B. LE DÉVELOPPEMENT DES THÉRAPIES CELLULAIRES À PARTIR DU SANG DE CORDON OMBILICAL

Les thérapies utilisant les cellules souches ont au moins quarante ans puisque la première greffe de moelle osseuse à été pratiquée en 1969 par Edward Donnall Thomas, prix Nobel de médecine en 1990, en se fondant sur la recherche qu'il avait menée depuis les années cinquante. Or, on sait désormais que les greffes de moelle osseuse sont en fait des greffes de cellules souches hématopoïétiques. Quatre mille deux cent trente-neuf greffes ont été pratiquées en France en 2007 13 ( * ) . L'idée d'utiliser les cellules contenues dans le sang de cordon ombilical est ancienne, un article paru dans la revue The Lancet envisageait cette possibilité dès 1939 et la première tentative pour soigner par transfusion une patiente atteinte d'un cancer date de 1963. Mais c'est seulement en 1988 que l'équipe du professeur Eliane Gluckman à l'hôpital Saint-Louis a établi le protocole désormais suivi en opérant avec succès la première greffe pour soigner un enfant atteint de la maladie de Franconi. Les thérapies issues du sang de cordon, que ce soit pour soigner les maladies de la moelle osseuse ou reconstituer le derme, appellent l'implication de l'Etat qui doit agir en tant que force d'impulsion sous peine de voir un jour sa responsabilité potentiellement engagée du fait du manque d'informations fournies.

1. Les thérapies existantes

C'est d'abord vers les maladies du sang qu'ont porté, avec succès, les efforts thérapeutiques fondés sur le sang de cordon ombilical. Dans un second temps, les progrès dans la connaissance des différents types de cellules souches et de leur fonctionnement permettront, sans doute bientôt, l'élaboration de nouvelles thérapies susceptibles de réparer le derme des irradiés et des grands brûlés.

a) Thérapies actuelles liées aux maladies du sang

Les cellules souches hématopoïétiques contenues dans le sang de cordon remplacent avantageusement celles de la moelle osseuse pour plusieurs raisons. D'une part, la plus grande immaturité des cellules souches du sang de cordon permet une meilleure efficacité des greffes. D'autre part, les chances de trouver un échantillon de sang de cordon compatible avec un malade sans lien de parenté avec le donneur sont très nettement supérieures à celles de trouver un donneur de moelle osseuse pour une greffe dite allogénique 14 ( * ) . Les chiffres donnés par le professeur Gregory Katz-Benichou 15 ( * ) pour les Etats-Unis en témoignent : un tiers environ des patients en attente d'une greffe de moelle sont amenés à chercher un donneur à l'extérieur de leur famille et moins d'un tiers d'entre eux (9 % du nombre total de patients) trouvent un donneur compatible ; à l'inverse, dans le monde entier, toutes les recherches faites sur les bases recensant les greffons de sang de cordon disponibles sont fructueuses. Ainsi tous les patients devant subir une greffe de sang de cordon trouvent un greffon compatible. Plus de 20 000 personnes ont donc pu être greffées depuis 1988 et il n'est pas étonnant de constater que la part des greffes de sang de cordon croît chaque année aux dépens des greffes de moelle. En 2007, les greffes de sang de cordon représentaient 27 % des greffes allogéniques pratiquées en France 16 ( * ) .

Une découverte thérapeutique a considérablement renforcé l'utilisation du sang de cordon comme alternative à la moelle osseuse : en raison de la relative facilité avec laquelle ils sont acceptés par l'organisme, les greffons de sang de cordon peuvent être combinés avant d'être greffés. Ceci implique que la greffe, un temps limitée aux enfants en raison de la taille du greffon, peut désormais être effectuée sur des adultes par combinaison de deux greffons.

Au total, la greffe de sang de cordon est utilisée aujourd'hui dans près de quatre-vingt-cinq indications thérapeutiques. Elle « traite de nombreux cancers du sang (leucémies, lymphomes), des thalassémies et des drépanocytoses, des maladies auto-immunes et de nombreuses maladies rares (Tay-Sachs, Niemann-Pick, Krabb, Hurler, Gaucher, etc.). En France, environ 126 000 personnes sont touchées chaque année par ces quatre-vingt-cinq maladies 17 ( * ) » .

b) Thérapies en cours d'élaboration

La France se situe à la pointe des thérapies visant à reconstituer les os en cas de lésions particulièrement importantes, ou le derme des victimes d'irradiation ou des grands brûlés. Depuis 2002, le service du médecin en chef Lataillade à l'hôpital militaire Percy à Clamart a obtenu des résultats remarquables pour ces blessures d'une particulière gravité en utilisant les cellules souches mésenchymateuses issues de la moelle osseuse 18 ( * ) . Celles-ci permettent la reconstruction de tissus osseux sur des fractures qui ne peuvent guérir spontanément, la réparation de lésions dues aux irradiations et la constitution de greffons de peau. Un projet commun à plusieurs partenaires, dont l'Inserm, est en cours pour permettre d'isoler les cellules souches mésenchymateuses contenues dans le sang de cordon, dont les effets devraient être particulièrement bénéfiques pour les malades : les cellules extraites du sang de cordon seront immédiatement disponibles en grand nombre, ce qui permettra un traitement rapide alors que le prélèvement et la mise en culture des cellules extraites de la moelle osseuse des malades eux-mêmes peut prendre jusqu'à quinze jours, ce qui affecte les chances de survie. Une fois encore, la richesse et la disponibilité de la ressource sont les facteurs qui renforcent l'utilité thérapeutique du sang de cordon.

En dehors de ce cas précis, plusieurs équipes françaises et internationales travaillent sur les applications thérapeutiques liées au sang de cordon, parmi lesquelles celle du professeur Colin McGuckin à l'Université de Newcastle. Ce dernier est également le président du consortium Novus Sanguis qui se consacre particulièrement à la recherche en ce domaine. Lors de son lancement à Paris, le 14 mai 2008, quatre principales voies d'avenir ont été tracées en matière thérapeutique : le diabète juvénile, la neurologie, les maladies du foie et du rein et la cardiologie. Au travers notamment de bio-implants constitués à partir de cellules souches extraites du sang de cordon, différentes thérapies, dont certaines en sont déjà au stade de l'essai clinique (par exemple les bio-implants de valves cardiaques au Deutsches Herzentrum de Berlin qui offrent l'avantage de pouvoir être implantés dès la petite enfance et de grandir avec le porteur), pourraient voir le jour au cours des quinze prochaines années.

Il est également important de mentionner une application importante et immédiate des cellules souches sur laquelle travaille l'équipe du docteur George Uzan au sein de l'Inserm. En matière de pharmacopée, que ce soit par l'intermédiaire de la constitution de tissus en laboratoires ou sur les cellules souches elles-mêmes, il est désormais possible d'effectuer des essais de médicaments sans avoir recours à des modèles vivants. Les résultats sont donc plus fiables, car effectués sur des cellules humaines, et plus conformes aux principes éthiques.

On l'a vu, les thérapies fondées sur l'utilisation du sang de cordon existent depuis au moins vingt ans et vont vraisemblablement se multiplier au cours des prochaines années, bien au-delà des maladies du sang. Si la richesse cellulaire du sang de cordon est un élément déterminant de son succès thérapeutique, sa disponibilité n'est pas moins importante : cela engage l'action de l'Etat.

* 13 Agence de la biomédecine, rapport annuel 2007, p. 203.

* 14 Greffe provenant d'un donneur par opposition à une greffe autologue.

* 15 « Umbilical cord banking : economic and therapeutic challenges », International Journal of Healthcare Technology and Management, vol. 8, n° 5, 2007, pp. 464-477.

* 16 Agence de la biomédecine, op. cit. p. 204.

* 17 Gregory Katz, « Pénurie de sang de cordon : les effets d'un retard culturel », Les Echos, supplément L'art d'entreprendre, 19 juin 2008.

* 18 Cf. la communication du médecin en chef à votre rapporteur en annexe.

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