2. La responsabilité sociale des entreprises, une idée neuve
a) Un phénomène récent encore en cours d'encadrement
Née à la suite des problèmes environnementaux rencontrés à une échelle globale depuis les années 1970, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) est la déclinaison pour l'entreprise et sur une base volontaire des concepts de développement durable qui intègrent trois piliers environnementaux, sociaux, et économiques.
Depuis les années 1980, sous l'impulsion de la société civile, les concepts de finance éthique, de commerce équitable ou de développement durable ont ainsi fait irruption dans le débat politique . Ils ont donné lieu au développement d' outils permettant de déterminer le niveau de responsabilité des entreprises, à travers la mise au point de référentiels internationaux, de codes de conduite, de certifications, normes et labels, ainsi que d'audits sociaux ou environnementaux.
En France, l'exigence de RSE a débouché sur une disposition normative dépassant la simple logique volontariste. Ainsi, l'article 116 de la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (NRE) exige des entreprises cotées en bourse qu'elles indiquent dans leur rapport annuel une série d'informations relatives aux conséquences sociales et environnementales de leurs activités.
Créées à la fin des années 90, des agences de notation sociale et environnementale évaluent les entreprises selon leur propre méthodologie, en se basant sur des documents publics et des questionnaires. En pleine expansion, ce secteur comprend une trentaine de structures. En France, l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) publie un guide de ces agences de notation avec leur méthodologie.
b) Une acculturation dans les milieux politique et économique
Cette notion de responsabilité sociale des entreprises semble faire son chemin. Dans les sphères politiques , tout d'abord. Ainsi, elle fera partie des priorités de l'agenda social de la France durant la présidence de l'Union européenne.
Ce concept progresse également chez les entrepreneurs . Ainsi, le réseau Alerte et les partenaires sociaux188 ( * ) ont adopté un texte commun, rendu public le 13 décembre 2007, sur l'accès des personnes en situation de précarité à un emploi permettant de vivre dignement, parmi les propositions duquel figure l'augmentation de la responsabilité sociale des entreprises.
A l'échelle internationale également, la responsabilisation des acteurs progresse. Elle y fait l'objet d'un encadrement institutionnel, comme l'a souligné M. Jean-François Trogrlic, directeur du bureau de l'OIT en France.
« L'OCDE tient compte aujourd'hui, pour mesurer la performance d'un pays, de la qualité des emplois qui y sont offerts. (...). Cette performance est évaluée par elle au travers d'autres indicateurs comme la responsabilité sociale des entreprises. Il s'agit de savoir notamment, pour les grands groupes, si les normes sociales en vigueur dans la maison mère sont appliquées également dans les filiales installées à l'étranger et chez les fournisseurs. En la matière, plus d'une centaine de multinationales ont passé des accords négociés, et non des déclarations de principe, avec les fédérations syndicales internationales de leurs secteurs au sujet de leurs responsabilités sociales. Ces accords représentent un nouveau vecteur de diffusion des bonnes pratiques sociales, lequel s'est mis en place sous la pression des salariés mais aussi des consommateurs et des ONG ».
c) Une notion recouvrant toutefois des réalités très diverses
La responsabilité sociale des entreprises est loin de se traduire par des pratiques uniformes . Selon M. Trogrlic, « la responsabilité sociale des entreprises peut cacher le meilleur et le pire ». Une étude réalisée par l'agence VIGEO, à la demande du bureau de Paris de l'OIT, sur la façon dont les multinationales européennes luttent contre la discrimination, montrait que si toutes disent agir dans ce domaine, seulement 50 % d'entre elles ont mis en place un dispositif en ce sens et 10 % un système de recours et de sanctions en cas de faits avérés.
« Aujourd'hui , a indiqué M. Trogrlic, de nombreuses entreprises, par obligation, mettent en avant leur responsabilité sociale. Toutefois, celle-ci, dans certain cas, se limite à un simple vernis que seule la certification sociale permet de révéler ». De manière générale, elles ont cependant intérêt à diffuser les bonnes pratiques sociales afin d'apporter une aide pérenne aux territoires où elles s'installent pour développer leurs activités.
Par ailleurs, la notion de responsabilité sociale des entreprises met en lumière, en négatif, celle de leur irresponsabilité , qui peut se traduire par des politiques marketing extrêmement agressives en direction des personnes en grande difficulté.
Les situations de surendettement auxquelles elles aboutissent constituent ensuite une charge collective dont la gestion revient à la puissance publique ou aux associations, et non aux entreprises qui en sont à l'origine, amenant Emmaüs France à demander « l'instauration d'un principe de responsabilisation, par exemple au travers d'un système de bonus malus consistant à favoriser les entreprises ne générant pas trop de dossiers de surendettement et à pénaliser les autres, celles faisant preuve d'irresponsabilité ».
* 188 Plus précisément le Medef, la CGPME, la FNSEA, l'UPA, la CGT, la CFDT, la CFTC, l'UNSA et les 38 associations membres d'Alerte.