3. Un manque patent de formation
Le niveau de formation, initiale comme continue, conditionne très largement l'obtention d'un emploi de qualité permettant de prévenir les risques d'exclusion. En négatif, l'absence de diplôme ou de formation qualifiante, ou bien la faible reconnaissance de ceux-ci, accroît les difficultés d'insertion professionnelle qui, combinées avec d'autres facteurs, peuvent conduire à la précarité.
Ce lien entre manque ou insuffisance de formation et précarité professionnelle est particulièrement patent chez les jeunes publics , comme l'a montré une enquête du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) sur une cohorte de jeunes sortis de leur formation initiale en 1998. Ceux ne possédant qu'un faible niveau de qualification sont confrontés, lors de leur entrée dans la vie active, à des difficultés plus importantes que l'ensemble des jeunes. Leur situation sur le marché de l'emploi est moins favorable que la moyenne : quatre ans après la fin de leur formation, 20 % d'entre eux sont au chômage (contre 9 % des jeunes sortis de formation la même année) et 10 % sont inactifs. En outre, un jeune sur huit est confronté à un temps partiel « subi ».
L'enquête du Cereq souligne très clairement le lien entre le faible niveau de formation, la difficulté d'insertion professionnelle et le risque de glissement vers la précarité . « En effet, une insertion professionnelle difficile peut (...) avoir des conséquences de long terme sur les trajectoires des jeunes concernés, en dégradant leur "capital humain" et en les enfermant durablement dans une situation de précarité ou de pauvreté ».
Répartition par grands niveaux de diplôme selon le type de trajectoires, en %
Lecture : 52 % des trajectoires avec emploi précaire long concernent les jeunes avec un diplôme secondaire, alors que ceux-ci représentent 45 % de la population étudiée.
Source : Cereq, Insertion professionnelle et autonomie résidentielle des jeunes, enquête sur la génération sortie de formation initiale en 1998.
4. Des sans emplois mal représentés dans les instances de négociation
Dans une société où les notions de participation active à la prise de décision collective et de représentativité des intérêts sectoriels sont largement développées et appliquées, l'absence de prise en compte de la « voix des exclus » dans la sphère économique semble particulièrement choquante .
Le président de Solidarités nouvelles contre le chômage, M. Jean-Baptiste de Foucauld, a insisté sur l'absence de médiation de ces derniers. « Les problématiques sociales ne sont jamais vraiment portées par ceux qu'elles concernent » a-t-il fait remarquer. « En effet, les demandeurs d'emploi ne s'organisent pas et ne font pas entendre de voix collective. Ils sont isolés et s'abstiennent de contribuer à la co-construction des politiques qui devraient les aider. Il existe, à ce niveau, un déficit de démocratie, déficit aujourd'hui à la base de nos sociétés. Nous avons ainsi d'importants progrès à réaliser pour co-construire les politiques avec ceux à qui elles sont destinées ».
Arguant également du fait que les chômeurs constituaient « l'une des seules catégories de personnes dont la voix n'est pas portée par une quelconque structure », M. Jean-Pierre Guenanten, délégué national du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), a discuté de la légitimité d'une participation des associations de chômeurs aux réunions d'institutions intervenant dans le domaine de l'emploi.
S'il a longtemps été défendu que les syndicats avaient pour vocation de représenter cette catégorie d'actifs, ce constat ne serait plus valable . Ceci du fait de la masse critique atteinte par le chômage dans notre pays, qui fait des sans-emploi une catégorie spécifique répondant à ses problématiques propres. Le reproche a également pu être adressé aux syndicats -dont les représentants sont salariés- de défendre davantage le maintien dans l'emploi et la garantie de statut qui y est associée, que le retour au travail des chômeurs.
M. Bruno Grouès, conseiller technique au pôle « lutte contre les exclusions » de l'Uniopss, a fait référence à « l'identification des moyens à mettre en place pour permettre la participation des personnes défavorisées aux décisions qui les concernent », constatant à cet égard : « l'un des grands problèmes est que nous décidons pour les pauvres », aucun d'entre eux, a-t-il reconnu, ne siégeant dans les conseils d'administration des associations.
Créés par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, les comités de liaison doivent constituer des lieux de rencontre entre représentants des chômeurs et responsables du service public de l'emploi, sous la maîtrise d'oeuvre de l'ANPE. Mais ce dispositif « a globalement suscité une faible implication de la part des acteurs concernés » 186 ( * ) .
* 186 Des comités de chômeurs aux comités de liaison, Premières synthèses, Dares, mars 2002.