avant tout politique. Même si les flux migratoires ne sont plus l'apanage exclusif d'anciennes colonies françaises, l'histoire particulière des liens entre la France et le continent africain entoure le dialogue sur les migrations d'un affect qui nuit à sa sérénité. Sortir d'un face à face bilatéral peut permettre de progresser sur ces questions dans un climat plus apaisé.
En second lieu, ces matières ayant été partiellement communautarisées, il est logique que les négociations soient conduites à l'échelon européen.
Enfin, la faiblesse des marges de manoeuvres sur crédits bilatéraux, du fait de l'engagement massif de la France en faveur des institutions multilatérales de développement, au premier rang desquelles figure l'Union européenne, justifie qu'un effet de levier en matière de développement suffisant pour peser sur la question des migrations soit davantage recherché au niveau européen.
2. Une communautarisation partielle
Depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam en 1999, les questions relatives à l'immigration ont fait l'objet d'une application progressive de la méthode communautaire.
Toutefois, alors que les mesures relatives à l'immigration illégale relèvent du vote à la majorité qualifiée et de la codécision avec le Parlement européen, les mesures relatives à l'immigration légale continuent aujourd'hui de relever de la règle de l'unanimité au Conseil et de la consultation simple du Parlement européen.
Dans ce domaine, des directives ont été adoptées sur le droit au regroupement familial (2003/86/CE), sur les conditions d'admission de ressortissants de pays tiers à des fins d'études, d'échanges d'élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat (2004/114/CE) sur une procédure d'admission spécifique des ressortissants des pays tiers dans l'UE aux fins de recherche scientifique (2005/71) et sur le statut des ressortissants de pays tiers résidant légalement depuis au moins cinq ans sur le territoire d'un Etat membre. Pour ce dernier cas, la mobilité à des fins d'emploi reste du ressort des Etats membres. Tous ces textes laissent une marge d'appréciation importante aux Etats membres pour leur mise en oeuvre.
Les compétences communautaires sur la question des migrations Les compétences de l'Union européenne en matière d'immigration sont issues du Traité d'Amsterdam de 1997, entré en vigueur en 1999. En signant ce traité, les Etats membres ont transféré une partie de leurs prérogatives en matière d'immigration, d'asile, de visas et d'autres mesures relatives à la libre circulation des personnes qui sont devenues des compétences partagées entre les États membres et l'Union européenne. Bien que ces domaines relèvent du « premier pilier » depuis cette date, ils ne sont pas, pour autant, aujourd'hui entièrement soumis à la méthode communautaire. En effet, le traité d'Amsterdam, puis le traité de Nice, ont prévu une application progressive de la méthode communautaire à ces matières. Ainsi, dans le domaine de l'immigration, l'article 63, paragraphes 3 et 4, du traité instituant la Communauté européenne ne prévoit que l'adoption de « mesures » relatives à la politique d'immigration, dans des matières limitativement énumérées : - les conditions d'entrée et de séjour ; - l'immigration clandestine et le séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes en séjour irrégulier ; - les droits des ressortissants des pays tiers en situation régulière de séjour dans un État membre de séjourner dans les autres États membres et les conditions dans lesquelles ils peuvent le faire. Le terme même d'« harmonisation » ne figure pas dans le traité à propos de l'immigration. Lors du Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé de recourir à la « clause passerelle » pour passer, à partir du 1 er janvier 2005, au vote à la majorité qualifiée au Conseil et à la codécision avec le Parlement européen pour les mesures relatives aux contrôles des frontières, tant intérieures qu'extérieures, ainsi qu'à l'immigration clandestine. Cet accord a été formalisé par une décision du Conseil en date du 22 décembre 2004. Le passage de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil et à la codécision avec le Parlement européen était quant à lui prévu par le projet de Traité constitutionnel pour les mesures relatives à l'immigration régulière. Le mandat de la Conférence intergouvernementale, adopté lors du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007, ne remet pas en cause cette évolution. En tout état de cause, chaque Etat membre conserve le droit de définir les volumes d'entrée des ressortissants des Etats tiers à des fins d'emploi. |
3. Des objectifs ambitieux
A la suite de l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, lors du Conseil européen de Tampere en Finlande en octobre 1999, les Etats membres ont adopté un premier programme de travail.
Lors de ce sommet, le Conseil européen a fixé l'objectif d'une « politique commune » en matière d'immigration, dont il a défini trois orientations majeures :
« - le développement du partenariat avec les pays d'origine afin de favoriser en particulier le co-développement ;
- un traitement équitable des ressortissants de pays tiers ;
- une gestion plus efficace des flux migratoires, comprenant un contrôle efficace aux frontières extérieures. »
Si les deux dernières priorités ont connu un début de mise en oeuvre, le partenariat avec les pays d'origine est resté largement à engager. Le programme de Tampere comprend cependant la première référence à la notion de co-développement au niveau européen.
Le programme de La Haye, adopté en annexe des conclusions du sommet européen de Bruxelles en novembre 2005, relance le processus en reprenant ces différents objectifs. Il prévoit l'adoption d'une directive générale sur les droits fondamentaux des travailleurs migrants et quatre directives spécifiques traitant des conditions d'entrée et de séjour de certaines catégories d'immigrants. La Commission propose plusieurs mesures pour renforcer la coopération avec les pays d'origine : contrôle des flux, limitation de la fuite des cerveaux au profit d'une meilleure circulation migratoire, structures de formation dans les pays d'origine...