B. L'ORIENTATION DE LA RECHERCHE : UN AXE FAIBLE DE LA GOUVERNANCE FRANÇAISE
• L'analyse stratégique
fait défaut : la France se devrait d'identifier
,
au terme d'une analyse par secteur et sous-secteur scientifique et au regard de
son potentiel industriel, non seulement ses
points forts
, mais
encore
les retards « irrattrapables » et les
retards « rattrapables »
, vers lesquels les moyens
devraient être concentrés. En amont de la détermination des
objectifs budgétaires et des indicateurs de performance,
la
définition d'une stratégie de recherche par grand domaine
(« roadmap ») est essentielle
.
• Lorsque des priorités sont
définies, leur mise en oeuvre est défaillante
. La France
n'a pas significativement réalloué les moyens de la recherche en
conséquence des décisions du
CIRST
233
(
*
)
du 1
er
juin
1999, qui en prévoyait une nette augmentation pour les
sciences
du vivant et les STIC
234
(
*
)
.
• Enfin,
le flou est grand
concernant
l'instance
235
(
*
)
de proposition des grandes orientations
nationales en matière de recherche.
Il est à craindre que « l'indicateur précède l'acteur » avec un projet annuel de performance qui incite, aujourd'hui, à orienter encore la dépense en faveur du vivant ou des STIC... Qui en décide ? Est-ce toujours pertinent ? Avec quels leviers agir ? Notons que ces difficultés ont été identifiées dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).
Le « conseil de modernisation des politiques publiques » du 4 avril 2008 a validé le projet de « définition des priorités nationales et conception d'une stratégie et d'une orientation assurant une réponse rapide et performante ». Si le HCST devait être confirmé dans ses fonctions, votre Délégation estime qu'il faudrait conférer plus d'autorité à ses décisions en décidant que le Haut conseil établisse, au terme d'une démarche « bottom-up », un plan stratégique de moyen terme (tous les quatre à six ans) qui fasse l'objet d'un avis rendu par l'OPECST 236 ( * ) puis d'un vote du Parlement . |
C. UNE PROGRAMMATION ENCORE TROP ÉPARSE POUR FAVORISER LA COHÉRENCE DE LA RECHERCHE
Une analyse menée par le BIPE sur la collaboration des acteurs dans le domaine du vivant montre qu'« une vision claire et cohérente de la coordination entre acteurs de la recherche publique est difficile à obtenir ». Ce secteur est symptomatique des risques de redondances et de carences de la recherche dus à la complexité et à l'éparpillement institutionnel en France.
En théorie, ces écueils pourraient être surmontés par une montée en puissance des agences de moyens, qui aboutissent à centraliser les projets pour sélectionner les meilleurs, quels que soient les organismes de rattachement des équipes qui en sont les porteurs.
Ces trois dernières années ont vu l'émergence et la montée en puissance d'une agence de moyen à vocation générale : l' Agence nationale de la recherche (ANR), pierre angulaire de l'acclimatation de la logique de projet dans le système de recherche français.
En 2007, l'intervention de l'ANR a représenté environ 4,2 % des moyens consacrés par l'Etat à la recherche , et elle devrait en représenter 6,2 % en 2010 237 ( * ) d'après la programmation des moyens consacrés par l'Etat à la recherche résultant de la loi du 18 avril 2006. Malgré les effets de levier , les ambitions semblent modestes au regard de certains exemples étrangers et il importera au moins que la programmation, jusqu'ici respectée, le soit encore en 2009 et au-delà . Les objectifs sont cependant contenus par l'impossibilité actuelle de calculer les coûts complets, avec pour corollaire une prise en charge nécessairement intégrale des chercheurs fonctionnaires par leurs organismes de rattachement
Parallèlement, coexistent avec l'ANR certaines agences de financement spécialisées 238 ( * ) , tandis que les organismes de recherche agiraient de plus en plus en tant qu'« agences de moyens » dans la mesure où les plus grands (CNRS, INSERM, CEA...) affirment s'être récemment efforcés de renforcer leur capacité de peser sur les priorités et les orientations de leurs unités. En outre, les moyens communautaires sont de plus en plus incitatifs, ce qui renforce l'attractivité des contrats du PCRD 239 ( * ) .
De façon incidente, on observera que les programmes européens de recherche ne peuvent embrasser la totalité des besoins non satisfaits, et que des initiatives interétatiques ou transnationales de collaboration devront continuer à émerger là où les investissements requis dépassent une certaine masse critique . Les principales réalisations de l'Europe de la recherche (Agence spatiale européenne, European Biology Laboratory de Heidelberg, accélérateurs de particules du Conseil européen de la recherche...) sont issues de coopérations intergouvernementales.
Au total, les sources programmatiques, qui coexistent avec les tutelles, semblent trop nombreuses pour qu'il soit possible de garantir leur bonne articulation et l' absence de redondances ou de carences dans l'exécution de la recherche. Réciproquement, les laboratoires sont confrontés à la difficulté d'un émiettement croissant des moyens , avec une charge de gestion qui peut nuire à leur productivité scientifique.
L'équilibre actuel n'est pas satisfaisant et l'on semble plutôt parvenu à un stade transitoire, qui inclinerait à une montée en puissance accélérée de l'ANR (ou d'agences de moyens sectorielles) afin qu'une source programmatique parvienne à une « masse critique » autour de laquelle s'organise la cohérence de la recherche - nonobstant les difficultés et le coût d'arbitrage qui pourraient alors résulter, sans rationalisation des structures, d'un nombre excessif de projets concurrents.
En attendant, diverses initiatives ( groupes de concertation sectoriels 240 ( * ) , généralisation des contrats quadriennaux passés avec les différents organismes, réforme du CNRS et de l'INSERM devant déboucher sur l'identification d'un « chef de file » dans différents domaines de la recherche) peuvent faciliter une programmation articulant plus finement les travaux menés par les différentes structures.
* 233 Comité interministériel de la recherche scientifique et technique.
* 234 Sciences et technologies de l'information et de la communication.
* 235 S'agit-il du Haut Conseil de la science et de la technologie (HSCT) créé ad hoc par la loi d'avril 2006, du CIRST(ou de la DGRI (Direction générale de la recherche et de l'innovation) créée en 2006, au sein de laquelle une Direction de la stratégie « conçoit et anime la stratégie nationale en matière de recherche et d'innovation » ?
* 236 Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.
* 237 Y compris les concours supplémentaires à OSEO-Anvar en faveur de la recherche. Pour être générale, la vocation de l'ANR n'est pas exclusive et Futuris estime qu'entre 1997 et 2007, la recherche sur projet est passée de 11,3 % à 16,5 % de dépense de recherche publique.
* 238 L'Institut national du cancer (INCa) et l'Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS) fonctionnent comme des agences de moyens.
* 239 Même si l'impact du PCRD sur l'effort de recherche français est encore ténu, avec 1,4 % de sa dépense intérieure de recherche et de développement durant les quatre années du 6 ème PCRD.
* 240 Afin de mieux assurer la cohérence nationale et l'articulation du cadre de financement étatique avec les cadres de financement communautaire et régional, la DGRI a mis en place, en 2007, des « groupes de concertation sectoriels » pour améliorer la programmation de la recherche.