B. LES APPORTS DE LA PROPOSITION

Si ce texte constitue « une chance pour l'innovation » selon l'expression du commissaire aux entreprises Günter Verheugen, il apporte aussi une contrainte nouvelle aux constructeurs. Cette contrainte est souvent très mal ressentie de la part d'industriels qui rappellent que 88 % des émissions anthropiques de CO 2 ne sont pas liées au transport automobile, et que la plupart ont fait de gros efforts de maîtrise des pollutions. Néanmoins, l'effort de la Commission mérite d'être soutenu.

1. Est-ce à l'Union européenne d'imposer des règles communautaires sur les émissions de CO2 ?

Nul ne peut disconvenir que l'objectif de contrôle des émissions de CO 2 ne peut être atteint que par une action au niveau communautaire (à défaut d'une action mondiale qui, seule, serait véritablement efficace). L'augmentation des émissions de CO 2 due au transport des voitures est le signe de l'insuffisance des recommandations institutionnelles et des démarches volontaristes des constructeurs automobiles. L'action des industriels pour maîtriser les émissions est en effet variable et l'attraction des consommateurs pour certains modèles est une donnée du marché dans lequel les préoccupations environnementales n'interviennent pas. Un monospace par exemple consomme et rejette 20 g de plus qu'une berline classique ; le dernier modèle de Porsche dégage 300 g/km (cf. publicité parue dans Le Monde du 11 avril 2008), un célèbre 4x4 « exotique » dégage jusqu'à 346 g de CO 2 par kilomètre...

On pourra noter que la France est bien placée dans ce domaine. D'abord parce que le marché français est plutôt orienté vers des voitures de petite et moyenne gamme relativement peu consommatrices de carburant et par conséquent peu émettrices de CO 2 , ensuite parce que les constructeurs français ont fait de gros efforts pour réduire ces émissions. Ainsi, si le niveau moyen d'émission de CO 2 des voitures mises en circulation en Europe est de 160 g/km en 2007, la moyenne en France est à 149 g. Les deux constructeurs Peugeot et Renault enregistraient les meilleurs résultats avec respectivement 140 g et 143 g, loin devant la plupart des autres constructeurs (voir annexe 4).

2. Les normes fixées sont-elles trop rigoureuses ?

L'Europe, le monde, ne peuvent se satisfaire de demi-mesures. Chaque année, le constat sur le dérèglement climatique se fait plus précis et plus inquiétant. L'Europe doit s'engager dans cette lutte. Même s'il est désespérant que d'autres pays développés ne s'engagent pas autant dans la lutte contre le changement climatique, même si le consommateur européen, écartelé entre l'attention au pouvoir d'achat et sa conscience citoyenne, privilégie les produits en provenance de pays encore fort peu attentifs à ces questions, l'Europe doit prendre sa place, toute sa place, dans ce combat mondial. L'exemple de l'Europe, prise à défaut malgré son engagement en faveur du protocole de Kyoto, est un très mauvais signal. L'Europe peut et doit prendre la première place dans ce combat humanitaire et cette responsabilité. Le modèle écologique européen s'imposera tôt ou tard au reste du monde.

Certes, la norme sera très contraignante pour les constructeurs (la réglementation s'applique aux seules voitures neuves et non aux émissions de CO 2 dans un pays déterminé ou dans l'ensemble de l'UE.). Mais le défi climatique mondial impose certainement ce type de mesures. D'ailleurs la norme n'est pas impossible à atteindre. Des véhicules hybrides (propulsion électrique et essence) ont des taux d'émission inférieurs à 100 g/km.

3. Les pénalités prévues sont-elles excessives ?

L'argument est fréquemment soulevé par les constructeurs. Le prix du gramme (95 euros par gramme de dépassement à partir de 2015) est en effet supérieur au prix du carbone habituellement retenu dans les instances internationales et peut conduire à des pénalités considérables, supérieures à un milliard d'euros par constructeur généraliste. Pourtant, il faut accepter l'idée qu'il n'y aura pas de changement de comportement sans contrainte forte : c'est la hausse du prix du pétrole qui a fait diminuer la consommation pétrolière ; c'est la multiplication des amendes pour excès de vitesse qui a fait réduire la vitesse sur les routes. L'engagement volontaire est souvent insuffisant.

On pourra cependant discuter de la mise en oeuvre de ces pénalités. Dès lors qu'il faut compter de l'ordre de huit ans pour réaliser un moteur neuf, l'application de pénalités dès 2012 paraît injuste. Le système est ainsi conçu que, quel que soit son choix, qu'il s'adapte ou non, l'industriel est soumis à des coûts supplémentaires !

Cette grande injustice pourrait être réparée soit par une diminution ou un report des pénalités, soit, plutôt, par une modulation des pénalités en fonction de l'importance du dépassement . Il s'agit de faire en sorte que les dépassements à la marge de 2, 3 ou 5 grammes (niveau à débattre) soient moins pénalisés que les dépassements de 10, 20 grammes ou au-delà.

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