Rapport d'information n° 416 (2007-2008) de M. Josselin de ROHAN , Mme Josette DURRIEU , MM. Jean-Pierre FOURCADE , Robert HUE , Yves POZZO di BORGO et Roger ROMANI , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 25 juin 2008

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N° 416

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juin 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) à la suite d'une mission en Russie effectuée du 21 au 25 avril 2008 par une délégation chargée d'étudier la situation intérieure , ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale ,

Par M. Josselin de ROHAN, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Pierre FOURCADE, Robert HUE, Yves POZZO di BORGO et Roger ROMANI,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue , vice-présidents ; MM. Jacques Peyrat, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, André Trillard , secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. Christian Cambon, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Du 21 au 25 avril 2008, une délégation de votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées s'est rendue en Russie afin de mieux évaluer la situation politique intérieure de ce pays à la veille de la passation de pouvoir entre Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev et d'analyser les grandes évolutions de la politique étrangère russe.

Conduite par M. Josselin de Rohan, président de la commission, cette délégation était également composée de Mme Josette Durrieu et de MM. Jean-Pierre Fourcade, Robert Hue, Yves Pozzo di Borgo et Roger Romani.

Précédé de plusieurs auditions préparatoires, ce déplacement a été marqué par de nombreux entretiens politiques, avec notamment 1 ( * ) :

- les présidents et des parlementaires membres des commissions compétentes en matière d'affaires étrangères et de défense de la Douma et du Conseil de la Fédération du Parlement russe ;

- le conseiller spécial pour les affaires européennes du Président de la Fédération de Russie, M. Serguei Iastrjembski ;

- le vice-ministre des Affaires étrangères, M. Alexandre Grouchko, des responsables du Conseil de sécurité et du ministère de la défense ;

- des experts, des universitaires et des chercheurs.

Ces entretiens ont été complétés par des rencontres avec des représentants de l'opposition, de la société civile, et des principales organisations de défense des droits de l'homme présentes en Russie.

Enfin, tout au long de cette visite, la délégation a bénéficié de l'assistance et des éclairages très précieux de l'Ambassadeur de France à Moscou, Son Exc. M. Stanislas de Laboulaye, et de ses collaborateurs, auxquels elle tient à exprimer ici sa plus vive gratitude.

Ce déplacement marque l'intérêt constant de la commission des affaires étrangères et de la défense pour ce grand partenaire qu'est la Russie. Elle avait déjà effectué une mission en Russie en avril 2004, juste après la réélection de Vladimir Poutine pour un second mandat à la tête de la Fédération de Russie, qui avait donné lieu à un excellent rapport de nos collègues MM. André Boyer, Claude Estier, Jean Puech et Xavier de Villepin 2 ( * ) .

*

* *

Ce début d'année 2008 constituait à bien des égards un moment particulièrement opportun pour réaliser une nouvelle mission d'information en Russie.

Avec la victoire du parti « Russie unie » aux élections législatives de décembre 2007, puis celle de Dmitri Medvedev aux élections présidentielles de mars 2008, la Russie a connu une transition inédite.

En effet, le 7 mai dernier, après avoir exercé la fonction de Président de la Fédération de Russie pendant plus de huit années, Vladimir Poutine a laissé la place à Dmitri Medvedev, son ancien Vice Premier ministre et l'un de ses proches les plus fidèles, qui l'a désigné peu après comme chef de son gouvernement.

Le tandem Dmitri Medvedev/Vladimir Poutine sera-t-il marqué par une continuité avec la politique menée par Vladimir Poutine ou bien assistera-t-on à des tensions entre le nouveau président de la Russie et son Premier ministre, voire à une dyarchie à la tête de l'Etat ?

Sous les deux mandats successifs de Vladimir Poutine, la Russie a connu des transformations majeures. Après la disparition de l'URSS en 1991, la Russie avait été confrontée à un effondrement de son économie et elle avait été marginalisée sur la scène internationale. Depuis 2000, grâce notamment à la forte hausse du prix des hydrocarbures, dont elle constitue l'un des principaux pays producteur et exportateur, la Russie a connu un net redressement économique, marqué par une forte croissance. Le redressement de son économie s'est toutefois accompagné d'un renforcement du pouvoir présidentiel, qui alimente, dans le monde occidental, un débat sur l'évolution du régime, entre ceux qui s'inquiètent d'un possible retour à des pratiques autoritaires et d'autres qui soulignent le besoin d'une remise en marche de l'appareil d'Etat. Mais, au-delà de ce débat, se pose la question de la capacité des autorités à engager la Russie sur la voie de la modernisation économique et sociale.

La Russie a aussi fait un retour remarqué sur la scène internationale. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Russie reste un acteur important sur les grands sujets internationaux. Elle exerce ainsi une grande influence dans les Balkans, en tant que membre du groupe de contact, au Proche Orient, où elle est membre du « Quartette », ou encore sur le dossier du nucléaire iranien. Par ailleurs, grâce notamment à l'arme énergétique, son influence s'est fortement renforcée ces dernières années, dans son « étranger proche », c'est-à-dire dans les pays de la Communauté des Etats indépendants, auxquels elle accorde une priorité marquée, bien qu'elle entretienne des relations conflictuelles avec certains pays, comme l'Ukraine ou la Géorgie.

Enfin, la Russie représente un partenaire important pour l'Union européenne. Elle constitue, en effet, son plus grand voisin, son troisième partenaire commercial et son premier fournisseur d'hydrocarbures. Or, depuis l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale en 2004, les relations avec la Russie ont connu certaines tensions, liées notamment au projet d'installation d'éléments du système de défense anti-missiles américain en Pologne et en République tchèque ou encore au sujet de l'adhésion éventuelle de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN. Au moment où l'Union européenne et la Russie doivent lancer les négociations sur un nouvel accord de partenariat, qui remplacerait l'actuel accord de partenariat et de coopération, il semble opportun de faire le point sur les relations de la Russie avec l'OTAN, l'Union européenne et la France, notamment à la veille de la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2008.

Le présent rapport s'attachera à présenter brièvement les principales impressions recueillies par la délégation dans ces différents domaines et traitera successivement de la situation intérieure de la Russie à l'aube de la présidence de Dmitri Medvedev, des priorités de la politique étrangère russe, notamment à l'égard des pays de son « étranger proche », et, enfin, des relations de la Russie avec l'OTAN, l'Union européenne et la France.

I. LA SITUATION INTÉRIEURE DE LA RUSSIE À L'AUBE DE LA PRÉSIDENCE DE DMITRI MEDVEDEV

Sous les deux mandats présidentiels successifs de Vladimir Poutine, la Russie a connu un important redressement économique, grâce notamment à la forte hausse du prix des hydrocarbures, et un renforcement du pouvoir, qui donne lieu à des interprétations contradictoires entre dérive autoritaire ou restauration de l'autorité de l'Etat.

Pour autant, la Russie présente des faiblesses structurelles, qui tiennent notamment à sa démographie. Dans ce contexte, l'amélioration de la qualité de vie de la population par la mise en oeuvre de réformes de modernisation administrative et économique, devrait figurer en tête des priorités du nouveau président russe Dmitri Medvedev et de son chef de gouvernement Vladimir Poutine.

A. LE BILAN DES DEUX MANDATS DE VLADIMIR POUTINE ET LES INTERROGATIONS SOULEVÉES PAR LE TANDEM AVEC DMITRI MEDVEDEV

Après la disparition de l'URSS en 1991, la Russie avait été confrontée dans les années 1990, sous la présidence de Boris Eltsine, à une situation anarchique, à un effondrement de l'économie, à véritable « pillage » de ses ressources et à une déliquescence de l'État.

Dans ce contexte, depuis 2000, date à laquelle il a succédé à Boris Eltsine à la tête de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine s'est employé à restaurer l'autorité de l'État, tant à l'intérieur, qu'à l'extérieur, en renforçant la « verticale du pouvoir » et la « dictature de la loi ».

Les deux mandats successifs de Vladimir Poutine se sont ainsi traduits par un net renforcement du pouvoir et du rôle de l'Etat.

Depuis la fin de l'Union soviétique, jamais un exécutif n'a disposé d'une assise aussi solide et jamais les contrepouvoirs n'ont paru aussi faibles. L'absence ou la marginalisation, dans le débat public, de formations représentant les sensibilités libérales et sociales-démocrates, laisse la totalité de l'espace politique au Président.

Cette situation nouvelle a alimenté un débat sur l'évolution du régime lui-même. Faut-il parler, comme certains commentateurs, d'une dérive plébiscitaire, voire autoritaire, ou bien d'une restauration de l'autorité de l'Etat ?

1. La double séquence électorale de 2007-2008 : un succès massif pour Vladimir Poutine

L'ascendant pris par Vladimir Poutine au fil de ses deux mandats successifs s'est concrétisé avec force lors des élections législatives du 7 décembre 2007 qui ont assuré une majorité massive à « Russie unie », le parti constitué autour du soutien à sa personne.

Lors de ces élections, le parti « Russie unie », dont Vladimir Poutine avait pris la direction, sans en être membre lui-même, est arrivé largement en tête, avec plus de 64 % des voix. Au sein de la Douma, il a obtenu 315 des 450 sièges, atteignant donc la majorité des deux tiers nécessaire pour toute révision constitutionnelle.

Si le parti communiste, avec 11,5 % des voix et 57 sièges, reste le deuxième parti représenté à la Douma, les partis libéraux, divisés, n'ont recueilli que 1,59 % pour Iabloko et 1 % pour l'Union des forces de droite, n'atteignant pas le seuil requis de 7 % pour être représentés à la Douma.

Le parti « Russie juste », dirigé par le président du Conseil de la Fédération, Serguei Mironov, est passé tout juste au dessus du seuil de 7 %, et dispose de 38 sièges de députés, alors que le parti libéral-démocrate de Vladimir Jirinovski, qui développe des thèmes nationalistes, populistes et protestataires, parvient à se maintenir, avec 8 % des voix et 40 sièges.

Ces deux derniers partis soutiennent toutefois en pratique l'action de Vladimir Poutine. De fait, le seul parti d'opposition représenté à la Douma est le parti communiste.

Intervenant trois mois après le renouvellement de la Douma, l'élection présidentielle faisait figure de formalité, en l'absence de réelle concurrence.

La Constitution russe interdisant au Président de la Fédération d'exercer plus de deux mandats consécutifs, Vladimir Poutine ne pouvait se représenter et il s'était toujours refusé à réviser la Constitution pour obtenir la possibilité de briguer un troisième mandat, bien que disposant d'une forte popularité et de la majorité qualifiée nécessaire au Parlement.

Vladimir Poutine ayant donc désigné, le 10 décembre 2007, son successeur en la personne de Dmitri Medvedev, l'un de ses proches, originaire comme lui de Saint-Pétersbourg, président du Conseil d'administration de Gazprom et premier Vice Premier ministre, ce dernier a été élu sans difficulté lors des élections du 2 mars 2008, avec plus de 70 % des voix et un niveau de participation suffisant (67,7%) pour valider cette élection dès le 1 er tour.

Dès l'annonce de sa candidature, Dmitri Medvedev avait déclaré qu'il désignerait Vladimir Poutine au poste de Premier ministre de son gouvernement, ce qui fut fait dès le lendemain de la passation de pouvoir entre les deux hommes, le 7 mai 2008.

2. La nature ambivalente du régime de Vladimir Poutine et les incertitudes sur le fonctionnement du tandem avec Dmitri Medvedev

S'agissant du déroulement de ces deux scrutins , on peut relever que, en dépit des affirmations du président de la commission électorale centrale, que les membres de la délégation ont rencontré, elles ont été entachées d'irrégularités manifestes, notamment dans certaines régions, comme la Tchétchénie, où les résultats officiels des élections législatives font état d'un taux de participation et d'un score de « Russie unie » de 99 %. Face à la volonté de Moscou de limiter de manière drastique le nombre d'observateurs étrangers, pour contrôler 95 000 bureaux de votes répartis sur le territoire, le bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE avait d'ailleurs renoncé à envoyer des observateurs pour superviser ces élections.

De plus, l'égalité des chances entre les différentes formations n'était pas pleinement assurée . Les difficultés rencontrées par certains candidats, le recours à la « ressource administrative », euphémisme désignant les pressions de diverse nature exercées par les autorités, mais surtout le traitement non équitable des différents partis et candidats dans les médias contrôlés par l'Etat semblent avoir contribué à réduire la concurrence et à amplifier la victoire de l'exécutif sortant.

Plus généralement, le lien étroit entre la télévision d'Etat et l'exécutif, comme le ton de moins en moins critique de la presse nationale, au demeurant peu diffusée hors des grandes métropoles, renforcent l'impression d'un affaiblissement du débat démocratique , accentué par l'absence de parti politique susceptible de défendre une alternative crédible, à l'exception du parti communiste.

Ce dernier est d'ailleurs le seul parti politique à disposer d'une véritable base électorale, les autres partis politiques n'étant que faiblement structurés, y compris le parti pro Poutine « Russie unie », dont la délégation a rencontré l'un des principaux dirigeants, qui, en dépit de ses succès électoraux, demeure un parti faiblement structuré composé surtout de cadres de l'administration.

Tous ces éléments dénotent, sur nombre de points, des écarts sensibles avec les standards de la démocratie pluraliste , tels qu'ils sont conçus dans les pays occidentaux, lesquels, il est vrai, n'ont guère eu l'occasion d'être pleinement mis en oeuvre en Russie.

Pour autant, il est évident que le résultat des élections législatives et présidentielles traduit un réel soutien populaire à Vladimir Poutine , confirmé d'ailleurs par toutes les enquêtes d'opinion.

Il est vrai que son image tranche évidemment avec celle, très dégradée, de son prédécesseur.

Les dernières années de la présidence de Boris Eltsine avaient, en effet, été marquées par l'instabilité politique, avec cinq changements de premier ministre en un an et demi, les scandales affectant la famille et les proches du président et les effets de la crise financière de l'été 1998.

À l'inverse, Vladimir Poutine peut incarner, aux yeux de la population, la restauration de l'autorité de l'Etat, y compris au travers des manifestations d'autorité dont il a fait preuve. Il a bénéficié d'une amélioration de la conjoncture économique qui a, par exemple, permis d'assurer le paiement régulier des traitements et pensions, mettant fin à l'un des dysfonctionnements les plus flagrants des pouvoirs publics.

Vladimir Poutine semble représenter aujourd'hui aux yeux des Russes, volontairement ou malgré lui, la figure d'un « leader national », ayant permis à la Russie de redresser son économie et de retrouver son rang sur la scène internationale. Force est de constater que la personnalité de Vladimir Poutine continue d'alimenter les interrogations sur l'évolution de la Russie vers les valeurs démocratiques occidentales, ou à l'inverse, vers la restauration de pratiques autoritaires.

Dans ce contexte, l'accession de Dmitri Medvedev à la présidence de la Fédération et le fonctionnement du tandem avec Vladimir Poutine doivent être examinés avec attention. D'autant plus que la Constitution russe reconnaît une prééminence au Président de la Fédération, qui s'est d'ailleurs fortement accentuée dans la pratique sous les deux mandats de Vladimir Poutine.

A cet égard, la décision de Vladimir Poutine de prendre la tête du parti « Russie unie » et de regrouper autour de lui la plupart des structures de l'administration présidentielle peut s'interpréter comme le signe d'un renforcement dans la pratique des pouvoirs du Premier ministre au détriment de ceux du Président de la Fédération. Ainsi, les « super préfets » à la tête des sept districts fédéraux, mis en place par Vladimir Poutine pour contrôler l'action des gouverneurs des sujets de la fédération, ne seront plus dépendants directement du Président de la Fédération, mais du Premier ministre.

Des tensions seront sans doute inévitables entre les deux hommes et la manière dont ils parviendront à les gérer aura certainement une grande influence sur l'avenir de la Russie et de son régime.

3. La restauration de « la verticale du pouvoir » et la situation en matière de démocratie et de libertés fondamentales

Si la Russie a rompu avec le système totalitaire soviétique, il n'existe pas aujourd'hui de véritables contre-pouvoirs institutionnels, politiques et juridiques face à l'autorité présidentielle .

Ainsi, le Parlement russe est largement dominé par le parti « Russie unie » et n'exerce qu'une influence réduite.

S'il existe encore des médias indépendants , comme le journal « Novaia Gazeta » ou la station de radio « Écho de Moscou », on a assisté à une prise de contrôle du Kremlin sur les principaux médias, notamment les grandes chaînes de télévision. L'assassinat de la journaliste Anna Politkovskaia, le 7 octobre 2006, a, en outre, illustré les dangers existants pour l'activité des journalistes indépendants.

Le rôle de premier plan occupé par les hommes provenant des « structures de force » (armée, police, services de renseignements), les « siloviki », dont Vladimir Poutine est lui-même issu et qui occupent la plupart des postes-clefs au sein du gouvernement et de l'appareil de l'Etat, est également fréquemment cité à l'appui des craintes relatives à un raidissement du régime, tout comme les méthodes employées par les forces de sécurité à l'égard des manifestations de l'opposition.

Sous la présidence de Vladimir Poutine , le pouvoir central a également renforcé son autorité sur les 89 sujets de la Fédération , mettant fin à des tentations d'autonomie de certaines républiques. Depuis 2004, les gouverneurs des régions et les présidents des républiques ne sont plus élus au suffrage universel direct, mais ils sont désormais nommés par le président de la Fédération, qui soumet son candidat à l'approbation de l'assemblée régionale, qu'il peut dissoudre en cas de rejet de son candidat. De plus, sept nouveaux districts fédéraux couvrant l'ensemble du territoire de la Fédération ont été créés et placés sous la direction d'un représentant plénipotentiaire du président de la Fédération (Polpred). Dépendant directement du président de la Fédération et dotés de larges prérogatives, ces « super préfets » sont chargés de mettre en conformité les législations des 89 sujets de la Fédération avec le droit fédéral, mais aussi de superviser et de contrôler l'action des gouverneurs.

En décembre 2004, des modifications ont été introduites à la loi sur les partis politiques . Le nombre minimal de membres requis pour qu'un parti puisse être enregistré a ainsi été porté de 10 000 à 50 000.

Des modifications ont aussi été apportés à la loi électorale en avril 2005, le mode de scrutin des élections des députés à la Douma passant d'un scrutin mixte, moitié proportionnel, moitié uninominal majoritaire, à un scrutin entièrement proportionnel, avec un relèvement du seuil nécessaire pour qu'un parti puisse être représenté à 7 % des suffrages.

La composition du Conseil de la Fédération, la deuxième chambre du Parlement russe, a également été modifiée en 2003, les membres n'étant plus directement élus, mais désignés par les organes législatifs et exécutifs des sujets de la Fédération.

S'il existe en Russie des organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme, nationales ou internationales , telles que « Mémorial », le groupe Helsinki de Moscou ou encore le centre Carnegie, dont la délégation a pu rencontrer les représentants, leur activité est soumise à des pressions de la part des autorités .

Ainsi, en 2006, une loi sur les organisations non gouvernementales a été adoptée, qui restreint leur possibilité de financement à l'étranger et l'exercice de leur activité sur le territoire.

Toutefois, le pouvoir lui-même semble avoir pris conscience des dangers résultant de l'absence de véritable société civile organisée et de corps intermédiaires.

Une chambre sociale a ainsi été créée par Vladimir Poutine en mars 2005, un peu sur le modèle du Conseil économique et social français, afin précisément de structurer la société civile. La chambre sociale, dont la délégation a rencontré le président et plusieurs représentants, comporte 126 membres désignés ou cooptés, issus des syndicats, des organisations non gouvernementales, ainsi que des principales religions présentes en Russie. Elle joue un rôle consultatif en donnant des avis sur tous les projets de lois, avant leur transmission au Parlement.

En outre, il existe un délégué des droits de l'Homme, que la délégation a également rencontré lors de son séjour à Moscou, qui joue le rôle d'un Ombudsman ou d'un Médiateur de la République.

Enfin, si la situation en Tchétchénie tend à se stabiliser , les forces russes ayant laissé la place aux milices pro Kremlin de Rmazan Kadyrov, qui s'est assuré la maîtrise de la totalité de l'appareil exécutif de la république, la situation reste tendue dans les républiques voisines du Caucase du Nord , notamment en Ingouchie, en Kabardino Balkarie, en Ossétie du Nord et au Daghestan, où l'islamisme radical progresse.

Les membres de la délégation se sont entretenus à ce sujet avec des représentants de ces républiques au Conseil de la Fédération, qui n'ont pas caché leurs inquiétudes, tout en insistant sur les particularités propres de chacune de ces régions.

B. UN IMPORTANT REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE GRÂCE A LA MANNE ÉNERGÉTIQUE MAIS QUI RESTE ENCORE FRAGILE

1. Un important redressement économique

Sur le plan économique, les deux mandats successifs de Vladimir Poutine se sont achevés sur des résultats positifs attestés par l' évolution très favorable de tous les indicateurs macro-économiques .

Au lendemain de la disparition de l'Union soviétique, la Russie avait connu une grave récession économique, aggravée par une crise financière en 1998.

Depuis 1999, le PIB s'est considérablement accru pour atteindre plus de 1700 milliards de dollars en 2007, ce qui place la Russie au 9 ème rang mondial, juste derrière la France (avec 1800 milliards de dollars) et l'Italie. La croissance économique demeure soutenue, avec un rythme annuel supérieur à 6 % depuis 1999 et un gain de 7 % en 2007.

Le budget et les comptes extérieurs sont excédentaires , la dette publique a été résorbée . Le budget de l'Etat est en excédent depuis 2000, avec un excédent budgétaire de 5 % du PIB en 2004, ces surplus étant transférés à un fonds de stabilisation budgétaire, qui est alimenté aujourd'hui à hauteur de 200 milliards de dollars. L'excédent des paiements courants, dû notamment aux exportations de produits énergétiques, a permis une reconstitution rapide des réserves de changes. La banque centrale a accumulé des réserves supérieures à 500 milliards de dollars. Procédant à des remboursements anticipés, la Russie est parvenue à réduire considérablement sa dette extérieure, passée de 150 % du PIB en 1998 à 9 % du PIB en 2006.

La situation du marché du travail est proche du plein emploi et la Russie a même recours à des travailleurs étrangers, en provenance principalement des anciennes républiques soviétiques, pour faire face à la pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs, comme le bâtiment.

Pour une large part, les bons résultats de l'économie russe proviennent du secteur énergétique , grâce à l'augmentation du volume des exportations et à la hausse des cours du pétrole.

Selon les statistiques officielles, les secteurs pétrolier et gazier représentent à eux seuls 12 % du PIB, près de 40 % des recettes fiscales et environ la moitié des exportations. Une augmentation du prix du baril de 1 dollar représenterait donc 0,5 point de PIB et environ 6 % de recettes supplémentaires pour le budget. Les experts de la Banque mondiale estiment, pour leur part, que le secteur énergétique représenterait près de 25 % du PIB, ce qui mettrait en évidence une dépendance encore plus grande de l'économie vis à vis des exportations énergétiques et de la fluctuation des cours .

L'évolution des cours du pétrole a donc considérablement favorisé le redressement des indicateurs macroéconomiques ces dernières années.

Toutefois, comme dans beaucoup de pays producteurs, la « rente pétrolière » s'accompagne d'effets pervers : elle pénalise la diversification de l'économie, retarde certaines réformes structurelles et rend la situation économique très dépendante de variables extérieures, ce qui a d'ailleurs motivé la création d'un fonds de stabilisation alimenté par les excédents budgétaires. L'une des conséquences de l'abondance en ressources naturelles et du contrôle étatique de leur prix de vente est la permanence d'industries extrêmement consommatrices en énergie, fonctionnant avec des technologies dépassées.

2. Une manne énergétique

La Russie dispose d'un immense territoire, d'une superficie de 17 millions de Km2 sur onze fuseaux horaires.

Ce pays est redevenu, sous la présidence de Vladimir Poutine, un géant énergétique .

La Russie est aujourd'hui le premier producteur et exportateur mondial de gaz naturel . Elle est également le deuxième producteur et exportateur mondial de pétrole, derrière l'Arabie Saoudite.

Elle détient environ 30 % des réserves mondiales de gaz naturel , ce qui la place au premier rang devant l'Iran et le Qatar (avec chacun près de 15%), loin devant les autres pays.

Elle dispose aussi de 6% des réserves mondiales de pétrole, de 20 % des réserves mondiales de charbon et de 14 % des réserves mondiales d'uranium . Elle est également le premier producteur mondial de titane.

Au total, la Russie est le premier exportateur mondial d'énergie .

Alors que le secteur énergétique avait été largement privatisé dans les années 1990, sous la présidence de Boris Eltsine, les deux mandats successifs de Vladimir Poutine ont donné lieu à une reprise en main par l'État .

L'affaire de la nationalisation de la compagnie pétrolière indépendante Ioukos et la condamnation de ses dirigeants, notamment Mikhaïl Khodorkovsky, en ont offert l'illustration le plus marquante.

Actuellement, l'État contrôle environ 30 % de la production pétrolière et 87 % de la production de gaz.

Le géant Gazprom, dont Dmitri Medvedev a pendant longtemps présidé le conseil d'administration, illustre à lui seul le poids de l'État dans le secteur de l'énergie. Cette société, qui produit 95 % du gaz naturel russe et qui contrôle le réseau de gazoducs, dispose d'une capitalisation boursière évaluée à 360 milliards de dollars, ce qui la place au 3 ème rang mondial. L'Etat est son actionnaire majoritaire et cette société s'est engagée dans une diversification de ses activités, dans le domaine du pétrole, mais aussi de la banque, de l'immobilier, de l'assurance, et même des médias et du sport.

Outre ses importantes réserves énergétiques, la Russie dispose aussi d'autres ressources naturelles, notamment de bois, de platine, de fer, d'aluminium et de nickel.

3. La persistance de faiblesses structurelles

L'évolution favorable de l'économie russe n'entame pas la persistance de faiblesses structurelles.

Le PIB par habitant est en Russie de 12 200 dollars par habitant, contre 45 000 aux Etats-Unis et 29 200 en moyenne dans l'Union européenne.

Beaucoup d' infrastructures de base demeurent délabrées et les besoins collectifs sont considérables dans le secteur de la santé, du logement, des transports ou de l'environnement.

Enfin, si l'on constate l'émergence d'une classe moyenne, une large partie de la population vit dans des conditions précaires, la hausse globale des revenus masquant de fortes disparités, alors que certains « filets de protection » ont disparu avec l'Union soviétique. Environ 20 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté.

Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine ont fait de l'amélioration de la qualité de vie des citoyens la première priorité de leur politique pour les années futures.

Les perspectives économiques de la Russie restent toutefois assombries par un facteur majeur : la détérioration de la situation démographique . Les résultats officiels du dernier recensement attribuent à la Russie 142,5 millions d'habitants et font apparaître un recul de la population, qui était de 147 millions d'habitants en 1989, dans les frontières de la Russie actuelle. Les démographes situent au milieu des années 1960 l'arrêt de l'amélioration de l'espérance de vie et la dégradation des indicateurs. L'espérance de vie, qui était en 1964 de 65,1 ans pour les hommes et 73,6 ans pour les femmes, n'a cessé de diminuer depuis, n'étant en 2001 que de 59 ans pour les hommes et 72,3 ans pour les femmes. L'espérance de vie s'est toutefois améliorée en 2006, passant à 60,4 ans pour les hommes. Le taux de fécondité n'est actuellement que de 1,2 enfant par femme, soit 57% de celui nécessaire au renouvellement des générations. Entre 1992 et 2007, on estime que la population de la Russie a diminué de 400 000 personnes par an . Les projections démographiques établies par les Nations-Unies à partir des tendances démographiques récentes retiennent pour hypothèse, à l'horizon 2050, une population ramenée à 101,5 millions d'habitants, soit une diminution de pratiquement 1 million d'habitants chaque année. En 2007, la natalité a toutefois enregistré sa meilleure performance depuis vingt cinq ans, passant de 8,3 °/°° à 11,3°/°°. L'effet du déclin démographique est accentué par la très inégale distribution de la population sur le territoire et le sous-peuplement de très vastes régions, en particulier dans la partie orientale du pays. Cette situation constitue bien évidemment un frein au développement des régions et à la mise en valeur de leurs ressources. La pression démographique chinoise sur l'extrême orient russe est également une source d'inquiétude .

II. LE RETOUR DE LA RUSSIE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Sous la présidence de Vladimir Poutine, la Russie a effectué un retour marqué sur la scène internationale. En sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Russie est fortement impliqué dans la plupart des dossiers internationaux, qu'il s'agisse des Balkans, du Proche Orient ou encore de l'Iran. Elle a également renforcé sensiblement son influence dans les pays de son « étranger proche », qui restent la première priorité de sa politique étrangère, en particulier grâce à l'arme énergétique.

Alors que la Russie avait amorcé un rapprochement avec les Etats-Unis après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, la multiplication des différends entre Moscou et Washington, notamment depuis l'intervention militaire américaine en Irak, a entraîné un net raidissement de la part des autorités russes, et une réorientation de sa politique étrangère vers l'Asie, et en particulier en direction de la Chine, avec laquelle elle entretient aujourd'hui une coopération étroite, notamment en matière énergétique et militaire.

Le discours de Vladimir Poutine prononcé à la conférence de Munich le 10 février 2007 a constitué le point d'orgue d'une Russie sûre d'elle même, qui renoue avec un sentiment de puissance.

A. UNE GRANDE PUISSANCE AUX MOYENS LIMITÉS

1. Un statut de grande puissance amoindri mais réel

Bien qu'en pratique, sa politique extérieure semble désormais dictée par deux priorités - la défense de ses intérêts économiques et le maintien dans son orbite des Etats issus de l'Union soviétique - la Russie entend préserver, avec des moyens économiques et militaires limités, son statut de puissance mondiale.

Ce statut provient en premier lieu de sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies qui lui permet d'aborder tous les grands dossiers de politique internationale et d'être associé à leur règlement. C'est le cas, par exemple, pour le conflit israélo-palestinien, dans lequel elle est impliquée comme membre du « Quartette », pour le règlement de la question iranienne, mais également pour un grand nombre de crises régionales dans lesquelles sa diplomatie est engagée, que se soit en Asie, au Moyen-Orient ou dans les Balkans.

La défense de l'autorité des Nations Unies dans la prévention et la gestion des conflits constitue un axe primordial de la politique étrangère de la Russie, moins par attachement conceptuel au multilatéralisme, que parce qu'elle y voit le moyen de limiter les possibilités d'action unilatérale des Etats-Unis.

La crise irakienne a été l'occasion de réaffirmer son opposition à une opération militaire entreprise sans l'aval du Conseil de sécurité, même si l'on a pu remarquer qu'elle a tardé à dévoiler sa position, semblant vouloir laisser l'initiative, et donc la gestion de l'affrontement avec les États-Unis, à d'autres membres du Conseil et singulièrement à la France.

Pour un pays comme la Russie, très attaché à sa souveraineté et plus que réticent à l'idée de supranationalité, assimilée à celle d'ingérence étrangère, le soutien aux institutions multilatérales apparaît comme choix tactique, visant à éviter le risque d'isolement et à préserver ou renforcer son influence. Cela est vrai des Nations Unies, mais l'action diplomatique de Vladimir Poutine s'est orientée en direction de bien d'autres enceintes internationales, comme l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) où la Russie souhaite entrer, ou des groupes plus restreints de pays, comme le G8, dont elle a assuré la présidence en 2006.

Enfin la Russie joue un rôle majeur dans deux organisations régionales importantes pour sa sécurité et ses intérêts : la Communauté des Etats indépendants (CEI) et l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), où elle traite avec l'Ouzbékistan, le Kazakhstan, le Kirghiztan, le Tadjikistan et la Chine des questions communes de sécurité, notamment la surveillance des frontières et la lutte contre le terrorisme.

Les questions stratégiques et de contrôle des armements constituent l'autre levier permettant à la Russie d'affirmer son rôle mondial, en discutant d'égal à égal avec les Etats-Unis. Elle conserve un arsenal nucléaire conséquent, comportant environ 5.000 têtes nucléaires stratégiques et sans doute environ 3.000 têtes nucléaires tactiques en condition opérationnelle. En dépit des difficultés liées à la maintenance des forces nucléaires et à leur modernisation, la situation des armes nucléaires russes reste une question majeure pour la sécurité mondiale.

Toutefois, la parité avec les Etats-Unis procurée par ce dialogue stratégique est plus apparente que réelle. Après plusieurs mois de négociations avec l'administration Clinton au sujet d'une révision du traité ABM (Anti-Ballistic Missile Treaty) afin de la rendre compatible avec les projets américains de défense antimissiles, la Russie n'a pu que prendre acte du retrait unilatéral de ce traité décidé par l'administration Bush. De même, la réduction parallèle des arsenaux russes et américains prévue par le traité de Moscou de mai 2002 n'a pas résulté d'une réelle négociation entre les deux puissances, puisqu'elle ne faisait qu'entériner des décisions déjà annoncées par les Etats-Unis dans leur Nuclear Posture Review de janvier 2002. Dans ce contexte, l'arrivée à expiration du traité START 1, le 5 décembre 2009, suscite des inquiétudes de la part de la Russie, qui souhaite sa prorogation, mais dont les Etats-Unis pourraient s'accommoder de l'expiration.

2. Une diplomatie énergétique

Si l'énergie est à l'intérieur l'instrument privilégié de contrôle du Kremlin sur l'économie, elle constitue à l'extérieur un vecteur important de la politique étrangère russe. En effet, aujourd'hui, les hydrocarbures jouent, dans une très large mesure, le rôle de l'armée et de la puissance nucléaire à l'époque soviétique.

Cette diplomatie énergétique s'articule autour de trois principaux objectifs.

Le premier objectif consiste à sécuriser les voies d'exportation .

La disparition de l'URSS et l'apparition de nouveaux États indépendants eux-mêmes producteurs de pétrole ou de gaz (Kazakhstan et Azerbaïdjan pour le pétrole, Turkménistan pour le gaz) ou jouant un rôle essentiel en matière de transit (Ukraine et Biélorussie notamment) ont alimenté en Russie un sentiment de vulnérabilité croissant face au risque politique lié au transit des hydrocarbures vers les marchés ouest-européens. Dès lors, la Russie cherche à prendre le contrôle des infrastructures de transport des hydrocarbures, de manière à préserver son rôle central dans ce domaine.

Ainsi, la Russie s'est assurée le contrôle d'une grande partie des ressources et de la totalité du réseau de transport des hydrocarbures dans les républiques d'Asie centrale. Gazprom a ainsi conclu un accord avec le Turkmenistan en novembre 2007, qui lui assure de fait le monopole de l'exportation de gaz en provenance de ce pays. Le projet de gazoduc « North Stream » entre l'Allemagne et la Russie, qui vise à contourner les pays de transit, comme l'Ukraine et la Pologne, participe également de cette stratégie.

Le projet de gazoduc Nord européen

Le 8 septembre 2005, le Président russe Vladimir Poutine et le chancelier allemand Gerhard Schröder ont signé à Berlin un accord sur la construction d'un gazoduc de 1200 km de long sous la Mer Baltique permettant de relier directement la Russie à l'Allemagne : le « North European Gas Pipeline » ou « North Stream ».

Basé sur un consortium, contrôlé à 51 % par Gazprom et à 49 % par des compagnies allemandes (BASF et E.ON) et à la tête duquel a été nommé Gerhard Schröder après sa démission du poste de chancelier, ce gazoduc devrait entrer en fonction en 2010 et acheminer environ 27,5 milliards de m 3 de gaz par an, soit le quart de la consommation annuelle de l'Allemagne en 2006. Il pourrait être complété par un second tube, permettant de doubler ses capacités, et par des extensions vers la péninsule scandinave, l'enclave russe de Kaliningrad, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

Étant donné que son tracé permet de contourner la Pologne, l'Ukraine et les Pays Baltes, pays de transit des hydrocarbures russes et jugés hostiles par Moscou, il a suscité des critiques dans ces pays. Le ministre polonais M. Radek Sikorski a même comparé ce projet au pacte germano-soviétique du 23 août 1939. Ce projet a également soulevé des inquiétudes en Finlande, en raison de son impact environnemental, et en Suède, où l'on craint qu'il ne serve de centre d'observation et d'espionnage.

Face à la volonté des Européens de diversifier leurs fournisseurs et d'accéder aux ressources des pays producteurs d'Asie centrale par la construction du gazoduc Nabucco, dont le tracé, à travers le territoire de la Turquie, contournerait celui de la Russie, celle-ci a réagi en lançant un projet concurrent de gazoduc sous la Mer noire, baptisé « South Stream », qui permettrait d'acheminer du gaz en Europe à partir de son territoire. Semant la confusion sur le projet Nabucco, la Russie s'est assurée le soutien de plusieurs pays européens, comme l'Italie, la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Grèce et l'Autriche.

L'acquisition d'actifs à l'étranger , notamment dans l'Union européenne, constitue le deuxième objectif de la diplomatie énergétique russe. Ainsi, soucieux de préserver ses positions dominantes en Europe orientale, Gazprom a pris des participations dans plusieurs sociétés de distribution des pays importateurs, notamment en Slovaquie, en Hongrie ou dans les pays baltes.

Enfin, le troisième objectif vise à diversifier les débouchés en direction des États-Unis ou de l'Asie et de nouer des alliances avec les autres pays producteurs .

Depuis déjà plusieurs années, les dirigeants russes expriment leur volonté de réorienter les exportations de gaz de l'Europe vers les États-Unis ou vers l'Asie (Chine, Japon, Corée du Sud). En septembre 2007, Vladimir Poutine avait annoncé que la Russie exporterait 30 % de ses hydrocarbures vers l'Asie d'ici dix ou quinze ans, contre seulement 3 % aujourd'hui. C'est ainsi que, à l'occasion de la visite de Vladimir Poutine en Chine, les 21 et 22 mars 2006, a été annoncé le lancement de projets de construction d'oléoducs et de gazoducs vers la Chine, notamment le gazoduc Altai, dont le coût est estimé à 14 milliards de dollars et qui devrait permettre d'acheminer, à partir de 2011, 30 milliards de mètres cubes de gaz par an vers la Chine.

Enfin, Vladimir Poutine a multiplié les déplacements dans les autres pays fournisseurs d'énergie, notamment dans le Golfe, et il a plusieurs fois exprimé son intérêt pour un renforcement du partenariat avec les autres pays producteurs, voire un cartel des pays producteurs, une sorte d'  « OPEP du gaz ». Toutefois, si elle a suscité l'intérêt de certains pays, comme l'Iran ou le Venezuela, elle s'est heurtée aux réticences des pays du Golfe et de l'Égypte. Ainsi, le vice-ministre des affaires étrangères du Qatar, Mohammed Al-Roumaihi, a déclaré : « L'idée d'une OPEP du gaz est avant tout politique. Elle a été suggérée par le Président Poutine, dont le pays a des objectifs stratégiques précis » .

Bien que les autorités russes affirment que cette diplomatie énergétique est uniquement guidée par des motifs économiques, les liens étroits existant entre le Kremlin et Gazprom jettent le soupçon d'une utilisation par la Russie de l'arme énergétique à des fins politiques. Ainsi, la Russie n'a pas hésité à couper l'approvisionnement en gaz à destination de l'Ukraine à l'hiver 2005, peu après l'arrivée au pouvoir de Viktor Iouchtchenko à la faveur de la « révolution orange ».

3. Une ambition de grandeur

Cette volonté de préserver ce qui peut l'être de la puissance passée se heurte à un certain nombre de réalités et de faiblesses.

L' outil militaire russe , élément essentiel de sa puissance, reste fortement dégradé , tant en ce qui concerne les équipements que les personnels.

Ses déficiences ont été mises en lumière à l'occasion du conflit tchétchène ou encore lors de manoeuvres des forces nucléaires au cours desquelles, en la présence de Chef de l'Etat, le lancement d'un missile stratégique a échoué. En dépit de la priorité accordée par le président Vladimir Poutine aux forces nucléaires, élément essentiel pour le statut international de la Russie, celles-ci connaissent de graves difficultés. Elles sont révélatrices, sur un plan plus général, du vieillissement des équipements, des lacunes de leur entretien et des difficultés financières pesant sur les programmes de renouvellement.

Au sein des armées, le climat s'est détérioré. La situation matérielle des militaires, en termes de soldes et de logement, n'est plus suffisamment attractive, ce qui entraîne un flux de départ important vers le secteur civil et des difficultés de recrutement.

Lors de leur entretien avec la délégation, les présidents et les membres des commissions de la Défense de la Douma et du Conseil de la Fédération ont beaucoup insisté sur la nécessité d'améliorer la condition des militaires, en revalorisant leur solde et en lançant un ambitieux programme de construction de nouveaux logements.

L'insoumission atteint des proportions très significatives, alors qu'un Comité des mères de soldats tente de sensibiliser l'opinion publique sur les mauvais traitements subis par les appelés, dans le cadre d'un « bizutage » qui provoquerait, selon elles, plusieurs centaines de morts par an.

La déflation des effectifs, qui constitue depuis des années l'un des fondements de la réforme des armées, s'est opéré à un rythme beaucoup plus lent que prévu, le nombre de personnels en uniforme étant néanmoins passé de 4,5 millions à un million.

La restauration d'un appareil de défense crédible a constitué l'une des priorités du président Vladimir Poutine. Le budget de la défense a été revu à la hausse. Les dépenses militaires ont connu une augmentation substantielle, passant de 12 à 64 milliards de dollars entre 2000 et 2007, soit 14 % du budget de l'Etat. Toutefois, le budget militaire russe ne représente que l'équivalent du budget français pour des effectifs trois fois plus nombreux et les dépenses de défense des Etats-Unis sont de l'ordre de 540 milliards de dollars.

Une professionnalisation partielle de l'armée a été mise en oeuvre depuis le début des années 2000. L'objectif est de transformer l'armée russe pour disposer de forces plus réduites mais mieux entraînées et plus mobiles, avec une forte composante professionnelle, de l'ordre de la moitié des effectifs, et des équipements de haute technologie. Le service militaire a été réduit de 2 à 1 an à partir du 1 er janvier 2008. La création d'un corps de sous-officiers, dont l'absence constitue l'une des faiblesses de l'armée russe, est également prévue. La priorité va à la création d'une composante professionnelle projetable et bien équipée, de l'ordre de 145 000-150 000 hommes, qui aurait vocation à agir sur le théâtre intérieur ou dans les proches pays voisins.

Vladimir Poutine a également érigé en priorité la revalorisation des crédits d'investissement du budget de la défense. Quelque onze milliards de dollars devaient y être affectés en 2007, dont près de la moitié à l'achat de nouveaux équipements. L'objectif est de faire en sorte que le parc de l'armée soit composé à 45 % de matériels modernes à l'horizon 2015. Le complexe militaro-industriel a fait l'objet d'une reprise en main par l'Etat, notamment sous la pression de l'agence en charge des exportations d'armement.

La modernisation des forces stratégiques -missiles Topol-M et Boulava, nouveaux sous-marins stratégiques, etc.- bénéficie d'un investissement constant.

Ces orientations, voisines de celles retenues par les armées occidentales, suscitent toutefois des résistances de la hiérarchie militaire. Le chef d'Etat-major général des forces armées russes, le général Youri Balouievski, vient ainsi d'être remplacé par le général Nikolai Makarov, qui a été chargé par le président Dmitri Medvedev d'appliquer le programme de réforme.

B. UN RÔLE IMPORTANT SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

1. La rivalité avec les États-Unis

La dernière année du mandat de Boris Elstine avait été marquée par l'opposition de la Russie aux opérations de l'OTAN au Kosovo, qui avaient de ce fait été engagées sans l'aval explicite du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette crise avec les Occidentaux avait souligné l'isolement de la Russie et sa faible influence sur le cours des choses.

Vladimir Poutine avait adopté, au début de son mandat, une ligne résolument pragmatique, visant au contraire à éviter l'opposition frontale et à utiliser au mieux les opportunités offertes par le contexte international. Le soutien apporté aux Etats-Unis le jour même des attaques terroristes du 11 septembre 2001 en a été l'illustration la plus marquante. Outre l'appui en retour qu'elle pouvait espérer sur la question de la Tchétchénie, la Russie a fait valoir qu'elle se situait, à travers l'Asie centrale et le Caucase, en première ligne face au radicalisme islamique, afin de nouer un partenariat solide confortant sa reconnaissance par les puissances occidentales et lui assurant des retombées économiques. Moscou ne s'est pas opposée à l'utilisation du territoire des Etats d'Asie centrale, en particulier l'Ouzbékistan et le Kirghizstan, par les forces occidentales dans le cadre des opérations d'Afghanistan.

Un « partenariat stratégique » a même été conclu entre Moscou et Washington en 2001 et la coopération a été renforcée notamment sur le plan énergétique.

Ce rapprochement avec les pays occidentaux à la faveur de la lutte commune contre le terrorisme a toutefois trouvé ses limites. A cet égard, on peut situer le tournant de ces relations au moment de l'intervention militaire américaine en Irak en 2003.

Depuis cette date, les relations avec les Etats-Unis se sont fortement dégradées.

Du côté russe, il compte beaucoup de détracteurs au sein de l'appareil d'Etat et parmi la hiérarchie militaire, encore marqués par l'opposition entre les deux superpuissances lors de la « guerre froide ». La prolongation de la présence militaire américaine en Asie centrale et le soutien apporté par les Etats-Unis aux « révolutions de couleur » en Ukraine et en Géorgie ayant amené au pouvoir les partisans d'un rapprochement avec le monde occidental, et notamment de l'adhésion de ces pays à l'Union européenne et à l'OTAN, a été perçu par Moscou comme la volonté de Washington de renforcer son influence dans les pays issus de l'ex-URSS et d'isoler la Russie.

Du côté occidental, et notamment américain, les évolutions intérieures de la Russie encouragent les opposants à l'établissement d'un partenariat trop étroit. Aux yeux des Etats-Unis, la Russie n'a pas rompu suffisamment clairement avec des « Etats préoccupants » comme la Biélorussie.

Les différends avec les Etats-Unis se sont ainsi multipliés ces dernières années, qu'il s'agisse des critiques sur l'évolution du régime politique russe au regard des valeurs démocratiques et du respect des droits de l'homme, de la reconnaissance par les Etats-Unis de l'indépendance du Kosovo et de l'installation de nouvelles bases américaines en Roumanie et en Bulgarie, du soutien de Washington à l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN ou encore du projet d'installation d'éléments du système de défense anti-missile américain en Pologne et en République tchèque.

Dans un discours prononcé à Munich, le 10 février 2007, Vladimir Poutine a ainsi fortement critiqué l'« unilatéralisme américain », dénonçant la volonté des Etats-Unis de construire de nouvelles démarcations et de nouveaux murs en Europe et plaidant pour un monde multipolaire.

2. Une forte implication dans les principaux dossiers internationaux

La Russie est fortement impliquée sur la plupart des grands dossiers internationaux.

Dans la région des Balkans occidentaux , après avoir été marginalisée lors de l'intervention de l'OTAN contre la Serbie en 1999, la Russie, qui est membre du « groupe de contact », a effectué un retour remarqué.

La forte opposition de la Russie à l'indépendance du Kosovo lui a permis, en effet, de renforcer son influence en Serbie et, plus largement, dans la région. Cette opposition est justifiée par le respect de l'intégrité territoriale de la Serbie et des frontières issues de la Seconde Guerre mondiale, le risque de déstabilisation que pourrait entraîner cette indépendance sur les pays voisins, comme la Macédoine ou le Monténégro, qui comportent une forte minorité albanaise, ainsi que des droits de la minorité serbe, en particulier sur le plan religieux. La Russie met également en avant les effets que pourraient avoir un tel précédent sur les « conflits gelés », notamment sur le statut des régions séparatistes de Transnistrie en Moldavie, ou d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud en Géorgie.

L'opposition de la Russie à l'indépendance du Kosovo semble cependant moins tenir à l'amitié traditionnelle entre Russes et Serbes ou aux liens résultant de la même appartenance à la communauté slave et à la religion orthodoxe, qu'aux intérêts bien compris de la diplomatie russe. Le Kosovo constitue, en effet, un levier important pour la politique étrangère russe, qui lui permet de demeurer un acteur de premier plan dans la région et, plus généralement, sur la scène européenne et internationale. Par ailleurs, son soutien lui a permis de renforcer sa présence économique en Serbie, notamment sur le plan énergétique, ce pays étant entièrement dépendant de la Russie pour son approvisionnement en pétrole et en gaz.

Au Proche-Orient , la Russie cherche à s'affirmer comme un acteur de plein exercice, à peser dans les tentatives de règlement des crises, sans négliger ses intérêts commerciaux (dans les secteurs de l'énergie et de l'armement notamment). Elle reste impliquée dans le conflit israélo-palestinien, en tant que membre du « Quartette ».

La Russie s'efforce aussi de renouer avec ses anciens alliés dans la région, comme la Syrie , de nouer des coopérations avec les autres pays producteurs énergétiques, comme l'Algérie ou la Libye , de s'assurer d'une bonne coopération avec un Iran voisin qui s'affirme, mais aussi de restaurer le crédit russe dans le monde musulman. La Russie souhaite jouer le rôle de médiateur, souligne sa capacité d'entretenir des relations avec tous les acteurs, y compris le Hamas et le Hezbollah, et elle tente d'offrir des alternatives, notamment en soutenant le dialogue avec la Syrie.

La Russie est ainsi fortement impliquée dans le dossier nucléaire iranien . Elle joue un rôle ambigu faisant preuve à la fois de ses responsabilités internationales en votant les différentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies mais aussi en défendant ses intérêts politiques et économiques traditionnels dans cette zone depuis le XIXe siècle. C'est ainsi que la coopération de la Russie avec l'Iran pour la construction de la centrale nucléaire de Bushehr, constitue un important point de friction avec les Etats-Unis. En effet, même si ce projet ne semble pas comporter en lui-même de risque de prolifération, compte tenu de l'engagement russe, pris sur l'insistance américaine, de fournir le combustible puis de le rapatrier, la volonté affichée de la Russie de poursuivre quoi qu'il arrive la coopération affaibli la stratégie de pression sur les autorités iraniennes. Moscou n'a pas conditionné sa coopération à un règlement satisfaisant du dossier iranien, sans doute en raison des retombées économiques d'un projet évalué à 800 millions de dollars.

3. L'Asie et le tabou de l'influence chinoise

Après le « désenchantement » du rapprochement avec l'Occident et la multiplication des différends avec les Etats-Unis, Vladimir Poutine a fait du rapprochement avec l'Asie, et en particulier avec la Chine , l'une des premières priorités de sa politique étrangère. La fourniture d'énergie et d'armements, tout comme l'attachement commun à un monde multipolaire et la coopération sur des grands dossiers régionaux, comme la Corée du Nord ou l'Iran, ont permis à la Russie de nouer une étroite coopération avec la Chine. Dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité, la Russie et la Chine coopèrent depuis 2001, avec les trois Etats d'Asie centrale frontaliers de cette dernière, au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Les manoeuvres militaires conjointes russo-chinoises de 2005 ont ainsi frappé les esprits. Le choix du nouveau président russe Dmitri Medvedev d'effectuer en Chine son premier déplacement à l'étranger, hors des pays de la Communauté des Etats indépendants, est d'ailleurs révélateur de la réorientation de la priorité de la politique étrangère russe.

Pour autant, si les différends frontaliers avec la Chine semblent avoir trouvé une solution satisfaisante pour les deux parties, l'émergence de la puissance chinoise, le renforcement de son influence, notamment en Asie centrale, et surtout la pression démographique chinoise exercée sur les régions sous peuplées de Sibérie suscitent une grande méfiance de la part de la Russie. Au cours de sa visite, la délégation a eu le net sentiment que cette question était dans tous les esprits des responsables russes, même si elle reste encore taboue pour nombre d'entre eux.

La Russie veille dans le même temps à développer ses échanges économiques avec le Japon , s'agissant notamment des fournitures de gaz et de pétrole. La Russie poursuit aussi sa coopération avec l'Inde , notamment en matière d'armement. Enfin, elle garde des liens avec la Corée du Nord .

C. L'« ÉTRANGER PROCHE » : LA PRIORITÉ DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE RUSSE

Depuis l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, la Russie a fait du renforcement de ses relations avec son « étranger proche », terminologie utilisée à Moscou pour qualifier les pays issus de l'ex-URSS, la première priorité de sa politique étrangère.

De ce point de vue, les « révolutions de couleur » en Ukraine et en Géorgie ont été perçues par Moscou comme la volonté des Etats-Unis de renforcer leur influence dans l'espace post-soviétique et d'isoler la Russie.

La période récente marque incontestablement un regain d'influence de la Russie dans l'espace post-soviétique, grâce notamment à l'arme énergétique, même si les relations avec l'Ukraine et surtout la Géorgie restent tendues, notamment en raison de la volonté de ces pays d'adhérer à l'OTAN.

1. La Communauté des États indépendants

La Communauté des Etats indépendants (CEI), créée en 1991 sur les décombres de l'Union soviétique, regroupe toutes les anciennes républiques soviétiques, à l'exception des trois pays baltes.

Les relations de la Russie avec les 11 autres pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI) sont complexes. Ces pays ne forment pas un ensemble homogène et la CEI elle-même constitue un cadre très lâche, « à géométrie variable » selon que l'on traite de sécurité ou d'économie.

Parmi les anciennes républiques soviétiques, les trois pays baltes ont dès le départ rompu les liens avec leurs anciens partenaires de l'URSS, se tournant vers l'Union européenne et l'OTAN.

La CEI compte aujourd'hui 12 pays répartis, outre la Russie, en trois sous-ensembles : les pays « occidentaux » que sont la Biélorussie, l'Ukraine et la Moldavie, les trois pays du Caucase - Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie - et les cinq Etats d'Asie centrale : Turkménistan, Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Kirghizstan. La CEI forme un ensemble d'environ 280 millions d'habitants, dont un peu plus de la moitié dans la Fédération de Russie. 16 millions de Russes résideraient dans les 11 autres pays membres de la CEI.

La CEI n'est en rien un ensemble politique intégré , comme peut l'être l'Union européenne.

Plusieurs sous-ensembles coexistent en son sein.

En matière de sécurité, un traité de sécurité collective , dit traité de Tachkent, a été signé en mai 1992 par 7 des 12 pays de la CEI : la Russie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kirghizstan, l'Arménie et la Biélorussie. En fin d'année 1993, l'Azerbaïdjan puis la Géorgie ont rejoint à leur tour le traité de Tachkent, dans le but semble-t-il d'obtenir l'aide russe pour maîtriser les conflits séparatistes du Haut-Karabakh d'une part, d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud d'autre part. Mais elles se retirent du traité en 1999, au moment de la crise du Kosovo, de même que l'Ouzbékistan. Ce dernier, a cependant réintégré le traité de Tachkent. Les 7 Etats actuellement parties au traité de sécurité collective de la CEI ont décidé en mai 2001 de créer des forces collectives d'intervention rapide. La plus importante sera stationnée à Bichkek au Kirghizstan, avec une vocation d'intervention en Asie centrale. Les deux autres forces sont constituées par la Russie conjointement avec l'Arménie d'une part et la Biélorussie d'autre part.

Sur le plan économique, une Communauté des Etats intégrés a été créée en 1996 pour devenir en octobre 2000 la Communauté économique eurasiatique. Elle ne comporte que 6 des 12 Etats de la CEI : la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan. Elle consiste en une union douanière destinée à renforcer les échanges entre les 6 pays membres. Un autre accord, plus récent, lie la Russie à l'Ukraine, au Kazakhstan et au Belarus. Signé en février 2003, il prévoit la création entre les quatre pays, à terme, d'un espace économique commun.

Enfin, les relations entre la Biélorussie et la Russie constituent une exception. Les deux pays ont créé, en 1996, une communauté devenue « union russo-biélorusse» en 1997. Cette déclaration de fusion dans un Etat unique est assez formelle et se traduit essentiellement par l'instauration par Moscou d'un protectorat militaire. L'intégration économique est en revanche peu poussée, compte tenu du maintien par Minsk de structures économiques héritées de l'Union soviétique.

La CEI est donc une organisation peu structurée, peu contraignante, à géométrie variable. En revanche, à travers les réunions périodiques et les sommets de chefs d'Etat, elle offre un cadre au règlement de certaines questions bilatérales tout en permettant à la Russie de faire valoir ses priorités.

2. Le renforcement de l'influence russe dans l'espace post-soviétique

La faiblesse des structures de la CEI n'est en rien un obstacle au renforcement de l'influence russe dans l'ancien espace soviétique. Celle-ci résulte en effet beaucoup plus de la politique pragmatique de la Russie qu'au recours à des mécanismes d'intégration régionale.

Si la Biélorussie, l'Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizistan ou le Tadjikistan ont toujours entretenu des liens très étroits avec Moscou, d'autres pays où s'exprimait une volonté d'indépendance ont réorienté ou rééquilibré leur politique. La Russie en a retiré de nombreux avantages sur le plan de ses relations économiques avec ses voisins, en particulier en matière énergétique.

C'est particulièrement le cas de l' Ouzbékistan , qui s'était largement tourné vers les Etats-Unis lors de la guerre d'Afghanistan, mais qui a renforcé son partenariat avec la Russie dans le cadre de la lutte antiterroriste, à la suite des attentats perpétrés par des islamistes radicaux. L'Ouzbékistan a dès lors manifesté son soutien à la politique de Moscou dans le conflit tchétchène et a développé une coopération militaire avec la Russie et les partenaires de cette dernière au sein du traité de Tachkent.

Alors que la Russie a pour allié traditionnel l'Arménie, la Russie est parvenue à améliorer ses relations avec l' Azerbaïdjan . Dans le domaine énergétique, où s'exerçait une forte rivalité, notamment en raison du projet d'oléoduc Bakou-Ceyhan, soutenu par les Etats-Unis et reliant l'Azerbaïdjan et la Turquie, via la Géorgie, des accords ont pu être conclus par la compagnie russe Loukoil. Des coopérations ont également été conduites en matière militaire, avec une aide russe à la défense antiaérienne azérie et l'obtention par Moscou du maintien de sa station de surveillance radar de Gabalin, à laquelle elle attachait une grande importance.

Le succès communistes aux élections de 2001 en Moldavie a réorienté la politique de ce pays envers la Russie, bien qu'il n'ait pas accéléré le règlement du contentieux de la Transnistrie, l'évacuation des munitions russes situées dans les anciens dépôts de la 14 ème armée soviétique n'étant toujours pas achevée.

En revanche, les relations avec l'Ukraine et surtout la Géorgie demeurent tendues, notamment en raison de la volonté de ces pays d'adhérer à l'OTAN.

L' Ukraine présente une importance particulière pour la Russie. Historiquement, l'Ukraine est, en effet, le berceau de la Russie, avec la principauté de Kiev, et de l'orthodoxie russe. Ce pays de 48 millions d'habitants compte également plus de 8 millions de russes sur son territoire, principalement dans la partie orientale et en Crimée. L'Ukraine occupe aussi une place géostratégique centrale, entre l'Union européenne et la Russie, elle est le principal pays de transit des gazoducs et des oléoducs en provenance de Russie vers l'Union européenne et la base de la flotte russe de Sébastopol, louée jusqu'en 2017 à l'Ukraine, présente une importance stratégique pour la Russie. Comme l'a souligné Zbigniew Brzezinski 3 ( * ) , la Russie sans l'Ukraine cesse d'être un empire.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Viktor Iouchtchenko, à la suite de la « révolution orange » en novembre 2004, la volonté de rapprochement de Kiev avec l'Union européenne et surtout avec l'OTAN suscite donc une forte inquiétude à Moscou. La Russie dispose toutefois d'un important moyen de pression, qui tient à l'arme énergétique, l'Ukraine étant dépendante du gaz en provenance de Russie. Ainsi, peu après la « révolution orange », la Russie n'a pas hésité à fermer le gazoduc à destination de l'Ukraine à l'hiver 2005, et à relever fortement le prix du gaz. Peu après le Sommet de l'OTAN de Bucarest, d'avril dernier, où l'Ukraine a posé sa candidature au MAP, la Russie a annoncé le doublement du tarif du gaz à partir de janvier 2009.

Enfin, les relations avec la Géorgie demeurent extrêmement tendues. La Russie a longtemps reproché à Tbilissi l'utilisation de son territoire, dans les gorges de Pankissi, comme base de repli pour les rebelles tchétchènes. Tbilissi reproche, pour sa part, à Moscou de soutenir les autorités séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud et d'avoir accordé la citoyenneté russe aux habitants de ces deux régions.

L'arrivée au pouvoir de Mikhail Saakachvili en Géorgie, à la suite de la « révolution des roses » fin 2003, n'a pas contribué à améliorer les relations avec Moscou, le président géorgien ayant fait du maintien de l'intégrité territoriale et de la réintégration des régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, ainsi que du rapprochement avec l'occident les priorités de son mandat. En 2006, la Russie a décrété un embargo sur les importations de vin et d'eau minérale géorgiens, qui s'est ajouté à l'interdiction d'importation des fruits et légumes. La même année, l'arrestation par les autorités géorgiennes de quatre officiers russes accusés d'espionnage a entraîné l'expulsion de ressortissants géorgiens par la Russie.

Quelques jours après le Sommet de l'OTAN à Bucarest, où la Géorgie a reçu des assurances sur son adhésion à l'Alliance atlantique, la Russie a renforcé sa présence militaire en Abkhazie, en envoyant 300 militaires du génie, sous prétexte de protéger la voie ferrée qui relie la capitale de cette région Soukhoumi à Moscou et a décidé de renforcer ses relations avec l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, sans pour autant reconnaître leur indépendance. Ces mesures ont entraîné une vive protestation des autorités géorgiennes, et une condamnation de l'Union européenne, faisant craindre une escalade militaire entre la Russie et la Géorgie.

3. Les « conflits gelés » : un atout pour la diplomatie russe

Au cours de leur déplacement, les membres de la délégation ont interrogé les autorités russes sur les « conflits gelés », qui demeurent une source d'instabilité et de tensions.

LES « CONFLITS GELES »

Cette expression renvoie aux conflits séparatistes apparus lors de l'effondrement de l'URSS dans les régions de Moldavie et du Caucase du Sud. Bien que des « cessez-le-feu » soient intervenus, ces régions demeurent une source d'instabilité et de tensions.

La Transnistrie

En 1992, la région orientale de Moldavie, la Transnistrie, surtout peuplée de Russes et d'Ukrainiens, a voulu faire sécession du nouvel État moldave, majoritairement peuplé d'une population roumanophone. Des affrontements armés ont opposé les troupes moldaves aux forces locales. Un cessez-le-feu est intervenu entre les deux camps, et la Russie a déployé une force d'interposition qui est toujours présente sur place.

Lors d'un référendum d'autodétermination, organisé en septembre 2006, 97 % des habitants se sont prononcés en faveur de l'indépendance et d'une association avec la Russie. La République autoproclamée de Transnistrie n'est pas reconnue par la communauté internationale. Des négociations dans le format 5 + 2 (Moldavie, Transnistrie, Russie, Ukraine, OSCE, plus l'Union européenne et les États-Unis depuis leur admission comme observateurs en mai 2005) n'ont pas permis d'arriver à ce jour à un accord sur le statut de cette province.

Le Nagorny Karabakh

À la fin des années 1980, des conflits ont éclaté entre Arméniens et Azéris, en particulier dans la région du Nagorny-Karabakh, une région rattachée à l'Azerbaïdjan, mais majoritairement peuplée d'arméniens. Après de violents combats, un cessez-le-feu est intervenu en 1994 établissant de facto le contrôle des Arméniens sur la région du Nagory Karabakh qui a proclamé son indépendance. Le « groupe de Minsk » de l'OSCE, composé notamment de la Russie, des États-Unis et de la France, a présenté en juin 2006 un plan en huit points qui jusqu'à présent n'a pas permis de trouver un accord.

L'Abkhazie

Lors de l'effondrement de l'URSS en 1991, l'Abkhazie, une région frontalière de la Russie a fait sécession de la Géorgie. Le gouvernement géorgien a envoyé des troupes mais, après de violents combats, celles-ci furent défaites par les forces abkhazes, soutenues par des unités russes..

Après de violents affrontements armés, une médiation de la Russie est parvenue à imposer un cessez-le-feu en 1994 avec une force de maintien de paix composée de 3000 militaires russes. Toutefois, des affrontements continuent d'intervenir entre les militaires russes ou les forces abkhazes et les policiers géorgiens, comme l'a illustré récemment la polémique soulevée par la destruction d'un drone géorgien.

L'Ossétie du Sud

L'Ossétie du Sud, à la différence de sa voisine l'Ossétie du Nord, qui faisait partie intégrante de la Fédération de Russie, était rattachée à la République de Géorgie dans le cadre de l'Union soviétique. Lors de la disparition de l'URSS, l'Ossétie du Sud a demandé son rattachement à la Fédération de Russie, ce qui a provoqué un conflit avec les forces géorgiennes. Un cessez-le-feu est intervenu en 1992 prévoyant le déploiement d'une force de maintien de la paix de la CEI composée de 500 militaires russes.

Il ressort des entretiens menés par la délégation, un certain pessimiste sur la volonté réelle de Moscou de parvenir à un règlement des « conflits gelés », le statu quo étant favorable à ses intérêts. En effet, si les autorités russes ne semblent pas aller jusqu'à reconnaître l'indépendance de ces entités, malgré les appels en ce sens du Parlement russe qui se fonde sur le précédent du Kosovo , ces régions constituent pour la Russie un instrument de leur influence et un moyen de pression pour empêcher un trop grand rapprochement de la Moldavie et de la Géorgie avec l'occident .

C'est particulièrement vrai des régions séparatistes de Géorgie, la délégation ayant eu le sentiment lors de ses entretiens à Moscou que la Russie était disposée à trouver une issue avec les autorités de Chisinau concernant le règlement du conflit en Transnistrie, sous la condition que la Moldavie ne cherche pas à se rapprocher de l'Alliance atlantique.

En revanche, la volonté de rapprochement de la Géorgie avec l'OTAN explique certainement le regain de tension au sein des régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud et le soutien manifeste apporté par la Russie à ces deux entités.

En outre, l'arrêt du soutien de la Russie à l'Abkhazie, région peuplée d'une population de religion musulmane et sa réintégration au sein de la Géorgie chrétienne, pourrait avoir des effets déstabilisateurs au sein même de la Russie, en particulier dans la région du Caucase du Nord, où vivent d'importantes communautés musulmanes, d'après certains des interlocuteurs de la délégation.

III. LA RUSSIE : UN PARTENAIRE INDISPENSABLE POUR L'OTAN, L'UNION EUROPÉENNE ET LA FRANCE

L'élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN aux pays d'Europe centrale et orientale a marqué une étape historiquement importante pour la Russie puisqu'elle devenait frontalière de l'Union européenne et de l'Alliance atlantique, les deux organisations incorporant non seulement d'anciens pays du bloc de l'Est, mais également trois anciennes républiques soviétiques.

Si l'élargissement de l'Union européenne semble désormais bien accepté par les autorités russes, il n'en va pas de même de celui de l'OTAN, et en particulier de la perspective d'une éventuelle adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'Alliance atlantique.

Lors de ces différents contacts, tant avec les parlementaires, à la Douma et au Conseil de la Fédération, qu'avec les représentants de l'administration présidentielle et du gouvernement russe, la délégation a pu constater l'extrême sensibilité de la question de l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, plusieurs interlocuteurs ayant manifesté, parfois de manière très abrupte, leur réprobation à cette perspective, considérée comme une menace directe et un facteur d'isolement de la Russie, sentiment renforcé par l'annonce du déploiement d'éléments du système de défense anti-missile américain en Pologne et en République tchèque.

Il est apparu à la délégation que ces différents ne rendent que plus nécessaire l'établissement entre l'Union européenne et l'OTAN, d'une part, et la Russie, d'autre part, d'un véritable partenariat utile pour la stabilité et la prospérité du continent et que la France avait un rôle important à jouer pour favoriser ce rapprochement.

A. LA RUSSIE FACE À L'OTAN APRÈS LE SOMMET DE BUCAREST

La délégation a pu constater dans ses différents contacts une tonalité systématiquement négative des responsables russes à l'égard de l'OTAN en général, et de son élargissement en particulier .

L'OTAN demeure essentiellement perçue comme une organisation militaire associée à la guerre froide, regroupant plusieurs centaines de milliers d'hommes et un nombre considérable de matériels.

À l'heure où la Russie peine à maintenir et moderniser son appareil de défense, l'expansion de l'OTAN dans la zone de ses intérêts vitaux entretient des appréhensions, que la délégation a bien ressenties.

Cela concerne, en particulier, l'adhésion éventuelle de l'Ukraine et de la Géorgie à l'Alliance atlantique, qui suscite une ferme opposition de la Russie.

1. Les progrès de la coopération OTAN/Russie

Après l'Acte fondateur OTAN-Russie de 1997, les relations ont franchi une nouvelle étape avec la création, en mai 2002, du Conseil OTAN-Russie au sein duquel la Russie siège sur un pied d'égalité avec chacun des pays de l'Alliance, c'est-à-dire, depuis l'élargissement, dans un format à 27. Il permet de conduire un dialogue politique sur les principaux dossiers de sécurité, mais aussi d'aborder sous un angle concret les préoccupations russes.

Depuis 2002, une dizaine de groupes de travail ont été activés, les principaux thèmes de discussion étant le développement de l'interopérabilité des systèmes de défense antimissiles de théâtre, les mode de décision politique pour de futures opérations conjointes de maintien de la paix et une coopération en matière d'espace aérien, visant à sécuriser les voies aériennes transpolaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La prolifération, la menace terroriste, la coopération en matière de réformes de défense et de plans civils d'urgence figurent aussi au rang des sujets abordés.

La Russie attend de ce partenariat une assistance pour la mise en oeuvre de la réforme de son appareil de défense, mais de tels projets se heurtent aux limites financières des programmes de l'OTAN.

Dans le domaine de la gestion des crises, une coopération est engagée sur l'interopérabilité, la standardisation, la formation et des exercices communs. Un exercice de gestion civile de crise s'est déroulé en juin 2004.

La Russie participe ainsi à l'opération navale de l'OTAN en Méditerranée « Active endeavour » destinée à surveiller le trafic maritime dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

Par ailleurs, la Russie apporte un soutien indirect à la FIAS en Afghanistan . Ainsi, la Russie a accordé aux pays membres de l'Alliance participant à l'opération en Afghanistan des facilités en matière de survol de son territoire, et, lors du Sommet de l'OTAN de Bucarest en avril dernier, des facilités pour le transit terrestre du matériel non militaire à travers son territoire.

Si la Russie comme les alliés se disent très attachés à ce partenariat, il n'en demeure pas moins que les relations entre l'OTAN et la Russie se sont fortement dégradées ces dernières années.

L'adhésion éventuelle de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN et le projet d'installation d'éléments du système américain de défense anti-missile en Pologne et en République tchèque constituent les deux principaux sujets de différends.

Lors du Sommet de l'OTAN à Bucarest, auquel avait été convié Vladimir Poutine, les pays membres de l'Alliance se sont engagés à intensifier la coopération avec la Russie, notamment en ce qui concerne la défense anti-missiles.

2. La méfiance persistante de la Russie à l'égard de l'OTAN

La crise aigue intervenue avec la Russie lors de l'intervention de l'OTAN au Kosovo, en 1999, a laissé des traces, et le fait que l'Alliance conduise désormais des opérations « hors zone », dont certains peuvent penser qu'elles répondent aux priorités de la politique américaine, crée un sentiment diffus de méfiance .

Dès 1997, dans le cadre de l'Acte fondateur OTAN-Russie, les deux parties avaient déclaré qu'elles ne se considéraient plus comme des adversaires et avaient établi des mécanismes de consultation et de coopération. Alors que venait de se produire le premier élargissement, avec l'adhésion de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque en 1999, l'OTAN s'était engagée à ne pas déployer d'armes nucléaires sur le territoire des nouveaux pays membres. Elle avait par ailleurs précisé qu'elle privilégierait l'intégration des capacités militaires des nouveaux pays membres dans le système de défense allié, en renforçant l'interopérabilité, de préférence au stationnement permanent dans ces pays de forces de combat supplémentaires. Ces principes ont été réaffirmés en 2002, alors que s'engageait la deuxième vague d'élargissement avec l'entrée de la Bulgarie, de l'Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la Slovénie.

Au cours des dernières années, plusieurs points de friction sont apparus.

Le premier point de friction concerne l'entrée en vigueur de l'accord d'adaptation du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) , signé en novembre 1999. Conclu en 1990 en vue d'établir un équilibre et une réduction des principaux équipements militaires en Europe, le traité FCE, initialement conçu dans le contexte de la guerre froide, a été adapté pour tenir compte de l'évolution politique du continent, chaque pays étant soumis à un plafond national.

La Russie justifie la décision du président Vladimir Poutine, prise le 26 avril 1007, de geler l'application du traité FCE de 1990 par le fait que les pays de l'OTAN retarderaient sans justification l'entrée en vigueur du traité FCE adapté de 1999, et maintiendraient de ce fait un instrument obsolète qui pénalise la Russie, tout en augmentant leurs forces militaires à proximité de ses frontières.

Les autorités russes contestent le lien fait par les pays de l'OTAN entre leur ratification du traité FCE adapté et le respect par la Russie des « engagements d'Istanbul », engagements qui impliquaient la fermeture des bases russes en Géorgie et le retrait des forces russes de Moldavie, mais dont le contenu précis est lui-même l'objet d'interprétations divergentes de part et d'autres.

Les alliés constatent, pour leur part, que la dernière base russe en Géorgie, celle de Goudaouta en Abkhazie, ne semble toujours pas évacuée, que la Russie maintient un dépôt de munitions et des forces chargées de les garder à Colbasna en Moldavie ainsi que plus de 1 000 hommes en Transnistrie, sous couvert d'une mission de « maintien de la paix » ne recueillant pas l'accord des autorités moldaves.

Le traité sur les forces conventionnelles en Europe (traité FCE)

Signé à Paris le 19 novembre 1990 entre l'OTAN et le Pacte de Varsovie, le traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), entré en vigueur en 1992, scellait la fin de la guerre froide en Europe en prévoyant une réduction des armements conventionnels et la destruction de plusieurs milliers d'équipements lourds. Il posait le principe qu'aucune force étrangère ne pouvait stationner sur le territoire d'un Etat signataire sans le consentement de celui-ci. Il instaurait des mécanismes de transparence à travers des échanges d'information et des inspections réciproques.

Toutefois, reposant sur la notion d'équilibre d'alliance à alliance, le traité FCE est rapidement devenu obsolète avec l'évolution du contexte stratégique européen.

Après plusieurs années de négociation, un accord d'adaptation du traité FCE - ou « traité FCE adapté » - a été adopté lors du sommet de l'OSCE à Istanbul le 19 novembre 1999.

Le traité FCE adapté fixe pour chaque Etat signataire un plafond des différents types d'équipements qu'il est autorisé à détenir (nombre de chars de bataille, de véhicules blindés de combat, de pièces d'artillerie, d'avions de combat, d'hélicoptères d'attaque ...).

La ratification du traité FCE adapté a été autorisée par la Douma en juin 2004, mais le traité n'est toujours pas entré en vigueur, les pays de l'OTAN subordonnant leur propre ratification au respect des « engagements d'Istanbul » pris par la Russie en marge de la signature du traité FCE adapté, à savoir le retrait de leurs forces qui stationnent dans des Etats tiers - la Géorgie et la Moldavie - sans le consentement de ces derniers.

Le 26 avril 2007, Vladimir Poutine a annoncé un moratoire sur l'application du traité FCE de 1990 et le 14 juillet 2007 un décret présidentiel a suspendu l'application de ce traité sur le territoire russe

Un deuxième sujet de tension concerne le renforcement des capacités militaires alliées en Europe . La Russie invoque, à l'appui de ses critiques, le stationnement d'avions de combat alliés pour assurer la défense aérienne des pays baltes, alors que ceux-ci, membres de l'OTAN, n'ont pas adhéré au traité FCE, ni au traité FCE adapté et l'installation de bases américaines en Roumanie et en Bulgarie, qui contreviendrait aux engagements de l'Acte fondateur OTAN-Russie de ne pas faire stationner de forces permanentes substantielles de l'Alliance dans les nouveaux pays membres.

Comme le relèvent très justement nos collègues MM. Jean François-Poncet, Jean-Guy Branger et André Rouvière, dans leur rapport sur les enjeux de l'évolution de l'OTAN 4 ( * ) , chacun de ces arguments mérite pour le moins d'être relativisé. Les pays baltes ont déclaré à plusieurs reprises qu'ils adhèreraient au traité FCE adapté dès son entrée en vigueur, et l'appui de l'OTAN en matière de « police du ciel », qui vise à assurer une mission défensive, ne peut constituer une mise en cause des équilibres stratégiques entre l'OTAN et la Russie. Les accords conclus entre les Etats-Unis d'une part, la Roumanie et la Bulgarie d'autre part, sur l'utilisation de certaines bases, devraient quant à eux se traduire par la présence d'environ 1 500 militaires américains dans le premier pays et environ 2 500 dans le second. Elles constitueront des points d'appui pour des opérations ou offriront des sites d'entraînement, mais ne conduiront pas véritablement à faire stationner de manière permanente des forces de combat. Dans le même temps, il faut rappeler que les forces américaines en Europe, qui s'élevaient à 300 000 hommes à la fin de la guerre froide, ne représentent plus aujourd'hui qu'environ 100 000 hommes et devraient encore être réduites, pour se limiter à 40 000 hommes en 2011.

Si l'on peut contester la pertinence des arguments avancés par les autorités russes, il n'en demeure pas moins que la suspension de l'application du traité FCE, qui constitue un élément majeur de la sécurité en Europe, tout comme la menace de se retirer du traité avec les Etats-Unis sur les forces nucléaires intermédiaires (Intermediate Nuclear Forces - INF), qui interdit le déploiement de missiles nucléaires de 1 000 à 5 500 kilomètres de portée, traduisent un net raidissement de la Russie.

Un autre important sujet de contentieux porte sur le projet d'implantation d'un radar en République tchèque et d'intercepteurs en Pologne dans le cadre du système de défense antimissile américain.

L'annonce, en janvier 2007, du projet de déploiement d'éléments du système de défense anti-missile américain en Pologne et en République tchèque a aussitôt suscité de vives critiques de la part des autorités russes.

Ainsi, le Président Vladimir Poutine, dans son discours prononcé à Munich, le 10 février 2007, a dénoncé l'unilatéralisme des Etats-Unis. Il a contesté la réalité d'une menace balistique et il a mentionné les risques d'une nouvelle course aux armements en Europe.


Le système de défense anti-missile américain

Les attentats terroristes du 11 septembre 2001, qui ont mis en évidence la vulnérabilité du territoire national américain, ainsi que la menace de tirs de missiles, éventuellement dotés d'armes de destruction massive, en provenance de pays jugés hostiles, comme l'Iran ou la Corée du Nord, ont renforcé la détermination des autorités américaines d'édifier un système de défense anti-missiles protégeant l'intégralité du territoire américain et celui de ses alliés.

Si les Etats-Unis avaient lancé dès les années 1950 des recherches sur la création d'un tel système, l'édification d'un système de défense anti-missile (« Missile Defense ») a été, en effet, considérablement accélérée sous le présidence de Georges W. Bush. Ainsi, depuis 2002, ce programme du Pentagone aurait bénéficié d'une dotation d'environ 10 milliards de dollars par an. Par ailleurs, l'hypothèque du traité américano-russe ABM (« Anti Ballistic Missiles ») de 1972, interdisant le déploiement d'un tel système, a été levée avec le retrait unilatéral des Etats-Unis de ce traité en juin 2002, malgré les protestations de la Russie.

Le bouclier anti-missile américain devrait reposer sur un système complexe composé de senseurs (radars et satellites), d'intercepteurs (terrestres, mais aussi à partir de navires, d'avions, voire de satellites) et d'un système de gestion de l'engagement, qui analyserait les données fournies par les radars et satellites d'alerte pour identifier les têtes assaillantes, engager les intercepteurs et leur transmettre en vol les informations relatives à la trajectoire des têtes. Ce système aurait pour vocation de protéger le territoire américain, mais aussi celui des pays alliés ou amis, ainsi que les forces déployées.

Une première composante terrestre en Alaska a été déclarée opérationnelle en 2004 et l'amélioration des cinq grands radars d'alerte rapide actuellement utilisés par les Etats-Unis (dont un est situé au Groenland et un autre au Royaume-Uni) est en cours.

Le 22 janvier 2007, les Etats-Unis ont officiellement demandé à la République tchèque et à la Pologne d'accueillir, respectivement des radars servant à détecter des tirs de missiles et une batterie de dix intercepteurs ou « missiles anti-missiles ». Cette demande a reçu un accueil favorable à Prague et à Varsovie, mais elle a suscité une vive réaction de la part de la Russie. L'ensemble pourrait être opérationnel à partir de 2011 et représenterait un coût de 3,5 milliards de dollars. Bien qu'il existe encore de sérieux doutes chez les experts sur la faisabilité d'un tel système, la détermination des autorités américaines à se doter d'une défense anti-missiles semble totale.

De son côté, l'OTAN s'est engagé depuis 1999 dans un projet de défense anti-missiles balistique de théâtre, destiné à protéger les troupes déployées dans le cadre d'opérations extérieures contre les missiles de courte portée. Une étude de faisabilité portant sur un système de défense anti-missile du territoire a été également été lancée en 2002. Toutefois, compte tenu de son coût, estimé à 27 milliards d'euros, ce projet a été abandonné.

Les projets américains en Pologne et en République tchèque ont toutefois relancé les discussions sur la défense anti-missile au sein de l'OTAN. L'idée a en effet été lancée de réviser le programme de défense anti-missile de théâtre de l'OTAN, initialement destiné à la protection des troupes en opérations, afin de le compléter par des moyens permanents, terrestres ou navals, installés sur le flanc sud de l'Alliance.

Bien que l'installation d'intercepteurs antimissile, en Pologne, et d'un radar, en République tchèque, résulte d'une initiative strictement bilatérale entre les Etats-Unis et les pays concernés, la Russie en a fait un sujet majeur de différend avec l'Occident.

L' argumentation russe repose, en premier lieu, sur le caractère hypothétique de la menace balistique iranienne. L'Iran ne pourrait avoir, à un horizon prévisible, la capacité technique de réaliser un missile balistique capable de frapper les Etats-Unis avec une charge autre que conventionnelle. D'autre part, s'il en avait la possibilité, l'Iran n'aurait aucun intérêt à procéder à une telle frappe qui lui attirerait une riposte massive des Etats-Unis.

Considérant que la menace iranienne n'est pas crédible, la Russie considère, en second lieu, que le véritable objectif des installations projetées en Pologne et en République tchèque est d'affaiblir la capacité de dissuasion russe, ces installations créant un déséquilibre stratégique en Europe. Comme l'ont rappelé les interlocuteurs russes de la délégation, la doctrine de défense russe repose sur la dissuasion nucléaire, à l'image de la France. Or, le système anti-missile américain remettrait en cause l'équilibre des forces stratégiques, étant donné que les fusées nucléaires russes sont principalement terrestres, contrairement aux missiles nucléaires américains, qui sont embarqués soit à bord de bombardiers, soit à bord de sous-marins, ce qui rend plus difficile de les localiser et de les intercepter. Pour sa part, le radar couvrirait tout le territoire de la Russie et il serait connecté avec les forces stratégiques américaines. Le déploiement d'éléments du système américain de défense anti-missile en Pologne et en République tchèque serait donc susceptible, d'après eux, de bouleverser l'équilibre stratégique des forces en Europe en remettant en cause cette doctrine. Ils ont comparé cette affaire à la crise des fusées à Cuba.

Les Etats-Unis réfutent cette argumentation en soulignant que la menace balistique en provenance d'Iran est réelle, qu'il s'agit d'un système uniquement défensif, que les dix intercepteurs projetés en Pologne seraient totalement incapables de stopper une salve de plusieurs missiles nucléaires russes, et qu'en tout état de cause, ils ne se situent pas sur la trajectoire d'un éventuel tir russe visant les Etats-Unis. De même, le radar tchèque ne sera pas en mesure de surveiller la Russie.

Bien qu'ayant contesté l'invocation par les Etats-Unis de la menace iranienne, la Russie a paru ne plus remettre en cause le principe même d'un système de défense antimissile, puisqu'un tel système pourrait lui paraître acceptable pourvu que sa localisation géographique soit différente. Lors du sommet du G8, le 7 juin 2007, Vladimir Poutine a ainsi proposé de localiser les équipements envisagés en Pologne et en République tchèque sur le territoire de l'Azerbaïdjan, en utilisant sa station radar de Gabala. Après examen, l'administration américaine a répliqué que la station de Gabala ne pourrait en aucun cas remplacer le site tchèque, étant trop proche de la frontière iranienne pour assurer les fonctions de poursuite et de guidage indispensables au système d'interception à mi-course. En revanche, une telle localisation pourrait être envisagée en complément des sites polonais et tchèques, en tant qu'installation d'alerte avancée.

Il faut rappeler que la Russie possède elle-même son propre système de défense antimissile installé durant la guerre froide pour protéger la région de Moscou des missiles à moyenne et longue portée. Il se compose de près d'une centaine d'intercepteurs à charge nucléaire. La Russie dispose aussi de systèmes de défense antimissile de théâtre (S-300 et S-400). La Russie a également marqué à plusieurs reprises son intérêt pour être associée aux réflexions menées, au sujet de la défense antimissile, dans le cadre de l'OTAN.

Cette relative ambivalence de Moscou à l'égard de la défense antimissile n'a en rien atténué son opposition politique au projet américain. Celui-ci figure parmi les motifs évoqués pour justifier la décision prise, le 13 juillet 2007, par Vladimir Poutine, de suspendre l'application par la Russie du traité sur les forces conventionnelles en Europe. La Russie menace également de se retirer du traité avec les Etats-Unis sur les forces nucléaires intermédiaires ( Intermediate Nuclear Forces - INF ), qui interdit le déploiement de missiles nucléaires de 1 000 à 5 500 kilomètres de portée.

Lors de leur visite à Moscou fin octobre 2007, M. Robert Gate et Mme Rice ont formulé une nouvelle série de propositions à l'attention de la Russie. Il s'agirait tout d'abord de distinguer la phase de construction des sites en Pologne et en République tchèque, et leur mise en service opérationnelle. Celle-ci n'interviendrait que dans un second temps, au vu de l'évaluation de la menace iranienne (des consultations régulières seraient menées à ce sujet avec la Russie, sans pour autant que le déploiement opérationnel des intercepteurs soit subordonné à l'approbation de celle-ci). Deuxièmement, les Etats-Unis ont proposé de mettre en place des mesures de transparence (possibilité de présence de personnels russes sur les sites, de visites sur demande ou de dispositifs de surveillance à distance). Enfin, les Américains ont lancé l'idée d'une architecture régionale de défense antimissile « coopérative », associant les Etats-Unis, l'Europe et la Russie. Il s'agirait d'abord de procéder à des échanges d'information américano-russes sur les capacités de leurs propres systèmes, en vue de mettre en place ultérieurement une coopération concrète (coordination des systèmes de commandement et de contrôle, voire intégration dans un système interopérable).

Lors de leur rencontre à Sotchi, en avril 2008, les présidents George Bush et Vladimir Poutine « ont exprimé leur intérêt pour la création d'un système de défense antimissile commun dans lequel la Russie, les Etats-Unis et l'Europe participeraient à part égale ». La Russie reste hostile au projet américain dans son état actuel, mais les discussions américano-russes se poursuivront en ce qui concerne les mesures de transparence et une éventuelle connexion entre système américain et système russe.

Enfin, le dernier différend concerne l'élargissement éventuel de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie .

3. L'entrée de l'Ukraine et de la Géorgie dans l'OTAN : un « casus belli » pour la Russie

L'adhésion éventuelle à l'OTAN de l'Ukraine et de la Géorgie cristallise tous les états d'âme et ressentiments russes à l'égard de cette recomposition majeure du continent européen. Il s'agit en effet, du point de vue russe, de l'aspect le plus douloureux puisque ces pays étaient incorporés à l'URSS, il y a quinze ans encore, et que la Russie a toujours entretenu des liens étroits avec l'Ukraine, où vit une importante minorité russophone.

L'Ukraine bénéficie, depuis 2007, d'un partenariat distinctif et privilégié avec l'OTAN. Une commission OTAN-Ukraine se réunit deux fois par an au niveau ministériel et une assistance particulière a été mise en place en matière de réformes de défense. L'Ukraine a fourni des troupes pour les opérations de l'Alliance dans les Balkans. En mai 2002, le Président Koutchma annonçait que son pays souhaitait devenir membre de l'Alliance. Lors du Sommet de Prague, en 2002, la vocation de l'Ukraine à rejoindre l'OTAN avait été reconnue, sans toutefois d'engagement sur un calendrier. Une étape supplémentaire a été franchie en avril 2005, quelques mois après la « révolution orange », avec l'établissement d'un « dialogue intensifié », visant à renforcer le dialogue politique et à relancer l'assistance en matière de réformes de défense, notamment pour la restructuration du complexe militaro-industriel. Si l'adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN demeure la priorité de la politique étrangère des autorités de Kiev, l'entrée dans l'OTAN n'est pas soutenue par la majorité de l'opinion publique, contrairement à l'adhésion à l'Union européenne, et elle suscite l'hostilité du parti des régions et de la minorité russophone.

La Géorgie , quant à elle, a déclaré son intention d'adhérer à l'OTAN en 2002 et accorde à sa candidature une priorité renforcée depuis la « révolution des roses » de 2003. En septembre 2006, les ministres des affaires étrangères de l'OTAN ont émis un signal favorable à la démarche géorgienne, en proposant un « dialogue intensifié » avec Tbilissi, à l'image de celui conduit avec l'Ukraine. Cette formule ne préjuge pas de la décision quant à une adhésion future, mais elle permet de nouer des relations plus approfondies sur les questions politiques ou de sécurité liées à une telle adhésion. Le 13 mars 2007, le Parlement géorgien s'est prononcé à l'unanimité en faveur d'une adhésion à l'OTAN, considérée comme une garantie essentielle pour l'intégrité territoriale et la souveraineté du pays.

La question de l'adhésion éventuelle de l'Ukraine et de la Géorgie a été au centre du Sommet de l'OTAN, qui s'est tenu à Bucarest du 2 au 4 avril derniers.

Cet élargissement bénéficie d'un fort soutien politique à Washington. Le 10 mars 2007, le Congrès adoptait le « Nato freedom consolidation Act », loi par laquelle il se prononçait en faveur de l'adhésion « en temps voulu » des trois pays des Balkans (Albanie, Croatie et Macédoine), ainsi que de la Géorgie et de l'Ukraine.

En revanche, les autorités russes formulent des critiques extrêmement vives à l'encontre de l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie.

Au sein de l'Union européenne, l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN suscite un clivage entre les « anciens » Etats membres, comme la France et l'Allemagne, qui sont réticents à accueillir ces Etats au sein de l'Alliance atlantique et qui sont soucieux de ménager la Russie, et les « nouveaux » Etats membres, comme la Pologne, qui sont favorables à cette adhésion.

Lors du Sommet de Bucarest , les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de l'OTAN ont décidé que l'Ukraine et la Géorgie « deviendraient membres de l'OTAN » , sans toutefois fixer de date pour l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie au plan d'action pour l'adhésion (MAP). Ils ont simplement déclaré soutenir la candidature de ces pays au MAP, qui représente « la prochaine étape sur la voie qui les mènera directement à l'adhésion ».

Dans une conférence de presse conjointe avec la chancelière allemande, tenue à l'issue de ce Sommet, le Président de la République a déclaré : « l'Allemagne et la France partagent la même analyse sur l'élargissement de l'OTAN et nous avons défendu ensemble la position que l'Ukraine et la Géorgie ont vocation à intégrer l'Alliance, que nul n'a de droit de veto à poser, mais qu'il fallait se donner du temps pour que toutes les conditions de l'adhésion soient remplies » .

La question devrait resurgir en décembre 2008, avec la réunion des ministres des affaires étrangères, et lors du prochain Sommet de l'OTAN en 2009.

B. VERS UN PARTENARIAT STRATÉGIQUE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LA RUSSIE

A l'inverse de l'OTAN, l'Union européenne ne suscite pas la même appréhension de la part de la Russie. En effet, l'ambition partagée par les autorités russes et européennes est d'établir un véritable partenariat stratégique. Entre l'Union européenne et la Russie, il existe, en effet, une réelle interdépendance. La Russie représente pour l'Union européenne son plus grand voisin, son troisième partenaire commercial et son premier fournisseur d'hydrocarbures. De son côté, l'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Russie et son principal débouché. Une coopération étroite est donc une nécessité, notamment sur le plan énergétique.

Pour autant, depuis l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale, en 2004, les différends se sont multipliés avec la Russie.

La persistance de sujets de tension ou d'attentes déçues, tout comme l'âpreté de certaines discussions, ne doivent pas masquer les possibilités de trouver, dans le cadre normal du dialogue et de la coopération tel qu'il est désormais établi, des solutions à nombre de questions soulevées par la Russie. La délégation considère comme essentiel l'établissement d'un partenariat solide avec cet acteur majeur du continent européen 5 ( * ) .

1. Le cadre actuel des relations

Les relations entre l'Union européenne et la Russie reposent actuellement sur un accord de partenariat et de coopération , signé en 1994 et entré en vigueur en 1997, pour une période initiale de dix ans.

Cet accord institue un cadre pour le dialogue politique et vise à renforcer les relations entre l'Union européenne et son plus grand voisin, dans une série de domaines, en particulier économique.

Lors du sommet de Saint-Pétersbourg, fin mai 2003, l'Union européenne et la Russie on décidé de renforcer leur coopération sur la base de quatre volets, baptisés « espaces communs » , concernant les aspects économiques et commerciaux, les aspects « justice et affaires intérieures », les questions de sécurité internationale et les questions éducatives et culturelles. Des « feuilles de route », agrées au Sommet de Moscou en mai 2005, détaillent les priorités à mettre en oeuvre pour chacun de ces espaces.

Au cours de ses contacts, la délégation a eu le sentiment que les relations entre l'Union européenne et la Russie connaissaient un certain essoufflement, chaque partenaire ayant tendance à rejeter sur l'autre la responsabilité de cette situation.

Sur le plan économique et commercial , les relations entre la Russie et l'Union européenne se sont beaucoup développées au cours de ces dernières années. Plus de 55 % du commerce russe est aujourd'hui tourné vers l'Union européenne, contre 30 % avant l'élargissement, et la Russie figure parmi l'un des principaux fournisseurs d'hydrocarbures de l'Union, pourvoyant à 20 % des besoins en combustibles de l'Union européenne 6 ( * ) . Par ailleurs, la Russie est le troisième client pour les exportations européennes, après les Etats-Unis et la Chine. En 2005, les recettes tirées des exportations vers l'Union européenne représentaient plus de 100 milliards de dollars et l'excédent commercial, de l'ordre de 50 milliards de dollars, est la plus importante source de devises étrangères pour la Russie.

L'Union européenne a reconnu à la Russie le statut d'économie de marché dès 2002 et a donné son aval, au printemps 2004, après de difficiles négociations, à l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il reste toutefois à la Russie à obtenir l'accord des autres principaux membres de l'OMC, notamment les Etats-Unis et la Chine. La Russie est aujourd'hui le premier exportateur de tous les pays non membres de l'OMC.

Au-delà de cette réalité économique, les intérêts communs entre l'Europe et la Russie sont également considérables, que ce soit sur les grands dossiers internationaux ou sur des préoccupations de sécurité concernant plus spécifiquement le continent : stabilisation des zones de conflit, lutte contre le terrorisme et lutte contre les trafics illicites, la criminalité transnationale organisée et l'immigration irrégulière.

Après plusieurs années de négociations, l'Union européenne et la Russie ont signé, en mai 2006, un accord visant à faciliter la délivrance de visas de court séjour, ainsi qu'un accord de réadmission des personnes en séjour irrégulier. L'accord de facilitation de délivrance de visas de court séjour prévoit notamment un réduction de frais de visa à 35 euros pour l'ensemble des ressortissants russes, alors que le coût normal d'un visa Schengen est de 60 euros depuis le 1 er janvier 2007, ainsi qu'une simplification des formalités pour certaines catégories de voyageurs, comme les hommes d'affaires. Ces deux accords sont entrés en vigueur en juin 2007.

La Russie souhaite obtenir à terme la suppression de l'obligation de visa pour ses ressortissants désireux de se rendre sur le territoire de l'Union européenne, tandis que cette dernière insiste sur la coopération des autorités russes en matière de maîtrise des flux migratoires en provenance de son territoire.

Au sein de l'« espace commun de liberté, de sécurité et de justice » des consultations régulières sur les droits de l'Homme et l'Etat de droit sont organisées entre l'Union européenne et la Russie, depuis mars 2005. Ce dialogue a permis d'évoquer plusieurs sujets sensibles, comme la situation en Tchétchénie, la liberté de la presse et le pluralisme des médias ou encore la lutte contre le racisme et la xénophobie.

Dans le domaine de la sécurité extérieure , la coopération vise notamment à renforcer le dialogue et la coopération sur les grands dossiers internationaux.

La Russie a aussi obtenu, depuis 2002, un statut privilégié au sein des structures de sécurité de l'Union européenne. La Russie est le seul pays non-membre de l'Union européenne à avoir des consultations régulières avec le Comité politique et de sécurité et un officier de liaison russe est détaché auprès de l'Etat-major militaire de l'Union européenne.

En juin 2002, le Conseil européen de Séville a arrêté les modalités concernant la participation éventuelle de la Russie aux opérations de gestion des crises conduites par l'Union européenne. Dans ce cadre, la Russie a participé à une mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, de janvier 2003 au printemps 2006.

Plus récemment, la Russie a fait un geste politique fort en annonçant, le 29 avril dernier, qu'elle participerait à l'opération EUFOR de l'Union européenne au Tchad et en République centrafricaine, en mettant à la disposition de l'Union européenne quatre de ses hélicoptères polyvalents Mi-8.

Les modalités de participation de la Russie aux opérations de l'Union européenne suscitent toutefois une insatisfaction à Moscou, car la Russie a le sentiment d'être confinée dans un rôle de simple exécutant et souhaite être associée à la prise de décision. De son côté, l'Union européenne ne veut pas voir remettre en cause le principe de son autonomie de décision, en accordant à un pays tiers un droit de regard sur ses décisions.

En revanche, aucune avancée n'a été réalisée concernant le règlement des « conflits gelés », la Russie estimant que l'Union européenne n'a pas à intervenir dans ce qu'elle considère comme son « pré carré ».

Enfin, en matière de recherche, d'éducation et de culture , plusieurs projets ont été lancés, comme la création, au sein de l'Institut d'Etat des relations internationales de Moscou (Mgimo), d'un institut d'études européennes, cofinancé par l'Union européenne et le gouvernement russe, qui a ouvert ses portes au début de l'année 2006. Toutefois, les réalisations sont restées très limitées.

La culture et l'éducation constituent sans nul doute des volets importants de coopération qui restent à développer.

2. La multiplication des différends

L'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, en 2004, a constitué un premier sujet de friction entre l'Union européenne et la Russie.

Lors du Sommet Union européenne-Russie de Rome, en novembre 2003, la Russie avait ainsi exprimé son refus d'une extension automatique de l'accord de partenariat et de coopération aux futurs pays membres. Elle avait adressé, en février 2004, à la Commission européenne un mémorandum énumérant quatorze sujets de préoccupation pour lesquels elle souhaitait obtenir des garanties de sa part avant son élargissement. Les inquiétudes russes portaient notamment sur les relations commerciales, l'énergie, les questions vétérinaires et sanitaires, le transit des personnes et des marchandises entre Kaliningrad et le reste de la Fédération de Russie ou encore la situation des minorités russophones dans les pays baltes.

Après de difficiles négociations, l'Union européenne et la Russie sont parvenues à un compromis. Le protocole d'extension de l'accord de partenariat et de coopération a été signé le 27 avril 2004 à Luxembourg. Parallèlement, l'Union européenne et la Russie ont adopté une déclaration conjointe, prévoyant une série de mesures concrètes visant à aider la Russie à faire face à la nouvelle situation née de l'élargissement.

La question du transit des personnes et des marchandises entre l'enclave de Kaliningrad et le reste de la Fédération de Russie semble avoir reçu une réponse satisfaisante pour les deux parties.

Kaliningrad : laboratoire des relations entre l'Union européenne et la Russie

La région de Kaliningrad, qui compte près d'un million d'habitants sur un territoire de 15 100 km², couvre l'ancienne partie septentrionale de la Prusse orientale, qui a été rattachée à l'Union soviétique après la seconde guerre mondiale.

Depuis la fin de l'URSS, en 1991, cette enclave russe n'a plus de continuité territoriale avec le reste de la Fédération de Russie, dont elle est géographiquement coupée par la Lituanie et la Biélorussie. De plus, du fait de l'élargissement de l'Union européenne du 1 er mai 2004, la région de Kaliningrad est entourée de pays membres de l'Union européenne (Pologne et Lituanie).

La reprise de l'acquis de Schengen par la Lituanie a créé un différend important avec la Russie. En effet, elle mettait un terme au régime qui permettait le transit des citoyens russes entre la Fédération de Russie et l'enclave de Kaliningrad à travers le territoire lituanien, sans autre formalité que la présentation d'un document d'identité, la remplaçant par l'introduction d'une obligation de visa pour les ressortissants russes.

Après de difficiles négociations, un accord a été trouvé fin 2002 sur la mise en place d'un régime de transit facilité pour les citoyens russes ainsi que pour les marchandises qui a commencé à s'appliquer le 1 er juillet 2003. Trois ans après l'entrée en vigueur de ce système de transit facilité, la Commission européenne a rendu un rapport le 22 décembre 2006 qui dresse un bilan positif de son application.

En revanche, la question du statut des minorités russophones dans les pays baltes demeure une source de préoccupation pour les autorités russes.

Les contentieux entre la Russie et les pays baltes

Les trois pays baltes, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, ont connu un destin historique commun : ces trois pays ont fait partie de l'empire russe, avant de connaître une brève indépendance entre 1920 et 1940, remise en cause par l'occupation soviétique puis allemande et l'intégration forcée à l'URSS au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Ayant proclamé leur indépendance en 1991, ces trois pays ont fait le choix de du rapprochement occidental avec l'intégration dans l'OTAN et l'adhésion à l'Union européenne le 1 er mai 2004.

La question des minorités russophones dans les pays baltes a constitué une première source de tension avec la Russie. Cette question revêt une acuité différente selon les trois pays baltes. Elle est faible en Lituanie où la minorité russophone ne représente que 10 % des 3,8 millions d'habitants, alors que cette proportion est de 30 % en Estonie (400 000 personnes), et 40 % en Lettonie (900 000 personnes).

Ces minorités russophones sont composées de Russes mais aussi de Biélorusses, d'Ukrainiens ou d'autres nationalités de l'ex-URSS. La forte concentration territoriale des minorités russophones (la ville de Narva en Estonie compte ainsi 80 % de russophones), la dégradation de leur niveau de vie et leur sentiment d'abandon ont fait de ces populations la pierre d'achoppement des relations russo-baltes. Ces tensions se sont cristallisées autour des conditions d'obtention de la nationalité et du statut des personnes n'ayant pas obtenu la citoyenneté de ces pays.

En Lituanie, le choix (dit de l'« option zéro ») a été fait d'accorder la citoyenneté lituanienne à tous ceux qui possédaient un permis de résidence permanent depuis dix ans. Près de 90 % des représentants des minorités nationales (Russes mais aussi Polonais, Biélorusses) ont obtenu la nationalité lituanienne, à la grande satisfaction de la Russie.

En revanche, la Lettonie et l'Estonie ont choisi une autre voie (dite l'« option 1940 ») qui consiste à ne reconnaître un droit de naturalisation automatique qu'aux citoyens de ces pays avant l'invasion soviétique et à leurs descendants ainsi qu'aux enfants nés sur le sol national après 1992 d'un parent ayant la nationalité. Quant aux autres arrivés pendant la période soviétique, ils ont dans leur majorité refusé de se plier à la procédure qui conditionne l'attribution de la citoyenneté à la réussite d'un examen de connaissance de la langue et de la Constitution.

Ces personnes n'ayant pas obtenu la citoyenneté de ces pays sont devenues de facto apatrides s'ils n'avaient demandé aucune citoyenneté (380 000 en Lettonie et 250 000 en Estonie). En 1998, certains ont obtenu, sous la pression de la Communauté internationale, un passeport « gris » de non citoyen, leur permettant de voyage et de jouir de certains droits.

La Russie n'a eu de cesse d'invoquer la question des minorités russophones dans ses discussions avec l'Union européenne, en arguant de la violation des droits de l'homme dont feraient l'objet ces personnes. Pour la Commission européenne, les pays baltes respectent tous les critères imposés par l'Union européenne concernant le respect des droits des minorités, ce qui a été confirmé par d'autres organisations en charge des droits de l'homme, comme le Conseil de l'Europe et l'OSCE ou encore des missions d'observation des organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme.

Le tracé des frontières entre les pays baltes et la Russie a constitué une autre pierre d'achoppement dans leurs relations. En effet, la frontière administrative tracée à l'époque soviétique ne recoupe pas exactement les frontières de 1920. Un premier traité frontalier a été signé entre la Russie et la Lituanie, puis un second avec la Lettonie, le 27 mars 2007. Un autre traité devrait être conclu avec l'Estonie, mais sa signature a été retardée en raison des tensions récentes apparues avec ce pays.

En effet, le déplacement du monument à la gloire du soldat soviétique, situé sur la place centrale de Tallinn en Estonie, et la violente réaction de la Russie, marquée par des attaques de sites internet estoniens ayant gravement paralysé ce pays, illustre la sensibilité de la « guerre des mémoires » qui oppose les pays baltes à la Russie.

Inversement, la forte dépendance énergétique à l'égard de la Russie constitue un important sujet de préoccupation pour l'Union européenne.

La Russie est aujourd'hui le premier fournisseur d'hydrocarbures de l'Union européenne. La Russie est, en effet, le premier fournisseur de gaz naturel des vingt-sept (avec 40 % des importations, ce qui représente 19 % de la consommation totale de gaz de l'Union européenne) et le deuxième fournisseur de pétrole (avec 20 % des importations et 16 % de la consommation totale).

La dépendance énergétique à l'égard de la Russie varie cependant fortement entre les pays . Si de nombreux pays d'Europe centrale ou orientale dépendent entièrement de la Russie pour leur approvisionnement en gaz, comme la Slovaquie ou les Pays Baltes, la part du gaz russe est de 65 % en Autriche, 37 % en Allemagne et en Italie et 24 % en France.

Cette dépendance énergétique de l'Union européenne vis-à-vis de la Russie devrait fortement s'accroître dans les prochaines années. La Commission européenne estime que d'ici vingt ou trente ans, 70 % des besoins énergétiques de l'Union européenne devront être assurés par les importations, contre 50 % aujourd'hui.

C'est surtout la dépendance en matière de gaz qui devrait augmenter dans les prochaines décennies. Selon l'Agence internationale de l'énergie, la demande européenne de gaz devrait augmenter de 50 % d'ici 2020 et, selon le ministère russe de l'énergie, la Russie pourrait fournir 70 % du gaz importé par les pays européens (contre 40 % aujourd'hui).

Or, les crises du gaz entre la Russie et l'Ukraine, à l'hiver 2005, puis entre la Russie et la Biélorussie, en 2006, ont suscité des interrogations au sein de l'Union européenne sur la crédibilité de la Russie en tant que principal fournisseur d'énergie.

Il convient toutefois de rappeler que, même au plus fort de la guerre froide, Moscou n'a jamais manqué à ses engagements contractuels vis-à-vis de ses partenaires européens et que la dépendance est réciproque, puisque près de 75 % du pétrole et 80 % du gaz russes partent vers l'Union européenne.

L'ensemble des experts s'accorde donc à rejeter l'hypothèse d'un chantage énergétique de la part de la Russie vis-à-vis de l'Union européenne.

En revanche, il existe une réelle inquiétude sur la capacité de la Russie à honorer ses engagements vis-à-vis de l'Union européenne en matière d'approvisionnement en hydrocarbures, compte tenu de la hausse de la consommation intérieure et du manque d'investissements dans les structures d'exploration et d'exploitation.

Les besoins d'investissements du secteur énergétique russe sont évalués par la Commission européenne à 735 milliards de dollars d'ici 2030.

Dans ces conditions, il existe chez les experts de fortes inquiétudes sur la capacité de la Russie à honorer ses engagements d'approvisionnement en gaz de l'Union européenne dans les prochaines années. Ainsi, selon un scénario pessimiste , fondé sur une hausse de la consommation interne de gaz au rythme actuel (+ 6 % par an dans le district de Moscou), à partir de 2012, la Russie ne pourrait plus honorer ses contrats actuels avec l'Union européenne.

Face au risque de ruptures d'approvisionnements et à la volonté de la Russie de trouver d'autres débouchés, notamment en Asie, et de constituer un cartel des pays producteurs, une sorte d' « OPEP du gaz », il apparaît que l'Union européenne devrait chercher à renforcer ses liens avec d'autres pays producteurs (comme l'Algérie, le Qatar ou les républiques d'Asie centrale) et diversifier ses voies d'approvisionnement.

La diversification des sources paraît constituer la clé de la sécurité des approvisionnements et la meilleure stratégie pour l'Union européenne , comme l'a souligné récemment M. Claude Mandil, ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie, dans son mémorandum intitulé « Sécurité énergétique et Union européenne : Propositions pour la présidence française » , remis au Premier ministre, le 21 avril dernier.

Par ailleurs, les États membres de l'Union européenne apparaissent divisés en matière énergétique, comme l'illustrent les controverses soulevées par le projet de gazoduc germano-russe sous la Mer Baltique. La Russie a donc tendance à jouer sur les divisions des États membres et à privilégier les relations bilatérales, en particulier avec l'Allemagne et l'Italie. Face à la Russie, il est donc indispensable que les États membres parlent d'une seule voix en encourageant la mise en place d'une véritable politique européenne de l'énergie, tant sur le plan intérieur, qu'en matière de relations extérieures.

A cela, ce sont ajoutées les critiques formulées par l'Union européenne au sujet du respect des droits de l'homme et de la démocratie en Russie.

En définitive, les relations entre l'Union européenne et la Russie semblent s'être fortement dégradées ces dernières années. Le Commissaire européen chargé du commerce, Peter Mendelson, a ainsi déclaré récemment : « la méfiance et l'incompréhension entre la Russie et l'Union européenne sont parvenues à un niveau jamais atteint depuis la fin de la guerre froide ».

Plus fondamentalement, on peut se demander si les difficultés actuelles des rapports entre l'Union européenne et la Russie ne résultent pas d' une divergence esentielle concernant le cadre de leurs relations .

La Russie souhaite, en effet, en priorité être associée à la prise de décision au sein de l'Union européenne. Cette demande concerne, en particulier, la politique européenne de sécurité et de défense, et elle s'explique par la volonté de la Russie de contrebalancer l'influence des Etats-Unis en Europe.

Toutefois, pour l'Union européenne, les relations privilégiées avec la Russie ne doivent pas conduire à remettre en cause le principe de son autonomie de décision. En effet, il n'est pas envisageable que la Russie, ou d'autres pays tiers, bénéficient des droits réservés aux Etats membres de l'Union européenne, sans en avoir les obligations.

3. Vers un nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie

Depuis 2006, l'Union européenne et la Russie souhaitent lancer des négociations en vue de conclure un nouvel accord de partenariat , qui remplacerait l'actuel accord de partenariat et de coopération.

Pendant près de deux ans, le lancement de ces négociations a toutefois été bloqué par le veto de la Pologne, puis par celui de la Lituanie, à l'adoption, par les vingt-sept Etats membres, du mandat de négociation devant permettre le début de ces négociations.

La Pologne, alors dirigée par un gouvernement conservateur, avait d'abord mis son veto, en raison de l'embargo russe sur la viande et les végétaux en provenance de son territoire. L'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, à l'issue des élections législatives d'octobre 2007, et la levée de l'embargo russe sur la viande en provenance de Pologne, en mars 2008, ont permis de surmonter le veto polonais.

Cependant, le lancement des négociations a été à nouveau bloqué, cette fois par la Lituanie, en raison de la fermeture par la Russie de l'oléoduc desservant la raffinerie située sur son territoire.

En définitive, grâce notamment à l'action de la France et de l'Allemagne, les vingt-sept Etats membres sont parvenus à un accord sur le mandat de négociation, le 26 mai dernier.

Les négociations sur ce nouvel accord devraient donc être lancées lors du prochain Sommet Union européenne-Russie, qui se tiendra à Khanti-Mansiisk, en Sibérie, les 26 et 27 juin prochains, et se poursuivre sous présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2008.

Quels devraient être les axes principaux de ce nouvel accord ?

Comme l'actuel accord de partenariat et de coopération, le nouvel accord devrait couvrir l'ensemble de la relation Union européenne-Russie, tant en ce qui concerne la dimension institutionnelle que la coopération sectorielle. Il devrait inclure une référence aux quatre « espaces communs », agréés lors du Sommet de Saint-Pétersbourg de mai 2003.

Une large place devrait être consacrée à la coopération économique et commerciale, avec un important volet énergétique. En matière économique, l'accord devrait fixer pour objectif l'instauration d'une zone de libre échange entre l'Union européenne et la Russie. Le volet énergétique devrait constituer le principal apport de ce nouvel accord.

Toutefois, il existe de fortes divergences entre l'Union européenne et la Russie à ce sujet. L'Union européenne souhaite, en effet, reprendre dans cet accord les principes posés par la Charte européenne de l'énergie, notamment afin de garantir un traitement équitable et non discriminatoire de ses entreprises pour l'accès aux ressources énergétiques russes, alors que les autorités russes veulent avoir la possibilité d'acquérir et de contrôler des entreprises européennes de gaz et d'électricité et accéder au marché européen de l'énergie.

Le nouvel accord pourrait également fixer l'objectif à terme de la création d'un espace de libre circulation des personnes par la suppression des visas. Enfin, une place importante devrait être accordée au dialogue politique en matière de politique étrangère.

Pour les membres de la délégation, l' établissement d'un partenariat stratégique entre l'Union européenne et la Russie répond aux intérêts des deux partenaires et serait de nature à rapprocher la Russie de l'occident .

C. LA SPÉCIFICITÉ DES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LA RUSSIE : UN ATOUT POUR L'EUROPE

1. Des relations politiques étroites...

Comme la délégation a pu le constater tout au long de son séjour, la France jouit d'un capital de sympathie exceptionnel en Russie .

La France et la Russie entretiennent, en effet, des relations anciennes d'amitié, comme l'illustre notamment l'alliance franco-russe, signée en 1892 entre la République française et le Tsar Alexandre III et qui resta en vigueur jusqu'à la révolution bolchevique d'octobre 1917.

La fraternité des armes lors de la première et de la deuxième guerre mondiale a également constitué un moment fort de nos relations.

L'escadrille Normandie-Niemen, qui a pris part à trois campagnes majeures sur le front de l'Est à partir de 1943, reste ainsi le symbole de l'amitié franco-russe.

Aujourd'hui encore, la fréquence des visites à haut niveau illustre la qualité des relations politiques entre nos deux pays .

Le Président de la République a ainsi effectué un déplacement en Russie les 9 et 10 octobre 2007 et le nouveau Président de la Russie, Dmitri Medvedev, devrait se rendre prochainement en visite officielle en France.

Vladimir Poutine a effectué, quant à lui, sa première visite à l'étranger en tant que Premier ministre, en France, les 29 et 30 mai derniers.

Le dialogue politique s'effectue à travers des visites bilatérales, mais aussi par le biais de rencontres régulières de différents groupes de travail.

Moment fort de cette relation, le séminaire gouvernemental franco-russe se réunit une fois par an. Présidé par les deux Premiers ministres, il est organisé autour d'un certain nombre de thèmes renouvelés chaque année. Le dernier séminaire gouvernemental franco-russe s'est tenu à Paris le 16 novembre 2007, et il avait notamment pour sujet la coopération énergétique.

Deux autres groupes de travail, le CEFIC (Conseil Économique, Industriel, Financier et Commercial) et le CCQS (Conseil de coopération franco-russe sur les questions de sécurité) permettent une coopération suivie et régulière. Le CCQS, qui se réunit deux fois par an, avec la participation des ministres des Affaires étrangères et de la Défense des deux pays, a tenu sa dernière session le 11 mars 2008 à Paris. A cette occasion, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense français et russes ont évoqué l'état des relations entre l'OTAN et la Russie, les perspectives concernant les relations entre l'Union européenne et la Russie à la veille de la présidence française de l'Union européenne, ou encore les grands dossiers internationaux, comme l'Afghanistan, l'Iran, le Proche Orient, le Kosovo, le Tchad et le Darfour.

2. ...mais de fortes marges de progression en matière économique, technologique et culturelle

Malgré des relations politiques étroites, la France n'occupe qu'une place modeste en Russie en matière économique et culturelle.

La France figure, en effet, au neuvième rang des fournisseurs de la Russie, loin derrière l'Allemagne et derrière l'Italie . Le marché russe n'absorbe que 0,7 % de nos exportations et notre déficit commercial, qui a atteint 4,7 milliards d'euros en 2006, s'est creusé ces dernières années, en raison de la forte hausse du prix des hydrocarbures. Exportatrice de produits finis, la France importe, en effet, essentiellement du pétrole et du gaz, ainsi que des produits chimiques et des métaux en provenance de Russie. En matière d'investissements directs, la France occupe la sixième place , après Chypre, les Pays-Bas, les Etats-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

La plupart des grandes entreprises françaises (Total, Renault, Peugeot, Alstom, Alcatel, L'Oréal, EADS-Airbus, Danone, Auchan, la Société générale) sont aujourd'hui présentes en Russie .

La compagnie pétrolière française Total a ainsi signé, le 13 juillet 2007, avec la société russe Gazprom, un accord de coopération portant sur le développement de la première phase du champ gazier de Chtokman. L'exploitation de ce gisement, découvert en 1988, et situé en Mer de Barents, à 600 km des côtes et à 300 mètres de profondeur dans des eaux partiellement gelées en hiver et avec une forte présence d'iceberg, représente un défi technologique. Ce gisement gazier serait cependant l'un des plus importants de la planète et les réserves qu'il contient suffiraient, à elles seules, à couvrir les besoins en gaz de l'Union européenne pour les vingt-cinq prochaines années. Total serait le principal opérateur occidental, avec une prise de participation de 25 % dans le capital de la nouvelle société, la part de Gazprom, actuellement de 75 %, ne pouvant descendre en dessous de 51 %.

En revanche, nos petites et moyennes entreprises (PME) sont encore très peu actives en Russie , notamment par rapport à leurs concurrentes italiennes ou allemandes.

Sur le plan technique et scientifique , la coopération franco-russe est ancienne.

Ainsi, dans le domaine spatial, la coopération remonte à la visite du général de Gaulle en URSS et à la signature de l'accord du 30 juin 1966, qui permit à la France d'être le premier partenaire occidental de l'Union soviétique dans ce domaine. A l'origine présentant un caractère exclusivement scientifique, cette coopération a été réorientée depuis les changements intervenus en Russie vers les aspects industriels et commerciaux. La décision prise le 27 mai 2003 par le Conseil de l'Agence spatiale européenne d'ouvrir la base spatiale de Kourou en Guyane aux lancements des fusées Soyouz a marqué une étape majeure dans la coopération spatiale franco-russe.

Les projets communs sont aussi nombreux dans les domaines aéronautique (projet d'avion régional SSJ 100 et coopération entre EADS et l'industrie russe) et nucléaire (échanges de savoir-faire, coopération pour le retraitement des déchets et les filières à neutrons rapides).

La culture et l'éducation constituent également des domaines privilégiés pour l'approfondissement de notre coopération.

Le tricentenaire de Saint-Pétersbourg, en mai 2003, avait été l'occasion de rappeler les liens culturels étroits unissant la France et la Russie, liens dont Saint-Pétersbourg, ancienne capitale, fût longtemps le témoin. Le projet de saisons culturelles croisées France-Russie en 2010 devrait permettre de donner un nouvel élan à la coopération culturelle entre nos deux pays. Il devrait, en effet, se traduire par l'organisation conjointe d'une année de la France en Russie et d'une année de la Russie en France en 2010, marquée par une série d'évènements culturels, comme l'organisation d'une exposition au musée du Louvre consacrée à la « Sainte Russie » en mars 2010.

L'éducation représente aussi un enjeu important dans nos relations.

D'importants progrès restent à accomplir en matière d'apprentissage mutuel des langues. L'apprentissage du français en Russie, avec 750 000 apprenants, vient en troisième position, loin derrière l'anglais (11 millions), mais aussi l'allemand (3 millions). En France, seuls 15 000 élèves, soit 5,5 %, apprennent le russe.

Le nombre d'étudiants russes en France est, quant à lui, très insuffisant. Actuellement, la France accueille environ 2 300 étudiants russes, sur un total de 216 000 étudiants étrangers, et le nombre de bourses délivré à des étudiants russes est très faible, de l'ordre d'une dizaine par an.

Il paraît dès lors indispensable de prendre des initiatives afin de renforcer la coopération scolaire et universitaire entre la France et la Russie. Ne pourrait-on ne pas envisager un ambitieux programme d'échange de jeunes entre nos deux pays ou encore de multiplier le nombre de bourses scolaires et universitaires à destination des jeunes russes désireux de venir étudier une ou deux années en France ? Un « office germano-russe pour la jeunesse » a ainsi été créé par l'Allemagne en 2005. Pourquoi ne pas s'en inspirer et créer un « office franco-russe pour la jeunesse », sur le modèle de l'« office franco-allemand de la jeunesse » ?

Les relations entre la France et la Russie resteront fragiles si elles s'en tiennent uniquement à des contacts diplomatiques et si elles n'impliquent pas la société civile. La coopération en matière de culture et d'éducation représente un vecteur important de rapprochement entre les peuples. C'est aussi le meilleur moyen de faire progresser la démocratie et les droits de l'homme en Russie. Elle devrait donc constituer un axe fort de la coopération entre nos deux pays.

3. Quelle diplomatie française à l'égard de la Russie ?

L'attitude de la diplomatie française à l'égard de la Russie suscite des interprétations contradictoires . Certains évoquent une forme de complaisance à l'égard des manquements à la démocratie et aux droits de l'homme en Russie, alors que d'autres déplorent, au contraire, la timidité des autorités françaises à l'égard de ce pays.

L'opposition conjointe de la France, de l'Allemagne et de la Russie, à l'intervention militaire américaine en Irak, a également suscité des interrogations chez plusieurs de nos partenaires européens. Certains ont évoqué à cette occasion l'apparition d'un axe « Paris-Berlin-Moscou », susceptible de jouer le rôle de contrepoids à la diplomatie américaine, voire de concurrencer la construction européenne.

A contrario , l'annonce par le Président de la République d'une éventuelle réintégration de la France dans la structure militaire intégrée de l'OTAN en 2009, a donné lieu à des inquiétudes du côté russe. Or, cette décision n'a pas empêché l'opposition de la France et de l'Allemagne, soutenus par les quatre autres « pays fondateurs » de la Communauté européenne (la Belgique, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas), au rapprochement de l'Ukraine et de la Géorgie vers l'OTAN, lors du dernier Sommet de l'OTAN de Bucarest.

En réalité, pour être efficace, la politique étrangère de la France à l'égard de la Russie ne peut que reposer sur un équilibre entre la nécessité d'entretenir un dialogue étroit avec ce pays, qui joue un rôle de premier plan sur la scène internationale, et le rappel non moins nécessaire et sans complaisance de nos valeurs. En effet, isoler la Russie serait contre-productif. C'est au contraire en poursuivant le dialogue et la coopération que l'on pourra renforcer son ouverture et éviter des tensions avec le monde occidental. De même, il ne s'agit pas pour la France de choisir entre l'alliance avec Moscou ou Washington, mais, comme le disait déjà le Général de Gaulle, lors de sa visite à Moscou le 30 juin 1966, de « faire en sorte que notre ancien continent, uni et non plus divisé, reprenne le rôle capital qui lui revient, pour l'équilibre, le progrès et la paix de l'univers ».

L'intérêt de la France est donc de développer une coopération étroite avec la Russie, sans pour autant renoncer à nos valeurs. Entre confrontation et complaisance, il y a un espace pour un discours plus franc avec la Russie.

Mais, pour être réellement efficace, l'action de la France doit nécessairement s'inscrire dans le cadre de l'Union européenne . En effet, c'est en parlant d'une seule voix, que les vingt-sept Etats membres parviendront à établir un véritable partenariat avec la Russie. Or, la France a un rôle important à jouer pour inciter ses partenaires européens à renforcer les relations avec la Russie, en vue d'établir un véritable partenariat stratégique.

A cet égard, la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2008 représente une réelle opportunité . En effet, c'est sous présidence française que devraient débuter les négociations sur le nouvel accord de partenariat. Le renforcement des relations avec la Russie devrait donc constituer une forte priorité de la prochaine présidence française de l'Union européenne, et, au-delà, de la politique étrangère de notre pays.

CONCLUSION

La mission effectuée à la fin du mois d'avril 2008 par la délégation de la commission des Affaires étrangères et de la défense intervenait à une période particulièrement décisive pour la Russie et l'avenir de ses relations extérieures, notamment avec le reste du continent européen.

Quelques semaines après les élections législatives et présidentielles, et peu avant la passation de pouvoir entre Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, la délégation a pu mesurer les défis considérables qui attendent le tandem formé par le nouveau Président et son chef de gouvernement. Si d'importants progrès ont été réalisés, ces dernières années, sur la voie du développement économique et de la modernisation, la Russie demeure cependant confrontée à de lourds handicaps, notamment sur le plan démographique, l'état très délabré de ses infrastructures ou encore en matière de qualité de vie de ses citoyens. L'assise politique très large dont dispose l'exécutif peut constituer un atout pour accélérer la mutation de l'économie et de la société russe, mais l'absence de contre-pouvoirs et l'appauvrissement du débat démocratique comportent également des risques soulignés par ceux qui s'interrogent sur un éventuel retour de pratiques autoritaires. Par ailleurs, le risque de tensions entre le Président de la Fédération et son Premier ministre, voire l'apparition d'une dyarchie à la tête de l'Etat, ne peuvent être écartés.

À travers ses nombreux contacts, essentiellement consacrés aux relations extérieures de la Russie, la délégation a mieux compris les déterminants de la politique étrangère russe, empreinte d'un grand pragmatisme.

L'influence croissante de Moscou dans son « étranger proche » en est le résultat le plus tangible. Il n'a pas été obtenu par le renforcement des structures multilatérales mais par la promotion active d'accords de pays à pays, tout particulièrement dans le domaine énergétique, en conformité avec les préoccupations stratégiques de la Russie.

Les préoccupations économiques ont également joué dans le rapprochement avec les pays occidentaux, malgré la forte détérioration des relations entre Moscou et Washington, et avec l'Asie, même si les relations avec la Chine restent empreintes d'une grande méfiance de la part de la Russie, notamment en raison du risque d'une forte pression migratoire chinoise sur les régions dépeuplées de Sibérie. La Russie entend valoriser dans ses relations internationales le point fort que constituent ses ressources énergétiques et aspire à mieux s'insérer dans les grands courants d'échanges mondiaux, comme en témoigne sa candidature à l'OMC, sans pour autant renoncer à ses intérêts bien compris.

Le maintien, avec des moyens limités, de ce qui peut être préservé de sa puissance passée constitue l'autre ligne directrice de la politique extérieure russe. La délégation a sur ce point constaté l'impact psychologique que représente la perspective d'une adhésion éventuelle de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN, perçue comme une menace directe à ses frontières et un facteur d'isolement par la Russie, sentiment renforcée par le projet d'implantation d'éléments du système de défense anti-missile américain en Pologne et en République tchèque.

Le dialogue avec la Russie se heurte à des difficultés réelles, que ce soit pour l'Union européenne ou pour l'Alliance atlantique, mais la délégation est convaincue que la France a un rôle important à jouer, notamment dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2008, pour renforcer la prise de conscience, au sein des deux organisations, de l'importance et de l'intérêt, pour la stabilité et la prospérité de notre continent, d'un partenariat stratégique avec la Russie.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entendu, au cours de sa réunion tenue le 25 juin 2008, la communication de M. Josselin de Rohan sur la mission effectuée du 21 au 25 avril 2008 en Russie par une délégation de la commission.

A la suite de l'exposé du rapporteur, revenant sur la situation politique de la Russie, M. Robert Hue a indiqué que cette visite était intervenue à un moment particulièrement opportun, caractérisé par la mise en place des nouvelles équipes présidentielles et gouvernementales. Il a rappelé le véritable traumatisme vécu par la Russie au moment de l'effondrement de l'Union soviétique et l'humiliation ressentie par la population au cours de la période Eltsine, qui expliquaient largement le sentiment actuel de revanche et l'attitude parfois arrogante de la Russie face à l'Occident qui accompagne le retour de ce pays sur la scène internationale, grâce notamment à la manne énergétique.

Ce retour s'accompagne aussi de dérives autoritaires, comme l'illustre la place prise par les « structures de force », les « siloviki », dont Vladimir Poutine lui-même est issu et les réseaux de Saint-Pétersbourg, ville dont il est originaire, ainsi que d'une forme de patriotisme s'apparentant à un fort nationalisme. L'espace public est aujourd'hui entièrement dominé par le parti Russie unie, a relevé M. Robert Hue, et les derniers scrutins ont été entachés d'irrégularités manifestes. Les résultats officiels ont accordé 11 % des voix au parti communiste, ce qui fait de ce parti le seul parti d'opposition représenté à la Douma, alors que le chiffre réel se situerait plutôt autour de 20 %.

Dans ce contexte, le fonctionnement du duo Vladimir Poutine/Dmitri Medvedev suscite des interrogations, a relevé M. Robert Hue, qui a considéré que, compte tenu de la forte personnalité du nouveau président et des pouvoirs qui lui sont reconnus par la Constitution, il semble difficile de croire qu'il se contentera d'un simple rôle de « marionnette » de Vladimir Poutine. A cet égard, la décision de Vladimir Poutine de prendre la direction du parti Russie unie et de transférer certaines structures du Président au Premier ministre peut s'interpréter comme le signe de sa volonté de garder la « haute main » sur les leviers du pouvoir.

Si Dmitri Medvedev a fait de la modernisation de l'économie et de l'amélioration de la qualité de vie des citoyens les priorités de son mandat, en renforçant notamment les investissements dans l'éducation, la recherche et les infrastructures, et en améliorant le système judiciaire et la lutte contre la corruption, il risque toutefois de se heurter aux intérêts des grandes corporations qui dominent certains secteurs économiques jugés stratégiques.

La Russie présente toutefois des faiblesses structurelles, a rappelé M. Robert Hue, qui tiennent notamment à la diminution de la population et à la forte pression démographique chinoise à ses frontières.

Avec le monde occidental, le principal différend concerne l'élargissement de l'OTAN à la Géorgie, mais aussi et surtout à l'Ukraine, dont l'indépendance n'a jamais été totalement acceptée par Moscou.

Déplorant la distance prise ces dernières années par la France à l'égard de ce grand pays qu'est la Russie, qui s'était traduite par un renforcement de l'influence politique et économique de l'Allemagne, mais aussi de l'Italie, M. Robert Hue a estimé que la France devrait chercher à renforcer davantage ses relations avec ce pays, qui joue un rôle très important pour les équilibres géopolitiques, notamment dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, mais aussi au-delà.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité, pour sa part, apporter un éclairage supplémentaire sur la situation économique de la Russie et les relations énergétiques.

Concernant la situation économique, il a rappelé que la Russie avait connu, depuis 2000, une croissance économique soutenue, supérieure à 6 % par an, grâce à la forte hausse du prix des hydrocarbures, dont elle constituait l'un des premiers pays producteur et exportateur au niveau mondial. Le budget de l'Etat est excédentaire et la Russie a remboursé la quasi-totalité de sa dette extérieure.

Les échanges économiques entre l'Union européenne et la Russie ont d'ailleurs connu une forte augmentation ces dernières années, même si ces échanges restent très déséquilibrés en faveur de la Russie, compte tenu du poids des hydrocarbures. La Russie est aujourd'hui le premier fournisseur d'hydrocarbures de l'Union européenne et la dépendance énergétique de l'Union européenne devrait fortement s'accroître dans les prochaines décennies.

Or même si, au plus fort de la guerre froide, la Russie n'a jamais manqué à ses obligations contractuelles vis-à-vis de ses partenaires européens, il existe une réelle inquiétude chez les experts sur la capacité de la Russie à honorer ses engagements, compte tenu de la hausse de la consommation intérieure, de la demande chinoise et du manque d'investissements dans l'exploration et l'exploitation de nouveaux gisements. Les besoins d'investissements du secteur énergétique russe sont évalués, par la Commission européenne, à 735 milliards de dollars d'ici à 2030.

La volonté de la Russie de réorienter sa politique étrangère en direction de l'Asie, et en particulier de la Chine, illustrée par le fait que ce pays a été le premier, hors CEI, où Dmitri Medvedev s'est rendu après son élection, s'est traduite par un renforcement de la coopération russo-chinoise.

Enfin, déplorant lui aussi la faible présence économique de la France face à l'Allemagne et à l'Italie, M. Jean-Pierre Fourcade a estimé indispensable de renforcer les liens économiques entre nos deux pays, notamment sur le plan énergétique.

M. Roger Romani a déclaré avoir été frappé, lors de son séjour à Moscou, par la volonté des autorités russes d'affirmer le statut de puissance de leur pays, qui s'explique par un certain sentiment de revanche après l'humiliation ressentie, dans les années 1990, à l'égard des Etats-Unis et du monde occidental, et par une nostalgie du rôle de premier plan exercé par l'Union soviétique.

La Russie ne dispose toutefois pas des moyens nécessaires pour se poser en rival des Etats-Unis et la première priorité de la politique étrangère russe est de préserver son influence dans l'espace post-soviétique, a-t-il souligné. Cela explique la violente réaction de la Russie à l'égard des « révolutions de couleur », en Ukraine et en Géorgie, et sa ferme opposition à la volonté de ces deux pays de rejoindre l'Alliance atlantique.

Il existe une certaine déception russe à l'égard du monde occidental, de l'Union européenne et même de la France, a estimé M. Roger Romani, et les différents interlocuteurs ont émis le souhait de voir la France s'impliquer davantage en Russie.

Rappelant qu'il avait participé à une mission de la commission qui s'était rendue en Russie en 2004, à l'amorce du deuxième mandat de Vladimir Poutine, au cours de laquelle les responsables russes avaient déjà tenu des propos très durs envers l'élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN aux pays baltes et aux pays d'Europe centrale et orientale, M. André Boyer a souhaité savoir où en était la réforme de l'armée russe.

En réponse, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que, face à la dégradation de la situation matérielle, des équipements et de la condition des militaires, Vladimir Poutine avait effectivement lancé une profonde réforme, qui se mettait en oeuvre lentement sous l'égide du ministre de la défense et qui rencontrait des résistances au sein de la hiérarchie militaire, comme l'illustre le récent remplacement du chef d'état-major des armées. Ces réformes consistent à augmenter les dépenses militaires, qui sont actuellement équivalentes à celles de la France, à réduire le nombre de personnels de 4,5 millions à 1,1 million, à diminuer la durée du service militaire de deux ans à un an, à professionnaliser la moitié des effectifs, à moderniser les équipements, à créer un corps de sous-officiers, aujourd'hui inexistant, à augmenter la solde et améliorer les conditions de logement des militaires et, enfin, à mettre sur pied une force de projection professionnalisée et dotée des équipements les plus modernes.

M. Robert Bret s'est interrogé sur le poids des grands conglomérats industriels et sur la volonté des fonds souverains russes d'investir en Europe.

M. Josselin de Rohan, président, a estimé qu'environ 35 % de l'économie russe était sous l'emprise de l'Etat, à travers de grands conglomérats, notamment les secteurs jugés stratégiques de l'énergie, de l'armement ou du bois. Si ceux-ci cherchent à investir en Europe occidentale, à l'image de Gazprom, cela semble surtout motivé par la recherche du profit, même si l'on ne peut exclure des arrière-pensées politiques.

M. Jean François-Poncet s'est interrogé sur la capacité de la Russie à remplir ses engagements contractuels à l'égard de l'Europe en matière énergétique, compte tenu du manque d'investissements dans l'exploitation de nouveaux gisements. Il a souhaité également avoir des précisions sur le complexe militaro-industriel et sur la situation de l'enseignement supérieur en Russie.

M. Josselin de Rohan a indiqué que certains experts avaient, en effet, de fortes inquiétudes sur la capacité de la Russie à honorer ses engagements, compte tenu du manque d'investissements dans l'exploitation de nouveaux gisements, mais aussi de la hausse de la consommation intérieure ou de l'augmentation de la demande asiatique. Il a aussi mentionné les lacunes existantes en matière d'efficacité énergétique ainsi que le manque d'entretien des gazoducs et des oléoducs, qui entraîne des déperditions importantes de gaz et de pétrole.

L'industrie d'armement a été réorganisée avec la mise en place de grands conglomérats dans les secteurs aéronautique, naval et terrestre et une agence d'exportation.

Enfin, si le niveau de l'enseignement s'est dégradé ces dernières années, la Russie dispose de jeunes très qualifiés et bien formés. A cet égard, M. Josselin de Rohan, président, a regretté le faible nombre d'étudiants russes poursuivant des études en France, de l'ordre de 2 300 sur 240 000 étudiants étrangers.

M. Christian Cambon a considéré que, face à la Chine et à l'Inde, qui comptent chacun plus d'un milliard d'habitants, ou même à l'Union européenne, dont la population est proche de 500 millions d'habitants, la faiblesse de la démographie russe pourrait s'avérer un obstacle majeur à sa volonté de rester une grande puissance, malgré l'immensité de son territoire. Il s'est interrogé sur la politique migratoire russe.

En réponse, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que le déclin démographique, forte préoccupation de Vladimir Poutine par ailleurs, constituait effectivement l'une des faiblesses majeures de la Russie. Même si la natalité a atteint, en 2007, son plus haut niveau depuis 25 ans, l'amélioration de la qualité de vie de la population, notamment en matière de santé, devrait figurer au nombre des priorités du nouveau président.

La Russie souffre déjà d'une pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs, comme le bâtiment, a ajouté M. Robert Hue. Elle fait appel à des travailleurs étrangers, en provenance principalement des pays de l'ex-URSS. Même si cette question reste encore taboue pour la plupart des responsables russes, un accord avec la Chine sur une gestion concertée des flux migratoires sera sans doute inéluctable à l'avenir.

A une question de M. André Trillard sur la capacité de la Russie à contrôler efficacement ses frontières, du fait de son immense territoire et de la réduction du nombre de ses militaires, M. Josselin de Rohan, président, a répondu que c'était précisément pour cette raison que les autorités avaient conservé le système de la conscription, tout en réduisant la durée du service militaire de deux à un an, à partir du 1er janvier 2008, afin de limiter les cas d'insoumission et d'exemption, souvent motivés par les mauvais traitements infligés aux appelés, dans le cadre d'un « bizutage » qui se traduirait par plusieurs centaines de morts par an.

La commission a ensuite approuvé la publication d'un rapport d'information sur cette mission.

ANNEXE I - CARTES

Carte administrative de la Russie page 63

Carte du Nord-Caucase page 64

Carte des Etats de la C.E.I. page 65

Carte des grands axes de transport de gaz naturel depuis
la C.E.I. vers l'Europe page 66

Carte de la géopolitique des flux d'hydrocarbures entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Asie page 67

Carte des principales voies d'évacuation des hydrocarbures

en provenance du bassin de la Mer caspienne page 68

Carte des principales voies d'évacuation des hydrocarbures

dans la région du Caucase page 69

ANNEXE II - LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES À PARIS

- Son Exc. M. Alexandre AVDEEV

Ambassadeur plénipotentiaire et extraordinaire de Russie en France

- M. Gérard ARAUD

Directeur des affaires politiques et de sécurité au ministère des Affaires étrangères et européennes

- M. Christophe Alexandre PAILLARD

Chargé de mission à la direction des affaires internationales et stratégiques du Secrétariat général de la Défense nationale

- Mme Marie MENDRAS

Chercheur au CNRS et au CERI, professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris

ANNEXE III - LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES À MOSCOU

ADMINISTRATION PRÉSIDENTIELLE

- M. Serguei IASTRJEMBSKI

Conseiller spécial du Président de la Russie pour les affaires européennes

- M. Vladimir POZDNIAKOV

Directeur pour les questions de sécurité internationale au Conseil de sécurité

MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

- M. Alexandre GROUCHKO

Vice-ministre des Affaires étrangères

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

- Général-Lieutenant Evguenni BOUJINSKI

Chef de la direction des traités internationaux, adjoint au chef de la direction générale de la coopération militaire internationale du ministère de la défense

PARLEMENT

- M. Konstantin KOSSATCHEV

Président de la commission des Affaires étrangères de la Douma

- M. Viktor ZAVARZINE

Président de la commission de la Défense de la Douma

- M. Viktor OZEROV

Président de la commission de la Défense et de la sécurité du Conseil de la Fédération

- M. Ilias OUMAKHANOV

Premier Vice-président de la commission des Affaires étrangères du Conseil de la Fédération

- M. Vladimir PLIGUINE

Président de la commission de la législation constitutionnelle et de la construction de l'Etat à la Douma, membre du Conseil général du parti « Russie unie »

AUTRES PERSONNALITÉS

- Marc FRANCO

Délégué de la Commission européenne en Russie

- M. Vladimir LOUKINE

Délégué pour les droits de l'homme

- M. Evgueni BOUNIMOVITCH

Député de la Douma de Moscou

- M. Evguenni VELIKHOV

Secrétaire de la Chambre sociale

- M. Vladimir TCHOUROV

Président de la commission électorale centrale

CHERCHEURS ET UNIVERSITAIRES

- Mme Rose GOTEMOELLER

Directrice du centre Carnegie de Moscou

- Mme Maria LIPMAN

Editeur en chef de la revue « Pro & Contra »

- Mme Lioudmila ALEXEEVA

Présidente du bureau du comité Helsinki de Moscou

- Mme Svetlana GANNOUCHKINA

Présidente du comité d'action civique et membre du bureau de Mémorial

- M. Fédor LOUKIANOV

Rédacteur en chef de la revue « La Russie dans la politique globale »

- M. Dmitri ORECHKINE

Politologue

* 1 La liste complète des personnalités rencontrées à Paris et à Moscou figure en annexe

* 2 Rapport n° 317 (2003-2004) présenté au nom de la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat par MM. André Boyer, Claude Estier, Jean Puech et Xavier de Villepin, 19 mai 2004.

* 3 Zbigniew Brzezinski, « Le grand échiquier : l'Amérique et le reste du monde », Bayard, 1997.

* 4 Rapport n° 405 (2006-2007) sur l'évolution de l'OTAN présenté par MM. Jean François-Poncet, Jean-Guy Branger et André Rouvière, au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat.

* 5 Pour de plus amples développements sur les relations entre l'Union européenne et la Russie, on pourra se référer utilement au rapport présenté par notre collègue M. Yves Pozzo di Borgo, au nom de la délégation pour l'Union européenne du Sénat du 10 mai 2007 (rapport n° 307 (2006-2007).

* 6 La Russie assure à elle seule le tiers des approvisionnements européens en gaz.

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