3. Un accès difficile au crédit et aux services bancaires qui résulte d'une augmentation préoccupante du surendettement des ménages
a) Un accès aux services bancaires encore théorique pour de nombreuses personnes
Malgré l'existence d'un « droit au compte 74 ( * ) » et alors que la France se caractérise par un haut niveau de bancarisation de la population, se traduisant par un recours très développé à la carte de crédit et aux paiements par virements ou prélèvements bancaires, un récent rapport du Comité consultatif du secteur financier 75 ( * ) estimait le nombre de personnes n'ayant aucun accès bancaire entre 500 000 et un million.
L'accès aux services bancaires suppose d'une part l'accès aux comptes, d'autre part la mise à disposition par la banque d'une carte de paiement (ou de retrait d'espèces) et d'un chéquier. L'exclusion bancaire peut donc se traduire à la fois par la privation d'un accès aux services bancaires mais aussi, plus modérément, par un accès incomplet à ces services. Celle-ci résulte parfois de pratiques sélectives de la part des établissements bancaires, mais aussi d'une auto-exclusion par les usagers eux-mêmes, qui anticipent les difficultés d'usage des services bancaires qu'ils risquent de rencontrer au regard de leur situation financière.
b) L'augmentation préoccupante des situations de surendettement
De nombreux ménages modestes connaissent temporairement ou structurellement des difficultés pour assumer leurs charges courantes et accéder, sans avoir recours à l'endettement, aux services et biens de première nécessité. Cette situation s'est aggravée depuis un an du fait de l'augmentation des prix des denrées alimentaires, qui représentent en moyenne plus de 15 % du budget des ménages et du prix du pétrole qui a infléchi à la hausse les dépenses de transport et de chauffage.
Ainsi, en France, 173 000 dossiers de surendettement sont déposés chaque année auprès de la Banque de France, avec une progression de 6,5 % par an. On dénombre ainsi, plus d'un million de ménages ayant eu recours à la procédure de surendettement de la Banque de France depuis 1989. Si l'on prend en compte les personnes n'ayant pas déposé de dossiers en commission mais déclarant avoir des difficultés à rembourser leurs dettes, le chiffre s'élève à 1,5 million de ménages, soit au total 6 millions de personnes concernées.
Selon le récent rapport du CES sur le surendettement des particuliers 76 ( * ) , la croissance de ces chiffres est particulièrement préoccupante puisqu'elle s'explique principalement par la baisse du pouvoir d'achat et « une dégradation des conditions de vie ». Considéré jadis comme une dérive de la société de consommation, le surendettement résulte aujourd'hui en réalité principalement de situations de précarité où le recours au crédit s'avère nécessaire pour combler l'insuffisance des ressources.
c) Un accès au crédit souvent difficile et coûteux
Compte tenu de cette situation, il paraît légitime de se poser la question de l'existence d'un « droit au crédit », non encore reconnu dans le droit positif : on observe en effet un moindre recours au crédit des personnes disposant de faibles revenus, qui résulte des contraintes d'accès relatives aux capacités de remboursement, jugées souvent excessives et très restrictives par les ménages concernés 77 ( * ) .
Pour autant, il ne faut pas perdre de vue les risque liés à l'ouverture d'un crédit à des personnes non solvables, à la fois pour les banques mais aussi pour les personnes elles-mêmes, qui devront faire face ensuite à des échéances qu'elles ne pourront pas surmonter. Environ 4 % des ménages (soit environ 1 million) sont considérés comme non objectivement solvables du fait du dépôt d'un dossier de surendettement ou d'une situation jugée financièrement insoutenable pour faire face à un crédit (charges élevées et dettes inévitables à court terme).
Par ailleurs, sans aller jusqu'à un dépôt de dossier de surendettement, 3,6 millions de ménages déclarent avoir des difficultés à rembourser leurs dettes . On observe à cet égard une hiérarchisation stratégique des remboursements des créanciers en fonction des sanctions encourues : les crédits immobiliers et les crédits à la consommation connaissent généralement peu d'incidents (respectivement moins de 1 % et 2,5 % des ménages), tandis que les loyers, les impôts et les charges courantes se caractérisent par un taux d'impayé assez élevé.
d) Le développement du « malendettement », facteur aggravant du surendettement des ménages
Faute d'accès au crédit bancaire, les ménages se tournent souvent vers des solutions de financement inadaptées aux problèmes financiers qu'ils rencontrent : on assiste en réalité au développement du « malendettement » , qui se traduit par un recours de plus en plus fréquent au crédit à la consommation ou au « crédit revolving » 78 ( * ) , permettant de disposer d'une réserve d'argent avec un taux d'intérêt généralement compris entre 16 % et 19,85 %. Plus de 80 % des dossiers déposés en commission comportent au moins un crédit de ce type et dans 15 % des cas, on observe la souscription à plusieurs crédits de ce type, parfois plusieurs dizaines. Dans ces derniers cas, la surabondance de crédits se traduit pour les personnes concernées par une accumulation dramatique de dettes, dans des délais parfois très rapides.
Le « credit revolving », d'accès facile et parce qu'il offre la possibilité de faibles mensualités, incite les personnes en difficulté à y recourir pour les dépenses courantes ou pour rééquilibrer leur budget. Or, ces offres portent généralement sur une réserve d'argent supérieure aux besoins réels des personnes ayant de faibles ressources (souvent de l'ordre de 1 500 à 3 000 euros), ce qui contribue à en accroître le coût. Les risques de défauts de paiement sont alors automatiquement supérieurs. D'où la nécessité de développer une offre de crédits plus souple, permettant de financer des petites sommes, inférieures à 500 euros.
* 74 Créé par la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, dite « loi bancaire ».
* 75 Rapport annuel de 2005.
* 76 Conseil économique et social, Rapport présenté par Mme Pierrette Crosemarie sur le surendettement des particuliers, octobre 2007.
* 77 11,4 % des ménages déclarent ne pouvoir accéder au crédit alors qu'ils estiment pouvoir le supporter financièrement.
* 78 Peut se traduire en français, par « crédit renouvelable ».