PRÉCONISATIONS
1. Porter le plus rapidement possible et au plus tard d'ici 2020 le nombre d'unités de sang de cordon stockées en France à 50 000 ;
2. Assurer un maillage territorial de maternités habilitées à effectuer le prélèvement qui garantisse la collecte au sein de tous les bassins de population ;
3. Développer la formation des personnels médicaux et les campagnes d'information à destination des parents, de manière à permettre aux familles de faire le choix du don en toute connaissance ;
4. Permettre, à titre expérimental, l'implantation de banques privées respectant les principes de solidarité liés aux greffes de sang de cordon, ainsi que le développement d'une activité privée par les banques publiques afin de consolider leur financement ;
5. Orienter les fonds publics vers la recherche fondamentale en matière de biologie cellulaire et vers les cellules souches somatiques comme le font les autres Etats qui se situent à la pointe de la recherche. Ceci passe notamment par la définition d'un objectif spécifique en la matière par l'agence nationale de la recherche ;
6. Favoriser la recherche sur le cordon lui-même et le placenta ;
7. Renforcer les pouvoirs de contrôle de l'agence de la biomédecine (ABM) sur les pratiques de collecte et de stockage ;
8. Conforter la possibilité pour la recherche faite au sein de l'établissement français du sang (EFS) de se traduire par des thérapies et des médicaments nouveaux en permettant son partenariat avec le Groupe LFB ;
9. Accorder un statut public à Netcord et à Eurocord ;
10. Développer la solidarité de la France avec les pays en développement en matière de greffe de sang de cordon.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mardi 4 novembre 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l' examen du rapport d'information de Mme Marie-Thérèse Hermange sur le potentiel thérapeutique des cellules souches extraites du sang de cordon ombilical.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a fait valoir que la France dispose d'une ressource thérapeutique disponible, abondante et ne posant pas de problème majeur, qu'elle gaspille pourtant en le traitant comme un déchet opératoire : il s'agit du sang placentaire prélevé dans le cordon ombilical.
Certes, les cellules qui en sont extraites ne pourront jamais guérir toutes les maladies, mais leur intérêt thérapeutique justifie que l'on accroisse l'effort de collecte et de recherche en France. Il faut également assurer l'information des familles pour les protéger de certains discours pseudo-scientifiques, parfois relayés par la presse, qui font naître des espoirs illusoires de guérison et cachent souvent des escroqueries.
Après avoir présenté les différents types de cellules souches qui se distinguent par leur capacité à donner une variété plus ou moins grande de cellules spécialisées, elle a indiqué que ces cellules ne se trouvent pas uniquement dans les tissus foetaux et embryonnaires mais également dans le sang de cordon et les tissus adultes. On parle alors de cellules souches somatiques. Des chercheurs parviennent même à faire régresser une cellule unipotente à un stade où elle recouvre des capacités pluripotentes. Ceci implique qu'il est désormais possible de travailler sur des cellules ayant un fort potentiel thérapeutique sans avoir recours aux recherches sur l'embryon. Les cellules extraites du sang de cordon sont, elles aussi, pluripotentes et sont utilisées dans quatre-vingt-cinq indications thérapeutiques qui touchent plus de 126 000 personnes par an en France. En 1988, l'équipe du professeur Eliane Gluckman de l'hôpital Saint-Louis a pratiqué une première greffe de sang de cordon parvenant ainsi à guérir un malade atteint du syndrome de Franconi. Depuis lors, 20 000 personnes souffrant de différentes maladies liées au sang ont pu bénéficier d'une greffe.
Les applications thérapeutiques des cellules extraites du sang de cordon ne se limitent d'ailleurs pas aux seules maladies sanguines : les scientifiques pensent pouvoir les utiliser rapidement pour reconstituer le derme des grands brûlés et envisagent leur utilisation pour traiter le diabète juvénile, certaines pathologies neurologiques ou cardiaques, les maladies du foie et du rein.
Dans un contexte de forte concurrence internationale en matière de recherche sur le sang de cordon, l'implication de l'Etat est essentielle pour que la France puisse se maintenir au plus haut niveau en matière thérapeutique, d'autant qu'elle dispose d'un savoir-faire reconnu en matière de collecte. Or, ses objectifs de stockage sont nettement insuffisants pour faire face à ses besoins et elle ne se situe qu'au seizième rang mondial en termes d'unités stockées par habitant. Alors que des pays comme l'Espagne se sont fixé, d'ici à 2015, des objectifs ambitieux de stockage, la France est encore contrainte d'avoir recours à des importations pour répondre aux besoins de ses malades en matière de greffe, importations dont le coût, pour l'assurance maladie, s'est élevé en 2007 à 3,6 millions d'euros. Pour parvenir à l'autosuffisance, la France a besoin d'un stock de 50 000 cordons.
Une politique de stockage efficace devrait inciter à la collecte de greffons dans les différents bassins de population afin que tous les types génétiques soient représentés et que l'on puisse disposer facilement de greffons compatibles avec les besoins des malades. Elle aurait en outre pour mérite de répondre aux besoins éventuels des pays en développement lorsque le type génétique de leurs habitants se trouve aussi au sein de la population française. La France pourrait ainsi remplir son devoir de solidarité internationale à leur égard en leur fournissant les greffons nécessaires.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a ensuite précisé que la collecte du sang de cordon repose sur un réseau de maternités collectrices - huit à l'heure actuelle -, qu'il faudrait renforcer pour parvenir à une couverture de l'ensemble du territoire. Une fois les unités collectées, elles doivent être stockées dans des banques qui nécessitent des investissements initiaux et continus très importants. Afin de faciliter le financement des banques publiques, il serait souhaitable d'accorder à celles-ci la faculté d'exercer également une activité de stockage privé. En outre, certaines banques privées qui respecteraient, comme c'est le cas en Italie, le principe de solidarité qui s'impose en matière de greffe, pourraient également être autorisées à exercer leur activité en France afin de favoriser le développement de la recherche.
Il est important de souligner que le stockage à titre privé représente un faible intérêt thérapeutique pour les familles qui y ont recours : les contraintes de qualité font que seules 27 % des unités prélevées peuvent être stockées. Néanmoins, si certaines familles souhaitent tout de même effectuer un stockage personnel à titre onéreux, pourquoi les en empêcher ? Pareille interdiction prive les banques d'une source de financement et favorise les exportations illégales, souvent faites dans des conditions qui ne permettent pas véritablement la conservation.
Sur le fondement de ces observations, Mme Marie-Thérèse Hermange , rapporteur, a présenté dix préconisations pour mettre en oeuvre une politique véritablement adaptée en faveur de la collecte du sang de cordon en France :
- porter le plus rapidement possible, et au plus tard d'ici 2020, le nombre d'unités de sang de cordon stockées en France à 50 000 ;
- assurer un maillage territorial de maternités habilitées à effectuer le prélèvement qui garantisse la collecte au sein de tous les bassins de population ;
- développer la formation des personnels médicaux et les campagnes d'information à destination des parents, de manière à permettre aux familles de faire le choix du don en toute connaissance ;
- permettre, à titre expérimental, l'implantation de banques privées respectant les principes de solidarité liés aux greffes de sang de cordon, ainsi que le développement d'une activité privée par les banques publiques afin de consolider leur financement ;
- orienter les fonds publics vers la recherche fondamentale en matière de biologie cellulaire et vers les cellules souches somatiques comme le font les autres Etats qui se situent à la pointe de la recherche. Ceci passe notamment par la définition d'un objectif spécifique par l'agence nationale de la recherche ;
- favoriser la recherche sur le cordon lui-même et le placenta ;
- renforcer les pouvoirs de contrôle de l'agence de la biomédecine (ABM) sur les pratiques de collecte et de stockage ;
- conforter la possibilité pour la recherche faite au sein de l'établissement français du sang (EFS) de se traduire par des thérapies et des médicaments nouveaux en permettant son partenariat avec le groupe LFB ;
- accorder un statut public aux organismes qui s'occupent de l'accréditation des banques et du suivi des greffes en matière de recherche : Netcord et Eurocord ;
- développer la solidarité de la France avec les pays en développement en matière de greffe de sang de cordon.
M. Nicolas About, président, a souligné l'importance des recherches sur les cellules souches adultes qui semblent jouer un rôle important dans l'évolution des cancers et de l'apparition des métastases. Des perspectives de recherche intéressantes sont ouvertes par les méthodes d'induction rétrogrades, telle celle pratiquée par le professeur Yamanaka à Kyoto ; il lui semble, en revanche, plus difficile de rendre totipotentes des cellules souches adultes. Il a considéré que le fait d'ouvrir, à des banques privées, la possibilité de pratiquer le modèle de stockage privé solidaire, tel qu'il est mis en oeuvre en Italie, est une bonne idée dès lors qu'on prévoit l'indemnisation des familles qui feront don de leur greffon afin de les rembourser des frais de stockage qu'elles avaient précédemment engagés.
M. Alain Milon s'est étonné du paradoxe selon lequel on traite la quasi-totalité des cordons ombilicaux comme de simples déchets opératoires alors que la France compte plus de 800 000 naissances par an. Si le stockage de 50 000 greffons suffit à répondre aux besoins, pourquoi un tel gaspillage ?
Il a insisté sur la nécessité de continuer les recherches sur l'ensemble des types de cellules souches, y compris les cellules totipotentes. En conséquence, il a demandé que deux modifications soient apportées à cette fin aux préconisations du rapport : dans le cinquième alinéa, indiquer que « des » fonds publics - et non « les » fonds publics - doivent être affectés à la recherche sur les cellules somatiques, pour indiquer clairement que l'on ne vise pas l'intégralité des crédits affectés à la recherche ; dans le sixième alinéa, préciser qu'il faut favoriser « en particulier », et non pas uniquement, la recherche sur le cordon et le placenta pour préserver la recherche sur les cellules totipotentes.
M. François Autain a indiqué qu'il partage les orientations du rapport mais qu'il s'oppose à ce que le secteur privé à but lucratif puisse servir au financement du stockage et de la recherche. Mêler des intérêts privés aux enjeux de santé publique se fait en général au détriment du patient.
M. Nicolas About, président, a précisé que les comparaisons internationales montrent que le stockage privé est un moyen de dynamiser le stockage public et qu'il n'y a donc pas de contradictions entre les deux.
Mme Marie-Thérèse Hermange , rapporteur , a souligné que la France est le seul pays d'Europe à ne pas autoriser l'instauration de banques privées, ce qui crée un risque d'exportation illégale par certaines familles.
M. François Autain a affirmé qu'il n'est pas opposé à ce que les banques publiques aient une activité mixte mais qu'il est hostile à l'implantation des banques purement privées.
Mme Isabelle Debré a insisté sur la nécessité de favoriser, dans tous les domaines, les partenariats public-privé. L'absence de moyens du secteur public a déjà coûté à la France le départ d'un de ses plus grands chercheurs, le professeur Luc Montagnier.
Dans le même sens, M. Alain Milon a fait observer que la grande majorité des lits hospitaliers sont dans le secteur privé non lucratif.
Mme Marie-Thérèse Hermange , rapporteur , a confirmé l'importance de la recherche fondamentale sur les cellules souches, ce qui implique de dégager les fonds publics nécessaires. La France ne s'est, à l'heure actuelle, fermé aucune voie de recherche sur les cellules, y compris embryonnaires, car les financements publics se répartissent à peu près également entre ce type de recherches et les cellules souches somatiques. Il n'y a, par ailleurs, aucune opposition entre le stockage dans des banques publiques ou des banques privées soumises à l'obligation de solidarité, c'est-à-dire à l'obligation d'inscrire les unités stockées sur un registre national qui permet de les utiliser pour un malade qui en aurait besoin quand bien même il ne serait pas membre de la famille qui effectue le stockage. Plus que des questions de statut, c'est l'objectif à atteindre qui importe.
La commission a ensuite modifié les préconisations du rapporteur dans le sens voulu par M. Alain Milon et autorisé la publication du rapport d'information sous le titre suivant : « Le sang de cordon : collecter pour chercher, soigner et guérir ».