III. LES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE
A. OBSERVATION DES ÉLECTIONS
Les travaux des commissions ad hoc chargées de l'observation des élections sont présentés en début de partie de session, dans le cadre de l'examen, par l'Assemblée, du rapport d'activité du Bureau de l'Assemblée et de la Commission permanente. Cet examen prévoit également un vote sur l'ordre du jour, une opportunité étant laissée aux parlementaires de contester l'inscription d'un débat. L'ensemble de la procédure dure environ une heure trente, la discussion autour des rapports des commissions ad hoc intervenant à la fin.
Plusieurs rapports (Arménie, Azerbaïdjan, Turquie, Chine) ont suscité les réserves de membres de l'Assemblée et un vote sur le maintien de ces textes à l'ordre du jour. La discussion sur l'observation des élections s'est retrouvée, par conséquent, limitée à une quarantaine de minutes, la liste des orateurs étant écourtée sans laisser la possibilité pour les parlementaires issus des pays concernés d'intervenir publiquement en séance, dans le cadre de ce qui pourrait apparaître comme une procédure contradictoire.
1.Élections législatives en Géorgie (21 mai 2008)
Organisées dans un contexte géopolitique délicat marqué par de nouvelles tensions avec la Russie, les élections législatives du 21 mai dernier devaient servir de test pour la Géorgie, six mois après la publication d'un premier rapport d'observation du Conseil de l'Europe sur les élections présidentielles du 5 janvier.
Les modifications institutionnelles annoncées par M. Mikheil Saakachvili, Président de la Géorgie, lors de sa venue dans l'hémicycle le 24 janvier, se sont traduites par un résultat assez éloigné de l'ambition initiale. L'extension du mode de scrutin à la proportionnelle demeure ainsi toute relative, les candidatures indépendantes aux législatives restant interdites. Il convient cependant de noter quelques progrès, au nombre desquels on relèvera l'abaissement du seuil électoral de 7 à 5 %, la simplification de la procédure de traitement des plaintes ou l'introduction de représentants de l'ensemble des partis au sein des commissions électorales de district.
Les conclusions de la commission s'avèrent néanmoins relativement positives, soulignant notamment, en dépit des raidissements de part et d'autre de la frontière russo-georgienne, l'atmosphère calme dans laquelle s'est déroulé le scrutin. Les réserves visent principalement l'absence d'égal accès aux médias pour l'ensemble des formations politiques et la difficulté de celles-ci de se départir de messages d'incitation à la violence. La Géorgie possède un réel « potentiel démocratique », selon la commission. Le suivi régulier, par le Conseil de l'Europe, du fonctionnement des institutions démocratiques devrait contribuer à développer celui-ci et répondre, enfin, aux espoirs de la « révolution des roses ».
2. Élections législatives en « ex-République yougoslave de Macédoine » (1er et 15 juin 2008)
Organisées à la suite de l'auto-dissolution du Parlement le 12 avril dernier, les élections législatives du 1 er juin dernier se sont traduites par un certain nombre d'actes de violence dans les régions albanophones. Ces manifestations ont eu une incidence directe sur le vote, en empêchant les électeurs de s'exprimer librement. La commission relève à cet égard l'écart constaté entre un suivi acceptable de la procédure électorale dans la majeure partie du pays et le regain de tensions observé dans certaines régions. Elle condamne l'incapacité des autorités à prévenir de tels événements, tout en stigmatisant un climat électoral propice à la manipulation.
L'organisation d'un nouveau scrutin le 15 juin dans les zones concernées par la violence n'a pas répondu pleinement aux attentes des observateurs. L'absence de réaction de l'État est notamment visée, les auteurs des violences ou d'infractions demeurant impunis. La crainte de voir à nouveau s'installer une véritable culture de la violence au sein des régions albanophones n'apparaît pas, à cet égard, démentie.
M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) a souhaité replacer ces travers dans un contexte de crise de la jeune identité nationale, en partie liée à la question du nom du pays :
« Les violences observées lors de la tenue des scrutins des 1 er et 15 juin derniers en Macédoine qui nous préoccupent aujourd'hui étaient malheureusement prévisibles aux yeux des observateurs de la vie politique locale. La Macédoine paye le prix d'une montée des tensions manifeste tant entre les deux coalitions qu'entre les formations albanophones. Loin de céder aux Cassandres qui voient dans l'accession à l'indépendance du Kosovo l'alpha et l'oméga de toute déstabilisation régionale, je serais plutôt tenté de chercher d'autres explications justifiant de tels débordements.
Ceux-ci ne relèvent-ils pas plus de l'absence d'une véritable culture du débat, qui n'est pas totalement illégitime au sein d'une jeune démocratie ? Les raidissements observables au sein de certains partis gouvernementaux sont-ils étonnants dans un pays qui se cherche encore un nom ? La violence verbale et physique qui a ponctué la campagne et accompagné le vote ne trouve-t-elle pas sa source dans la frustration d'une nation encore fragile qui se nourrit de l'espérance européenne et atlantique et à qui l'on ferme la porte pour d'obscures raisons sémantiques ?
Je ne souhaite pas excuser ce que je n'ai pu tolérer dans les missions d'observations électorales auxquelles j'ai pu participer. Je demande simplement que le débat d'aujourd'hui ne contribue pas à générer un nouveau sentiment de vexation à Skopje, Kumanovo ou Sturmica.
La radicalisation d'une partie de la communauté albanophone souligne à quel point l'équilibre issu des accords d'Ohrid demeure précaire. N'en doutons pas, ceux-ci ne peuvent être totalement efficients que s'ils se conjuguent à une pleine intégration dans le concert des nations européennes. Sans appeler à son adhésion au sein de l'Union européenne ou de l'Organisation de l'Atlantique Nord - ce n'est pas le rôle d'un membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe - j'appelle simplement à une plus grande considération à l'endroit de ce jeune État, qui a su, en son temps, faire l'économie d'une longue et terrible guerre civile pour privilégier la discussion entre les parties le composant.
Je considère les accords d'Ohrid comme une application à peu près aboutie du principe du philosophe français Ernest Renan selon lequel la nation est un plébiscite de tous les jours. Le principe en vertu duquel les lois concernant les communautés non majoritaires sont adoptées par une double majorité du Parlement et des représentants des minorités m'apparaît comme une solution respectueuse des différences. Elle s'oppose, de surcroît, à la complexité du modèle bosnien. En limitant les domaines dans lesquels ce principe s'applique, la Constitution laisse la possibilité aux parties en présence de devenir une véritable nation.
La difficulté actuelle tient à ce que nous refusons de la considérer totalement comme telle en lui fermant des portes. En agissant de la sorte, nous semons le doute et conférons une légitimité à ceux qui réfutent un quelconque sentiment national macédonien au profit d'une appartenance quasi clanique à une communauté. Faut-il s'étonner qu'en même temps que l'Otan, puis l'Union européenne, s'interrogent sur l'opportunité d'intégrer la Macédoine, certains partis albanophones revendiquent une extension du principe de double majorité à l'ensemble de l'activité législative, ruinant, de fait, la viabilité de ce jeune État ?
Le droit nous impose aujourd'hui de condamner les troubles observés, les atteintes manifestes aux libertés fondamentales et à la démocratie. Je demande simplement que notre sévérité soit tempérée par les circonstances atténuantes que j'ai modestement tenté de vous présenter aujourd'hui. »
Les recommandations de la commission ad hoc soulignent la nécessité pour l'État macédonien de favoriser l'émergence d'un dialogue constructif et apaisé entre toutes les formations politiques. Une réflexion sur la culture politique du pays doit, par ailleurs, être engagée. Elle concerne à la fois les partis mais également les médias, dont le comportement a pu apparaître troublant lors des scrutins. Sur le plan technique, la commission souhaite la mise en oeuvre de voies de recours post-électorales efficaces et une révision complète des listes électorales.