3. Un phénomène nouveau, les « travailleurs pauvres »
a) L'emploi ne représente plus une garantie absolue contre la pauvreté
Si l'exercice d'une activité diminue le risque de pauvreté et d'exclusion sociale, cela ne constitue plus aujourd'hui une protection absolue, puisque près de 7 % des personnes actives en emploi perçoivent des revenus inférieurs à 817 euros par mois.
Selon la définition française retenue par l'Insee, cette nouvelle catégorie de travailleurs pauvres regroupe 1,74 million de personnes actives durant la moitié de l'année (alternance possible de périodes de chômage et d'emploi), ayant travaillé pendant au moins un mois et dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.
La définition européenne est plus restrictive, puisqu'elle considère comme travailleurs, les personnes ayant occupé un emploi pendant au moins sept mois dans l'année. Selon ce critère, la France compte 1,53 million de travailleurs pauvres en 2005, soit 6,4 % des personnes en emploi.
Dans les deux cas, le nombre de personnes concernées s'est accru de façon significative entre 2004 et 2005 : de 30 000 personnes, selon la définition française, à 100 000, selon la définition européenne. Au total, 4 millions de personnes sont touchées par ce nouveau phénomène, 2,35 millions de personnes vivant aux côtés d'un travailleur pauvre.
b) La précarité de l'emploi explique partiellement la pauvreté des ménages
La réalité des situations peut être assez diverse : temps partiel subi, jeunes faiblement diplômés titulaires d'un emploi précaire, personnes qui alternent périodes d'activité et de chômage ou qui se retirent progressivement du marché du travail.
On observe toutefois que dans leur très large majorité (78 %), les travailleurs pauvres occupent un emploi toute l'année, parmi lesquels environ 20 % exercent une activité à temps partiel. Les travailleurs indépendants , qui constituent 10 % de l'ensemble des travailleurs, sont surreprésentés, puisqu'ils correspondent à 27 % des travailleurs pauvres . Ils sont également davantage exposés au risque de pauvreté que les travailleurs salariés (19,2 % contre 5,8 %, soit environ trois fois plus). En moyenne, les sommes perçues par les travailleurs pauvres au titre de leur activité s'élèvent à 775 euros par mois, tandis que la moitié d'entre eux perçoit moins de 741 euros.
Au-delà des facteurs aggravants liés à la précarité de l'emploi, plusieurs études mettent également en évidence l'influence déterminante de la structure des ménages : on constate par exemple que plus du tiers des travailleurs pauvres perçoivent un revenu individuel supérieur au Smic, qui excède de 16 % le seuil de pauvreté. Ces travailleurs ne sont donc pas pauvres en raison de la précarité de leur emploi mais parce que la répartition du revenu disponible au sein du ménage qu'ils font vivre aboutit à la pauvreté de chacun des membres qui le composent.
A l'inverse, trois quarts des travailleurs dont les revenus sont inférieurs à un Smic ne sont pas pauvres, parce qu'ils bénéficient, du fait de leur situation familiale, de revenus complémentaires (salaires de leur conjoint, transferts sociaux, etc.).
La structure familiale apparaît donc comme un facteur déterminant dans l'appréciation des situations individuelles au regard de la pauvreté. C'est pourquoi une approche complémentaire, fondée sur la notion de « pauvreté économique individuelle » 64 ( * ) , permet de neutraliser l'effet de la composition familiale sur les revenus du ménage et d'apprécier la situation de pauvreté d'une personne à partir de ses seuls revenus individuels d'activité.
Selon cette approche, 3,7 millions de personnes seraient considérées comme pauvres, soit 15 % de l'ensemble des travailleurs : un sur cinq est indépendant ou alterne période de chômage et d'activité, un tiers travaille à temps partiel et seulement 14 % travaillent à temps complet toute l'année.
* 64 Formalisée par Sophie Ponthieux (Insee) en 2007.