2. Une mise en oeuvre critiquable
Le rapport précité des inspections générales d'octobre 2006 conteste assez fortement le contenu de la politique d'éducation prioritaire, qui s'est « peu à peu éloignée du discours d'intention et des objectifs initiaux ».
En effet, les zonages ont été empilés sans cohérence (zones d'éducation prioritaires, zones sensibles, zones « violence ») et les critères de classement en ZEP ont été très hétérogènes selon les académies. Ainsi la proportion moyenne d'élèves issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées dans les établissements relevant de l'éducation prioritaire était-elle comprise en 2004 entre 53 % à Rennes et 77 % à Lille. A la même date, dans l'académie de Versailles, le taux d'élèves issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées variait de 31 % à 91 % dans les établissements situés dans les zones ou réseaux d'éducation prioritaires 146 ( * ) . En conséquence, les élèves étaient plus nombreux dans les écoles primaires classées en dehors de l'éducation prioritaire dans l'académie de Créteil (24 élèves en moyenne par classe) qu'ils ne le sont dans le reste de la France (23,5 élèves par classe).
Par ailleurs, le nombre d'établissements concernés à continûment augmenté à un point tel que 20 % d'élèves sont aujourd'hui inscrits en éducation prioritaire. Alors que l'objet d'un établissement situé en ZEP est d'en sortir, cette situation s'est donc le plus souvent pérennisée, du fait de l'inertie du classement administratif, mais aussi en raison de la stigmatisation de l'établissement scolaire. Ainsi, en dépit de son importance, l'hétérogénéité et le saupoudrage de l'investissement ont fortement nuit à son efficacité.
En outre, la très forte dépense de l'éducation prioritaire liée au surcroît de rémunération des personnels n'a eu aucun impact sur son attractivité et les académies qui concentrent des moyens importants dévolus à l'éducation prioritaire ont constitué, selon le rapport des inspections générales, les variables d'ajustement des mouvements nationaux. L'objectif de stabilité des équipes recherchées n'a pas été atteint, la proportion des jeunes enseignants affectés dans les ZEP restant très importante (34 % de moins de 30 ans contre 18 % hors éducation prioritaire).
Au final, les études évaluant l'incidence de la mise en place des ZEP sur la réussite scolaire indiquent ainsi que leur effet est sans doute significatif, quoique faible à l'école élémentaire et qu'il est très faible, voire pas significatif, au collège et au lycée .
Au collège, les résultats du panel 1995 des entrants en 6 e étudiés par M. Jean-Paul Caille en 2001 indiquent ainsi que les élèves scolarisés en ZEP réussissent moins bien que ceux qui n'ont jamais été scolarisés en ZEP, mais que cet écart peut être expliqué par les différences de caractéristiques familiales et de réussite à l'école primaire 147 ( * ) . Soulignant que les élèves qui restent tout le collège en ZEP atteignent un peu plus tôt la seconde générale à caractéristiques de départ identiques , l'auteur de l'étude nuance cependant ce constat en montrant que les lycéens issus de ZEP redoublent davantage que les autres au lycée et qu'au bout du compte, leurs chances, d'obtenir le baccalauréat sont ramenées à la moyenne des enfants en sixième 148 ( * ) .
La mission estime que la raison principale de cet échec est que le contenu de la politique d'éducation prioritaire a privilégié l'organisation et les personnels et non la mission de service public qu'est la réduction des inégalités scolaires. Comme le souligne le rapport des inspections générales précitées, les moyens ont davantage « servi à afficher des mesures gestionnaires quantitatives (taux d'encadrement et mesures indemnitaires) qu'à résoudre des difficultés repérées ». La mission estime en fait que la véritable faiblesse de la politique des ZEP est qu'elle ne responsabilise pas les établissements dans leur mission sociale, laquelle n'est en outre pas suffisamment affirmée. Cette mission sociale n'a au demeurant pas vocation à être menée dans les seules ZEP mais bien dans l'ensemble des établissements scolaires, dans lesquels des enfants sont en difficulté.
On notera néanmoins que des efforts récents très intéressants ont été faits pour adapter les dispositifs ZEP aux impératifs d'efficacité de la dépense publique et d'amélioration de l'égalité des chances.
* 146 Note de la Cour des comptes sur la politique d'éducation prioritaire, 2005.
* 147 Jean-Paul Caille, Les collégiens de ZEP à la fin des années quatre-vingt-dix : caractéristiques des élèves et impact de la scolarisation en ZEP sur la réussite, Éducation et Formations, n° 61, octobre-décembre 2001.
* 148 Selon le rapport du CERC de 2004.