2. Le calendrier de la transposition sera-t-il tenu ?
Officiellement, il est prévu qu'un projet de loi de transposition soit délibéré en Conseil des ministres d'ici le mois de juin 2008, avec l'objectif d'adopter définitivement le texte avant la fin de l'année, c'est-à-dire pendant la présidence française de l'Union européenne.
Un tel calendrier signifierait que la « directive services » serait transposée un an avant l'échéance légale. Or, en France, les transpositions interviennent généralement trop tard plutôt que trop tôt. Dans son rapport public 2007, consacré au thème L'administration française et l'Union européenne. Quelles influences ? Quelles stratégies ? , le Conseil d'État rappelle que « le délai de transposition [en France] reste un des plus longs de toute l'Union européenne : il est en moyenne de 15 mois à comparer aux 4 mois constatés pour la Finlande ou le Danemark. De plus, il est rare, voire exceptionnel, que la transposition soit effectuée dans les délais sur lesquels, pourtant, la France s'est engagée lors de l'adoption de la directive ».
La question de la capacité à tenir ce calendrier très ambitieux paraît donc légitime. La réponse est loin d'être évidente.
Une fois les premières décisions prises relativement vite, le démarrage des travaux a ensuite été fort lent, très probablement en raison des échéances électorales , nombreuses en 2007 - élections présidentielle en avril/mai et législatives en juin, puis formation du gouvernement et constitution des cabinets.
En outre, certains fonctionnaires en poste au moment de la négociation de la directive ont pu avoir changé d'affectation depuis lors, ce qui ne facilite pas la compréhension de ce texte au sein des ministères.
Plusieurs ministères n'étaient pas représentés lors de la première réunion du groupe de travail interministériel, le 5 avril 2007, faute d'avoir désigné un correspondant à cette date. Une deuxième réunion a dû être organisée le 26 avril.
De surcroît, le calendrier initialement arrêté pour assurer la transposition paraissait peu réaliste , compte tenu de l'ampleur de la tâche.
D'après le compte rendu de la réunion du groupe de travail interministériel du 5 juillet 2007, il était en effet prévu :
- de remettre au cabinet du Premier ministre une liste « la plus exhaustive possible » des secteurs d'activité couverts par la directive, dès le 15 juillet ;
- de transmettre à Matignon, le 30 septembre, le recensement des régimes d'autorisations avec les justifications de maintien ou les propositions de modifications exigées ;
- de préparer un avant-projet de loi pour le 31 octobre ;
- d'engager à l'automne la concertation avec les professionnels, des contacts devant être pris dès le mois de juillet avec les professions concernées par la directive relative aux qualifications professionnelles.
De fait, ce calendrier, très ambitieux, n'a pu être tenu. Le SGG n'avait d'ailleurs pas caché son scepticisme sur son caractère peu réaliste.
La circulaire que le directeur de cabinet du Premier ministre a adressée, le 22 novembre 2007, à ses collègues, fixe au 15 janvier 2008 la date à laquelle Mme Palasz doit remettre ses conclusions concernant le recensement des régimes d'autorisations, soit trois mois et demi après la date initialement envisagée. Si ces conclusions ont bel et bien été rendues dans les délais, les travaux de recensement au sein des ministères étaient loin d'être achevés au 15 janvier. De même, la consultation des professionnels sur les projets de textes législatifs et réglementaires, d'abord prévue à l'automne 2007, n'est plus annoncée qu'à la fin du premier trimestre 2008, même si elle peut être engagée plus tôt.
La question du respect par la France des échéances qu'elle s'est fixées pour transposer la « directive services » est donc posée.
Notre pays ne figure d'ailleurs pas parmi les États membres les plus avancés pour transposer cette directive.
D'après la Commission européenne, l'Autriche, les Pays-Bas, les pays scandinaves ou encore le Royaume-Uni seraient plus en avance que la France 17 ( * ) . Ces pays seraient également plus soucieux de l'état d'avancement de la transposition dans les autres États membres, dont dépendra effectivement la qualité de l'établissement de leurs propres prestataires de services. Ainsi la Confederation of British Industry (CBI), l'équivalent britannique du MEDEF, a-t-elle fait part des préoccupations des entreprises britanniques quant au retard que prendrait tel ou tel État membre pour transposer la directive, d'autant plus que les entreprises de cet État trouveraient un contexte favorable au Royaume-Uni, alors que les entreprises britanniques à l'étranger seraient pénalisées.
Mme Palasz a néanmoins relativisé l'avance du Royaume-Uni, estimant que l'appréciation flatteuse portée sur ce pays relevait d'un habile affichage, éloigné de la réalité des mesures prises en vue de la transposition. Elle a notamment rappelé que la Commission européenne s'était montrée critique sur les projets britanniques en matière de guichets uniques, conçus comme de simples portails informatifs. Il est vrai que la Commission incite fortement les États membres à mettre en place des guichets uniques transactionnels (ou décisionnels), ce que certains d'entre eux, dont le Royaume-Uni, jugent peu réaliste dans les délais impartis.
En revanche, notre pays serait plus avancé que l'Italie ou l'Allemagne, cette dernière rencontrant de nombreuses difficultés en matière d'organisation administrative et de remontée d'information des Länder , liées à la structure fédérale de cet État.
En tout état de cause, et même si l'objectif d'un texte de transposition en Conseil des ministres en juin 2008 était respecté, il est fort vraisemblable que ce texte ne serait que partiel .
* (17) Au Royaume-Uni, aucune date pour l'examen au Parlement du texte de transposition n'aurait encore été fixée.