B. LA RÉVISION DE LA STRATÉGIE EUROPÉENNE DE SECURITÉ
Le 14 décembre 2007, le Conseil européen a estimé nécessaire un réexamen de la Stratégie européenne de sécurité, adoptée en 2003, dans le but de la compléter au regard des changements géopolitiques intervenus depuis cinq ans.
Si elle reste un document de référence, la Stratégie européenne de sécurité présente néanmoins aujourd'hui certaines lacunes . Ainsi, elle n'aborde pas ou peu les relations de l'Union européenne avec l'OTAN et les pays tiers. Le retour de la Russie sur la scène internationale, la montée de la Chine et les conséquences de son dynamisme économique pour la sécurité internationale ont été, par ailleurs, sous-estimés. Enfin, la Stratégie présente des omissions. En effet, elle ne prend pas en compte des problèmes importants tels que le rôle des armes nucléaires et de l'espace dans la sécurité européenne, la cybercriminalité, l'énergie ou encore les modifications climatiques.
Le rapport transversal de M. Daniel Ducarme (Belgique - Groupe libéral) examine avec précision la Stratégie existante, ainsi que l'incidence potentielle des dispositions pertinentes du Traité de Lisbonne sur sa mise en oeuvre. Selon M. Ducarme, la nouvelle Stratégie doit envisager les préoccupations de défense en tenant compte de la sécurité intérieure. Autrement dit, elle doit s'appuyer sur un nouveau concept sécuritaire reconnaissant le « continuum » existant entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Pour ce faire, M. Ducarme propose un cadre d'action fondé sur cinq piliers.
Le premier pilier est doctrinal . Il s'agit en effet de donner une valeur doctrinale au Traité de Lisbonne en matière de PESD. Le deuxième pilier insiste sur la nécessité de concilier « assistance mutuelle » et « défense mutuelle » . Le Traité de Lisbonne évoque une « assistance mutuelle » entre États membres, tandis que le Traité de Bruxelles qui fonde l'UEO parle de « défense mutuelle ». Or, la notion de « défense mutuelle » induit l'automaticité de l'intervention en cas d'agression ou d'actes terroristes, ce qui n'est pas le cas avec le terme d'assistance. Le mécanisme de Bruxelles doit donc rester opérationnel.
Le troisième pilier développe le rôle et l'importance de la coopération structurée permanente, nouvel outil du Traité de Lisbonne. A cet égard, M. Ducarme a souligné plusieurs points. D'abord, l'Union européenne doit développer une capacité commune. Dans cette optique, l'octroi d'un mandat renforcé à l'Agence européenne de défense est essentiel. Ensuite, les partenaires européens doivent poser entre eux le problème de la répartition des coûts de la défense. La France et le Royaume-Uni contribuent aujourd'hui à 40 % des nécessités budgétaires en matière de défense. Enfin, la coopération permanente intéresse directement les citoyens européens.
Le quatrième pilier concerne la relation entre l'Union européenne et l'OTAN. Il s'agit d'établir un partenariat plus clair, permettant à l'Union d'avoir une meilleure maîtrise de l'information et du renseignement afin pour celle-ci de faire face indépendamment aux menaces sécuritaires. L'union européenne doit également développer des capacités permanentes de planification et de décision pour conduire au mieux des opérations civiles et militaires. M. Ducarme est convaincu que l'Union européenne doit se doter d'une chaîne de commandement spécifique. Enfin, il insiste sur la nécessaire égalité des partenaires.
Le cinquième pilier est relatif au marché européen de l'équipement de défense. Selon M. Ducarme, il est indispensable d'accélérer la mise en place d'un marché européen des équipements de défense ouvert et compétitif. Pour cela, l'Union doit développer une capacité industrielle concertée au niveau européen.
M. Ducarme a insisté lors de la présentation de son rapport sur le rôle irremplaçable de l'Assemblée de l'UEO pour suivre toutes ces questions.
Le débat a révélé quelques préoccupations récurrentes des parlementaires. Tout d'abord, les orateurs ont déploré l'attitude condescendante du Parlement européen vis-à-vis de l'Assemblée de l'UEO . En outre, ils ont regretté l'absence persistante lors des sessions de l'Assemblée de M. Javier Solana, Haut-Représentant pour la PESC, avec qui ils auraient aimé discuter de toutes ces questions. Les intervenants ont, comme M. Ducarme, rappelé l'utilité de l'Assemblée, qui présente le grand avantage de regrouper des États membres de l'Union européenne et de l'OTAN et des pays qui n'appartiennent qu'à l'une des deux organisations. Les orateurs ont aussi insisté sur la nécessaire clarification du partenariat entre l'Union européenne et l'OTAN. Enfin, les intervenants ont insisté sur le rôle des parlements nationaux, qui doit être amplifié.
Mme Birgen Kele° (Turquie) a exprimé son regret que le rôle de la Turquie au sein de l'OTAN ainsi qu'auprès de l'Union européenne soit sous-estimé. Elle estime qu'un accord devrait être conclu entre l'Agence européenne de défense (AED) et son pays, d'autant plus que la Turquie a beaucoup contribué à la définition et aux opérations de la PESD. L'unique amendement au rapport s'efforce de tenir compte des remarques de la délégation turque. Il a été adopté.
L'examen du rapport de M. Ducarme révèle l'attachement des parlementaires au rôle de l'Assemblée de l'UEO, ainsi qu'un consensus sur les grandes questions stratégiques liées au développement de la politique européenne de sécurité et de défense, qu'il s'agisse des avancées du traité de Lisbonne, du rôle des parlements nationaux ou de la complémentarité entre l'Union européenne et l'OTAN.
Le projet de recommandation a été adopté
à l'unanimité.
Au-delà de la session :
A l'approche de la présidence française de l'Union européenne, l'Assemblée de l'UEO, en coopération avec l'Assemblée nationale, a organisé le 5 mai 2008 une conférence sur « Les choix stratégiques pour la sécurité et la défense de l'Europe ». Ce colloque a permis l'émergence d'un véritable débat européen sur l'avenir de la PESD, et a souligné le caractère crucial des choix stratégiques qui doivent être réalisés dans ce domaine au cours des années à venir. Au cours de la première session de travail consacrée à « La stratégie européenne de sécurité, le Traité de Lisbonne et l'environnement stratégique », les avancées pratiques du Traité de Lisbonne dans le domaine de la défense ont été examinées. Les discussions ont notamment porté sur la coopération structurée permanente, qualifiée de « schéma incitatif de production de capacités de défense ». Les intervenants ont exprimé leur espoir que les nouvelles dispositions institutionnelles du Traité de Lisbonne en matière de PESC permettront « une utilisation optimale des compétences civiles et militaires » dans le cadre de l'Union européenne. Selon Antonio Missiroli, directeur d'études au « European Policy Center » de Bruxelles, le nouveau poste de Haut représentant pour la PESC sera un poste presque impossible à occuper pour un seul homme. Des adjoints seront nécessaires et le système sera complexe. La deuxième session s'est efforcée de répondre à la question suivante : « Quelles politiques communes dans les domaines stratégiques ? ». Le débat a d'abord porté sur la politique à adopter pour lutter contre la prolifération nucléaire et surmonter la crise iranienne. Puis la réflexion s'est engagée sur la sécurité énergétique et ses enjeux pour l'Union européenne. Les intervenants ont souligné la difficile nécessité de réaliser des investissements colossaux- de l'ordre de 1000 milliards de dollars- dans les 20 ans à venir pour pouvoir assurer la sécurité énergétique de l'Union. Lors de la troisième séance, qui portait sur la Stratégie européenne de sécurité et le développement de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), les intervenants se sont penchés sur différents aspects de la stratégie actuelle de l'Union européenne, en vue de la compléter. Le Général Perruche a plaidé pour le développement d'une structure de commandement permanente. Celle-ci permettrait notamment à l'Union européenne d'alléger ses procédures d'établissement du quartier général d'opération et limiterait les coûts associés. Fabio Liberti, chercheur à l'IRIS, a examiné la question de la mise en commun (« pooling ») des capacités des États membres de l'Union européenne et a insisté sur la nécessité de créer un marché européen compétitif d'équipements de défense.
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