Rapport d'information n° 436 (2008-2009) de M. Christian DEMUYNCK , fait au nom de la Mission commune d'information jeunes, déposé le 26 mai 2009

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N° 436

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 26 mai 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission commune d'information (1) sur la politique en faveur des jeunes ,

Par M. Christian DEMUYNCK,

Sénateur.

Tome I

(1) Cette mission commune d'information est composée de : Mme Raymonde Le Texier , présidente ; M. Jean-Léonce Dupont, Mmes Virginie Klès, Françoise Laborde, Janine Rozier, M. Jean-François Voguet, vice-présidents ; M. Yves Daudigny, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Pierre Martin, Michel Thiollière, secrétaires ; M. Christian Demuynck, rapporteur ; Mmes Éliane Assassi, Maryvonne Blondin, Nicole Bonnefoy, M. Martial Bourquin, Mmes Bernadette Bourzai, Christiane Demontès, Béatrice Descamps, M. Jean Desessard, Mme Bernadette Dupont, M. Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Paul Fournier, Patrice Gélard, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Annie Jarraud-Vergnolle, Mlle Sophie Joissains, MM. Antoine Lefèvre, Jacques Legendre, Jacques Mahéas, Jacques Mézard, Alain Milon, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Jackie Pierre, Mmes Catherine Tasca et Catherine Troendle.

INTRODUCTION

« Si la jeunesse a froid, le monde claque des dents »

Georges Bernanos

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a décidé de créer, le 11 mars 2009, une mission commune d'information dont l'objectif est de contribuer aux réflexions actuelles sur la situation des jeunes de 16 à 25 ans dans notre pays.

Pourquoi s'intéresser particulièrement à ces 8,2 millions de jeunes, qui représentent 12,7 % de la population ? Plusieurs raisons à cela :

- les jeunes représentent l'atout majeur de notre pays. Grâce à un taux de fécondité favorable - qui dépasse deux enfants par femme -, la France est la championne d'Europe de la natalité : elle est, avec l'Irlande, le pays de l'Union européenne où la fécondité est la plus forte, avec plus de 800 000 naissances par an, qui révèle un potentiel de dynamisme irremplaçable et envié par nos voisins européens ;

- or, paradoxalement , un récent sondage 1 ( * ) montre que 51 % des Français ont une image négative de la jeunesse et que 70 % d'entre eux les jugent « individualistes » ;

- parallèlement , les jeunes générations actuelles ont le sentiment de vivre « moins bien » que leurs parents . S'ils ont la chance, comme leurs parents, de ne pas avoir connu la guerre, ils ne bénéficient pas, en revanche, des mêmes perspectives d'insertion dans une société par certains aspects plus protectrice mais globalement moins accueillante. Plus que la plupart des autres jeunes Européens, ils sont inquiets pour leur avenir ;

- en outre, les générations gâtées d'après-guerre ont mis en place une société de plus en plus sclérosée qui, comme le décrivent de nombreux sociologues, favorise ceux qui sont entrés dans le « système » mais maintient « la dragée haute » aux nouveaux entrants. Pire, elles font porter sur eux les conséquences de leur incurie à réformer ledit système et, au lieu de se comporter en « bon père de famille » soucieux de l'avenir de sa progéniture, elles reportent sur les générations suivantes le poids d'une dette très importante 2 ( * ) . Votre rapporteur a d'ailleurs jugé nécessaire que la mission prenne en compte cette réalité pour formuler ses propositions, dans un esprit de responsabilité.

Les jeunes se trouvent donc aujourd'hui confrontés à des problèmes - structurels comme conjoncturels 3 ( * ) - de nature très diverse, que votre mission commune d'information a souhaité étudier :

- une orientation scolaire et universitaire, et une insertion professionnelle déficientes, ceci en dépit du « mille feuille » de dispositifs et de structures, d'ailleurs dénoncé par l'ensemble des acteurs entendus par votre mission 4 ( * ) ;

- des ressources 5 ( * ) le plus souvent modestes, voire insuffisantes pour une part non négligeable d'entre eux, alors même que leur entrée dans la vie professionnelle est à la fois plus tardive que leurs aînés et plus précaire qu'eux, surtout en cette période de crise économique ;

- partiellement lié à la question précédente, un accès difficile à un logement autonome ;

- une santé globalement bonne, mais qui souffre notamment des insuffisances de l'approche préventive des systèmes de soins dans notre pays ;

- des pratiques citoyennes 6 ( * ) qui mériteraient d'être davantage encouragées et des pratiques culturelles dont les évolutions inquiètent parfois les générations précédentes.

La mission commune d'information a, pour chacun de ces sujets, exposé l'état des lieux, constaté l'abondance des dispositifs existants et avancé des propositions, afin à la fois de remédier aux insuffisances constatées et d'ouvrir l'horizon à une jeunesse inquiète. Plutôt que de fixer des objectifs chiffrés, au risque de lancer de vaines incantations, elle a préféré avancer des recommandations concrètes.

Parallèlement , votre rapporteur, et l'ensemble des membres de la mission, jugent indispensable que le regard de la société sur la jeunesse change , car il pâtit de l'image négative souvent véhiculée par les médias, à travers notamment la mise en avant d'épiphénomènes de violence qui ne concernent qu'une infime minorité. Ceci ne doit pas faire oublier le message transmis par les représentants des radios très écoutées par les jeunes entendus par la mission 7 ( * ) . Aux questions : « Quels sont les attentes et les besoins des jeunes d'après vous et comment les pouvoirs publics pourraient-ils s'adresser plus efficacement à eux ? », ils répondent que les jeunes ont besoin de sincérité, de proximité, de respect mais aussi de repères et d'autorité leur donnant un cadre. Ils ont une forte envie d'explications les aidant à comprendre le monde dans lequel ils évoluent et celui qui les attend. Ils ont envie de dialoguer , mais il faut absolument éviter l'écueil du jeunisme !

C'est avec cette envie d'aider notre société à retisser les fils intergénérationnels, d'écouter, de dialoguer avec les jeunes et de fixer de nouveaux cadres pour une société plus positive et accueillante à leur égard, que votre mission a conduit ses travaux.

Le Sénat ne pouvait pas ne pas se pencher sur ce défi majeur : comment redonner confiance aux jeunes de notre pays et sortir d'une sorte de défiance réciproque entre la jeunesse et la société dans son ensemble ?

Afin que sa contribution puisse être utile au grand débat lancé par le Gouvernement, notamment dans le cadre de la commission de concertation organisée par M. Martin Hirsch, Haut commissaire à la jeunesse, et pour tenir compte de l'urgence liée à la période de crise que nous traversons, la mission a décidé de travailler dans des délais inhabituels et ambitieux . Elle a ainsi conduit pendant deux mois ses travaux et auditions sur un rythme intensif, à raison de deux après-midis par semaine.

A l'occasion de ses nombreuses auditions et tables rondes 8 ( * ) , la mission a pu entendre à la fois des sociologues, des représentants des jeunes (notamment par le biais des représentants des syndicats étudiants et des mouvements de jeunes au sein des partis politiques), des acteurs compétents dans les différents domaines d'investigation de la mission, des représentants de salariés et d'employeurs, etc.

La mission d'information s'est efforcée de fonder ses recommandations sur l'observation de pratiques de terrain et d'expérimentations ayant dores et déjà démontré leur efficacité.

C'est pourquoi, elle s'est déplacée dans deux départements 9 ( * ) , suffisamment différents pour que puissent être appréhendées leurs problématiques spécifiques :

- le 15 avril dans le Calvados, avec une rencontre des acteurs de terrain à Bayeux, afin de mieux identifier la situation des jeunes en zone rurale ;

- le 30 avril dans le Rhône, à Lyon et à Saint-Fons, villes révélatrices de la situation des jeunes en zone urbaine.

En outre, une délégation de la mission s'est rendue, le 31 mars dernier, à la gare de l'Est à l'occasion de l'opération « Train pour l'emploi et l'égalité des chances », où elle a eu de nombreux échanges tant avec les recruteurs qu'avec les jeunes en recherche d'emploi. A cette occasion, elle a été frappée par l'efficacité des formules de ce type, permettant une rencontre directe entre jeunes et employeurs.

Enfin, elle a organisé une table ronde interne à ses membres, fondée sur les réponses à un questionnaire préalablement diffusé à cette fin, pour échanger sur les « bonnes pratiques » et expériences connues localement par les sénateurs. C'est aussi dans cet esprit qu'elle a souhaité, et obtenu, l'organisation au Sénat d'un débat en séance publique, le 27 mai 2009, sur les politiques en faveur des jeunes. Elle a ainsi pu prendre en compte l'avis de tous les sénateurs souhaitant s'exprimer à cette occasion. Votre rapporteur tient à relever, à cette occasion, tout l'intérêt des nouvelles modalités des débats de ce type, qui renforce très sensiblement le caractère interactif des travaux dans l'hémicycle.

Par ailleurs, la mission a tenu à dialoguer directement avec des jeunes , afin de recueillir leur témoignage au cours de ses déplacements ainsi que par le biais du blog 10 ( * ) qu'elle a lancé sur le site Internet du Sénat.

Ce blog restera ouvert quelques semaines, afin que jeunes et moins jeunes puissent réagir au présent rapport et aux propositions qu'il recèle. La mission pourra ainsi, le cas échéant, prendre en compte les recommandations formulées par les internautes.

En effet, elle publiera le second tome de son rapport fin juin, afin à la fois d'affiner certaines de ses propositions et de réagir à celles que la « commission Hirsch » aura publiées d'ici là. Ce document rendra également compte de l'ensemble des auditions conduites par la mission ainsi que de ses différents déplacements.

En conclusion, vous l'aurez compris, pour les membres de votre mission, les jeunes - avec leurs compétences et leur potentiel - sont une chance pour la France. Loin d'être une « charge », ils sont l'atout maître sur lequel notre pays se doit d'investir, en toute responsabilité et dans la concertation. Leur avenir, c'est le sien.

AVANT PROPOS : UNE JEUNESSE OU DES JEUNESSES ?

A. LA JEUNESSE : UN « ÂGE DE LA VIE » OU UNE « PÉRIODE DE TRANSITION » AUX CONTOURS INDÉFINIS

1. Une définition statistique nécessaire

Il est difficile de définir la jeunesse de façon objective, celle-ci étant souvent considérée comme une « période de transition » ou de « construction de la personnalité » , l'âge de l'accès à l'indépendance pouvant varier d'un individu à l'autre. Selon M. Olivier Galland 11 ( * ) , l'autonomie se caractérise par la possession de quatre attributs : un emploi stable, un logement indépendant, des revenus tirés, pour l'essentiel, de l'activité, et la construction d'une famille (conjoint, enfant).

De façon générale, les études démographiques, économiques et sociales retiennent la tranche d'âge de 16 à 25 ans , l'âge de 16 ans marquant la fin de la scolarité obligatoire 12 ( * ) et l'âge de 25 ans correspondant à l'âge moyen de l'accès à l'autonomie, cette notion intégrant à la fois l'entrée dans la vie active, la formation du couple 13 ( * ) et l'arrivée d'un premier enfant 14 ( * ) , étapes souvent à l'origine du départ du domicile parental et de l'entrée dans un logement autonome 15 ( * ) .

De nombreux dispositifs ont d'ailleurs retenu l'âge de 25 ans comme limite à l'ouverture de certains droits : le revenu minimum d'insertion (RMI), bientôt revenu de solidarité active (RSA), l'éligibilité à certaines réductions pour accéder aux transports 16 ( * ) ou à la culture 17 ( * ) , le « Livret jeune » 18 ( * ) , etc.

Ainsi que l'ont souligné de nombreuses personnes auditionnées par la mission commune d'information 19 ( * ) , on observe un allongement temporel de la jeunesse - qui provient notamment de l'augmentation de la durée moyenne des études - et la difficulté du passage au « statut d'adulte » , l'accès à l'emploi et à l'autonomie financière, tout comme la formation du couple, intervenant de plus en plus tardivement.

Considérée par certains comme « réductrice » 20 ( * ) , la définition de la tranche d'âge 16-25 ans ne fait donc pas l'objet d'un consensus unanime. Certains pays de l'Union européenne ont d'ailleurs choisi de prolonger la durée de la jeunesse jusqu'à l'âge de 34 ans et, de plus en plus, les organismes statistiques, à l'image de l'INSEE et du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), privilégient pour leurs études la tranche d'âge 16-29 ans.

L'ensemble des acteurs s'accordent en revanche à considérer que la jeunesse est une « phase de transition marquée par la recherche de l'accès à l'autonomie » , devant faire l'objet d'une approche politique globale, le passage à la vie adulte se préparant dès la préadolescence 21 ( * ) .

Convenant que la jeunesse ne peut se limiter à une tranche d'âge bien circonscrite, la mission a néanmoins choisi de retenir la tranche d'âge 16-25 ans qui demeure la plus utilisée , même si, dans les faits, elle n'est pas toujours conforme à la réalité sociale.

A cet égard, la mission regrette que les instituts de statistiques n'aient pas procédé à une harmonisation de leurs choix en la matière : selon les études, la tranche d'âge 15-24 ans, 16-25 ans, 16-29 ans ou même 16-35 ans a été privilégiée, ce qui ne permet pas de recouper les diverses informations relatives aux jeunes (emploi, logement, couverture santé, poursuite des études, etc.) et d'avoir une vision globale et cohérente de la réalité des situations.

C'est pourquoi, la mission préconise de fixer, dès à présent, une norme pour l'ensemble des études réalisées pour le compte de l'Etat et des collectivités territoriales , afin que les différentes données statistiques puissent être comparées et permettent d'avoir une vision cohérente et globale de la situation et des conditions de vie des jeunes.

L'objectif est de pouvoir identifier de façon assez précise les différentes composantes de la population des 16-25 ans, selon qu'ils sont scolarisés, étudiants, apprentis, inactifs, demandeurs d'emploi, actifs occupés en emploi aidé ou non. Actuellement, cet exercice est pratiquement impossible à réaliser avec des données récentes et cohérentes. La tranche d'âge 16-25 ans pourrait être conservée , ce qui permettrait de mieux appréhender l'évolution des trajectoires et des situations.

2. La jeunesse recouvre des réalités très diverses

Sous le vocable de « jeunes » sont regroupés en réalité des univers très dissemblables. Ainsi que l'a souligné M. Louis Chauvel, sociologue 22 ( * ) , on peut en effet distinguer trois grandes catégories parmi les quelque 8,2 millions de jeunes de 16-25 ans résidant en France :

- les jeunes scolarisés , estimés à plus de 4 millions en 2007 23 ( * ) , dont près de 2,3 millions d'étudiants ;

- les jeunes exerçant une activité , qu'elle soit stable ou précaire, et dont le nombre avoisine 2,3 millions si l'on considère qu'environ 28,5 % des jeunes de 16-25 ans étaient en emploi à la fin de 2008 ;

- les jeunes sans emploi et sans formation , dont le nombre précis est difficile à arrêter, même si l'on sait qu'environ 550 000 sont demandeurs d'emploi, inscrits ou non au Pôle emploi.

La jeunesse en quelques chiffres

En 2009, la France comptait 8,18 millions de jeunes de 16 à 25 ans 24 ( * ) , soit 12,7% de la population.

1. Pauvreté


• Plus d'un jeune sur cinq (20,2 %) vit en dessous du seuil de pauvreté 25 ( * ) (soit 880 euros par mois), contre 13 % de l'ensemble de la population.


• Plus de 15 % sont en situation de pauvreté en termes de conditions de vie, contre 12,2 % de l'ensemble de la population.

2. Logement


• La majorité des 16-25 ans (57 %) vivent chez leurs parents, 18 % ont constitué une famille et 13 % vivent seuls.


• 90 % des jeunes ayant quitté le domicile familial sont locataires et la majorité d'entre eux vivent dans de grandes villes et occupent de petits logements.


• Plus de 682 000 étudiants perçoivent une aide au logement.

3. Scolarité


• Plus de 40 % d'une génération obtient un diplôme de l'enseignement supérieur, près de 62 % d'une classe d'âge obtient le baccalauréat depuis 1995 et plus de 80 % des moins de 18 ans sont en cours d'études depuis le début des années 1990, contre moins de la moitié une décennie plus tôt.


• Près de 20 % des 750 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sont sans diplôme du secondaire, soit environ 150 000 élèves, et 10 %, soit 75 000 jeunes, ne sont titulaires d'aucun diplôme.


• En 2009, 4 737 jeunes étaient inscrits dans une École de la deuxième chance et plus de 278 000 jeunes étaient en contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS).

4. Emploi


• Le taux d'emploi des 16-25 ans (28,5 % au 4 e trimestre 2008) est l'un des plus faibles d'Europe.


• 35 % des emplois salariés occupés par les jeunes âgés de 15 à 29 ans sont des emplois temporaires ou des emplois aidés, contre moins de 14 % pour l'ensemble des salariés.


• Plus de 19 % des étudiants ont un emploi, dont plus d'un tiers sont apprentis ou stagiaires. Hors apprentis et stagiaires, ce taux est légèrement supérieur à 13 %, soit environ 275 000 étudiants exerçant une activité salariée parallèlement à leurs études.

Statut d'emploi des salariés (en %)

Jeunes de 15 à 29 ans

Ensemble des salariés

Emplois précaires dont :

34,6

13,8

Intérim

5,6

2,5

CDD + contrats aidés privés

22,4

8,1

Temporaires + aidés publics

6,6

3,2

Emplois stables dont :

65,4

86,3

CDI privé

55,8

65,7

Stable public

9,6

20,6

Total

100,0

100,0

Source : enquête emploi 2005, INSEE

Nombre de jeunes de 16-25 ans en emploi aidé

2008

Alternance dont :

590 000

Apprentissage

418 000

Contrat de professionnalisation

170 000

Emploi marchand hors alternance

86 500

Contrat initiative emploi (CIE ancien et nouveau)

10 500

Soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE)

76 000

Emploi non marchand

32 300

Emplois jeunes

500

Contrat d'accompagnement vers l'emploi

28 500

Contrat d'avenir

3 300

Total

708 800

5. Chômage


• Le taux de chômage des jeunes actifs âgés de moins de 25 ans s'élève en France à plus de 20 % 26 ( * ) (21,4 % en mars 2009, contre 18,3 % pour l'Union européenne), soit près de 550 000 jeunes demandeurs d'emploi, parmi lesquels environ 450 000 inscrits au Pôle emploi.


• Moins de la moitié des jeunes au chômage perçoivent une indemnisation, contre 60 % des demandeurs d'emploi.

On constate ainsi une forte « fragmentation de la génération actuelle des 18-25 ans » , celle-ci formant, selon M. Louis Chauvel, « des cohortes sans contenu collectif tangible, au contraire des générations qui les [ont] précédées » 27 ( * ) .

3. Des problèmes et des valeurs communs à une génération

Malgré la très grande diversité des situations, nombreux sont les intervenants qui ont néanmoins souligné « l'unité de la jeunesse », qui se manifeste, ne serait-ce qu'au travers des difficultés communes que les jeunes rencontrent, pour accéder à un premier emploi ou à un stage 28 ( * ) .

Cela explique que, plus que dans les autres pays, les jeunes Français aient une perception négative de leur avenir : trois-quarts d'entre eux disent avoir peu confiance (26 % seulement ont confiance, contre 60 % des jeunes Danois) et ont le sentiment de n'avoir que peu de prise sur leur destinée.

4. La difficulté de trouver des instances représentatives de tous les jeunes

Parmi les personnes auditionnées par la mission, nombreuses sont celles qui ont souligné la sous-représentation politique de la jeunesse 29 ( * ) , estimant qu'elle peut être à la fois un révélateur et l'une des causes de la crise que traverse la génération actuelle.

Le manque d'instances légitimes de représentation des jeunes se traduit, au niveau politique, par la difficulté de trouver des interlocuteurs crédibles, qui soient représentatifs de tous les jeunes. Les lycéens et les étudiants sont certes organisés en structures représentatives actives, mais ils n'interviennent généralement que sur les sujets qui les concernent directement, sans prendre en compte, par exemple, les problèmes que rencontrent les jeunes sortis du système éducatif, recherchant un emploi ou une formation. La mission a souhaité ne pas négliger ces « sans voix » , peu représentés au niveau institutionnel et qui connaissent bien souvent les plus grandes difficultés .

Pour remédier à cette situation, M. Jean-Baptiste de Foucauld a proposé la mise en place d'une « instance plurielle d'expression de la jeunesse », dotée d'une légitimité suffisante pour intervenir dans les grands débats publics, en amont des décisions politiques concernant les jeunes. Il a également suggéré que les jeunes soient représentés au Conseil économique, social et environnemental.

Ainsi que l'a souligné M. Jean-Claude Richez 30 ( * ) , les jeunes ne doivent plus être seulement considérés comme des « publics cibles » mais plutôt comme des « acteurs à part entière » , qui contribuent au développement des politiques mises en oeuvre par les pouvoirs publics.

B. DÉFINIR UNE POLITIQUE EN FAVEUR DES JEUNES : QUELS ENJEUX ?

1. Des politiques spécifiques ou des politiques de droit commun prenant mieux en compte les problèmes des jeunes ?

L'Etat s'est intéressé tardivement à la jeunesse, les seules actions qui lui étaient destinées s'étant limitées longtemps à la conscription obligatoire pour les garçons et à l'instruction publique des plus jeunes. Plus tard, l'Etat a prolongé la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans et s'est préoccupé du développement de l'enseignement supérieur 31 ( * ) .

Le premier ministère nommément en charge de la jeunesse apparaît en 1946 32 ( * ) . Depuis, selon les gouvernements, la responsabilité de la jeunesse est généralement associée avec celle des activités sportives et alternativement avec celle de l'éducation nationale ou de la vie associative. Il est vrai que les politiques en faveur de la jeunesse relève, dans les faits, de la compétence de plusieurs ministères (éducation nationale, enseignement supérieur, emploi, logement, famille, santé, etc.).

Dès lors, on est en droit de s'interroger sur la nécessité d'un regroupement de ces politiques sous l'égide d'un « chef de file » clairement identifié et qui en aurait la responsabilité. A cet égard, la mission salue la création , au début de l'année 2009, d'un Haut-commissariat dédié à la jeunesse , placé sous la tutelle du Premier ministre .

En tout état de cause, la nomination de M. Martin Hirsch à cette responsabilité témoigne de la volonté forte du Président de la République et du Gouvernement de renforcer les politiques mises en oeuvre en faveur de la jeunesse.

2. Un chiffrage des politiques en faveur de la jeunesse difficile à réaliser

Le rapport de la commission présidée par M. Jean-Baptiste de Foucauld sur l'autonomie des jeunes avait réalisé un bilan assez complet des interventions publiques en direction des jeunes de 16 à 25 ans. L'exercice est complexe sur le plan méthodologique car les politiques mises en oeuvre recouvrent des domaines très divers (éducation, emploi, soutien des familles, avantages fiscaux, aide sociale, aides au logement) et mobilisent de nombreux acteurs (organismes de sécurité sociale, Etat, collectivités territoriales, etc.).

Le chiffrage réalisé alors avait estimé les dépenses collectives en faveur des jeunes à 31,6 milliards d'euros . La commission avait identifié cinq grands postes de dépenses :

- les dépenses éducatives : 16 milliards d'euros ;

- les dépenses pour l'emploi et l'insertion professionnelle : 7,92 milliards d'euros ;

- les aides à la famille : 4,45 milliards d'euros ;

- les aides aux étudiants : 1,72 milliard d'euros ;

- les aides au logement : 1,48 milliard d'euros.

Interrogé sur ce point lors de son audition par la mission, M. Martin Hirsch, Haut-commissaire à la jeunesse, a indiqué que cette estimation, qui date de 2002 , ferait prochainement l'objet d'une actualisation 33 ( * ) .

PREMIÈRE PARTIE - ORIENTATION ET ÉDUCATION : METTRE LE JEUNE AU CoeUR DU DISPOSITIF

I. ASSURER L'EFFICACITÉ ET L'ÉQUITÉ DE L'ORIENTATION DES JEUNES

Votre mission d'information, tout en rappelant que l'amélioration de l'orientation ne suffira pas, bien entendu, à elle seule à réduire le chômage des jeunes ou les rigidités du système éducatif, attire toutefois l'attention sur son caractère fondamental. L'orientation se résume trop, en France, non pas à une « sélection par l'échec » - M. Luc Ferry ayant souligné devant la mission le caractère pléonastique de la formule - mais à une mécanique d'exclusion fondée sur des critères qui dévalorisent trop « l'intelligence de la main ». Ce processus, combiné à l'anxiété des familles et à l'insuffisance de la connaissance des métiers, est à la racine des dysfonctionnements et du malaise suscité par notre modèle « méritocratique et élitiste républicain » selon la formule employée par les sociologues entendus par la mission d'information.

Trois remarques introductives peuvent être faites.

• Un double enjeu : mieux éclairer les choix et rééquilibrer les filières

Tout d'abord, comme l'indique opportunément le rapport pour 2008 du Haut Conseil de l'éducation, le terme « orientation » recouvre deux activités que la langue anglaise distingue : le processus qui répartit les élèves dans différentes voies de formation (« students distribution ») et l'aide aux individus dans le choix de leur avenir scolaire et professionnel (« vocational guidance », « school and career counseling »).

La mission constate que le lien entre ces deux composantes est trop peu souvent abordé de front, notamment parce qu'il renvoie au « tabou » de la sélection à l'entrée à l'université. Pour prendre un exemple concret, à plusieurs reprises au cours des auditions, il a été rappelé à la mission que la France formait environ la moitié des étudiants en psychologie d'Europe : pour réduire ce déséquilibre manifeste, aucun intervenant n'a pris position en faveur de l'instauration de « quotas ». Également soucieuse de ne pas entraver la liberté de choix des étudiants, la mission insiste en revanche sur l'urgente nécessité d'informer les jeunes de façon très réaliste sur les débouchés professionnels limités de ces formations et sur la situation effective des diplômés de ce type de filières.

Dans le même sens, lors de l'audition consacrée aux représentants des syndicats étudiants, M. Jean-Baptiste Prévost, président de l'Union des étudiants de France (UNEF), a souhaité que l'orientation constitue une aide et non une contrainte pour les jeunes : chacun devrait bénéficier d'un rendezvous individuel pour discuter de son orientation puis d'un suivi, ce qui n'est pas possible aujourd'hui faute de moyens. M. Rémi Martial, délégué national de l'Union nationale inter-universitaire (UNI) a, pour sa part, souligné la nécessité d'un accompagnement des jeunes dès le collège, avec une information sur les filières et leurs débouchés, ce qui suppose aussi que les universités publient des données relatives à l'insertion professionnelle de leurs diplômés.

• Deux millions d'élèves sont confrontés chaque année à un « choix » déterminant de formation.

Dans le secondaire , les échéances fondamentales se situent à la fin de la classe de troisième et de la classe de seconde générale et technologique. En fin de troisième, il s'agit de choisir entre la voie générale et technologique d'une part, et la voie professionnelle d'autre part, les diplômes de la voie professionnelle pouvant eux-mêmes se préparer soit sous statut scolaire, soit par apprentissage. En fin de seconde générale et technologique, c'est la série du baccalauréat (général ou technologique) qui est choisie. Le Haut Conseil de l'éducation indique qu'en 2006-2007, enseignements public et privé confondus, environ deux millions d'élèves des collèges et des lycées ont eu à faire un choix de formation, en fin de troisième, de seconde générale et technologique, de terminale BEP (seconde année de préparation du BEP), de terminale générale, technologique ou professionnelle (seconde année de préparation du baccalauréat professionnel). Par ailleurs, 15 % des étudiants se réorientent à l'issue d'une première année dans l'enseignement supérieur et on peut estimer qu'une très grande proportion des quelques 150 000 jeunes qui quittent le système éducatif sans aucun diplôme ont particulièrement besoin d'accompagnement actif.

Sur la base de ce constat dressé par divers rapports et confirmé par les auditions des jeunes et des sociologues qu'elle a conduites, la mission souligne non seulement l'importance des effectifs concernés par l'orientation mais aussi le fait qu'il s'agit là d'événements dont les modalités et les conséquences marquent très durablement les destins individuels des jeunes Français et leur sentiment à l'égard de l'institution scolaire républicaine.

Notre modèle méritocratique républicain marque le pas : pour s'attaquer à la racine de cette situation, la mission d'information préconise de mettre un terme aux inconvénients de notre processus d'orientation par exclusion.

Les auditions conduites par la mission commune ont mis en évidence un fait majeur : le malaise de la jeunesse est très largement le révélateur de la crise institutionnelle et culturelle du « système méritocratique à la française ». Analysant la situation actuelle, M. Olivier Galland, sociologue, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a ainsi constaté que « l'élitisme républicain », qui correspond à la sélection des meilleurs en fonction de leurs talents et de leurs efforts, ne fonctionne plus dans une école de masse qui doit désormais gérer des publics très divers. Ce modèle repose trop sur un mécanisme d'élimination à chaque palier essentiel d'orientation, ce qui aboutit non seulement à un taux d'échec particulièrement élevé, puisque 20 % des jeunes soit environ 150 000 sortent du système scolaire sans diplôme , mais aussi à un niveau d'acquis scolaires assez faible selon les mesures enregistrées par les enquêtes PISA (programme international de suivi des acquis). Insuffisamment efficace au plan des résultats scolaires et de l'insertion professionnelle, le système éducatif français produit également trop de découragement et porte atteinte à « l'estime de soi ». La mission estime que la gravité de la situation actuelle justifie de ne plus retarder une nouvelle « orientation » des jeunes et du système éducatif vers une réelle valorisation des qualités et potentiels divers de chacun .

Dans d'autres pays, les jeunes sont, moins qu'en France, soumis à cette « pression » scolaire. Mme Cécile Van de Velde, maître de conférences à l'école des hautes études en sciences sociales, a illustré ce phénomène lors de son audition en indiquant que dans les pays scandinaves prévalait une forme de jeunesse longue, indépendante et exploratoire, vécue dans une logique de développement personnel qui peut se résumer à la formule « se trouver ». Elle a précisé que les trajectoires, qui se caractérisent notamment par l'alternance entre le statut d'étudiant et celui de salarié, n'étaient pas vécues par les jeunes scandinaves comme une forme de précarité mais plutôt comme une condition nécessaire de la construction de leur personnalité et de leur positionnement progressif dans la société et l'économie.

Les recommandations de la mission commune dans ce domaine - dont les deux axes reposent sur un changement d'état d'esprit, même si M. Luc Ferry en a souligné la difficulté lors de son audition, et sur une évolution des structures - se fondent tout d'abord sur le constat lucide des défauts actuels de l'orientation, notamment dressé par le Haut Conseil de l'éducation dans son rapport d'activité pour 2008. Au cours de son audition, M. Michel Quéré, directeur du Centre d'études et de recherche sur les qualifications (CEREQ), a résumé les principaux enjeux en discernant les prodromes d'une tendance à la personnalisation de l'accompagnement pour les jeunes en errance après un échec dans l' enseignement supérieur et en signalant que de tels signes n'étaient pas, en revanche, perceptibles pour les jeunes sortant sans diplôme de l' enseignement secondaire . Estimant souhaitables les progrès de l'orientation active, il a observé que l'accompagnement personnalisé est efficace mais coûteux , ce qui implique de procéder à de difficiles arbitrages financiers.

A. L'ORIENTATION SCOLAIRE : UNE CASCADE D'EXCLUSIONS SUCCESSIVES BASÉES SUR DES CRITÈRES PARFOIS CONTESTABLES

A l'issue du collège , l'orientation fonctionne comme un couperet pour de nombreux élèves : ils sont quatre sur dix environ à considérer que leur orientation a été plus subie que voulue . L'orientation provoque alors un sentiment d'injustice alors que mieux mise en oeuvre, elle devrait permettre à chacun d'exploiter tout son potentiel et de s'insérer professionnellement.

1. Des critères de sélection réducteurs et un phénomène de « reproduction sociale » plus inacceptable que jamais

M. Luc Ferry a rappelé, au cours de son audition, l'importance des grandes écoles dans la structuration sociale et éducative de notre pays. Par ailleurs, analysant le processus de « distillation sociale » qui a abouti à l'interruption de leur démocratisation à partir des années 1980, le rapport d'information 34 ( * ) de la commission des affaires culturelles du Sénat de 2007, visant à remédier aux discriminations sociales et territoriales dans l'accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, préconise de mettre fin à une forme de « délit d'initié ». De même, le Haut Conseil de l'éducation précise les caractéristiques de l'orientation qui enclenche, très tôt dans la scolarité, ce phénomène de reproduction.

a) L'orientation consiste à trier les élèves en fonction de leurs seuls résultats scolaires dans les savoirs abstraits

Ce tri s'effectue sans que, par ailleurs, on ait vraiment cherché à détecter leurs aptitudes à réussir dans des apprentissages propres à la voie professionnelle et à ses spécialités, apprentissages qui partent du concret et privilégient une approche plus expérimentale. Le collège reste largement marqué par cette conception de la réussite scolaire. La mission s'insurge contre cette vision réductrice qui porte un grave préjudice à notre pays : en particulier, l'insuffisante valorisation de l'intelligence de la main de nos jeunes constitue non seulement une injustice mais aussi une hérésie économique, sociale et humaine .

b) L'orientation entérine très largement une répartition hiérarchisée des élèves, déterminée dès l'école élémentaire.

Le Haut Conseil de l'éducation illustre ce phénomène en observant que 15 % des élèves connaissent des difficultés sévères ou très sévères dans le primaire et que la même proportion (16 %) quitte le système éducatif sans qualification ni diplôme.

C'est en fait dès la classe de cours préparatoire (CP) qu'il convient de soutenir les élèves en difficulté.

c) Contrairement aux principes fondateurs de l'école républicaine, l'origine sociale et les diplômes des parents sont déterminants

L'orientation dans le second cycle du secondaire se caractérise par des disparités sociales très marquées : près de 91 % des enfants d'enseignants et près de 88 % des enfants de cadres obtiennent le baccalauréat, contre moins de 50 % des enfants d'ouvriers ; dans la voie générale, 40 % des enfants d'enseignants et 41 % des enfants de cadres obtiennent le baccalauréat scientifique, contre seulement un peu plus de 7 % des enfants d'ouvriers ; enfin, 29 % des enfants d'ouvriers ont comme diplôme un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou un brevet d'études professionnelles (BEP), contre 5 % seulement des enfants d'enseignants et de cadres.

Au cours de ses déplacements de terrain, la mission commune d'information a également constaté de fortes disparités territoriales, inéquitables puisque, selon la région où il habite, un élève n'aura pas les mêmes possibilités d'orientation et de formation. L'enseignement professionnel de niveau CAP-BEP prédomine dans les régions où les classes populaires sont très représentées, régions pour certaines héritières des anciens bassins de production comme en Lorraine ou dans le Nord-Pas-de-Calais. L'enseignement général et technologique prédomine dans les régions où les milieux favorisés et les secteurs des services à haute valeur ajoutée sont très présents, en Île-de-France par exemple. Mais dans ces régions, en raison de l'insuffisance des filières de formation professionnelle, tous les élèves n'obtiennent pas une qualification.

2. Plus grave encore, l'orientation des élèves de la filière professionnelle est largement irréversible à défaut de réelles passerelles

a) Un système d'orientation très hiérarchisé

L'orientation s'opère dans un système très hiérarchisé : la voie générale occupe le sommet de cette hiérarchie et constitue un idéal d'études. L'orientation tend alors à procéder par exclusions successives vers des voies ou des filières moins considérées, quand bien même elles offriraient de bons débouchés professionnels.

Dans ce contexte, la difficulté principale tient au fait que l'entrée des élèves en lycée professionnel reste soumise aux capacités d'accueil, les places par spécialité étant contingentées. L'élève orienté en lycée professionnel peut dès lors se voir affecté dans une spécialité qui ne l'intéresse pas ou qui ne correspond pas à ses aptitudes, ou bien il peut être contraint de quitter son secteur géographique, ou les deux. C'est là une différence importante avec le lycée général et technologique où, sauf pour certaines options à recrutement limité, l'offre de seconde est adaptée constamment aux effectifs et uniformément répartie sur le territoire. L'affectation peut laisser penser aux jeunes que l'enseignement professionnel n'est pas traité comme l'enseignement général et technologique et renforcer le sentiment d'injustice quand elle contrarie les voeux des élèves, entérinés par le conseil de classe.

Pour les bacheliers technologiques, la mécanique d'exclusion se poursuit après le baccalauréat s'ils ne trouvent pas de place dans les sections de technicien supérieur (STS) ou les instituts universitaires de technologie (IUT), lesquels constituent pour eux des débouchés naturels mais qui leur préfèrent souvent les bacheliers des séries générales. Or, quand les bacheliers technologiques, par choix ou malgré eux, entrent en première année de licence, leur échec est considérable : seuls 14 % d'entre eux obtiennent la licence en trois ans et 40 % abandonnent les études.

Quand ils sont admis en IUT ou en STS, leur réussite est plus nette, même si elle reste insuffisante : 60 % des bacheliers technologiques sortent d'IUT avec leur diplôme de bac + 2, et 68 % de STS. Si l'on veut que les filières technologiques, et a fortiori professionnelles, conduisent à des études supérieures réussies, la formation générale doit y être consolidée.

b) La rigidité de l'offre de formation professionnelle : le « talon d'Achille » du système scolaire français.

- L'offre de formation professionnelle est abondante, mais le choix pour chaque élève est limité . A plusieurs reprises, au cours des auditions, le nombre excessif de diplômes de l'enseignement professionnel a été souligné. Le Haut Conseil de l'éducation recense environ 215 spécialités de CAP, 50 spécialités de BEP et 63 spécialités de baccalauréats professionnels. Cette multiplication des diplômes, qui rend l'offre difficile à appréhender par les élèves et par leurs parents, s'explique en partie par les demandes des branches professionnelles. Un même niveau de diplôme peut conduire à une insertion rapide - comme dans le cas des CAP de l'artisanat, des métiers de bouche ou de l'orfèvrerie - ou, au contraire, à une insertion problématique - comme pour les BEP du tertiaire administratif.

- L'offre de formation professionnelle s'adapte difficilement aux nécessités économiques .

Pour mieux adapter l'offre de formation aux réalités locales, les lois de décentralisation ont partagé les compétences en la matière entre l'État et les régions. Celles-ci élaborent un schéma prévisionnel des formations et un plan régional de développement des formations (PRDF) en consultant de nombreux partenaires aux intérêts parfois divergents : l'éducation nationale, l'enseignement privé, les chambres de commerce, d'industrie et des métiers, les centres de formation des apprentis, l'enseignement agricole, les milieux professionnels... Même quand les besoins sont connus, les PRDF ne parviennent pas à remédier à la rigidité de l'offre de formation professionnelle .

Le Haut Conseil de l'éducation rappelle à cet égard qu'en premier lieu, les rectorats s'adaptent lentement aux variations du contexte économique en raison du temps qu'exige la mutation, la reconversion ou le recrutement des personnels enseignants . Les contraintes de l'actuel statut des enseignants s'opposent à une évolution rapide de l'offre, problème qui subsistera tant que la discipline enseignée restera unique et invariable durant toute la vie professionnelle.

En deuxième lieu, les régions sont liées par le coût du matériel dans lequel elles ont investi, particulièrement pour les spécialités industrielles , par le coût du bâti, enfin par les souhaits de proximité des élèves et de leurs familles , souhaits auxquels les élus locaux sont particulièrement sensibles.

En troisième lieu, même au niveau régional, les entreprises éprouvent des difficultés à estimer leurs besoins à long terme, particulièrement lorsqu'elles sont de petite ou moyenne taille. Seuls les grands domaines d'activité permettent des projections à long terme, mais généralement au niveau national. En conséquence, des filières de formation aux métiers de la production peuvent notamment rester nombreuses là où l'industrie est en difficulté , et les élèves sont alors dirigés vers des formations qui débouchent difficilement sur des emplois . Cette inadéquation pénalise davantage les premiers niveaux de qualification, dont les titulaires ont un taux de chômage plus élevé que la moyenne nationale. Une meilleure concordance des cartes de formation avec l'environnement économique régional doit être recherchée , conformément à la logique de la décentralisation.

- Dans la voie professionnelle courte, les formations tertiaires sont préférées à celles du secteur de la production qui offrent pourtant plus de débouchés . Sur dix diplômés au niveau du CAP ou du BEP, six le sont dans une spécialité du tertiaire et, sur les cinq groupes de spécialités de CAP-BEP qui concentrent la moitié des élèves, quatre relèvent du secteur des services (commerce-vente, comptabilité-gestion, secrétariat-bureautique et spécialités sanitaires et sociales), tandis qu'un seul groupe relève du secteur de la production (électricité-électronique). Or les CAP et les BEP tertiaires ne permettent l'accès rapide et durable à l'emploi qu'à 69 % de leurs titulaires - essentiellement en raison des difficultés d'insertion rencontrées par les titulaires d'un diplôme du tertiaire administratif de ce niveau -, et les CAP et BEP industriels le permettent à 77 % des leurs.

Pour atteindre le même taux d'accès immédiat et durable à l'emploi que les diplômés des spécialités industrielles, les diplômés en secrétariat et en comptabilité doivent être au moins titulaires d'un baccalauréat. Les postes longtemps occupés par des titulaires de CAP ou de BEP dans ces deux domaines sont aujourd'hui attribués à des titulaires de niveau de qualification supérieur. Les formations tertiaires de niveau CAP-BEP qui scolarisent actuellement le plus d'élèves, un élève de BEP sur trois environ, restent pourtant le secrétariat et la comptabilité, orientations sans perspectives d'insertion professionnelle importantes ; elles concernent essentiellement les filles, très majoritaires dans ces formations.

La position des titulaires d'un CAP ou d'un BEP s'est détériorée, surtout dans le secteur tertiaire où le taux de chômage de ces diplômés a progressé de 4 points entre la génération 2001 et la génération 2004 et atteint 22 %. En règle générale, la difficulté de s'insérer professionnellement avec un diplôme inférieur au baccalauréat est grande, sauf dans l'hôtellerie et le tourisme, le bâtiment et les travaux publics, les services aux particuliers, secteurs dans lesquels les recrutements au niveau du CAP ou du BEP, ou encore ceux de non-diplômés, restent significatifs.

- Dans ce schéma général, le cas de l'apprentissage se singularise puisqu'il assure convenablement l'adéquation des formations au marché du travail.

L'obligation d'un contrat entre un apprenti et une entreprise rend quasi impossible une formation dans une spécialité dépourvue de perspectives d'insertion. À diplôme identique, la comparaison des taux d'emploi entre les jeunes qui sortent de la voie scolaire et ceux qui sortent de l'apprentissage est favorable aux seconds. En 2006, 80 % des titulaires d'un baccalauréat professionnel obtenu par apprentissage avaient un emploi, contre 64 % pour la voie scolaire ; pour les titulaires d'un CAP-BEP, les chiffres étaient respectivement de 66 % et 43 %. L'apprentissage a évolué : il n'est plus limité au niveau CAP-BEP, même si ce niveau représente encore à peu près 60 % de l'effectif global. La part des jeunes qui ont préparé par apprentissage un diplôme de niveau égal ou supérieur au baccalauréat a augmenté : pour le baccalauréat, elle est passée de 14 à 21 % entre 1995 et 2003 ; celle des jeunes qui sont entrés en apprentissage avec au minimum un baccalauréat est passée, quant à elle, de 6 à 17 %. À cette hausse du niveau des diplômes préparés s'est ajoutée, moins visible mais bien réelle, l'élévation du capital scolaire des apprentis préparant un CAP ou un BEP : près des trois quarts d'entre eux ont suivi la voie scolaire jusqu'à la classe de troisième. Il y a trente ans, seul un quart avait atteint cette classe.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la France a fait le choix d'intégrer la formation professionnelle initiale dans les établissements scolaires. Aujourd'hui, pour réduire le nombre de sorties du système éducatif sans qualification, un recours accru aux entreprises est privilégié : le développement de la formation en alternance, telle qu'elle est mise en oeuvre en général dans l'apprentissage, est susceptible de bénéficier surtout aux premiers niveaux de qualification.

c) Une mauvaise orientation est difficile à rattraper

A l'issue de la classe de 3 e , environ six élèves sur dix se retrouvent dans la voie générale et technologique et quatre sur dix dans la voie professionnelle . Cette orientation initiale dans l'une ou l'autre voie engage fortement les élèves, même si le code de l'éducation dispose que « le passage des élèves des formations de l'enseignement général et technologique vers les formations professionnelles et des formations professionnelles vers les formations de l'enseignement général et technologique est rendu possible par des structures pédagogiques appropriées » .

La réorientation de seconde générale ou technologique en seconde professionnelle (BEP) concerne, depuis plusieurs années, un peu plus de 4 % des élèves . Il s'agit d'élèves qui, orientés en lycée général et technologique en fin de troisième, n'ont pas obtenu en classe de seconde des résultats leur permettant de passer en première ou de redoubler avec profit, et de ceux qui, peu nombreux, sont arrivés en seconde générale et technologique faute d'avoir trouvé une place en lycée professionnel et tentent de nouveau leur chance. Ces élèves ne sont pas prioritaires par rapport à ceux qui viennent de troisième et, dans les spécialités très demandées, ils peuvent continuer à ne pas trouver de place.

Dans l'autre sens, de l'enseignement professionnel vers l'enseignement général et technologique , la première d'adaptation permet à des élèves titulaires d'un BEP de préparer ensuite un baccalauréat technologique. Les effectifs concernés sont en diminution depuis plusieurs années : de 17 % des élèves de BEP entrant en classe d'adaptation à la rentrée 1996, on est passé à 12 % en 2006. Deux raisons principales peuvent l'expliquer :

- les établissements professionnels gardent les meilleurs éléments pour les baccalauréats professionnels auxquels ils préparent ;

- les élèves eux-mêmes préfèrent viser un baccalauréat professionnel qu'ils sentent plus à leur portée qu'un baccalauréat technologique les obligeant à quitter leur établissement pour un cursus incertain, quitte, pour 12 % d'entre eux environ, à se présenter plus tard, une fois le baccalauréat professionnel obtenu, en première année de STS.

Se réorienter n'est pas facile, car les parcours qui le permettent ne sont pas assez développés ni adaptés . Il serait opportun de redéfinir les moments de la scolarité auxquels proposer des dispositifs de réorientation ou des classes passerelles, et d'encourager toutes les expérimentations relatives aux changements de cursus, comme les réorientations effectuées après quelques semaines de classe, sur la base d'un bilan de rentrée, avant que le premier trimestre ne soit trop engagé et quand l'état des places vacantes est stabilisé.

L'orientation des élèves et leur niveau de qualification final sont ainsi conditionnés par la structure de l'offre éducative. Cette rigidité globale conduit à des orientations quasi forcées et aboutit à trop d'abandons en cours de scolarité ; elle n'assure pas non plus une adaptation pertinente à l'évolution du marché de l'emploi.

B. UNE MEILLEURE ORIENTATION DES ÉTUDIANTS LIÉE À LA RÉFORME DES UNIVERSITÉS

Les progrès de l'orientation des étudiants ont étés stimulés par la mise en oeuvre des réformes introduites par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités et dans le cadre des « chantiers », liés par Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Depuis quelques années, de nombreux rapports constataient l'échec de l'orientation des étudiants et la dégradation de leur insertion professionnelle. Ainsi, la Cour des comptes, dans un rapport réalisé en 2005 sur « L'efficience et l'efficacité des universités », notait que la première année universitaire génère un taux de déperdition proche du tiers , puisqu'un étudiant sur trois est amené à se réorienter à terme. En 2006, le rapport de M. Patrick Hetzel, « De l'université à l'emploi » signalait que 11 % des diplômés étaient au chômage trois ans après leur sortie et rappelait combien les étudiants éprouvent des craintes au sujet de leur avenir professionnel et redoutent la déqualification de leurs diplômes. M. Jean-Léonce Dupont, vice-président de la mission et rapporteur de l'enseignement supérieur pour la commission des affaires culturelles, a également régulièrement dénoncé cette situation, source à la fois d'un gâchis humain et d'un gaspillage collectif. Lors de ses auditions, la mission a constaté l'aggravation de ce climat d'inquiétude.

En réponse à cette situation, l'article premier de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a ajouté « l'orientation et l'insertion professionnelle » aux missions de service public des établissements d'enseignement supérieur. Cet ajout traduit juridiquement le souci, partagé depuis longtemps par les pouvoirs publics et le milieu universitaire, de rapprocher l'université du monde de l'emploi et de faire cesser la sélection par l'échec . Les universités doivent désormais se doter d'outils adaptés et de moyens suffisants pour accomplir cette nouvelle mission de service public . La loi précitée a prévu trois dispositions dont la mission d'information estime qu'il convient de suivre attentivement la mise en oeuvre concrète, conformément à la volonté clairement exprimée par le Sénat en 2007 35 ( * ) .

1. Le dispositif « d'orientation active »

L'article 20 de la loi prévoit la mise en oeuvre d'un dispositif « d'orientation active » : chaque lycéen peut, par le biais d'une pré-inscription, solliciter l'information et l'aide à l'orientation de l'établissement de son choix.

L'orientation active, déjà pratiquée en 2007, a été généralisée à la rentrée 2008 selon de nouvelles modalités fixées par la circulaire n° 2008-013 du 22 janvier 2008 relative à « l'orientation des futurs bacheliers vers l'enseignement supérieur en vue de la rentrée 2008 : modalités spécifiques aux lycées ». Les informations recueillies sur sa mise en application ont permis d'établir un bilan provisoire en demi-teinte. Seuls 31 % des lycéens préinscrits ont pu bénéficier d'un avis et d'un conseil d'orientation. Le nombre d'entretiens avec les lycéens a été faible : ce sont pourtant de réels outils de dialogue et de conseil. En outre, trop peu de lycéens des filières technologiques ou professionnelles s'y sont impliqués alors que 88 % des lycéens préparant un baccalauréat de la série générale y ont participé, avec une prédominance de la série scientifique.

Ce bilan provisoire a suscité, au cours des débats parlementaires relatifs au projet de loi de finances pour 2009, quatre préconisations :

- rendre obligatoire l'entretien individuel, dès lors qu'il est proposé par la commission d'enseignants chargés de l'orientation active ;

- mobiliser les acteurs en favorisant les universités qui s'investissent financièrement et humainement dans la procédure d'orientation active, en augmentant la prime de responsabilité pédagogique des enseignants qui s'impliquent ou en engageant des étudiants vacataires ;

- améliorer l'information auprès des bacheliers technologiques et professionnels ;

- et valoriser l'engagement pédagogique des enseignants qui oeuvrent à l'insertion des étudiants.

Lors de son audition 36 ( * ) , M. Bernard Saint-Girons, délégué interministériel à l'orientation, a signalé à la mission que son dernier rapport d'activité, qui sera publié prochainement, comporterait une évaluation de la mise en oeuvre de l'orientation active dans l'enseignement supérieur. D'après les indications recueillies par la mission, ce rapport estime que ce dispositif n'a pas encore atteint son objectif, notamment auprès des publics les plus fragiles . En effet, la procédure a tout d'abord été perçue par de nombreux lycéens comme complexe, largement facultative et constituant une forme de sélection déguisée. En second lieu, s'agissant de la mobilisation des universités, le délégué interministériel à l'orientation relève une grande diversité de pratiques, parfois même au sein d'un même établissement ; il observe simultanément que les lycées se sont très inégalement impliqués dans la mise en oeuvre de l'orientation active, alors que son succès dépend très étroitement de la qualité du partenariat entre les établissements d'enseignement secondaire et supérieur.

Il a cependant cité en exemple les démarches d'universités comme Paris XII ou celle de Marne-la-Vallée qui proposent aux étudiants des plateformes permettant de guider les jeunes et de renforcer la cohérence de leurs projets.

La mission souligne l'importance qui s'attache à généraliser ces « bonnes pratiques » en rappelant qu'environ 80 000 étudiants - soit 20 % d'entre eux - quittent l'université sans diplôme .

Une récente étude de l'Observatoire national de la Vie Etudiante (OVE), publiée en avril 2009, analyse les trois facteurs principaux qui expliquent ces « décrochages » de l'enseignement supérieur en insistant :

- tout d'abord, sur la défaillance du processus d'orientation qui conduit certains étudiants des « choix hasardeux » ;

- ensuite sur la difficulté pour les jeunes étudiants, moins encadrés qu'au lycée, d'adopter de nouvelles méthodes de travail plus autonomes et plus efficaces ;

- et enfin sur la « concurrence des activités extra-universitaires » , qui sont propices au décrochage, même si les auteurs estiment cependant que le travail étudiant n'est pas incompatible avec l'université.

2. La nécessaire publication des indicateurs de réussite et d'insertion professionnelle

Par ailleurs, les universités ont désormais l'obligation de publier des « statistiques comportant des indicateurs de réussite aux examens et aux diplômes, de poursuite d'études et d'insertion professionnelle des étudiants » (article 20, alinéa 2 de la loi du 10 août 2007). En la matière, la capacité des universités à fournir ces informations est encore très variable et les marges de progrès sont considérables.

Sur le terrain, il paraît encore aujourd'hui difficile de définir des indicateurs fiables et équitables permettant aux étudiants d'être pleinement informés des perspectives qu'offrent les filières vers lesquelles ils s'orientent et de l'évolution des besoins du monde du travail. A terme, les indicateurs quantitatifs devraient être pondérés de façon à prendre en considération la nature du public d'étudiants considéré, le bassin d'emploi et à privilégier l'évolution des taux d'insertion plutôt que leur valeur absolue .

Ces indicateurs sont aussi des outils d'aide à la décision pour les universités, afin de piloter l'évolution de leur offre de formation. Leur évolution sera prise en compte au titre des nouvelles modalités de répartition des moyens budgétaires aux universités 37 ( * ) .

3. La création des bureaux d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants

Enfin, l'article 21 de la loi prévoit qu'un « bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants (BAIP) est créé dans chaque université ». Les BAIP sont appelés à jouer un rôle crucial dans la nouvelle mission des universités. Chargés d'assister les étudiants dans leur recherche de stage et de premier emploi, ils devront également publier les statistiques prévues à l'article 20 de la loi, destinées à guider le choix de cursus des futurs étudiants.

Il faut donc veiller à ce que l'engagement financier de l'État garantisse l'efficacité de ces nouvelles structures.

C. VERS UNE « ORIENTATION ACTIVE », PLUS LISIBLE, PROFESSIONNELLE ET PRAGMATIQUE

1. Face à la crise, davantage prendre en compte les besoins des filières en tension

La situation alarmante de l'accès à l'emploi des jeunes a conduit la mission à s'efforcer de distinguer les composantes structurelles et conjoncturelles de la politique en faveur des jeunes. Plus que jamais les difficultés économiques actuelles conduisent à insister, au titre des mesures urgentes, sur l'inadéquation entre les offres et les demandes d'emploi . A cet égard, la mission estime nécessaire de rappeler, notamment à l'usage des personnels en charge de l'orientation, la décomposition des 989 375 projets de recrutement en 2009 telle qu'elle résulte de l'enquête Besoins en Main d'OEuvre (BMO) publiée par le Pôle emploi .

Réalisée en octobre-novembre 2008 dans les 22 régions métropolitaines et dans les 4 départements d'Outre-mer, cette enquête mesure les intentions de recrutement des employeurs. Elle est présentée comme exhaustive par ses auteurs et concerne l'ensemble des 1,5 million d'établissements affiliés à l'assurance chômage et fournit des indications au niveau de chacun des 379 bassins d'emploi.

Un million de projets de recrutement en 2009

La mission estime particulièrement nécessaire, dans cette période de crise, d'informer et de sensibiliser les jeunes sur les métiers en tension qui connaissent des difficultés de recrutement.

L'actualité récente conduit la mission à rappeler que le secteur de la restauration est un important gisement d'emplois pour les jeunes peu qualifiés, particulièrement pénalisés par la crise.

Le 28 avril 2009, à l'occasion des États généraux de la restauration , Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

- a rappelé que la négociation finale du 10 mars 2009 du Conseil pour les affaires économiques et financières, c'est-à-dire la formation du Conseil de l'Union européenne rassemblant les ministres des finances des États membres, dit « ECOFIN », avait finalement permis d'ajouter la France à la liste des 11 pays de l'Union européenne bénéficiant de la TVA à taux réduit de 5,5 % sur la restauration ;

- et souligné que ce « passage à 5,5 % représente pour l'Etat un coût annuel de 3 milliards d'euros presque le montant d'un porte-avions de nouvelle génération!» ;

- elle a enfin précisé les contreparties qu'impliquent cet effort financier : « le contribuable est donc généreux envers vous. En retour, il est naturel que vous vous montriez généreux envers les consommateurs, envers les salariés, et aussi envers vous-même, en investissant et en réinvestissant dans vos entreprises. C'est tout l'enjeu du contrat d'avenir que nous allons signer ensemble. »

S'agissant de l'emploi des jeunes, les investigations de la mission commune d'information corroborent le diagnostic sans concessions effectué par la ministre devant les professionnels : « le secteur de la restauration souffre d'une image parfois négative des conditions de travail de vos salariés. Le taux de rotation dans vos entreprises est élevé, le taux d'abandon en cours d'apprentissage également. Il est donc indispensable que les salariés soient mieux associés au développement de l'entreprise afin que votre profession retrouve une meilleure image. ».

La mission souligne qu'en cette période où l'emploi des jeunes est la priorité, le secteur de la restauration , qui compte plus de 185 000 entreprises et de 600 000 salariés, s'est engagé sur des objectifs précis : 40 000 créations d'emplois, dont 20 000 emplois supplémentaires pérennes et 20 000 jeunes en apprentissage, alternance ou contrat de professionnalisation . Elle veillera à ce que le Gouvernement communique au Parlement chaque année les résultats de l'évaluation précise des recrutements nets dans le secteur et de la comptabilisation des jeunes en apprentissage qui ont été annoncées.

2. Mobiliser et interconnecter les réseaux d'orientation pour prévenir le « décrochage scolaire »

L'illisibilité des structures d'orientation, de formation et d'insertion des jeunes en difficulté ou demandeurs d'emploi est un des constats majeurs de la mission.

a) Guider les jeunes en difficulté dans le labyrinthe des dispositifs

De nombreuses personnes auditionnées par la mission ont souligné à quel point ces jeunes peuvent être désorientés par la multitude des intervenants auxquels ils peuvent s'adresser. En effet, de très nombreux sites Internet ainsi qu'un très grand nombre de structures proposent une orientation aux personnes en recherche d'emploi ou de reconversion professionnelle : le Réseau information jeunesse (centres régionaux information jeunesse (CRIJ), bureaux information jeunesse (BIJ), Points information jeunesse (PIJ), Pôle emploi, les missions locales, les chambres consulaires, les maisons de l'emploi, le secteur associatif, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), les directions des relations humaines des entreprises ...

Or, l'orientation des adultes, quel que soit leur secteur d'activité, suppose de pouvoir accéder à des professionnels détenant de multiples compétences relatives à l'évaluation des personnes, une connaissance de l'évolution des marchés et des métiers à l'échelle régionale ou nationale ; elle suppose aussi un référent unique et une mutualisation des compétences, des informations et des bases de données.

La mission fait observer que la complexité et les défauts de nos mécanismes d'orientation sont, en grande partie, le révélateur des cloisonnements entre les multiples dispositifs d'insertion ou de formation professionnelle initiale ou continue qui, à travers des structures et des circuits de financement séparés, poursuivent les mêmes objectifs d'accès à l'emploi des jeunes.

Elle préconise le développement de la « fertilisation croisée » entre ces divers canaux d'accompagnement et estime que la création d'un service public unifié de l'orientation serait de nature à enclencher cette dynamique, tout en simplifiant la lisibilité de notre mosaïque de dispositifs. Il s'agirait là du prolongement naturel de la création de la délégation interministérielle à l'orientation, par le décret n° 2006-1137 du 11 septembre 2006 instituant un délégué interministériel à l'orientation. Cette délégation s'efforce de mettre en relation tous les acteurs institutionnels, économiques et éducatifs, et a créé un portail internet (www.orientation-formation.fr) commun à l'État, aux régions et aux partenaires sociaux pour accompagner les publics concernés dans leurs démarches d'orientation et de formation.

L'audition de M. Bernard Saint-Girons, délégué interministériel à l'orientation (DIO), a permis à la mission de mettre en évidence le paradoxe français de la coexistence entre :

- les 8 500 points d'information recensés sur le territoire, qui manifestent l'ampleur et la progression des moyens assignés à l'orientation ;

- et la permanence d'un sentiment général de déficit de « signalisation » des parcours scolaires ou d'insertion professionnelle ainsi que d'un flux annuel d'environ 150 000 jeunes sans diplôme, qui se retrouvent bien souvent en « errance » avant, pendant et après leur scolarité.

Le délégué interministériel a fait observer qu'une des clefs de compréhension de ce dysfonctionnement résidait dans l'insuffisance de concertation et d'interconnexion entre ces milliers d'entités qui relèvent de 22 réseaux différents : cette diversité qui devrait représenter idéalement une richesse se traduit, sur le terrain, par une excessive segmentation et une certaine déperdition d'énergie.

b) Encourager les progrès de l'interministérialité et de la coopération entre les réseaux d'orientation

M. Bernard Saint-Girons a illustré les avancées récentes en matière de décloisonnement de l'orientation et d'action interministérielle en évoquant la très récente instruction n° 09-060 du 22 avril 2009 relative à la prévention du décrochage scolaire et à l'accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système scolaire. Ce texte est, en effet, signé par huit membres du Gouvernement 38 ( * ) .

Il vise tout d'abord à améliorer le repérage des « décrocheurs de la formation initiale » . La mission d'information ne peut qu'approuver l'affirmation de principe selon laquelle « le ministère de l'éducation nationale doit faire de cette question un axe essentiel de son pilotage. » La connaissance rapide et fiable des élèves décrocheurs doit être réalisée sous la responsabilité des chefs d'établissement , notamment ceux des lycées professionnels qui représentent la cible principale de cette politique, une interconnexion des différentes bases de gestion interne étant prévue dès la présente année scolaire dans les académies aux effectifs les plus importants et généralisée à tous les rectorats à partir de la rentrée 2009. Ce renforcement général des conditions de repérage des élèves décrocheurs associera nécessairement les collectivités territoriales, notamment les centres de formation accueillant des apprentis relevant de leur autorité.

Ce dispositif doit permettre, à partir des structures d'enseignement initial, le transfert des informations aux différents partenaires concernés au niveau local et implique la réalisation d'interfaces entre les différents systèmes d'information. Le texte évoque également l'interconnexion des systèmes automatisés prévue dès cette année, prioritairement au sein des centres d'information et d'orientation (CIO), des missions locales ou de tout autre point d'information ou d'accueil des jeunes hors des enceintes scolaires.

Après leur repérage, l'accompagnement des jeunes sortant de formation initiale sans diplôme repose sur la construction d'une coordination locale.

Il s'agit de « proposer sans délai des solutions de formation ou d'insertion aux jeunes identifiés comme décrocheurs , en cours ou en fin d'année scolaire » . Cette coordination doit rassembler l'ensemble des responsables relevant de l'éducation nationale, de l'enseignement agricole, de la justice - dont la protection judiciaire de la jeunesse - des centres de formation d'apprentis (CFA), des centres d'information et d'orientation (CIO), des missions générales d'insertion de l'Éducation nationale, des correspondants insertion pour l'enseignement agricole, des missions locales, des permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), du service public de l'emploi (SPE), du réseau d'information jeunesse ainsi que des collectivités territoriales compétentes. Une convention nationale devrait être conclue dans les prochaines semaines à cet effet, entre les ministères chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse, de l'emploi, de la ville et de l'agriculture d'une part, et le réseau des missions locales d'autre part ; elle déclinera ce nouveau cadre d'action.

L' échelle géographique retenue pour cette coordination doit être celle où s'organisent les services d'information et d'insertion des jeunes (agglomération, bassin d'emploi ou de formation,...), tout en prenant en compte les coopérations existantes dans ces domaines. Sans constituer une structure administrative supplémentaire, cette coordination doit mieux articuler, au niveau territorial pertinent, diagnostics et solutions concrètes au bénéfice des jeunes repérés . Compte tenu du caractère régional du pilotage des réseaux de formation, d'accueil, d'orientation et d'accompagnement, les principes et les périmètres de cette coordination seront arrêtés conjointement par le préfet de région, le recteur d'académie et le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, en concertation avec le président du conseil régional. A partir du cadre établi au niveau régional, il reviendra au préfet de département, en liaison avec l'inspecteur d'académie et le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, de désigner, après consultation des collectivités territoriales concernées, un responsable de la coordination locale . Ce dernier pourra être un cadre de l'éducation nationale (chef d'établissement, directeur de CIO, par exemple), un directeur de mission locale ou de PAIO, un cadre du service public de l'emploi, d'une collectivité territoriale, d'une association, le délégué du préfet dans un quartier ou le sous-préfet lui-même.

La coordination entre ces acteurs doit permettre de :

- réaliser un diagnostic territorial sur les forces et les faiblesses de la coordination existante ;

- s'assurer que chaque jeune sortant du système scolaire sans qualification ou diplôme soit identifié et que ses besoins comme son projet soient analysés et ses acquis reconnus ;

- veiller à orienter chaque jeune vers un réfèrent qui l'amène soit vers la reprise d'une formation, soit vers l'emploi, soit vers le dispositif d'accompagnement le plus approprié pour sa qualification et son insertion professionnelle future ;

- prévoir que chaque acteur mette à jour en continu ses offres locales de formation, d'information et d'accompagnement et mutualise les informations provenant de l'éducation nationale, du service public de l'emploi et des réseaux d'accueil et d'accompagnement des jeunes, sans exclure la possibilité de formations conjointes à cet effet ;

- et d'utiliser les services d'aide à l'orientation accessible par Internet et par voie téléphonique, tout en veillant à l'actualisation des informations délivrées aux jeunes et à leurs familles pour, éventuellement, assurer la mise en relation avec un réfèrent local identifié.

Pour faciliter l'exercice de leurs missions et pour qu'ils puissent régulièrement partager leurs expériences, sous l'autorité de leurs tutelles respectives, ces coordonnateurs pourront être réunis lors de rencontres nationales organisées par la délégation interministérielle à l'orientation.

Au niveau du département et pour chaque périmètre de coordination, des objectifs de réduction des situations de sorties sans diplôme seront fixés. De plus trois indicateurs seront élaborés, suivis trimestriellement et adressés conjointement aux autorités de tutelle ainsi qu'au délégué interministériel à l'orientation :

- le nombre total de jeunes sortis sans diplôme du système de formation initiale chaque année scolaire ;

- le nombre de jeunes pris en charge par les réseaux participant à la coordination locale chaque année scolaire ;

- et nombre de jeunes ayant bénéficié d'une solution une année après le premier contact avec la coordination locale.

Enfin, des expérimentations locales pourront être engagées dès cette année dans le cadre du fonds institué par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, pour soutenir des actions innovantes en matière de prévention et de traitement des sorties sans diplôme de formation initiale. Dix millions d'euros seront mobilisés, en 2009, au sein de ce fonds.

c) Généraliser les expériences réussies : les plateformes multiservices d'information régionales

Tout au long de ses travaux, la mission d'information s'est efforcée de fonder ses recommandations sur l'observation de pratiques de terrain ayant dores et déjà démontré leur efficacité . Constatant que par réaction à l'illisibilité du « mille-feuille » des dispositifs d'orientation et d'insertion, se manifestait une demande de « guichet unique », elle s'est demandée comment et à quel échelon local il conviendrait d'organiser la simplification des démarches d'orientation.

Interrogé à ce sujet par votre rapporteur, le délégué interministériel à l'orientation s'est montré réservé à l'égard du concept de « guichet unique » stricto sensu , sauf à considérer que celui-ci exerce une fonction d'aiguillage vers des structures suffisamment outillées et spécialisées, auquel cas cette solution se rapproche de la logique des « plateformes multiservices ».

Plusieurs expérimentations réussies 39 ( * ) incitent la mission à préconiser la généralisation de ces plateformes.

d) S'inspirer des démarches d'orientation proactive citées en exemple par l'OCDE et la Commission européenne.

A la recherche de solutions consistant à identifier les pratiques exemplaires pour en recommander la généralisation, la mission a noté avec un très grand intérêt, lors de l'audition de M. Alberto Lopez, directeur adjoint du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), que celui-ci estimait souhaitable, pour les non-diplômés, d' inverser la logique actuelle d'offre de « guichets d'orientation » pour aller dans le sens d'une démarche plus dynamique. Il a alors signalé l'existence, aux Pays-Bas, d'un dispositif géré par les collectivités territoriales qui permet à un conseiller d'orientation de se rendre au domicile du jeune en difficulté. Faisant observer qu'un certain nombre de jeunes sans diplôme accédaient à l'emploi sans avoir besoin d'aide extérieure, il a cependant estimé nécessaire de franchir un pallier pour leur proposer une « offre portée » et moins aléatoire.

La mission observe par ailleurs qu'un rapport intitulé « L'orientation professionnelle - Guide pratique pour les décideurs », publié en 2004 conjointement par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Commission européenne, indique, au titre des bonnes pratiques de l'orientation et de l'insertion, que les communes danoises sont tenues de contacter les jeunes qui ont abandonné l'école au moins deux fois par an jusqu'à l'âge de 19 ans . En s'inspirant de ces exemples étrangers, elle préconise l'expérimentation en France de cette démarche très volontariste de soutien et d'accompagnement des jeunes les plus en difficulté .

3. Intégrer la connaissance actualisée des métiers dans la formation et l'activité des conseillers d'orientation-psychologues (COP)

La mission d'information a pu constater, une fois de plus, que les conseillers d'orientation-psychologues (COP) ont tendance à faire l'objet d'un discours très négatif, y compris dans le cadre de rapports récents sur la problématique générale de l'orientation. Les COP sont, en effet, placés à l'épicentre de la crise de notre système d'orientation et subissent très directement la charge émotive qui l'entoure.

a) Ces 4 300 fonctionnaires de l'éducation nationale cristallisent nombre de critiques

Juridiquement , leur mission a été définie, pour la première fois, en 1922, par un décret qui créait les centres départementaux d'orientation. Il convient également de signaler la création, par un décret du 7 juillet 1971, des centres d'information et d'orientation ou CIO, l'adoption, en 1972, d'un décret relatif au statut du personnel d'information et d'orientation et, enfin, l'adoption du décret n° 91-290 du 20 mars 1991 qui régit le statut actuel des directeurs de CIO et des COP. Depuis la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989, l'école reconnaît et met en oeuvre un droit à l'orientation . Ce droit a été récemment renforcé par le législateur, puisque la loi du 23 avril 2005 sur l'avenir de l'école l'a lié au socle commun de connaissances et de compétences . Le législateur a chargé expressément les COP de veiller, avec d'autres, au bon exercice de ce nouveau droit : aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, « la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société ». Dans ce cadre, l'article L. 313-1 précise que « les élèves élaborent leur projet d'orientation scolaire et professionnelle avec l'aide des parents, des enseignants, des personnels d'orientation et des autres professionnels compétents ».

Statistiquement , les COP sont, par rapport à la population scolaire, peu nombreux. On compte 3 787 conseillers, auxquels il convient d'ajouter les 521 directeurs assurant la responsabilité des 578 CIO. Le nombre total des personnels d'orientation relevant du programme 141 « Enseignement public du second degré » est de 4 308 . Ainsi, selon l'Association des conseillers d'orientation-psychologues de France, on compte un COP pour 3 550 élèves du second degré. Selon la direction générale de l'enseignement scolaire, chaque COP a pris en charge individuellement, en moyenne nationale, 427 élèves de l'enseignement secondaire public. Tous publics et niveaux confondus, chaque COP a pris en charge individuellement, en moyenne nationale, 506 jeunes.

Le coût budgétaire de ces personnels est peu élevé : il représente environ 0,5 % du budget de l'éducation nationale .

D'après le rapport pour avis n° 79 (2006-2007) présenté par M. Philippe Richert, Mmes Françoise Férat et Annie David au nom de la commission des affaires culturelles, sur le projet de loi de finances pour 2007, les COP forment, en outre, un corps en voie d'extinction , notamment depuis 2003, année du transfert de ces personnels aux régions, comme le montre le tableau ci-après.

LE RECRUTEMENT DES CONSEILLERS D'ORIENTATION-PSYCHOLOGUES DEPUIS 2000

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Concours externe

155

165

190

190

110

110

50

50

Concours interne

30

20

15

10

10

10

5

0

Concours réservé

55

40

47

40

15

10

0

0

Examen professionnel

0

45

35

19

15

6

0

0

Total

240

270

287

259

150

136

55

50

Source : Association des conseillers d'orientation-psychologues.

Dans ce contexte, la mission a relevé avec intérêt la suggestion formulée par M. Bernard Saint-Girons, délégué interministériel à l'orientation, qui préconise d'organiser un recrutement au « tour extérieur » de conseillers d'orientation de façon à permettre à d'anciens professeurs ou à des personnes issues du monde de l'entreprise d'intégrer ce corps de fonctionnaires.

b) Leur formation ne réserve qu'une faible part à la connaissance des métiers

- Les conseillers sont très attachés à leur formation de psychologue . Celle-ci a été rendue obligatoire par le décret n° 91-290 du 20 mars 1991, dont l'article 3 dispose que le concours externe d'accès au corps des COP est réservé aux candidats titulaires de la licence de psychologie délivrée en France. Pour le justifier, les COP mettent en avant le fait que beaucoup d'élèves ont une représentation du monde du travail et de l'école parfois totalement irréaliste.

- Cependant, la formation initiale des COP aux métiers apparaît comme très nettement insuffisante . Sur un total de 990 heures, aux côtés des 500 heures consacrées à la psychologie de l'orientation et des 150 heures consacrées aux théories et pratiques de l'élaboration des choix, la maquette du programme, définie par l'annexe de l'arrêté du 20 mars 1991 relatif au diplôme de conseiller d'orientation-psychologue, réserve seulement 80 heures aux problèmes de l'insertion sociale et professionnelle. La formation prévoit toutefois 14 semaines de stage en CIO et 6 à 8 semaines de stage en entreprise.

- En outre, la formation continue des COP à la connaissance des métiers fait totalement défaut, au sens où elle n'est pas organisée en tant que telle et ne relève que de leur propre initiative.

Dans certains établissements, les parents prennent eux-mêmes les choses en main et organisent des forums sur les métiers qui sont appréciés par les jeunes.

4. Changer la conception des parcours dans notre modèle éducatif : généraliser la culture de l'orientation, des passerelles et du positionnement progressif des trajectoires

De façon générale, la mission a été frappée par le caractère, assez singulier en Europe, de la « pression » que fait peser le système éducatif français sur ses jeunes . Cette pression, trop souvent relayée par les familles, est assez peu efficace au plan des résultats scolaires , comme en témoignent d'une part, l'ampleur des sorties sans diplômes et, d'autre part, le niveau assez décevant des aptitudes, notamment scientifiques, des élèves ayant réussi. A cet égard, si on se réfère aux enquêtes relevant du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) : en 2003, la France était à la 10 e place pour les sciences ; elle a reculé au 19 e rang parmi les trente pays de l'OCDE, ce décrochage se confirmant également dans la compréhension de l'écrit (lecture) et les mathématiques. En outre, notre modèle éducatif s'accompagne économiquement d'une faible insertion des jeunes dans l'emploi et psychologiquement d'une perte « d'estime de soi ».

Ce cumul de handicaps amène tout naturellement à examiner la logique d'autres systèmes éducatifs qui, comme celui de la Finlande, privilégient l'acquisition des savoirs dans un climat scolaire coopératif et dont les élèves figurent au premier rang des tests d'aptitude PISA. La mission fait observer que, dans ce pays, la préoccupation de l'orientation professionnelle se manifeste dans toutes les matières enseignées, comme le souligne le guide pratique pour les décideurs en matière d'orientation professionnelle publié par l'OCDE et l'Union Européenne. Ce même rapport mentionne, au titre des exemples à suivre, la situation au Canada ( Québec ) où les écoles sont encouragées à appliquer le concept d'une école à vocation d'orientation (« l'école orientant » ). La planification personnelle et professionnelle est considérée comme l'un des grands domaines de l'apprentissage tout au long de la scolarité : il s'agit dans le primaire d'aider les élèves à se forger une identité et de les orienter vers le choix d'une carrière pendant la durée de l'enseignement secondaire. On s'assure par la même occasion que les élèves comprennent l'utilité de ce qu'ils apprennent (langues, mathématiques, sciences, etc.) et la raison pour laquelle ils font ces études.

Ces éléments d'analyse se résument à constater, une fois encore, les vertus de la « pédagogie active » qui prouvent également leur efficacité dans le domaine de l'insertion professionnelle à l'issue d'un parcours en alternance.

D. LA SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION SUR L'ORIENTATION

AMELIORER L'ORIENTATION DES JEUNES

A- Renforcer l'efficacité de l'orientation :

- Dans le prolongement de la création de la délégation interministérielle à l'orientation le 11 septembre 2006, créer un véritable service public de l'orientation et généraliser les plateformes multiservices d'information régionales exerçant une fonction d'aiguillage vers les dispositifs et acteurs institutionnels, économiques et éducatifs existant .

- Développer les démarches volontaristes de soutien à l'orientation et d'accompagnement des jeunes les plus en difficulté, y compris en les contactant à leur domicile.

- Baser la formation - initiale et continue - et le recrutement des conseillers d'orientation sur la connaissance concrète du monde du travail et de ses évolutions.

- Organiser un recrutement au « tour extérieur » de conseillers d'orientation, ouvert à d'anciens professeurs ou à des personnes issues du monde de l'entreprise.

- Exiger des universités l'efficacité du fonctionnement du dispositif d'orientation active, de la publication des indicateurs de réussite et d'insertion professionnelle des étudiants.

- Mieux informer et sensibiliser les jeunes à l'égard des métiers en tension qui connaissent des difficultés de recrutement.

B. Combattre les « décrochages » scolaires dès le plus jeune âge :

- En s'inspirant notamment du modèle finlandais et de l'expérimentation conduite par M. Luc Ferry lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, combattre à la racine les causes de l'échec scolaire des quelques 150 000 jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme en dédoublant les classes de cours préparatoire (CP) pour les enseignements d'apprentissage de la lecture.

- Généraliser, avec l'accord des parents d'élèves, de l'inspecteur d'académie et des équipes pédagogiques, les expériences réussies de mise en place de modules en alternance adaptées accessibles dès l'âge de 14 ans, en se gardant d'enfermer les élèves dans des spécialisations étroites, et en y consacrant une journée par semaine à la découverte des métiers.

C. Assouplir les parcours de formation et valoriser toutes les compétences des jeunes

- Reconnaitre le « droit à l'erreur » et à la différenciation des parcours en développant les passerelles entre les différentes voies de formation pour faciliter les réorientations et les reprises d'études. Dans la même logique, « semestrialiser » ou « trimestrialiser » la durée des formations en lycée professionnel.

- Garantir à chaque jeune, et tout particulièrement à celui qui s'engage dans une formation professionnelle courte, une possibilité ultérieure de reprise d'études.

- Évaluer et identifier toutes les compétences ainsi que les acquis scolaires de chaque élève pour mettre un terme aux sorties du système éducatif sans aucun diplôme, certification ou attestation, afin de valoriser non seulement les savoirs mais aussi les savoir-faire et le savoir-être.

II. METTRE EN oeUVRE, SUR LE TERRAIN, LE PRINCIPE DU RAPPROCHEMENT ENTRE LE SYSTÈME ÉDUCATIF ET LE MONDE PROFESSIONNEL

Le rapprochement entre l'école et l'entreprise a commencé dès les années 1980 avec les jumelages école - entreprise, les stages en entreprise et le plan informatique pour tous. Depuis, parallèlement à l'introduction progressive des stages ou des périodes de formation en entreprise dans les cursus de formation, les relations entre les établissements d'enseignement et les entreprises se sont multipliées ainsi que les opérations d'information destinées à faire connaître aux élèves la réalité des métiers.

En matière d'orientation et de sensibilisation au choix d'un futur métier, l'éducation nationale, les entreprises, les professions et les groupements professionnels coopèrent tant à l'échelon national, interministériel et interprofessionnel, qu'à l'échelon régional, départemental et local, afin d'assurer l'information des jeunes sur les différentes voies d'accès à la qualification dans différents métiers et professions.

La nécessité d'accentuer le rapprochement entre l'école et le monde du travail est une des convictions les plus consensuelles de la mission d'information sénatoriale. Les principes en sont d'ores et déjà inscrits dans la réglementation. Toute la difficulté est de faire vivre cette relation dans les faits, ce qui suppose d'insuffler dans le système éducatif et dans le monde professionnel une véritable « culture du stage » ainsi que de combattre les cloisonnements qui paralysent le système français et l'insertion des jeunes.

La mission souligne par ailleurs que les efforts de rapprochement doivent être réciproques et se félicite particulièrement des initiatives lancées par les entreprises pour élargir aux diplômés de l'université leurs offres d'emplois , trop souvent focalisées sur le recrutement d'un jeune issu de la « voie royale » des grandes écoles. Lors de l'audition des organisations d'employeurs, il a été signalé par ses représentants que le Mouvement des entreprises de France (Medef) avait lancé une réflexion et publié un rapport sur le thème des « viviers méconnus » que constituent les quelque 100 000 jeunes diplômés au moins à bac + 3 ayant des difficultés d'insertion et étant trop souvent conduits à accepter un « déclassement », compte tenu de leur niveau d'études. Ce rapport attire l'attention des chefs d'entreprise et des responsables de recrutement sur l'intérêt de l'embauche de jeunes « un peu atypiques » « pour oxygéner les entreprises, qui ont aussi besoin de profils originaux pour remettre en cause leurs habitudes et stimuler la créativité et l'innovation » et appelle à se mobiliser sur ce point des entreprises qui signalaient par ailleurs, il y a quelques années, leurs difficultés de recrutement.

L'audition de M. Patrick Hetzel, directeur général de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, a également permis d'évoquer les débuts professionnels souvent difficiles des jeunes titulaires d'un doctorat . Son rapport de 2006, De l'Université à l'Emploi rappelle que leurs débouchés dans le secteur privé se sont amoindris depuis 2001 et que la plupart des docteurs constituent aussi, particulièrement au début de leur carrière, des « viviers méconnus » par les entreprises puisqu'ils la commencent bien souvent par un emploi précaire.

A. LA DIFFICILE ARTICULATION ENTRE LE NÉCESSAIRE DÉVELOPPEMENT DE LA DEMANDE ET L'OFFRE DE STAGES

1. La nécessité du lien entre école et entreprise est affirmée dans les textes

Il convient, en particulier, de rappeler que le « socle commun de connaissances et de compétences » , dont le principe a été introduit par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 40 ( * ) et dont les modalités ont été précisées par un décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006, consacre son volet n° 7 à l'autonomie et à l'esprit d'initiative. Il s'agit de faire connaître aux élèves, dès le collège, l'environnement économique dans lequel ils évoluent ainsi que de leur faire acquérir les capacités à réaliser des projets, à trouver et à contacter des partenaires et consulter des personnes ressources.

2. Des mesures récentes favorisent la découverte du monde professionnel par les élèves

S'agissant de la mise en oeuvre de ce principe, à partir de la rentrée 2008, un parcours de découverte des métiers et des formations a été institué dans les collèges et les lycées volontaires, avant d'être généralisé à la rentrée 2009. Il a vocation à s'adresser à l'ensemble des élèves à partir de la classe de 5 e , afin de leur permettre d'appréhender, lors de leur cursus scolaire, des métiers différents à tous les niveaux de qualification, de découvrir le monde de l'entreprise pour cerner son organisation, ses activités ainsi que les voies de formation préparant à ces divers métiers.

Ce parcours complète l'ouverture au monde des métiers et de l'entreprise déjà proposée au collège sous diverses formes, notamment :

- la « semaine école-entreprise », qui fait désormais partie du calendrier annuel des manifestations organisées en lien avec le monde professionnel dans le cadre de l'accord signé entre le ministère et le MEDEF et qui vise à faciliter le dialogue entre chefs d'entreprises et chefs d'établissements et à aider à la connaissance de la réalité des entreprises et des différents métiers ainsi que des voies de formation correspondantes ;

- une option de découverte professionnelle de trois heures par semaine proposée aux élèves de 3 e doit être implantée dans tous les collèges. Au sein des lycées professionnels, la durée du module est portée à six heures ;

- des dispositifs en alternance pour les élèves en difficulté, âgés d'au moins quatorze ans et scolarisés en 4 e , reposant sur l'enseignement des disciplines au collège - où ils demeurent scolarisés - et sur des périodes courtes principalement en entreprise ou en lycée professionnel.

Comme l'a précisé le Gouvernement lors du Conseil des ministres du 25 octobre 2007, à terme, aucun élève ne quittera le collège sans avoir passé au moins dix jours dans une entreprise et découvert plusieurs filières de métiers différents. Depuis la rentrée 2008, les collégiens de 4 e passent une journée dans un lycée, un lycée professionnel et un centre de formation d'apprentis, et les lycéens, une journée dans une université ou un institut universitaire de technologie, une section de technicien supérieur ou une classe préparatoire aux grandes écoles. Ce parcours sera accompagné de trois entretiens personnalisés en 3 e , en 1 e et en terminale . En complément, un portail électronique national , unique et gratuit donne des informations précises sur les métiers, les formations et leurs débouchés en termes d'insertion professionnelle. Il est également prévu de permettre aux parents de disposer d'informations plus précises sur les coûts de scolarité et les aides auxquelles ils peuvent prétendre.

3. Des possibilités de stages néanmoins limitées

Le Gouvernement fait observer que l'étude de l'économie et du monde de l'entreprise occupe une place importante dans la formation des lycéens : ainsi, en classe de 2 de générale et technologique, près de la moitié des élèves suivent un enseignement de sciences économiques et sociales ou de gestion des entreprises. En classes de 1 ère et terminale, 350 000 élèves suivent leur scolarité dans le cadre des séries ES (économique et sociale) et STG (sciences et technologies de la gestion), séries qui consacrent une place importante à la connaissance de l'économie et de ses mécanismes tant au niveau macroéconomique que microéconomique.

Il n'empêche que ces approches théoriques, très utiles à la compréhension du fonctionnement de la société, doivent être utilement complétées par une appréhension plus concrète des réalités du monde du travail et des métiers.

Or, au lycée d'enseignement général et technologique, les possibilités de stages demeurent aujourd'hui limitées et elles ne sont pas organisées.

Comme l'a indiqué le Gouvernement dans une récente réponse ministérielle 41 ( * ) : « en l'état actuel de la réglementation, la signature d'une convention de stage entre un lycée et une entreprise accueillant des stagiaires ne peut se concevoir effectivement que dans le cas où les stages font partie intégrante de la formation obligatoire dispensée à l'élève. Les lycéens qui suivent une filière générale ne peuvent donc pas effectuer un stage en entreprise durant leur scolarité . Ces élèves ont pu toutefois, en collège, découvrir le monde de l'entreprise à la faveur de parcours d'observation en 3 e et, à partir de la rentrée 2009-2010, dès la classe de 5 e grâce au parcours de découverte des métiers. ».

B. FAVORISER, TOUT AU LONG DE LA SCOLARITÉ, LA TRANSMISSION D'UNE CULTURE ÉCONOMIQUE ET ENTREPRENEURIALE AUX ÉLÈVES

La mission est convaincue de la nécessaire généralisation des parcours de découverte et des stages, même si elle estime qu'elle ne saurait être considérée, à elle seule, comme l'alpha et l'oméga du rapprochement de l'école avec le monde du travail, qui passe aussi par d'autres voies.

Ainsi, l'intérêt des visites d'entreprises repose souvent tout autant sur celui des témoignages apportés par les professionnels que sur la découverte des installations, celles-ci étant d'ailleurs soumises depuis quelques années à des prescriptions renforcées en matière de sécurité. L'efficacité de ces parcours est par ailleurs liée à l'accompagnement des jeunes par les enseignants et l'organisation de séances de préparation en amont, ce qui n'est pas toujours le cas dans la pratique.

Il convient de conserver à l'esprit que ces stages ne sont qu'un des moyens de combattre les cloisonnements qui nuisent à l'ensemble du système éducatif, sociologique et économique français . La mission souligne que les élèves, les étudiants et les salariés vivent dans des univers de travail, de formation initiale ou continue trop séparés et qu'il conviendrait de multiplier les occasions de rencontres et de dialogue . A cet égard, une des raisons du succès de campus tel que celui créé par l'entreprise Véolia provient non seulement de ses structures de formation mais aussi des éléments dits « périphériques » aux stages : il est, en réalité, essentiel que le restaurant soit par exemple accessible à tous les stagiaires, apprentis, étudiants, ou salariés sans distinctions ou « compartiments » spécifiques.

En outre, au-delà des stages, il est logique de considérer que le développement de la culture sociale, économique et entrepreneuriale des élèves tout au long de leur scolarité passe aussi par le renforcement de celle de leurs enseignants et l'intervention de professionnels dans les classes.

1. Chiffrer les besoins en stages et systématiser la coopération entre établissements d'enseignement et entreprises pour les organiser

Lors de leur audition par la mission, les représentants du monde de l'entreprise ont chiffré à environ 800 000 le nombre de stages post baccalauréat et à 1,3 million le nombre de stages avant le baccalauréat , le Medef estimant que l'organisation des premiers ne suscite pas de difficultés particulières, notamment en termes de capacité d'absorption et d'accueil par les entreprises.

En revanche, prolongeant une remarque effectuée par les chambres consulaires, la mission déplore qu'en matière d'organisation des stages les établissements scolaires laissent parfois les élèves livrés à eux-mêmes , alors que les Instituts universitaires de technologie (IUT), par exemple, se mobilisent pour aider leurs étudiants. Cette remarque rejoint un constat général effectué par le directeur du CEREQ : en matière d'orientation et d'accompagnement personnalisé, l'enseignement secondaire apparaît encore en retrait alors que les progrès sont d'ores et déjà perceptibles dans l'enseignement supérieur. La mission estime par conséquent nécessaire que les collèges et les lycées intensifient les partenariats avec les organisations d'employeurs et les chambres consulaires : en particulier, les chambres des métiers, lors de leur audition, se sont dites tout à fait prêtes à répondre à d'éventuelles sollicitations des établissements scolaires pour organiser des stages de découverte.

La mission suggère que les établissements scolaires organisent des « bourses de stages ». En organisant ainsi les stages, ils favoriseraient l'égalité des chances en permettant à l'ensemble des élèves, y compris ceux dont les familles ne disposent pas de réseaux, de se familiariser avec les métiers qui suscitent leur intérêt ou, au moins, leur curiosité.

Par ailleurs, à plusieurs reprises, des sénateurs membres de la mission, constatant la difficulté des jeunes à trouver des stages, se sont demandé dans quelle mesure il ne conviendrait pas d'instituer une obligation pour les entreprises d'une certaine taille d'accueillir des stagiaires. Interrogé sur ce point, M. Alberto Lopez, directeur adjoint du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), s'est montré réservé à l'idée de forcer la main aux entreprises pour accueillir davantage de stagiaires, en estimant souhaitable d' inclure dans la formation des salariés occupant des postes d'encadrement l'acquisition de la « culture du stage », dans l'intérêt bien compris de développement du vivier de recrutement de leur entreprise.

2. Sensibiliser tous les acteurs du monde de l'éducation aux réalités professionnelles

Même si les contre-exemples se multiplient, il semble que perdurent un certain nombre de réticences à l'encontre d'une collaboration entre l'éducation nationale et le monde économique parmi les personnels de l'enseignement. Ces derniers, et tout particulièrement les professeurs, doivent, dans l'intérêt des élèves et des étudiants avec lesquels ils sont au contact quotidien, être mieux sensibilisés à la réalité concrète du monde du travail. Lors de son audition, M. Luc Ferry a également suggéré que les enseignants de la filière générale suivent au cours de leur formation un stage obligatoire d'un mois dans l'enseignement professionnel de manière à attirer leur attention sur sa nature et son importance.

Un premier pas a été franchi dans ce sens, avec l'introduction, dans le cahier des charges de la formation initiale des maîtres (défini par un arrêté du 19 décembre 2006), d'un stage en entreprise de trois semaines, pour les enseignants des disciplines professionnelles notamment.

Dans le prolongement de cette avancée, la mission propose que des stages d'immersion en entreprise, au sein de collectivités publiques ou d'associations et dans l'enseignement professionnel soient rendus obligatoires pour l'ensemble des enseignants et des personnels d'orientation, au cours de la formation initiale mais aussi de la formation continue , de façon à approfondir et actualiser en permanence la connaissance concrète de leur environnement extérieur.

3. Encourager l'entrée de professionnels dans le monde éducatif

Réciproquement, de nombreux rapports préconisent depuis plusieurs années d'encourager l'intégration des professionnels de terrain dans l'enseignement notamment secondaire, en tant que conférenciers, référents « entreprise » auprès d'un directeur d'établissement, représentants au sein du conseil d'administration ou bien formateurs.

S'agissant de l'enseignement professionnel initial, l'article L. 932-2 du code de l'éducation prévoit qu'il peut être fait appel, dans les établissements publics locaux d'enseignement, à des professeurs associés . Ceux-ci sont recrutés, par contrat, à temps plein ou à temps incomplet et doivent justifier d'une expérience professionnelle d'une durée de cinq ans. Le décret d'application n° 2007-322 du 8 mars 2007 relatif aux professeurs associés des établissements publics locaux d'enseignement relevant du ministre chargé de l'éducation nationale précise que les professeurs associés sont recrutés par le recteur d'académie, sur proposition des chefs d'établissement concernés, par contrat d'une durée maximale de trois ans renouvelable dans la limite de six ans. Conformément à la loi, les demandeurs d'emploi ont, à compétence et à profil comparables, priorité pour exercer les fonctions de professeur associé à temps plein. Ils assurent des activités d'enseignement en formation initiale qui incluent notamment le suivi et le conseil ainsi que l'évaluation et la validation des acquis des élèves.

Tout en rendant hommage à la qualité des enseignants français, il convient de mentionner, pour illustrer l'intérêt d'une diversification des intervenants, le cas du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), dont l'efficacité est incontestable quoique trop peu connue. Soulignant le gisement d'innovation et d'efficacité en ingénierie pédagogique que recèle cet établissement public, la mission d'information sénatoriale sur la formation professionnelle 42 ( * ) a rappelé que, dans un souci permanent d'adaptation aux besoins, les méthodes employées par le CNAM s'écartent des pratiques académiques et font intervenir en majorité des professionnels, puisque seuls 500 enseignants sur 5 500 sont des universitaires . Sur la base des succès enregistrés par cet établissement de formation, la mission d'information sénatoriale sur la formation professionnelle a préconisé la diffusion plus large de son savoir-faire vers les établissements scolaires ou universitaires où doit être donnée l'impulsion nécessaire à une remise en question de pratiques pédagogiques parfois inadaptées aux besoins.

4. Évaluer et certifier les compétences des jeunes de façon plus lisible par les employeurs

Tout au long de ses travaux, la mission d'information s'est interrogée sur un paradoxe : comment justifier et accepter que plus de 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification alors que, dans le même temps, le nombre des certifications et des possibilités d'attester une compétence n'ont jamais été aussi élevées ? En effet, le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) recense à l'heure actuelle environ 5 000 fiches descriptives de certifications, et le nombre de celles ayant vocation à y entrer est estimé à 13 ou 14 000.

Il convient tout d'abord de rappeler que l'ensemble des diplômes, titres ou certifications professionnels forme un paysage complexe dans notre pays qui demeure, comme l'ont souligné les auditions, marqué par une tendance à la « diplômite ». On distingue notamment :

- les diplômes ou titres nationaux, délivrés par les différents ministères certificateurs et élaborés, depuis 1948, en association avec les partenaires sociaux, dans le cadre des commissions professionnelles consultatives (CPC) ;

- les certifications de qualification professionnelle (CQP) des branches, définies, depuis 1983, dans le cadre des commissions paritaires nationales de l'emploi (CPNE) ; alors que les diplômes - notamment ceux délivrés par l'éducation nationale -, sont davantage guidés par les besoins et modes de fonctionnement du système éducatif, les CQP privilégient la description des qualifications en termes de savoir-faire et de compétences ;

- et les autres titres à finalité professionnelle, délivrés par des établissements publics, les chambres consulaires ou des organismes privés ou associatifs.

Créée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, la Commission nationale de certification professionnelle (CNCP) a pour principale mission de mettre à jour, dans un souci de lisibilité et d'homogénéisation, l'offre existante , réunie au sein du Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Comme le rappelle le rapport du groupe de travail sur la validation des acquis de l'expérience présidé par M. Vincent Merle, professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, et remis à M. Laurent Wauquiez en décembre 2008, le concept de «certification professionnelle» désigne toutes les formes de validations attestant de la capacité d'une personne à réaliser une activité professionnelle.

La question du degré souhaitable de spécialisation des titres ou diplômes professionnels n'entrait pas dans le champ d'investigation de la mission d'information. Certains ont pu juger leur nomenclature en déphasage avec les besoins croissants d'adaptation sur le marché du travail en indiquant que les diplômes aujourd'hui en place ont été construits dans les années cinquante ou soixante, alors qu'il fallait former des ouvriers spécialisés, tandis qu'il est aujourd'hui nécessaire de former des personnes qui ne soient pas seulement des spécialistes. Cependant, le rapport du groupe de travail présidé par M. Vincent Merle estime que la solution ne se trouve pas dans une déspécialisation ou une réduction a priori du nombre des diplômes mais d'un chantier à plus long terme de rapprochements méthodologiques, d'ingénieries comparables, de mise en cohérence des certifications et d'établissement de passerelles.

Au-delà de cette problématique, et en centrant son attention sur les solutions de nature à améliorer la situation et l'employabilité des jeunes, la mission d'information fait un triple constat :

- l'existence d'un très grand nombre de certifications , décomposables en unités de valeurs, témoigne de la possibilité de certifier tout jeune sortant du système scolaire plutôt que de le qualifier de « sans diplôme »;

- une telle démarche de « validation des acquis scolaires » nécessite une évaluation du jeune, préalablement à sa sortie de l'école. Ceci s'avèrerait d'autant plus utile s'il en sort sans diplôme. En outre, un travail de mise au point de mécanismes de certification devrait être réalisé, qui pourrait s'appuyer sur l'existant, c'est-à-dire, par exemple, sur les appréciations portées sur les bulletins scolaires ;

- enfin, plus généralement, on pourrait imaginer de nouvelles formes de certification visant à mettre en évidence les aptitudes concrètes des diplômés valorisant ainsi leur cursus face aux attentes des employeurs : ainsi, tout en continuant à favoriser l'apprentissage des langues vivantes, essentiel pour l'accès aux métiers en tension du tourisme, il conviendrait par exemple de certifier, en les distinguant, les compétences grammaticales des diplômés et leur capacité de communication concrète.

C. LA SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION EN FAVEUR DU RAPPROCHEMENT ENTRE LES MONDES ÉDUCATIFS ET PROFESSIONNELS

RAPPROCHER LE MONDE ÉDUCATIF ET LE MONDE PROFESSIONNEL

A.  Rendre les stages des jeunes plus accessibles et plus formateurs

- Demander aux établissements d'enseignement scolaire et universitaire d'organiser des « bourses de stages », afin de favoriser l'égalité des chances, et d'intensifier les partenariats avec les employeurs et le service public de l'emploi.

- Insuffler la « culture du stage » à la fois dans la formation des personnels de l'éducation nationale et dans celle des salariés occupant des postes d'encadrement.

- Labelliser et valoriser les entreprises et les collectivités publiques qui accueillent des stagiaires et leur proposent un accompagnement de qualité.

B. Mieux sensibiliser les intervenants aux réalités du monde du travail

- Rendre obligatoires pour l'ensemble des enseignants et des personnels d'orientation, au cours de la formation initiale et continue, des stages d'immersion en entreprise, au sein de collectivités publiques, d'associations ou dans l'enseignement professionnel.

- Encourager l'intégration des professionnels de terrain dans l'enseignement secondaire, en tant que conférenciers, référents, représentant au sein du conseil d'administration ou formateurs.

- Diffuser, en matière d'ingénierie de formation et de pédagogie active, le savoir faire d'établissements comme le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).

III. SOUTENIR ET VALORISER LES FILIÈRES EN ALTERNANCE

« Sur les 650 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, 200 000 ont une formation générale relativement faible et sont dépourvus de qualification professionnelle.» 43 ( * ) . Tel était, il y a 29 ans, le constat établi par M. Jacques Legendre, alors secrétaire d'État en charge de la formation professionnelle, au cours des débats parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi n° 80-526 du 12 juillet 1980 relative aux formations professionnelles alternées organisées en concertation avec les milieux professionnels. Soulignant déjà, en avril 1980, « l'impression de tourner en rond pour qui ne peut trouver un emploi faute d'expérience, et qui ne peut en acquérir puisqu'il n'a pas encore pu travailler » , le secrétaire d'État présentait alors au Parlement la première loi française systématisant le recours à la pédagogie nouvelle que constituait l'alternance, destinée à permettre aux jeunes de trouver à la fois une qualification et une expérience.

Aujourd'hui, à l'issue de la scolarité obligatoire, c'est à dire en fin de 3 e , près de 40 % des élèves - selon une part stable depuis dix ans - s'engagent dans la voie professionnelle, soit sous statut scolaire, soit sous contrat d'apprentissage . Il convient de rattacher à ces deux filières d'alternance les contrats de professionnalisation , ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans ainsi qu'aux demandeurs d'emplois âgés de 26 ans ou plus qui relèvent de la formation professionnelle.

Ce premier constat structurel renvoie donc à celui de la diversité de l'offre de formations en alternance qui s'explique essentiellement pour des raisons historiques et se manifeste à heure actuelle par des canaux de financement distincts. Cette « segmentation » soulève des interrogations sur la nécessité de mutualiser les moyens de formation, notamment en zone rurale. Par exemple, comme l'a souligné le rapport d'information sur la formation professionnelle 44 ( * ) : « il est difficile de former des groupes de trois ou quatre apprentis ou de trois ou quatre lycéens, ce qui occasionne des suppressions de postes et des transferts à des lycées professionnels ou à l'apprentissage. Les conflits sont relativement permanents sur ce point ». Ainsi l'éclatement entre les statuts - lycéen, apprenti, stagiaire, jeune en contrat de professionnalisation - « ne favorise pas une gestion optimale des structures de formation, ce qui est particulièrement dommageable pour assurer le maintien et le remplissage de certaines filières aux débouchés porteurs mais peinant à recruter » .

Lors de son audition, M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a toutefois souligné les avantages de la formation en alternance sous contrat pour le jeune et pour l'employeur qui peut apprécier directement ses qualités. Il a précisé qu'un peu plus de 11 % des jeunes sont aujourd'hui formés dans un dispositif en alternance, avec d'excellents résultats en termes d'insertion professionnelle, puisque 80 % d'entre eux trouvent un emploi durable en moins d'un an . Il a estimé souhaitable, à terme, qu'un jeune sur quatre ou cinq soit formé en alternance, d'une part, en diversifiant les secteurs qui ont recours à ce type de formation et, d'autre part, en incitant financièrement toutes les entreprises à accueillir des jeunes : l'objectif, en 2015, serait d'atteindre la proportion de 20 % des jeunes en alternance, soit 850 000 environ au lieu des quelques 600 000 à l'heure actuelle .

Au titre des priorités dictées par l'urgence, la mission souligne qu'une des données fondamentales pour la jeunesse française demeure, aujourd'hui, le degré extrêmement élevé de la sensibilité de l'emploi des débutants à la conjoncture économique , qu'a parfaitement analysé le représentant du CEREQ. Les « coups d'accordéon » qui se transmettent à l'embauche des jeunes appellent le développement de dispositifs publics contracycliques.

Dans ce cadre, le caractère alarmant de la situation conjoncturelle au cours des premiers mois de 2009 a conduit le Gouvernement à annoncer des mesures de soutien pour contrecarrer la diminution des contrats d'apprentissage et de professionnalisation.

La mission a identifié, sur le terrain, un certain nombre de difficultés qui appellent à compléter cette panoplie conjoncturelle pour que les objectifs fixés puissent être rapidement atteints. A plus long terme, la mutualisation des moyens de financements des formations en alternance demeure nécessaire, tout comme le développement et la pleine reconnaissance d'une filière professionnelle prestigieuse et attractive.

En même temps, comme le suggère l'audition du CEREQ, la sensibilité de l'emploi des débutants à la conjoncture économique apparait comme un révélateur des cloisonnements structurels qui subsistent dans la société française. Ces blocages alimentent largement le « malaise » des jeunes, par ailleurs incités, par le processus moderne de « déculpabilisation de la peur » analysé par M. Luc Ferry, à exprimer leurs craintes ou à relayer non seulement celles de leurs parents, mais aussi, à l'occasion, celles du monde éducatif, contribuant ainsi paradoxalement à endiguer les tentatives de réforme et de décloisonnement de notre système de formation.

A. LA PANOPLIE DES VOIES DE FORMATION EN ALTERNANCE

1. Le développement de l'apprentissage

a) Des effectifs croissants


• 400 000 apprentis

Depuis une vingtaine d'années, l'apprentissage, auparavant limité aux CAP, est progressivement devenu une voie de formation pour toutes les formations professionnelles. Cet essor de l'apprentissage dans les années 1990 s'est principalement traduit par le développement des formations dans les niveaux IV (bac professionnel) à I (diplôme d'ingénieur).

De 2000 à 2004, les effectifs globaux ont avoisiné 365 000 apprentis ; ils ont ensuite progressé pour atteindre environ 400 000 en 2007, dont 100 000 relevant de l'enseignement supérieur , selon les estimations du rapport public thématique de la Cour des comptes sur « la formation professionnelle tout au long de la vie », publié en octobre 2008. Il convient de rappeler que le Plan de cohésion sociale et la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, qui comportent un important volet de développement de l'apprentissage et d'amélioration du statut des apprentis, avaient pour objectif de porter leur nombre de 360 000 en 2004 à 500 000 d'ici 2009, afin notamment de conduire les jeunes vers l'emploi et de répondre au défi du renouvellement des générations dans les entreprises du secteur artisanal.


• 60 % des apprentis visent un CAP ou un BEP

La répartition entre les niveaux de formation continue d'évoluer avec une baisse régulière du niveau V (CAP et BEP). Cependant, la formation au niveau V demeure majoritaire puisqu'elle rassemble plus de 60 % des apprentis . Bien implanté dans l'artisanat, le commerce et l'industrie, l'apprentissage pourrait se développer dans les services, notamment dans le secteur sanitaire et social.

En outre, les données fournies par la DARES pour l'année 2005 signalent les caractéristiques suivantes:

- près de 49 % des apprentis sont âgés de 17 ans ou moins , plus de 41 % ont entre 18 et 21 ans et seuls moins de 10 % sont âgés de 22 ans et plus ;

- quatre secteurs d'activité accueillent une large majorité des apprentis : l'industrie (21 %), la construction (23 %), le commerce (24 %), les services aux particuliers (20 %) ;

- près des deux tiers des apprentis sont formés dans des entreprises de moins de dix salariés , dont 40 % dans des entreprises de quatre salariés ou moins ; la part des apprentis accueillis dans des entreprises de plus de 250 salariés est passée de 5 % en 1995 à 9,4 % en 2005. Le développement de l'apprentissage dans les grandes entreprises est appelé à s'intensifier : en 2006, 1 300 entreprises ont signé la Charte de l'apprentissage. Un premier bilan établi fin 2006 montre une hausse moyenne du nombre d'apprentis entre 2005 et 2006 de 36 % pour les entreprises du CAC 40, soit une augmentation de quelque 10 000 apprentis.

b) Les « trois univers » de l'apprentissage

Le Cereq, dont les représentants ont été entendus par la mission d'information, rappelle, dans une étude publiée en octobre 2005, qu'au-delà d'une idée séduisante par sa simplicité, l'apprentissage est surtout en France une « institution » éclatée en histoires distinctes.

- Un premier ensemble essentiellement artisanal , constitue la clé de voûte de certaines professions réglementées comme celles de coiffeur, employé de pharmacie ou prothésiste. Il joue aussi un rôle essentiel dans le renouvellement d'entreprises du commerce alimentaire et de l'hôtellerie- restauration notamment. Cet apprentissage s'inscrit dans une relation de formation professionnelle de proximité, souvent dans des micro-entreprises. Le pilotage est assuré par des organisations patronales sur un territoire limité, la ville ou le département. Les liens entre maître d'apprentissage et apprenti relèvent souvent d'une relation privée à laquelle vient se juxtaposer la formation délivrée en CFA. Centré sur les CAP, l'évolution des effectifs de cet ensemble se situe à contre-courant de l'évolution générale de l'apprentissage. Ainsi, entre 1995 et 2003, les effectifs d'apprentis ont globalement augmenté mais ils ont diminué de 13 % dans les métiers de l'alimentation et de la cuisine, et de 16 % dans l'hôtellerie-restauration. Ces métiers sont pour certains saturés, tel coiffeur ou employé de pharmacie. D'autres sont devenus peu attractifs pour les jeunes qui s'orientent aujourd'hui vers l'apprentissage. D'un niveau scolaire plus élevé, ces jeunes sont peut-être moins enclins à admettre les nombreuses contraintes d'horaires comme celles ayant cours dans l'hôtellerie-restauration ou le commerce de détail.

Les organisations entendues par la mission ont manifesté leur volonté de contrecarrer cette évolution . Pour faire connaitre aux jeunes leurs secteurs, le représentant de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) a confirmé à la mission la possibilité pour les chambres des métiers de répondre à d'éventuelles sollicitations des établissements scolaires pour organiser des stages de découverte. Compte tenu des besoins de transmission d'entreprises artisanales, il convient de susciter des vocations et les réseaux consulaires souhaitent travailler dans ce sens. En outre, les entreprises artisanales ressentent la nécessité de développer des contacts avec les étudiants de l'enseignement supérieur .

- Un second ensemble de formations professionnelles par apprentissage est issu des mouvements d'éducation populaire de l'après-guerre. Il relève de la stratégie explicite de branches professionnelles - le bâtiment et la mécanique automobile en constituent les deux grands exemples - dont l'objectif est la production collective de quali?cations négociables sur un « marché professionnel » où puisent des entreprises de différentes tailles. C'est ce modèle que consacre la loi du 16 juillet 1971 fondatrice de l'apprentissage actuel. Les CFA de ce secteur, articulés en réseau et solidement ?nancés, ont béné?cié de l'essor de l'apprentissage. Quand la conjoncture d'un secteur d'activité est favorable, les effectifs d'apprentis progressent : ainsi, entre 1995 et 2003, le nombre d'apprentis dans le bâtiment s'est accru de près de 25 % au niveau CAP et BEP, et de plus de 130 % au niveau baccalauréat. Lorsque le secteur recrute peu, un glissement de l'apprentissage s'opère du niveau CAP et BEP vers le niveau baccalauréat, comme ce fut le cas pour l'électricité et la mécanique automobile entre 1995 et 2003.

- Le troisième ensemble, qui a connu l'expansion la plus nette au cours des quinze dernières années, relève du « nouvel apprentissage ». Investi massivement par l'enseignement supérieur, les écoles de commerce, les écoles d'ingénieurs, les sections de techniciens supérieurs et les universités, il prépare à des professions qui auparavant étaient alimentées soit par des diplômés ayant suivi un enseignement général ou technologique par la voie scolaire, soit par la promotion interne ou la formation continue des salariés : cadres et techniciens commerciaux, cadres de gestion, métiers de la banque et de l'assurance, ingénieurs de production... C'est cet ensemble qui a connu l'expansion la plus nette : le nombre de formations accessibles par apprentissage et la proportion d'apprentis ont fortement augmenté.

2. Les contrats de professionnalisation

Créé par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social pour unifier les différents contrats d'insertion en alternance , le contrat de professionnalisation s'est substitué aux contrats d'orientation, de qualification et d'adaptation.

Le contrat de professionnalisation est ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans révolus ainsi qu'aux demandeurs d'emplois âgés de 26 ans et plus, et peut être conclu par tout employeur soumis à l'obligation de participer au financement de la formation continue. Il prend la forme d'un contrat à durée déterminée d'une durée minimale de six mois ou d'un contrat à durée indéterminée dont l'action de professionnalisation, d'une durée minimale de six mois, se situe au début du contrat. Il associe, en alternance, des actions d'évaluation, d'accompagnement, de formation, et l'exercice en entreprise d'une ou plusieurs activités professionnelles. La durée de la formation est d'au moins 150 heures. Les conditions de rémunération varient selon l'âge et le niveau de qualification : les jeunes de moins de 26 ans perçoivent, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, un salaire compris entre 55 % et 85 % du SMIC. La rémunération des demandeurs d'emploi âgés de 26 ans ou plus ne peut être inférieure ni au SMIC ni à 85 % du salaire minimum conventionnel.

Une étude du ministère du travail, publiée en avril 2008, chiffrait à 144 000 les nouveaux contrats de professionnalisation enregistrés par les Directions départementales du travail de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) en 2006 , soit 50 % de plus qu'en octobre 2004, date d'ouverture du dispositif. Le secteur tertiaire est le principal utilisateur du contrat de professionnalisation, avec 77 % des entrées enregistrées en 2006. Le commerce totalise le quart des entrées. Viennent ensuite, avec un contrat sur cinq, les services aux entreprises, puis les services aux particuliers (une entrée sur dix). Bien qu'elles soient beaucoup moins importantes que dans le tertiaire, c'est dans la construction et les transports que les entrées ont le plus progressé ; dans l'industrie, elles augmentent en revanche moins rapidement.

En 2006, 84 % des nouveaux contrats de professionnalisation étaient des contrats à durée déterminée (CDD) . Peu nombreux, les contrats à durée indéterminée (16 %) s'adressent à un public plus qualifié : 69 % des salariés qui en bénéficient ont un niveau égal ou supérieur au baccalauréat (niveau IV), et 41 % sont diplômés de l'enseignement supérieur. Les personnes inscrites comme demandeurs d'emploi ou dont l'activité salariée s'est arrêtée juste avant l'entrée en contrat de professionnalisation bénéficient également plus souvent d'un CDI (25 %).

La part des nouveaux contrats préparant à une qualification ou certification de branche recule légèrement : 45 %, contre 47 % en 2005. Les certificats de qualification professionnelle (CQP) restent minoritaires (10 % des contrats). Le plus souvent, ces formations ouvrent des droits pour accéder à un poste identifié par la convention collective. La préparation d'un diplôme ou titre homologué reste le principal objectif du contrat de professionnalisation : c'est le cas dans 55 % des nouveaux contrats, 79 % dans les services aux particuliers, contre 48 % dans l'industrie.

Les jeunes sont largement majoritaires dans le dispositif : près de 90 % ont entre 16 et 25 ans . En 2006, la part des entrants âgés de 26 ans et plus est de 12 %.

Pour 31 % des bénéficiaires, l'entrée en contrat fait suite à une période de chômage et 30 % accèdent au dispositif à la fin de leur scolarité.

3. L'alternance sous statut scolaire

Selon les « repères et références statistiques » publiés en 2008 par le ministère de l'éducation nationale, le second cycle professionnel scolarise environ 810 000 élèves , du CAP au baccalauréat professionnel, dans près de 1 700 lycées professionnels publics et privés sous contrat, ce qui représente le tiers de l'ensemble des lycéens puisqu'on recense 1,5 million d'élèves dans le second cycle général et technologique.

Le coût d'un lycéen professionnel atteint 10 370 euros par an en 2006 (10 310 euros pour un lycéen général ou technologique) et a augmenté d'un tiers. La dépense par lycéen professionnel en France est de 30 % supérieure à la moyenne des pays de l'OCDE .

L'audition de M. Luc Ferry a notamment mis en relief l'importance fondamentale de la création du baccalauréat professionnel par le décret n° 85-1267 du 27 novembre 1985. Le rapport d'information n° 370 (2007-2008) de M. Jacques Legendre, qui s'intitule A quoi sert le baccalauréat , souligne, à cet égard, que notre pays se singularise par un enseignement professionnel dont les effectifs sont essentiellement concentrés dans les filières conduisant au certificat d'aptitude professionnelle (CAP) et au brevet d'études professionnelles (BEP), qui sont des diplômes de niveau V. Or cet état de fait, qui s'explique avant tout par le fort taux de sortie des élèves des filières professionnelles, qui abandonnent leurs études ou trouvent un emploi avant d'avoir atteint le niveau IV, présente deux inconvénients majeurs. D'une part, il ne permet pas toujours de répondre au besoin de qualification des entreprises, et d'autre part, un diplôme professionnel de niveau IV donne à son titulaire des perspectives d'évolution plus importantes à moyen terme. Ce rapport préconise donc d'élargir l'accès au baccalauréat professionnel, en réduisant les sorties en cours d'études professionnelles

Par ailleurs, M. Luc Ferry a insisté sur l'utilité de la démarche qui a conduit au développement des « lycées des métiers » . Cette labellisation de certains établissements a, en effet, suscité des exemples de partenariat école-entreprise qui méritent d'être évalués et généralisés, y compris au-delà de l'enseignement professionnel.

Afin de valoriser l'enseignement professionnel, l'article 33 de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école a complété l'article L. 335-1 du code de l'éducation en prévoyant qu'un label « lycée des métiers » peut être délivré par l'État aux établissements d'enseignement qui remplissent des critères définis par un cahier des charges national. » Ce label qualifie ainsi certains établissements qui offrent une palette étendue de formations et de services, grâce notamment à un partenariat actif, tant avec le milieu économique qu'avec les collectivités territoriales, et en premier lieu la région. Le recteur est chargé de la délivrance de ce label, valable pendant cinq ans, qui met en évidence la cohérence d'une offre de formation, la prise en compte des attentes des élèves et l'adaptation aux besoins des employeurs.

La dizaine de critères qui permettent à un lycée d'obtenir ce label correspond aux éléments clefs permettant de faciliter l'insertion des jeunes dans le monde du travail. Ces critères prennent en considération : l'offre de formations technologiques et professionnelles dont l'identité est construite autour d'un ensemble cohérent de métiers, l'accueil de publics variés, sous statut scolaire, d'apprentis, en formation continue, la préparation d'une gamme étendue de diplômes et titres nationaux allant du CAP aux diplômes de l'enseignement supérieur, l'offre de services de validation des acquis de l'expérience, l'existence de partenariats avec les collectivités et les milieux professionnels, la mise en place d'actions concernant l'orientation des collégiens, l'ouverture européenne, l'offre de services d'hébergement et le dispositif de suivi des sortants de formation.

Le lycée des métiers n'est donc pas un nouveau type d'établissement scolaire : les établissements labellisés conservent leur statut juridique initial, qu'il s'agisse de lycées professionnels ou de lycées polyvalents associant des formations des voies professionnelles et technologiques. Fin 2008, on recensait 440 lycées des métiers sur 1 700 lycées professionnels.

B. LES MESURES DE SOUTIEN CONTRACYCLIQUE EN FAVEUR DE L'ALTERNANCE

Le 24 avril 2009, dans un discours sur l'emploi des jeunes prononcé au Campus de Veolia Environnement (à Jouy le Moutier dans le Val d'Oise), le Président de la République a constaté que « depuis le début de l'année, les entrées en alternance, qu'il s'agisse de l'apprentissage ou des contrats de professionnalisation, ont diminué de 20 % à 30 %. Si on ne fait rien, ce sont entre 170 000 et 220 000 jeunes de plus qui pourraient se retrouver au chômage d'ici fin 2010. »

Pour contrecarrer cette situation, ce discours annonce que 1,3 milliard d'euros dans l'emploi et la formation seront investis d'ici juin 2010 afin d'aider plus de 500 000 jeunes. Deux principales séries de mesures ont été annoncées en matière de formation en alternance.

1. Le renforcement de l'apprentissage

Le but fixé par le Président de la République est de recruter 320 000 apprentis entre juin 2009 et juin 2010, soit 35 000 de plus qu'en 2008 en se fondant sur l'efficacité de l'apprentissage. Il a lui-même qualifié d'ambitieux cet objectif puisque les entrées ont diminué de plus de 23 % depuis le début de l'année 2009.

Pour l'atteindre, trois mesures ont été annoncées.

- « Zéro charges apprentis » pour les nouvelles embauches en apprentissage.

Le gouvernement a mis en place, dans le cadre du plan de relance, le dispositif « Zéro charges » pour toutes les embauches dans les entreprises de moins de 10 salariés. Il est proposé d'étendre ce dispositif aux entreprises de plus de 10 salariés pour le recrutement des apprentis. Cette mesure sera applicable pour un an aux embauches réalisées avant le 30 juin 2010. Son coût est de 100 millions d'euros .

- Une prime exceptionnelle de 1 800 euros sera versée aux entreprises de moins de 50 salariés pour l'embauche d'apprentis supplémentaires.

Réglée pour moitié à la signature du contrat et pour moitié six mois plus tard, elle vise à permettre l'embauche de 40 000 jeunes pour un coût de 70 millions d'euros .

- La signature, avant le 30 juin 2009, d'avenants aux contrats d'objectifs et de moyens sur l'apprentissage pour une durée de deux ans (2009-2010) entre les préfets et les conseils régionaux , pour un montant total de l'ordre de 600 millions d'euros.

Ce montant inclut une enveloppe complémentaire de 100 millions d'euros attribuée en 2009 et 2010. Cet effort exceptionnel sera financé par la mobilisation des excédents du Fonds national de modernisation de l'apprentissage (FNDMA).

Ce volet financier doit être complété par des solutions tendant à prévenir et à accompagner les ruptures d'apprentissage. M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi, a rappelé à la mission d'information que trop de contrats d'apprentissage aboutissaient à une rupture précoce en raison d'une mauvaise orientation, d'une capacité d'accueil insuffisante de l'entreprise, de difficultés d'adaptation de l'apprenti, de problèmes de mobilité ou de logement ou encore d'un conflit entre l'employeur et le jeune. D'ores et déjà, les centres de formation des apprentis se sont souvent organisés, en lien avec les conseils régionaux, pour améliorer leurs réponses à ces situations. Le Gouvernement a prévu de déclencher un programme « Pas d'apprenti sans employeur », qui mobilisera également le service public de l'emploi et les chambres consulaires, et leur permettra d'aller plus loin en proposant aux jeunes concernés un accompagnement renforcé pour trouver un nouvel employeur.

Enfin le ministre a annoncé à la mission d'information le lancement d'une campagne d'information nationale sur l'apprentissage et une mobilisation des acteurs , notamment les branches professionnelles et les chambres consulaires, pour, d'une part, informer et définir les besoins de recrutement des entreprises et, d'autre part, promouvoir les avantages du contrat d'apprentissage.

2. Le soutien au développement du contrat de professionnalisation

Selon le diagnostic transmis par M. Laurent Wauquiez à votre rapporteur, le contrat de professionnalisation, qui permet d'apprendre un métier en alternant formation et application pratique en entreprise, donne de très bons résultats avec des taux d'insertion dans l'emploi six mois après la fin du contrat atteignant 75 %. En 2008, 142 000 contrats de professionnalisation ont été signés avec des jeunes de moins de 26 ans. En raison de la crise, le nombre de ces contrats connaît un net fléchissement sur les premiers mois de 2009, de l'ordre d'un tiers.

En outre, un récent rapport remis le 7 mai 2009 au Gouvernement par la mission de M. Jean-François Pilliard sur la promotion du contrat de professionnalisation pour les publics éloignés de l'emploi, rappelle la nécessité de renforcer l'accessibilité de ce dispositif à ceux qui , parmi les jeunes de moins de 26 ans ou les demandeurs d'emploi de plus de 26 ans, ont les plus grandes difficultés d'insertion . En effet, l'analyse statistique des contrats de professionnalisation conclus depuis 2004 met en évidence que les publics éloignés de l'emploi ont un faible accès au contrat de professionnalisation. En 2007, 14 % des contrats de professionnalisation ont été signés par des personnes de 26 ans et plus, et 86 % par des moins de 26 ans. Parmi ces derniers, seuls 32 % avaient un niveau V ou infra et 63,5 % avaient un niveau entre I et IV au moment de la signature du contrat. Aujourd'hui le contrat de professionnalisation est donc très majoritairement orienté vers les publics jeunes et diplômés.

Dans ce domaine, le Président de la République a fixé comme objectif la signature de 30 000 contrats de professionnalisation supplémentaires entre le 1er juin 2009 et le 30 juin 2010, soit 170 000 au total . De plus, il a annoncé des mesures d'encouragement à la mobilisation de ce dispositif en faveur des publics éloignés de l'emploi, notamment grâce à la mutualisation des ressources de la formation professionnelle.

Quatre mesures sont prévues pour atteindre ce résultat.

- Tout d'abord, une prime exceptionnelle de 1 000 euros sera versée par le Pôle emploi aux entreprises qui embauchent, entre juin 2009 et juin 2010, un jeune de moins de 26 ans en contrat de professionnalisation. Cette prime sera portée à 2 000 euros pour l'embauche de jeunes n'ayant pas le niveau du bac .

- En dernier lieu, il sera proposé aux partenaires sociaux d'apporter un soutien renforcé au contrat de professionnalisation par le biais des mécanismes de financement du fonds unique de péréquation (FUP) et, à l'avenir, du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) qui doit le remplacer. L'objectif, dans cette période de crise, est que chaque entreprise souhaitant embaucher en contrat de professionnalisation trouve une solution de financement et que les branches qui s'engagent à faire davantage que l'année passée soient particulièrement soutenues.

A cet égard, il convient de se référer à l'article 9 du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui s'appuie en particulier sur l'accord national interprofessionnel sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels conclu par les partenaires sociaux le 7 janvier 2009. Cet article - qui se rattache au thème de la sécurisation des parcours professionnels et aux formations en alternance - prévoit, afin de développer la formation au profit des demandeurs d'emploi et des salariés les moins qualifiés, d'y affecter des ressources du FPSPP : celui-ci dispose des excédents financiers des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ainsi que de ressources équivalentes à un pourcentage des obligations légales de droit commun dues par les employeurs au titre du plan de formation, de la professionnalisation et du congé individuel de formation.

- En troisième lieu, le Gouvernement a annoncé à la mission que, dans le but de simplifier les procédures, le service public de l'emploi sera mobilisé pour, d'une part, orienter et accompagner les demandeurs d'emploi vers le contrat de professionnalisation et, d'autre part, développer la prospection d'offres en alternance. Pôle emploi aura un objectif de placement de 25 000 jeunes en contrat de professionnalisation en 2009 et devra désigner dans chaque bassin d'emploi des référents, environ 400 au total, sur les contrats en alternance. Une convention-cadre entre le Pôle emploi et les branches professionnelles sera établie avant la fin du mois de juin pour définir les partenariats entre les organismes paritaires collecteurs agréés de la formation professionnelle (OPCA) et Pôle emploi.

- Enfin, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, l'accès au contrat de professionnalisation sera élargi à de nouveaux publics , en particulier les bénéficiaires d'allocations de solidarité et de contrats aidés. Les branches professionnelles devront négocier des financements incitatifs à l'embauche de ces publics.

De façon plus générale, les branches professionnelles et les entreprises , tout particulièrement les plus grandes, sont appelées à faire preuve d'exemplarité à l'égard de l'emploi et de la formation des jeunes. Il a souhaité qu'au-delà de la réponse à leurs besoins de recrutement immédiat, elles puissent parfaire leur gestion prévisionnelle des parcours et des compétences en relayant les actions mises en oeuvre par les pouvoirs publics en faveur de l'alternance. Il a confié à M.Henri Proglio, président directeur-général de Veolia Environnement, en liaison avec MM. Martin Hirsch et Laurent Wauquiez, une mission de promotion et de développement des contrats en alternance afin de stimuler la mobilisation des branches et des grandes entreprises pour que celles-ci s'engagent dans les prochaines semaines à signer une charte de l'alternance, avec des objectifs chiffrés. Par ailleurs, il a souhaité que le secteur de la restauration , qui bénéficiera de la baisse de la TVA à 5,5 %, souscrive des objectifs ambitieux de recrutements en alternance à l'occasion de ses États-généraux.

C. LA NÉCESSAIRE ARTICULATION ENTRE LES MESURES D'URGENCE ET UNE STRATÉGIE À PLUS LONG TERME DE DÉVELOPPEMENT DE L'ALTERNANCE

1. Les observations de la mission sur la mise en oeuvre des mesures annoncées en faveur de l'alternance

- L'alternance constitue la meilleure application du principe de base formulé, au cours des auditions, par le représentant du CEREQ : ne pas verser dans « l'acharnement formatif » en évitant, à l'autre extrémité, de laisser les jeunes non diplômés « au bord de la route» .

- S'agissant plus particulièrement des mesures d'urgence prises en faveur de l'alternance, la mission constate avec intérêt qu'elles se concentrent sur l'apprentissage et les contrats de professionnalisation : cette orientation repose sur le constat de l'employabilité et de l'accès à l'emploi des jeunes issus de ces filières effectué notamment par le rapport de M. Éric Besson, alors secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique publié en juillet 2008, sur l'employabilité des jeunes.

Extrait du rapport de M. Éric Besson publié en juillet 2008 sur l'employabilité des jeunes.

« Nous avons relevé dix faits significatifs :

1) près de deux jeunes sur trois issus de l'enseignement professionnel en 2006 sont en emploi sept mois après leur sortie du système scolaire ;

2) les jeunes apprentis connaissent des taux d'emploi supérieurs à ceux constatés pour les lycéens de la voie scolaire ;

3) si les apprentis ont plus de chances que les lycéens d'être recrutés en CDI, les écarts de salaires sont faibles, l'embauche se faisant autour du SMIC ;

4) les sortants au niveau des baccalauréat et brevet professionnel ont en moyenne un taux d'emploi très largement supérieur à celui des sortants titulaires d'un BEP ou d'un CAP ;

5) les taux d'emploi dans les groupes de spécialités «Production» sont en majorité supérieurs à ceux enregistrés dans les groupes de spécialités « Services », quel que soit le niveau de diplôme ;

6) quelques secteurs concentrent l'essentiel des emplois : bâtiment (gros et second oeuvre), commerce, hôtellerie-restauration et «industrie mécanique, électricité, métallurgie» ;

7) la concordance entre les groupes de spécialités des jeunes en emploi et les secteurs d'activité est satisfaisante ;

8) le taux d'emploi des filles est inférieur à celui des garçons quel que soit le niveau de formation ;

9) les régions présentent une forte disparité au regard de l'emploi des jeunes issus des formations professionnelles. Elle reflète en grande partie la situation de l'emploi local ainsi que le degré de spécialisation en termes d'activité de production et de services ;

10) si les jeunes jugent plutôt favorablement leur formation, ils estiment, pour un jeune apprenti sur quatre et pour deux jeunes lycéens sur cinq, insuffisantes les informations dont ils ont disposé pour leur orientation. »

- Cependant, la mission , rejoignant les interrogations du CEREQ, s'interroge globalement sur la capacité d'accueil d'entreprises françaises dont les carnets de commande sont insuffisants et sur l'articulation de ces mesures avec les besoins des jeunes sans diplôme.

Sur le terrain, comme les parlementaires de la mission ont pu le constater au cours de leurs déplacements, certaines missions locales soulignent la difficulté d'insérer les jeunes de niveau V et VI, et la nécessité de créer des places dans les centres de formation des apprentis (CFA) en améliorant leur financement . A cet égard, M. Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric, et chargé par le Gouvernement d'une mission de valorisation de la formation en alternance auprès des grandes entreprises 45 ( * ) regrette que « sur les 1,5 milliard d'euros issus chaque année de la collecte de la taxe d'apprentissage seuls 500 millions d'euros bénéficient réellement aux CFA » et préconise de « rendre le financement de l'apprentissage beaucoup plus simple et transparent. La taxe d'apprentissage doit être exclusivement réservée à l'apprentissage ».

Confirmant ces observations lors de son audition, la représentante de l'Association des régions de France, a indiqué que 3 % seulement des jeunes passés par les missions locales étaient orientés vers l'apprentissage , faute de trouver un CFA et un employeur pour les accueillir. Elle a, en outre, rappelé que le taux de rupture des contrats d'apprentissage était élevé - 25 % dans les premiers mois suivant leur conclusion - et que s'il produit de bons résultats en termes d'insertion professionnelle, l'apprentissage demeure une voie de formation exigeante pour les jeunes, puisqu'il implique un rythme de travail soutenu et de fréquents déplacements, ce qui amène à souligner le besoin d'accompagnement et de soutien de ces jeunes. Elle a également déploré que la réforme de la collecte de la taxe d'apprentissage se traduise par une augmentation des financements consacrés aux niveaux de formation les plus élevés, au détriment des niveaux de formation inférieurs en signalant, par ailleurs, que le passage de deux à trois du nombre d'années d'études requises pour obtenir le baccalauréat professionnel posait de sérieux problèmes de mise en oeuvre, les employeurs hésitant à s'engager pour une durée aussi longue.

Votre rapporteur souligne par ailleurs qu'il conviendrait de perfectionner le statut des apprentis en alignant les avantages conférés par la carte d'apprenti avec ceux de la carte d'étudiant. L'article 22 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale avait, en effet, institué, à l'initiative du Sénat, une carte d'apprenti délivrée au jeune par le centre qui assure sa formation. Conçue sur le même modèle que la carte d'étudiant et valable sur l'ensemble du territoire national, elle permet à l'apprenti de faire valoir la spécificité de son statut auprès des tiers, notamment en vue d'accéder, le cas échéant, à des réductions tarifaires. Ce texte a été mis en application par l'arrêté du 12 septembre 2005 relatif à la mise en place de la carte nationale d'apprenti. Cependant, d'après les indications recueillies par votre rapporteur, il conviendrait de parfaire ce dispositif en concluant les conventions nécessaires pour que les jeunes apprentis puissent prétendre à l'ensemble des avantages accordés aux étudiants.

La mission se félicite de pouvoir ainsi relayer les préoccupations de terrain, prolongeant ainsi l'attachement à l'apprentissage qui se manifeste au Sénat notamment à l'occasion des « Rencontres de l'apprentissage », le 26 mai 2009, ou de la remise des médailles aux lauréats du Concours national "Un des meilleurs apprentis de France", en janvier dernier.

2. La nécessité, à plus long terme, de décloisonner les différentes voies de formation par alternance

- La concentration des aides sur les contrats d'apprentissage et de professionnalisation conduit, tout d'abord, à rappeler l'importance de l'alternance sous statut scolaire . Le rapport pour avis 46 ( * ) de M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin, présenté au nom de la commission des affaires culturelles, nuance les conclusions trop univoques qui pourraient être tirées de l'analyse de l'employabilité des jeunes dans le rapport précité de M. Éric Besson. Tout d'abord, les diplômés de l'enseignement professionnel sous statut scolaire s'insèrent incontestablement moins bien à court terme que les apprentis, mais un rattrapage partiel du différentiel d'insertion s'opère dans les années suivant l'entrée sur le marché du travail . En second lieu, les taux de réussite aux examens restent encore très inférieurs pour les élèves de l'apprentissage : l'écart peut atteindre près de 24 % pour les brevets de technicien ou les brevets des métiers d'art. Pour expliquer cette situation, le rapport indique que la rupture avec l'environnement scolaire « qui fait tout l'intérêt de l'apprentissage, rend d'autant plus difficile l'obtention finale du diplôme en éloignant l'apprenti de l'habitus scolaire qui était jusque-là le sien. » (...) « Au surplus, l'apprentissage offre un socle de connaissances générales et professionnelles relativement plus restreint que l'enseignement sous statut scolaire : en conséquence, les apprentis sont souvent moins armés que les lycéens professionnels pour évoluer tout au long de leur carrière ».

- La mission d'information note que ces considérations renforcent la pertinence de sa recommandation tendant à faire de la voie professionnelle une filière d'excellence, notamment en créant, dans le prolongement des lycées des métiers, des grandes écoles renforçant le prestige et l'attractivité de cette filière. Ainsi, il serait très positif, comme l'a indiqué M. Laurent Wauquiez à la mission, que l'école Polytechnique, par exemple, s'engage sur la voie de l'apprentissage, non pas tant pour favoriser l'insertion professionnelle des futurs polytechniciens que pour améliorer l'image de cette voie de formation.

La mission souligne ainsi, dans l'intérêt des jeunes, la nécessité de mutualiser les ressources et les moyens pédagogiques de toutes les formes d'alternance et préconise la généralisation des expériences réussies dans ce domaine.

Votre mission rejoint les conclusions de la mission d'information du Sénat précitée, sur la formation professionnelle qui préconise de créer des points de contact entre le monde scolaire et universitaire et le monde du travail, ainsi que pour construire des passerelles entre ces modes de formation en citant les efforts menés sur le terrain. De manière particulièrement illustrative, M. Jean-Paul Denanot, président du conseil régional du Limousin et président de la commission formation professionnelle de l'Association des Régions de France (ARF), avait apporté le témoignage suivant: « Le Limousin est assez atypique à cet égard, la plupart de ses centres de formation d'apprentis étant situés auprès des lycées professionnels. Cette situation permet une certaine cohérence entre l'apprentissage et les lycées professionnels. Je souhaiterais, malgré la résistance institutionnelle et professionnelle, que les lycées deviennent davantage des lycées des métiers, c'est-à-dire soient dotés des trois composantes : formation initiale traditionnelle, apprentissage et formation professionnelle tout au long de la vie . Ceci permettrait de réaliser des économies d'échelle de moyens. Les lycées professionnels pourraient en outre disposer d'une meilleure vision de la situation en matière de formation. La résistance à un tel type de projet reste cependant forte, notamment de la part du personnel enseignant. En tant qu'« ancien » de l'éducation nationale, je tente de convaincre de l'intérêt de tous du groupement des trois publics (élèves de la formation initiale, stagiaires de la formation professionnelle et apprentis) surtout en milieu rural. (...) Nous devons encore réfléchir aux mesures de stabilisation des personnels et d'accompagnement, notamment en termes de diversité des rythmes. Ces mesures n'éviteront peut-être pas la concurrence, mais permettront sans doute de l'atténuer. (...) Je crois que les autres régions commencent désormais à prendre conscience que la mise en place d'un CFA auprès d'un lycée professionnel est possible et permet une certaine simplification. »

- Le discours du 24 avril 2009 sur l'emploi des jeunes n'a sans doute pas été prononcé par hasard au Campus de Veolia Environnement à Jouy le Moutier (Val d'Oise). En effet, créé en 1994, le CFA de cet ensemble accueille environ 900 apprentis et les prépare à quinze diplômes de tous niveaux, du CAP au master. L'élément mobilisateur, pour la dynamique de ces formations, est que le stagiaire entreprenant une formation en alternance bénéficie in fine de l'engagement du groupe à l'embaucher en contrat à durée indéterminée et à temps complet en cas de succès. En outre, le campus contient un centre de formation professionnelle continue pour les salariés de Veolia : 15 000 stagiaires par an y sont accueillis. Sensible à la nécessité du « brassage social » qu'assurait autrefois, pour les garçons, le service militaire, et pour cette raison favorable par ailleurs au développement du service civique, la mission souligne que sur ce campus, quel que soit le niveau d'études ou le niveau hiérarchique dans l'entreprise, l'ensemble des utilisateurs partagent le même restaurant, les mêmes lieux de détente. Ils sont hébergés dans les mêmes conditions, sur place.

D. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION SUR LA FORMATION EN ALTERNANCE

DÉVELOPPER LA FORMATION EN ALTERNANCE

A. Compléter les mesures de soutien à l'alternance sous contrat

- Encourager l'entreprise à devenir plus « formatrice » sans se limiter à s'acquitter de prélèvements destinés à financer des organismes de formation.

- Veiller à ce que les récentes mesures de soutien aux contrats de professionnalisation puissent bénéficier aux jeunes non diplômés.

- Sécuriser le financement des centres de formation d'apprentis (CFA) en simplifiant et en recentrant sur sa fonction essentielle le système d'affectation de la taxe d'apprentissage.

- Améliorer le statut des apprentis en alignant les avantages conférés par la carte d'apprenti sur ceux de la carte d'étudiant ou en fusionnant les deux documents.

B. Décloisonner les voies d'alternance

- Décloisonner les voies d'alternance et mutualiser leurs moyens pédagogiques.

- Constituer des pôles d'excellence à partir de certaines formations professionnelles existantes et créer de grandes écoles professionnelles accessibles aux bacheliers professionnels ou technologiques, afin de renforcer l'image et l'attractivité de cette filière.

- Au titre des grands chantiers d'avenir, encourager la constitution de campus de formation intégrant l'hébergement des jeunes et remplissant une fonction de « brassage social » susceptible d'abolir les frontières entre le monde scolaire ou universitaire, et le monde du travail.

IV. RENFORCER LES DISPOSITIFS DE LA DEUXIÈME CHANCE

Le constat est alarmant et désormais connu de tous : environ 150 000 jeunes sortent chaque année sans aucun diplôme de notre système scolaire. Outre les nécessaires solutions internes au système scolaire, des dispositifs spécifiques de réinsertion scolaire pour ces jeunes sortis de l'école doivent être pensés , au risque de les voir s'éloigner inexorablement de l'école et de l'emploi.

Les écoles de la deuxième chance et les établissements « Défense deuxième chance » ont précisément pour objet de réconcilier ces jeunes avec l'école afin de leur donner la possibilité de poursuivre un cursus scolaire, de suivre une formation, de décrocher un diplôme et de réussir leur entrée dans la vie active.

A. ÉTAT DES LIEUX : DES DISPOSITIFS INNOVANTS QUI CONNAISSENT UNE MONTÉE EN PUISSANCE

1. Les écoles de la deuxième chance

Les écoles de la deuxième chance ont reçu une consécration législative dans la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Aux termes de l'article L. 214-14 du code de l'éducation, « les écoles de la deuxième chance proposent une formation à des personnes de dix-huit à vingt-cinq ans dépourvues de qualification professionnelle ou de diplôme. Chacune d'entre elles bénéficie d'un parcours de formation personnalisé ».

Les écoles de la deuxième chance (E2C) accueillent des jeunes orientés par une mission locale qui ont quitté le système scolaire sans diplôme ni qualification.

Ces jeunes sont en alternance et ont le statut de stagiaires rémunérés de la formation professionnelle . Ils perçoivent environ 540 euros par mois . Les stages s'effectuent dans des domaines variés, ce qui permet d'affiner l'orientation professionnelle. Si les règles sont strictes s'agissant des horaires et des absences, le suivi individuel de chaque élève et l'accompagnement global, à la fois éducatif, professionnel et social, permettent de ne pas les mettre en situation d'échec.

La durée du parcours de formation personnalisé ne peut excéder 48 mois. Il est défini sur la base d'une évaluation individuelle du niveau initial de connaissances et de compétences des personnes admises au sein de l'école et d'un entretien réalisé lors de leur entrée en formation et portant notamment sur leurs projets professionnel et personnel. L'attestation de fin de formation délivrée par l'école précise le niveau des connaissances et des compétences atteintes par les personnes ayant suivi la formation, notamment au regard du socle commun de connaissances et de compétences.

Depuis le lancement, en 1997 , de la première école de la deuxième chance, le réseau des écoles de la deuxième chance en France connaît un développement soutenu : on a ainsi assisté à une hausse de 28 % du nombre d'élèves scolarisés en E2C en 2008 .

Les écoles sont labellisées par le réseau des E2C en collaboration avec l'association française de normalisation (AFNOR). Le label est délivré pour une durée de 4 ans aux établissements et organismes de formation se conformant aux critères définis par un cahier des charges établi par l'association Réseau des E2C. Au début 2009, les E2C labellisées sont présentes en France dans 16 écoles labellisées sur 44 sites-écoles en activité, dans 12 régions et 25 départements (voir le tableau ci-après).

Les écoles de la deuxième chance ont accueilli, en 2008, plus de 4 700 jeunes : leur âge moyen est de 20,5 ans, 93 % d'entre eux sont de niveau infra V ou V non validé (le niveau V équivaut à un brevet d'études professionnelles ou à un certificat d'aptitude professionnelle), le public féminin est majoritaire (55 % des élèves) et les jeunes n'ayant pas la nationalité française sont relativement nombreux (10 % des effectifs).

Implantation et effectifs 2008 et 2009 des écoles membres du réseau E2C France

Région

Écoles

Nombre de départements concernés

Nombre de villes/sites

Présents au 1 er janvier

Entrants en 2008

Total 2008

Présents au 1 er janvier

Entrants en 2009

Total 2009

Alsace

E2C Mulhouse

1

1

26

78

104

22

78

100

Auvergne

E2C Auvergne

4

4

117

316

433

117

355

472

Bourgogne

E2C Nièvre

1

3

71

181

252

81

120

201

Centre

E2C Tours Val de Loire

1

1

38

91

129

44

90

134

Champagne Ardennes

E2C Champagne Ardennes

4

7

130

497

627

190

485

675

Franche Comté

E2C Belfort

1

1

40

75

115

33

82

115

Ile-de-France

E2C Essonne

1

2

57

75

132

40

170

210

E2C Paris

1

2

56

136

192

59

191

250

E2C Seine-St-Denis

1

4

207

447

654

200

450

650

E2C Sud 77

1

1

19

56

75

40

60

100

E2C Yvelines

1

3

19

97

116

50

220

270

Lorraine

E2C Lorraine

4

8

245

885

1130

301

670

971

Nord Pas-de-Calais

E2C Grand Lille

1

2

53

91

144

61

158

219

Poitou Charentes

E2C Châtellerault

1

1

8

61

69

1

60

70

Provence Alpes Côte d'Azur

E2C Marseille

1

4

152

413

565

183

420

603

Nombre de régions

Nombre d'écoles

Nombre de départements

Nombre de villes/sites

Effectifs 2008

Effectifs prévisions 2009

11

15

24

44

1238

3499

4737

1431

3609

5040

Le coût moyen d'un jeune scolarisé dans une école de la deuxième chance est évalué par le Réseau des E2C à 7 156 euros en 2009 . Cependant, les modes de financement varient grandement en fonction des écoles. Là où les E2C sont implantées, les régions, compte tenu de leurs compétences, en sont les partenaires et financeurs majeurs, avec le fonds social européen (FSE), les communes et leurs groupements, les conseils généraux et des entreprises. La loi n° 2008-776 de modernisation de l'économie a, en outre, permis aux E2C de collecter la taxe d'apprentissage, ce qui devrait permettre d'assurer une continuité du financement alors que les crédits issus du FSE sont en baisse. Le graphique suivant montre bien, au demeurant, la montée en puissance du financement lié à la taxe d'apprentissage.

2. Le dispositif « Défense deuxième chance »

Les centres « Défense deuxième chance », gérés par l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDe), accueillent des jeunes isolés ou marginalisés du fait d'un triple échec familial, scolaire et professionnel.

Le dispositif « Défense deuxième chance » s'adresse à des jeunes volontaires âgés de 18 à 22 ans révolus en situation de retard ou d'échec scolaire, sans qualification professionnelle ni emploi et souvent en risque de marginalisation sociale, en règle avec leur journée d'appel de préparation à la défense (JAPD). C'est au demeurant cette dernière qui permet de détecter ces difficultés : elle permet en effet de détecter, chaque année, environ 60 000 élèves en grande difficulté, dont 20 000 sont en voie de marginalisation.

Il est proposé à ces jeunes des services pédagogiques selon trois grands axes :

- une formation comportementale et civique leur permettant de se socialiser. Au coeur du dispositif, elle est prodiguée en grande majorité par d'anciens militaires ;

- une maîtrise des savoirs fondamentaux : lecture, écriture, calcul et informatique, assurée par des équipes d'enseignants ;

- et une formation professionnelle débouchant sur des métiers où l'offre d'emploi est importante, en partenariat avec l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les entreprises.

Pour réaliser cette mission, les centres accueillent et hébergent les jeunes en internat dans le cadre de ces parcours .

Les jeunes perçoivent une allocation mensuelle de 300 euros , dont 150 euros perçus chaque mois auxquels s'ajoute une prime capitalisée de 150 euros par mois, versée en fin de parcours aux volontaires ayant dépassé deux mois d'ancienneté.

D'après les données citées dans le rapport 47 ( * ) de notre collègue M. Jacques Grosperrin sur les écoles de la deuxième chance et l'accès à l'emploi :

- 71 % des volontaires sont des garçons ;

- 70 % n'ont aucun diplôme à leur entrée à l'EPIDe ;

- 91 % sont nés Français, mais 70 % ont un parent né à l'étranger ;

- 39 % viennent des quartiers de la politique de la ville (l'objectif de l'EPIDe étant d'atteindre un taux de 50 %) ;

- 30 % des volontaires ont déjà été jugés, 15 % sont sous suivi judiciaire et 20 % ont fait une tentative de suicide.

Les 21 établissements « Défense deuxième chance » sont répartis sur l'ensemble du territoire, mais la zone du Grand Ouest avec un seul centre paraît cependant moins bien lotie que la région Centre ou le Languedoc-Roussillon (voir la carte ci-après).

Les centres « Défense deuxième chance » en France

B. SUCCÈS ET LIMITES DES DISPOSITIFS DEUXIÈME CHANCE

1. Les écoles de la deuxième chance

En 2008, 78 % des jeunes accueillis au sein du Réseau des E2C de France se sont engagés dans un parcours complet de formation . Le taux d'abandon est en légère hausse par rapport à 2007. Les sorties non maîtrisables et les sorties avant engagement de formation ont concerné 22 % des élèves, contre 19 % en 2007. Les écoles expliquent cette détérioration par le fait que les situations tant sociales que comportementales des jeunes accueillis sont de plus en plus complexes et nuisent à leur motivation.

Sur les 4 737 jeunes accueillis en 2008, 1 431 étaient toujours en formation à la fin de l'année et 2 266 étaient sortis à l'issue de leur parcours, dont 62 % de sorties positives , vers la formation et/ou l'emploi. Le coût médian annuel d'un parcours, évalué à 8 100 euros , est raisonnable.

Les sorties positives sont constituées pour environ la moitié par une entrée directe dans l'emploi et pour la moitié en poursuite de formation vers un dispositif qualifiant. 40 % des sorties en poursuite de formation se font sur des contrats de travail en alternance (apprentissage et contrats de professionnalisation).

50 % des élèves sont issus des quartiers « politique de la ville », ce qui est un chiffre élevé et satisfaisant. Cette statistique s'explique aussi par l'implantation majoritairement urbaine des actuelles E2C.

Le taux élevé de jeunes non diplômés (93 %) révèle que le ciblage des jeunes « décrocheurs » est efficace.

La mission considère que ces écoles sont une excellente initiative et qu'elles réunissent les critères du succès : la formation en alternance assure souvent des débouchés pour les élèves, la scolarité en petits effectifs favorise la réussite et la collaboration avec les missions locales garantit leur ancrage territorial. Si ce dispositif parvient à court terme à donner une qualification à 10 000 élèves, ce sera une réelle avancée.

C'est la raison pour laquelle la mission se félicite de l'annonce, par le Président de la République, du développement des E2C , avec l'objectif de parvenir à un chiffre de 15 000 à 20 000 jeunes à l'horizon 2012 , avec une école par département et un développement en priorité dans les quartiers les plus difficiles.

2. Les centres « Défense deuxième chance »

Au mois de janvier 2008, sur les 1 834 places « ouvertes aux jeunes », l'EPIDe comptabilisait 1 778 jeunes , soit un taux d'occupation de 97 % par rapport aux objectifs.

Le cadre étant strict, on observe de nombreux abandons en cours de stage : 41 % en 2007 et 28 % en 2008.

Le taux d'insertion sociale et professionnelle est de 50 % à la sortie de l'EPIDe, ce qui est un bon résultat au vu du public concerné. Deux tiers de ces jeunes sortants obtiennent un contrat de travail (contrat en alternance, CDD égal ou supérieur à 6 mois, CDI, pacte junior...). Le parcours dure un an pour 85 % des jeunes accueillis : la situation de départ aux plans comportemental et scolaire ainsi que la rapidité d'évolution et les exigences de la filière professionnelle choisie déterminent la durée nécessaire du programme.

Les jeunes ont obtenu un contrat de travail dans les secteurs suivants : 23 % dans le BTP, 9 % en hôtellerie/restauration, 14 % dans les services à la personne, 11 % dans le secteur du transport, de la logistique et du magasinage, 14 % dans les services aux entreprises, 3 % dans l'industrie et 5 % dans le commerce de gros et de détail. 4 % ont opté pour une entrée en formation qualifiante ou diplômante.

Le coût par jeune et par an est d'environ 45 000 euros . Selon le rapport précité de M. Jacques Grosperrin, « ce coût, lié au régime d'internat et d'indemnisation des jeunes, mais aussi aux dépenses immobilières et, selon certaines critiques, au dimensionnement du siège de l'EPIDe, doit en principe être ramené à moins de 40 000 euros en 2009 et 35 000 euros en 2011 ».

A titre de comparaison, le coût par jeune est de 8 100 euros dans les E2C , mais de 200 000 euros dans un centre éducatif fermé. Selon le Conseil économique, social et environnemental 48 ( * ) , ce coût n'est justifié que si l'EPIDe se concentre sur les jeunes les plus marginalisés .

3. Les propositions de la mission pour renforcer ces dispositifs

Les dispositifs des écoles de la deuxième chance et « Défense deuxième chance » concernent environ 7 000 jeunes par an , chiffre que l'on peut comparer aux 150 000 sortis du système scolaire sans diplôme. Ils ne constituent donc absolument pas une alternative à la réforme de l'école -de la « première chance » et aux politiques d'aide à l'insertion professionnelle . Il reste qu'ils connaissent une réussite indéniable : la mission est donc pleinement favorable à leur développement à la condition qu'ils remplissent pleinement les objectifs qu'on leur fixe.

Ils considèrent à cet égard que si le nombre de centres Défense deuxième chance doit augmenter et que leur répartition géographique doit être plus équilibrée (absence totale de centre dans le Grand Ouest), ils doivent se concentrer sur les jeunes les plus en difficulté.

RENFORCER LES DISPOSITIFS DE LA DEUXIÈME CHANCE


Porter dès la rentrée 2010 le nombre d'écoles de la deuxième chance à une centaine , avec au moins un site-école par département . Tous les départements sont concernés par l'échec scolaire et les dispositifs doivent se rapprocher de leurs élèves pour être pleinement efficaces.


Mettre en place des internats dans ces établissements afin d'améliorer la prise en charge des jeunes. Le soutien financier de l'Etat devrait être renforcé là où un internat est créé.


• Au vu de leur coût, l'objectif pour les centres de l'EPIDe est de se concentrer sur les élèves les plus en difficulté.

DEUXIÈME PARTIE - EMPLOI ET INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES : FAVORISER L'ACCÈS DES JEUNES À UN EMPLOI DURABLE

Les jeunes rencontrent, en France, de grandes difficultés pour s'insérer dans l'emploi durable. Le rappel de quelques données permettra de s'en convaincre 49 ( * ) :

? le taux d'emploi des jeunes est particulièrement faible dans notre pays : en 2007, il n'était que de 31,5 % pour la tranche d'âge 15-24 ans, alors qu'il s'élevait, en moyenne, à 37,4 % dans l'Union européenne (UE) ;

? le taux de chômage des jeunes actifs est, en revanche, particulièrement élevé : au quatrième trimestre 2008, il était proche de 21,2 % chez les 15-24 ans, alors qu'il n'était que de 7,4 % pour la tranche d'âge 25-54 ans 50 ( * ) ; dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, le taux de chômage des jeunes est presque deux fois plus élevé (42 %) ; la concentration des problèmes sociaux et les phénomènes de discrimination à l'embauche expliquent cette situation ;

? les jeunes sont durement confrontés à la précarité de l'emploi : en 2007, la proportion d'intérimaires (5,3 %) et de titulaires de contrat à durée déterminée (CDD) chez les 15-29 ans (17 %) était plus de deux fois supérieure à la moyenne (2,4 % et 8 % respectivement) ; en conséquence, les jeunes sont les premiers touchés par l'actuelle remontée du chômage ;

? il s'écoule, en moyenne, six à sept ans entre le moment où un jeune achève ses études et le moment où il se stabilise dans l'emploi ;

? les jeunes diplômés sont souvent confrontés à un phénomène de déclassement , qui les conduit à accepter des emplois pour lesquels le niveau de qualification requis est inférieur à celui qu'ils ont atteint ; 20 à 30 % des diplômés seraient concernés par ce phénomène, notamment les bacheliers des filières technologiques et professionnelles.

Face à ce constat, les pouvoirs publics ont développé, depuis une trentaine d'années, des politiques spécifiques en direction des jeunes. La création des missions locales, en 1982, en constitue une des mesures emblématiques.

I. L'ACCOMPAGNEMENT DES JEUNES PAR LE SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI (SPE)

A. LES OPÉRATEURS DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI

1. Un réseau spécialisé sur l'accompagnement des jeunes : les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO)

Les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) se sont développées, depuis 1982, par la volonté conjointe des collectivités territoriales et de l'Etat de coordonner localement leurs interventions en direction des jeunes. Elles ont, le plus souvent, un statut associatif . La contribution de leur réseau au service public de l'emploi (SPE) est officiellement reconnue dans le code du travail depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (articles L. 5314-1 à L. 5314-3). A ce titre, elles sont chargées de la mise en oeuvre du contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis).

- Le réseau :

Au 31 décembre 2007, le réseau comptait 484 structures 51 ( * ) , dont 421 missions locales et 63 PAIO, réparties sur l'ensemble du territoire. Le nombre de PAIO tend à diminuer, à mesure que les regroupements permettent à ces structures d'atteindre la taille critique qui leur donne droit au statut de mission locale 52 ( * ) . Le maillage territorial garantissant la proximité du service est assuré par l'existence de près de 5 000 antennes et relais dépendant des missions locales et des PAIO.

A la même date, le réseau employait 10 478 agents (9 501 personnes en équivalents temps plein). La plupart sont des salariés des missions locales ou des PAIO, mais une minorité (806 agents) sont mis à disposition par les services de l'Etat, par Pôle emploi ou par les collectivités territoriales. 60 % des structures comptaient entre dix et trente équivalents temps plein.

- Le budget :

En 2007, le réseau a reçu 474 millions d'euros de financements publics. Ce financement provient, à hauteur de 40 % de l'Etat, de 45 % des collectivités territoriales (régions, départements et communes) et de 8 % du Fonds social européen (FSE), le solde provenant de divers organismes publics et privés.

2. Un acteur généraliste : Pôle emploi

Pôle emploi est l'institution issue, depuis le début de l'année 2009, de la fusion entre l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic). Il accueille tous les demandeurs d'emploi, sans distinction d'âge, et a pour missions principales de collecter les offres d'emploi, accueillir, informer, orienter et accompagner les demandeurs d'emploi et verser les allocations d'assurance chômage.

Depuis juillet 2001, une convention entre l'ANPE, à laquelle a succédé Pôle emploi, et le réseau des missions locales, organise leur coopération, qui repose sur une « co-traitance » de certains demandeurs d'emploi. Les conseillers de Pôle emploi orientent vers la mission locale une partie des jeunes de 16 à 25 ans en recherche d'emploi : le plus souvent, il s'agit de jeunes peu qualifiés, pour lesquels l'accès à l'emploi se heurte à des difficultés sociales ou de santé nécessitant un accompagnement global. En 2007, plus de 120 000 jeunes ont ainsi été orientés vers les missions locales, dont 33 000 sont indemnisés par l'assurance chômage.

Les missions locales ont accès aux offres d'emploi de Pôle emploi et l'interconnexion des systèmes d'information leur permet de renseigner le dossier unique du demandeur d'emploi (DUDE).

3. Les autres réseaux spécialisés

Les jeunes peuvent, le cas échéant, être accueillis par certains réseaux spécialisés. Le réseau Cap-emploi s'occupe par exemple des personnes handicapées, qu'elles soient jeunes ou plus âgées. Les diplômés de l'enseignement supérieur peuvent s'adresser à l'Association pour l'emploi des cadres (Apec), qui veille à faciliter leur insertion professionnelle en leur proposant des conseils et des méthodes adaptées à leur situation et à leur profil, ou à l'Association pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes diplômés (Afij).

4. Les opérateurs privés

Depuis 2006, le service public de l'emploi sous-traite à des opérateurs privés le placement de certains demandeurs d'emploi. En ce qui concerne le public jeune, le lancement, l'an dernier du contrat d'autonomie, a marqué une rupture, puisque ce sont des opérateurs privés qui le gèrent de façon quasi-exclusive.

B. LES MOYENS MIS EN oeUVRE

1. Les mesures de droit commun

Les jeunes qui s'adressent au service public de l'emploi (SPE) bénéficient des services offerts à tout demandeur d'emploi : entretiens, bilan de compétence, ateliers de formation à la recherche d'emploi, propositions d'offres d'emploi ou de formation, contrats aidés...

Le bilan d'activité annuel des missions locales et des PAIO fournit des données précises concernant le nombre de jeunes qui ont bénéficié des services de ce réseau : en 2007, 1,13 million de jeunes de 16 à 25 ans ont été en contact avec le réseau, dont 452 000 pour un premier accueil, et 995 000 ont été reçus en entretien individuel.

La population des jeunes reçus pour un premier accueil est composée majoritairement de jeunes femmes (54 %) et de majeurs (83 %), plus de la moitié des jeunes concernés ayant entre 18 et 21 ans. 60 % des jeunes peu ou pas diplômés (niveaux VI, V bis ou V) ont recours aux services du réseau des missions locales et des PAIO dans l'année qui suit leur sortie du système scolaire.

Dans l'année qui suit le premier accueil, près d'un tiers des jeunes a bénéficié d'au moins cinq entretiens individuels. Les jeunes sans qualification font l'objet d'un suivi plus intense que les diplômés (36 % ont rencontré au moins cinq fois leur conseiller, contre 27 % des jeunes titulaires du baccalauréat). Au total, un peu moins de 3,6 millions d'entretiens individuels ont été assurés en 2007.

L'offre de services des missions locales et des PAIO est plus large que celle des autres opérateurs du SPE. Environ 12 % de leur budget est en effet consacré aux actions dites « spécifiques », qui correspondent aux actions de prévention et d'éducation pour la santé , d'accompagnement dans les démarches d'accès au logement , d'accès aux droits et de lutte contre les discriminations, de sensibilisation à la citoyenneté , à la culture et aux loisirs . Ces actions visent à assurer une prise en charge globale du jeune, afin de lever les éventuelles entraves à son insertion professionnelle.

2. Le contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis)

L'article 13 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, adoptée à l'initiative de MM. Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher, alors respectivement ministre de l'emploi, du logement et de la cohésion sociale, et ministre délégué aux relations du travail, prévoit que « toute personne de seize à vingt-cinq ans révolus en difficulté et confrontée à un risque d'exclusion professionnelle a droit à un accompagnement, organisé par l'État, ayant pour but l'accès à la vie professionnelle ». Les missions locales et les PAIO, qui sont chargées de mettre en ouvre cet accompagnement, bénéficient, à cette fin, d'un outil privilégié : le Civis. Créé en 2002, le Civis, qui n'a d'abord obtenu qu'un succès limité, a été rénové par la loi précitée, puis a vu le champ de ses bénéficiaires étendu en 2006.

Le Civis est, en principe, conclu pour une durée d'un an, renouvelable une fois, mais il peut être prolongé, s'il est signé par un jeune sans qualification, jusqu'à ce que son titulaire accède à l'emploi durable ou atteigne son vingt-sixième anniversaire. Depuis 2006, le Civis est ouvert aux jeunes diplômés de l'enseignement supérieur qui rencontrent des difficultés particulières d'insertion dans l'emploi (inscription sur la liste des demandeurs d'emploi depuis au moins douze mois au cours des dix-huit derniers mois).

Dans un délai de trois mois à compter de la signature du Civis, le référent chargé de l'accompagnement du jeune doit établir avec lui un parcours d'accès à la vie active et lui proposer :

- soit un emploi, éventuellement en alternance ;

- soit une formation qualifiante dans un métier pour lequel des possibilités d'embauche sont identifiées;

- soit une action spécifique, si le jeune connaît des difficultés particulières d'insertion ;

- soit une assistance renforcée dans la recherche d'emploi ou la démarche de création d'entreprise, apportée par des organismes de placement contribuant au SPE.

Après la reprise d'emploi, le jeune peut encore bénéficier d'un accompagnement pendant une durée d'un an afin d'éviter une rupture anticipée de son contrat de travail.

Afin de sécuriser son parcours d'insertion, le jeune en Civis peut enfin bénéficier, si le référent l'estime nécessaire, d'une allocation plafonnée à 300 euros mensuels et à 900 euros sur l'ensemble de l'année . L'allocation ne peut être versée qu'à de jeunes majeurs. En 2008, son montant moyen s'est élevé à 308 euros dans l'année et 40 % des jeunes éligibles en ont bénéficié.

3. Les plates-formes de vocation

Créées par l'ANPE en 2005 , et gérées à présent par Pôle emploi, les plates-formes de vocation ont pour objectif de repérer, chez les jeunes évalués, les habiletés ou aptitudes nécessaires à la tenue d'un poste de travail dans les métiers porteurs ou en tension . Elles ont recours à la méthode de recrutement par simulation (MRS), qui consiste, en collaboration avec l'entreprise, à placer les jeunes dans des situations très proches de situations de travail réelles.

Les entreprises qui embauchent un jeune identifié grâce à cette méthode acceptent de s'éloigner des procédures habituelles de recrutement, fondées sur le diplôme et l'expérience professionnelle. Des offres d'emploi sont proposées à chaque candidat ayant réussi les tests. Plus de 120 000 embauches ont été effectuées, à ce jour, par l'intermédiaire des plates-formes de vocation. L'an passé, près de 60 000 simulations ont été réalisées, qui ont donné lieu à 21 000 placements dans l'emploi.

Les missions locales peuvent orienter les jeunes dont elles assurent le suivi vers ces plates-formes. En pratique, les plateformes sont utilisées, en priorité, par des jeunes titulaires du Civis. Les agences locales de Pôle emploi et les missions locales mènent des actions d'information et de prospection auprès des entreprises de leur bassin d'emploi afin d'être en mesure d'offrir des offres d'emploi aux jeunes passés par ce dispositif.

4. Le Fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ)

Également créé en 2005 , ce fonds, alimenté par l'État, vise à financer des actions complémentaires à l'accompagnement personnalisé et renforcé dont bénéficient les jeunes confrontés à des difficultés importantes en matière d'insertion professionnelle. Il permet d'attribuer :

- des aides directes , destinées à sécuriser le parcours du jeune (logement, transports, achat de vêtements de travail, alimentation, garde d'enfant...) ;

- des aides indirectes , qui permettent d'améliorer la prise en charge du jeune (prêt de mobylette, aide au financement du permis de conduire, préparation de concours administratifs, aide à la prospection d'entreprises, participation à des forums pour l'emploi...) et qui visent aussi à soutenir les expérimentations et à évaluer les bonnes pratiques.

Le fonds a bénéficié, à ce jour, à 130 000 jeunes, en complément du Civis mis en oeuvre par les missions locales.

5. Le contrat d'autonomie

Le contrat d'autonomie a été créé, en 2008 , à l'initiative de Mme Fadela Amara, secrétaire d'État à la politique de la ville, dans le cadre du plan « Espoir banlieue».

Ce contrat est peu différent du Civis par son contenu : les prestations offertes dans les deux cas sont voisines. Il s'en distingue, en revanche, par les moyens mis en oeuvre : si le Civis est un outil à la disposition des missions locales, le contrat d'autonomie est géré, pour l'essentiel, par des opérateurs privés , sélectionnés sur appel d'offres, qui s'engagent à faire bénéficier le jeune d'un « coaching » intensif pour faire accéder à l'emploi.

Le contrat d'autonomie existe, à titre expérimental , dans trente-cinq départements, où sont situés la majorité des quartiers relevant de la politique de la ville. L'objectif fixé par le Gouvernement est la conclusion, d'ici à trois ans, de 35 000 contrats. Une extension du dispositif à d'autres territoires est envisagée si les résultats de l'expérimentation sont probants.

Ce contrat s'adresse aux jeunes de 16 à 25 ans domiciliés dans les quartiers couverts par un contrat urbain de cohésion sociale (Cucs). Une partie des titulaires du contrat d'autonomie sont des jeunes suivis par le SPE et orientés vers ce dispositif. Mais les opérateurs sélectionnés doivent également s'engager à prospecter dans les quartiers afin d'y trouver des candidats.

Le jeune titulaire d'un contrat d'autonomie s'engage à suivre les actions de formation et d'insertion définies conjointement avec l'opérateur et à respecter certaines clauses (assiduité, recherche active d'un emploi, etc.). En contrepartie, l'opérateur met en place un accompagnement renforcé et désigne, à cette fin, un référent unique qui va suivre le jeune pendant toute la durée de son parcours.

Au moment de la signature du contrat, le jeune définit son projet professionnel (accès à l'emploi, à la formation ou création d'entreprise). Son parcours comporte une première phase « d'accompagnement vers l'autonomie », d'une durée de six mois maximum, renouvelable une fois, puis une phase de suivi du jeune dans son projet, dont la durée ne peut excéder six mois.

Le jeune et son référent se rencontrent au moins une fois par semaine pour un entretien. Le jeune peut bénéficier, en outre, d'entretiens de coaching individuel, d'ateliers d'acquisition des techniques de recherche d'emploi, de tests d'évaluation, de formations aux savoirs de base... Le référent peut également allouer au jeune des aides matérielles pour l'aider à résoudre des problèmes de mobilité (achat de billets de train, aide au financement du permis...) ou de garde d'enfant, acheter des vêtements ou du matériel de travail, etc. Enfin, l'opérateur peut verser au jeune une bourse de 300 euros par mois, pendant six mois au plus . L'opérateur doit être en mesure d'accueillir les jeunes dans un local situé dans le quartier où se déroule la prestation.

Le contrat d'autonomie a pour objectif de faire accéder le jeune à un emploi , une formation qualifiante ou à la création d'entreprise . En plus des démarches effectuées par le jeune, l'opérateur doit rechercher des offres d'emploi ou de formation, ou des potentialités de création ou de reprise d'entreprise. Le placement en emploi implique la conclusion d'un CDI, d'un CDD ou d'un contrat d'intérim de plus de six mois, d'un contrat de professionnalisation ou d'apprentissage.

Un comité de pilotage, présidé par le préfet, est institué dans chaque département. Siègent dans ce comité des représentants de l'opérateur titulaire du marché, des missions locales, de Pôle emploi, des communes où se déroulent la prestation, des établissements publics concernés (centres communaux d'action sociale notamment), du conseil général et du conseil régional.

Afin d'inciter l'opérateur à tout mettre en oeuvre pour faire accéder le jeune à l'autonomie, le paiement de sa prestation est fractionné et soumis à une logique de résultats : 25 % de la somme est dû au moment où le jeune entame son parcours, 40 % est versé si le jeune obtient un contrat de travail ou s'engage dans une formation ou une création d'entreprise à l'issue de la phase d'accompagnement, et les 35 % restants sont versés si le jeune est encore en emploi, en formation ou engagé dans son projet de création d'entreprise six mois plus tard. En d'autres termes, l'essentiel du financement n'est pas dû si aucune solution n'est trouvée pour le jeune au terme de la phase d'accompagnement, dont la durée n'excède pas un an.

C. QUELS RÉSULTATS ?

1. Un faible recours à l'intermédiation

En dépit de la variété des dispositifs mis en oeuvre en leur faveur, la plupart des jeunes trouvent leur premier emploi sans passer par le SPE . En effet, comme le rappelle notre collègue député Jacques Grosperrin dans un rapport récent 53 ( * ) , « le marché du travail se caractérise en France par le poids des candidatures spontanées et des relations dans les processus de recrutement ».

Les données publiées par le Centre d'étude de l'emploi (CEE) 54 ( * ) montrent que 37 % des personnes embauchées depuis moins d'un an déclarent l'avoir été sur candidature spontanée, 22 % par relations, 16 % suite à un contrat antérieur (réembauche), 10,5 % seulement grâce à l'intermédiation des agences publiques (ANPE) ou d'un recruteur et 7 % par voie d'annonces. Les candidatures spontanées occupent une place encore plus importante pour l'embauche des jeunes (39,4 %) et des salariés faiblement diplômés.

Ce poids des candidatures spontanées distingue la France de ses voisins européens : en Espagne, par exemple, le réseau relationnel est déterminant, tandis qu'au Royaume-Uni le rôle des dispositifs d'intermédiation formels (annonces d'offres d'emploi et intermédiaires de placement) est plus significatif.

2. Un manque d'évaluation de l'action des missions locales

On ne dispose que de peu de données sur les résultats obtenus par les missions locales et les PAIO concernant l'insertion professionnelle des jeunes qui ont bénéficié de leurs services. Le bilan d'activité 2007 du Conseil national des missions locales (CNML) indique seulement que « les 995 000 jeunes reçus en entretien individuel en 2007 ont signé 446 000 contrats de travail classiques (CDI, CDD ou contrat « nouvelles embauches ») [...]. Ils ont également signé 91 000 contrats aidés ou en alternance [...]. Dans le détail, les CDD représentent un tiers des contrats de travail signés par les jeunes suivis, l'intérim 23 %, les CDI 15 % et le travail saisonnier 10 % ». 234 000 jeunes ont par ailleurs suivi une formation au cours de la même année.

Ces données ne permettent pas d'apprécier si l'action des missions locales et des PAIO a abouti à une insertion professionnelle durable de ces jeunes, puisque 85 % des contrats de travail signés sont précaires. Il est par ailleurs curieux que le bilan établi par le CNML n'opère pas la distinction, pourtant classique dans les statistiques de l'emploi, entre les CDD de plus ou de moins de six mois. Si un CDD de plus de six mois peut être considéré comme une étape sur la voie de l'insertion professionnelle durable du demandeur d'emploi, tel n'est pas nécessairement le cas d'un contrat de plus courte durée.

Votre rapporteur a pu constater, à l'occasion d'un déplacement de la mission, que les structures, au niveau local, ne disposaient pas toujours d'éléments chiffrés permettant d'évaluer leurs résultats. S'il est sensible au dévouement de leurs salariés, il a ainsi pu observer, avec surprise, que certaines structures ne disposaient pas d'informations sur le devenir professionnel des jeunes dont elles assurent le suivi et qu'elles semblaient perdre leur trace une fois qu'ils avaient atteint l'âge de 26 ans.

Avec une grande prudence, le secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez, a fait observer, lors de son audition devant la mission, que certaines missions locales, certes très minoritaires, pouvaient avoir tendance à considérer les jeunes dont elles s'occupent comme un public captif, qui leur garantit la reconduction de leur budget, et à ne pas s'investir suffisamment dans leur retour rapide à l'emploi.

3. Le bilan du Civis : de meilleures chances d'accès à l'emploi, mais 54 % des bénéficiaires sans solution à l'issue de leur contrat

Depuis 2006, première année pleine de mise en oeuvre du dispositif, on dénombre chaque année, en moyenne, 180 000 entrées dans le dispositif. A la fin de l'année 2008, le Civis avait concerné au total 668 000 jeunes, la plupart d'un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat (91 %). A la même date, 413 500 jeunes avaient quitté le dispositif, dans 39 % des cas pour occuper un emploi en CDI ou en CDD de plus de 6 mois. Si l'on prend en compte les contrats d'une durée inférieure et les contrats aidés du secteur non marchand, 46 % des titulaires de Civis avaient signé un contrat de travail à l'issue de leur parcours, dont la durée moyenne était proche de dix-huit mois.

Une étude de la Dares 55 ( * ) révèle, en outre, que 68 % des jeunes ont accédé au moins une fois à un emploi au cours des dix-huit premiers mois d'accompagnement en Civis et 47 % à au moins une formation. Même lorsqu'il ne se conclut pas par la signature d'un contrat de travail de plus de six mois le Civis permet donc à des jeunes au départ très éloignés de l'emploi d'accéder à une formation et au marché du travail.

Il n'en reste pas moins que plus de la moitié des jeunes passés par le Civis sont toujours au chômage, ou inactifs, à la fin de leur parcours ou sont titulaires d'un emploi précaire offrant de faibles perspectives d'insertion professionnelle durable.

4. La baisse continue des dotations aux Fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) rend aléatoire tout exercice d'évaluation

Les crédits affectés au FIPJ se sont effondrés depuis sa création : alors qu'il disposait de 75 millions en 2005 , sa dotation n'est plus que de 20 millions dans le budget pour 2009 . Le ministère de l'emploi justifie cette baisse continue par la difficulté d'évaluer l'impact des aides accordées par le FIPJ, qui viennent en complément d'autres mesures d'accompagnement du jeune. En réalité, le fonds a surtout été victime de mesures de régulations budgétaires destinées à contenir les déficits publics et n'a pas été considéré comme une priorité politique.

5. Le démarrage laborieux du contrat d'autonomie

La montée en puissance du dispositif tarde à se concrétiser. L'objectif fixé pour 2008, soit la conclusion de 4 500 contrats (10 % du total), n'a pas été atteint : on n'en dénombrait que 3 500 à la mi-janvier 2009 . Lors de son audition, la secrétaire d'État à la politique de la ville a expliqué ce retard par le délai nécessaire à la définition du cahier des charges et au lancement des appels d'offres, qui avait sans doute été sous-estimé. Elle a toutefois confirmé que le Gouvernement avait pour objectif la conclusion de 45 000 contrats en trois ans.

Il est trop tôt pour évaluer l'efficacité du contrat d'autonomie. En tout état de cause, la comparaison qui ne manquera pas d'être faite avec le Civis devra tenir compte des différences de moyens affectés à chaque dispositif : si un conseiller Civis suit 80 à 100 jeunes par an, un référent contrat d'autonomie en suit trois fois moins.

6. L'irruption des opérateurs privés sur le marché de l'accompagnement des jeunes

L'évaluation du contrat d'autonomie fournira aussi des éléments de comparaison entre opérateurs publics et privés.

Les missions locales ont, semble-t-il, mal vécu le lancement du contrat d'autonomie. Très peu ont répondu à l'appel d'offres lancé par les pouvoirs publics ; selon le président de l'Union nationale des missions locales (UNML), M. Jean-Raymond Lépinay, « cette procédure a été largement perçue par le réseau des missions locales comme une remise en cause et les structures qui auraient souhaité répondre ont souvent manqué de surface financière pour faire face aux avances de fonds rendues nécessaires » 56 ( * ) .

Le président de l'UNML estime également que « la question de la privatisation, totale ou partielle, de l'accompagnement des jeunes se pose », avec le risque que les missions locales s'occupent des jeunes les plus en difficulté, tandis que les opérateurs privés prendraient en charge les jeunes moins éloignés de l'emploi.

D. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION POUR FAVORISER L'ACCÈS DES JEUNES À UN EMPLOI DURABLE

1. Pour améliorer l'organisation du SPE

? Renforcer la coordination entre l'éducation nationale et le SPE et développer le travail en réseau

Le Gouvernement a adressé, le 22 avril 2009, une instruction aux recteurs et aux préfets pour que se mette en place, d'ici la fin de l'année scolaire, une coordination systématique entre l'éducation nationale et les acteurs locaux de l'emploi et de la formation (Pôle emploi, missions locales, conseil régional...) pour accompagner les jeunes sortant du système éducatif sans qualification.

La mission soutient sans réserve cette initiative, qui doit permettre d'éviter que des jeunes en situation de « décrochage » scolaire restent trop longtemps sans solution.

De manière plus générale, il est important que les différents acteurs du SPE travaillent efficacement en réseau, afin que des synergies puissent se dégager entre leurs différentes interventions et éviter les « doublons ».

? Rapprocher le réseau des points d'information jeunesse et celui des missions locales et PAIO

On recense environ 1 600 Points d'information jeunesse sur le territoire, financés par l'État et les collectivités territoriales, et dont l'activité recouvre en partie celle des missions locales. Afin d'améliorer le fonctionnement de nos structures administratives et de les rendre plus lisible pour les jeunes, la mission propose de rapprocher ce réseau de celui des missions locales, la mission locale pouvant éventuellement assumer un rôle de chef de file qui faciliterait la coordination de leurs interventions.

? Rénover la composition du conseil d'administration des missions locales

Afin de mieux associer l'ensemble des acteurs concernés, des représentants de l'éducation nationale et des chambres de commerce et d'industrie devraient obligatoirement figurer dans le conseil d'administration des missions locales.

2. Pour améliorer l'efficacité du SPE

? Diversifier le recrutement des conseillers de Pôle emploi et des missions locales

Les candidats ayant une bonne connaissance de l'entreprise et du marché de l'emploi devraient être privilégiés (y compris des diplômés d'école de commerce, des salariés du privé employés auparavant dans un service de ressources humaines...).

? Personnaliser davantage le suivi des jeunes demandeurs d'emploi, afin de mieux valoriser leur potentiel auprès des employeurs

Le plan de cohésion sociale avait préconisé que chaque conseiller de mission locale suive 50 jeunes titulaires du Civis et, dans le cadre de la préparation de la fusion ANPE-Assedic, un objectif, à terme, de 30 demandeurs d'emploi pour un conseiller avait été envisagé.

Ces ratios ne seront pas atteints, à brève échéance, dans le contexte actuel de hausse rapide du chômage. A moyen terme , cependant, lorsque la situation économique se sera stabilisée, le SPE devrait veiller à diminuer le nombre de jeunes suivis par chaque conseiller , afin notamment de pouvoir leur offrir un suivi individualisé dès le premier mois de chômage.

? Prévoir une évaluation obligatoire des opérateurs publics et privés du SPE en examinant leur volume d'activité mais surtout leurs résultats en termes d'insertion professionnelle durable des jeunes

Votre mission propose d'augmenter les moyens alloués aux missions locales et agences locales de Pôle emploi qui obtiennent les meilleurs résultats (sortie des jeunes vers l'emploi durable, entrée en formation, création d'entreprise). Ces résultats doivent bien sûr être appréciés en tenant compte des caractéristiques socio-économiques du territoire de la mission locale.

? Poursuivre, voire amplifier après évaluation, le recours aux opérateurs privés de placement

Même si le coût de leurs prestations est initialement supérieur à celui des opérateurs publics, cet investissement peut être justifié si les résultats en termes d'insertion professionnelle sont meilleurs.

? Multiplier les rencontres directes entre les employeurs et les jeunes demandeurs d'emploi

Une délégation de votre mission d'information a visité, à la gare Saint-Lazare, le Train pour l'emploi et l'égalité des chances qui s'est arrêté dans onze villes de France. Les entreprises et administrations partenaires de l'opération ont proposé 15 000 offres d'emplois. Elles se sont engagées à mettre en oeuvre un protocole de recrutement transparent, fondé sur l'information et l'orientation, afin de lutter contre les discriminations à l'embauche.

Des émissions consacrées à la mise en relation directe d'employeurs et de jeunes demandeurs d'emploi ont également été organisées, avec succès, par des stations de radio. Des forums pour l'emploi ont aussi été créés en région par des acteurs de terrain.

Dans le même esprit, le concours « Talents des cités », auquel est associé le Sénat, met en valeur des projets de création d'entreprise lancés par des jeunes vivant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les candidats sont conseillés par des professionnels expérimentés ou des chefs d'entreprise pour réaliser leur projet et les lauréats reçoivent une dotation.

La mission propose que ces occasions de rencontres directes entre les jeunes et les chefs d'entreprise se multiplient de façon à surmonter les préjugés et les stéréotypes qui agissent parfois comme de puissants freins à l'embauche.

? Développer les actions en faveur de la mobilité

La mission a constaté que le défaut de permis de conduire peut être , dans certains cas, un sérieux obstacle pour l'accès à l'emploi , y compris pour des jeunes qui possèdent une qualification recherchée sur le marché du travail. Elle rappelle qu'une formation gratuite au permis de conduire était autrefois délivrée à de nombreux jeunes dans le cadre du service national.

Le ministère des transports a mis en place, en 2005 , un dispositif de « permis à un euro par jour » , qui repose sur un emprunt bancaire : un établissement financier avance la somme nécessaire à l'obtention du permis, l'Etat prenant en charge les intérêts de l'emprunt, et le bénéficiaire rembourse ensuite un euro par jour pendant une trentaine de mois. Les apprentis et les titulaires du Civis reçoivent, de surcroît, une aide directe de 200 euros.

La mission souhaite aller plus loin en ce domaine :

- un mécanisme de cautionnement public pourrait être organisé, afin que les jeunes faiblement solvables puissent néanmoins emprunter ; le remboursement pourrait être subordonné à l'obtention d'un CDI ou d'un CDD d'une certaine durée ;

- une aide directe plus élevée pourrait être versée aux jeunes qui s'orientent vers un métier en tension .

II. LES STAGES EN ENTREPRISE

Les stages en entreprise jouent un rôle irremplaçable : ils permettent aux jeunes de découvrir le monde professionnel, avec ses codes et ses règles de comportement, de se confronter à la réalité des métiers, ce qui leur permet de disposer d'éléments d'appréciation concrets pour réfléchir ensuite à leur orientation, et d'acquérir une expérience pratique qui favorise leur insertion professionnelle future.

Le nombre de stages effectués, chaque année, par des jeunes n'est pas connu avec précision, faute de collecte des données statistiques. Le Medef a estimé à environ 800 000 le nombre de stages effectués par des étudiants et à 1,3 million le nombre de stages accomplis par des jeunes non titulaires du baccalauréat, essentiellement des collégiens en classe de troisième. Mais le collectif « Génération précaire » a avancé, concernant les seuls étudiants, le chiffre de 1,2 millions de stages. La marge d'incertitude est donc considérable ; le ministère de l'enseignement travaille à améliorer sa connaissance des stages accomplis par les étudiants.

S'ils complètent utilement la formation théorique dispensée aux élèves et doivent donc être encouragés, les stages étudiants ont, cependant, parfois donné lieu à des abus : il est arrivé que des stagiaires soient affectés à de véritables postes de travail et ne perçoivent, en contrepartie, que des indemnités dérisoires. Le stage est alors détourné de sa vocation première, qui est d'être un élément de la formation des étudiants, et se substitue à des emplois qui devraient être occupés par des jeunes diplômés. Le lancement, en septembre 2005, de la pétition du collectif « Génération précaire », demandant une réforme du statut des stages, a joué un rôle déterminant dans la prise de conscience par les pouvoirs publics, et par l'opinion, de ces dérives.

La réglementation des stages a depuis été précisée et une charte des stages a été élaborée, en concertation avec les employeurs et les établissements d'enseignement supérieur.

A. L'ENCADREMENT DES STAGES EN ENTREPRISE

1. Les dispositions législatives et règlementaires

La loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances a fixé des règles pour moraliser la pratique des stages.

Sont considérés comme stage en entreprise les périodes de formation en milieu professionnel prévues par le règlement intérieur de l'établissement d'enseignement et inscrites dans la scolarité. Ces stages peuvent être accomplis par des étudiants, notamment ceux inscrits en IUT, école d'ingénieur, école de commerce, master..., qui sont tenus de compléter leur enseignement par une expérience sur le terrain. Des élèves du secondaire peuvent également être concernés, lorsqu'ils effectuent par exemple une séquence éducative en entreprise ou une session d'information et d'orientation (SIO). La loi ne s'applique, pas en revanche, aux simples stages d'observation accomplis par les collégiens ni aux stages relevant de la formation professionnelle continue.

? Exigence d'une convention tripartite :

La loi prévoit, en premier lieu, que tout stage donne lieu à la signature d'une convention tripartite, signée entre l'établissement d'enseignement, le stagiaire et l'entreprise d'accueil.

Le décret n° 2006-1093 du 29 août 2006 précise que doivent obligatoirement figurer dans la convention :

- la définition des activités confiées au stagiaire en fonction des objectifs de formation ;

- les dates de début et de fin de stage ;

- la durée hebdomadaire maximale de présence du stagiaire dans l'entreprise. La présence, le cas échéant, du stagiaire dans l'entreprise la nuit, le dimanche ou un jour férié doit être indiquée ;

- le montant de la gratification versée au stagiaire et les modalités de son versement ;

- la liste des avantages offerts, le cas échéant, par l'entreprise au stagiaire, notamment en ce qui concerne sa restauration, son hébergement ou le remboursement des frais qu'il a engagés pour effectuer son stage ;

- le régime de protection sociale dont bénéficie le stagiaire, y compris la protection en cas d'accident du travail ;

- les conditions dans lesquelles les responsables du stage, l'un représentant l'établissement, l'autre l'entreprise, assurent l'encadrement du stagiaire ;

- les conditions de délivrance d'une « attestation de stage » et, le cas échéant, les modalités de validation du stage pour l'obtention du diplôme préparé ;

- les modalités de suspension et de résiliation du stage ;

- les conditions dans lesquelles le stagiaire est autorisé à s'absenter, notamment dans le cadre d'obligations attestées par l'établissement d'enseignement ;

- les clauses du règlement intérieur de l'entreprise applicables au stagiaire, lorsqu'il existe.

Ce même décret interdit également de conclure une convention de stage pour remplacer un salarié en cas d'absence, de suspension de son contrat de travail ou de licenciement, pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ou pour occuper un emploi saisonnier.

? Gratification :

Tout stage dont la durée est supérieure à trois mois donne droit à une gratification , dont le montant, à défaut de convention collective plus favorable, est fixé à 398,13 euros par mois. La gratification ne présente pas le caractère d'une rémunération ; elle n'est donc pas assujettie à cotisations sociales pour sa fraction inférieure à ce montant.

? Protection contre les accidents du travail :

La loi a également unifié la situation de l'ensemble des stagiaires au regard de la protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. Auparavant, seules les personnes qui effectuaient un stage obligatoire dans leur cursus de formation bénéficiaient de cette couverture sociale. Désormais, tous les stagiaires, quel que soit le montant de leur rétribution, bénéficient des prestations accidents du travail et maladies professionnelles du régime général, à l'exception toutefois des indemnités journalières et de l'indemnité en capital.

? Requalification en contrat de travail :

La jurisprudence fournit des exemples de requalification d'une convention de stage en contrat de travail. La Cour de cassation a jugé que l'absence de formation par l'entreprise et l'affectation exclusive aux tâches normales d'un emploi dans l'entreprise sont des motifs de requalification (Cass. soc., 27 octobre 1993). La requalification en contrat de travail ouvre droit, pour le salarié, à un rappel de salaires depuis le début du stage, le salaire ne pouvant être inférieur au minimum légal, ainsi qu'au bénéfice de l'ensemble des droits attachés à la qualité de salarié, tel que le droit aux congés payés (Cass. crim., 3 décembre 2002).

2. La charte des stages étudiants en entreprise

Le 26 avril 2006, une charte des stages étudiants en entreprise a été signée par MM. Gérard Larcher, alors ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, François Goulard, alors ministre délégué à l'enseignement supérieur, les représentants patronaux (Medef, CGPME, UPA et UNAPL), les représentants des établissements d'enseignement supérieur (CPU, CGE et CDEFI) et trois organisations syndicales étudiantes (Fage, PDE et UNI). Elle vise à « sécuriser » la pratique des stages en entreprise tout en favorisant leur développement.

La charte reprend des éléments figurant déjà dans la loi ou les décrets précités, par exemple l'obligation de prévoir une convention de stage. Elle indique que le stage devra faire l'objet d'un encadrement, assuré par un enseignant et par un membre de l'entreprise, puis d'une évaluation.

La charte insiste sur les obligations mutuelles de l'étudiant, de l'entreprise et de l'établissement d'enseignement supérieur.

? Ainsi, l'étudiant s'engage vis-à-vis de l'entreprise d'accueil à :

- réaliser sa mission et être disponible pour les tâches qui lui sont confiées ; respecter les règles de l'entreprise ainsi que ses codes et sa culture ; respecter les exigences de confidentialité fixées par l'entreprise ;

- rédiger, lorsqu'il est exigé, le rapport ou le mémoire de stage dans les délais prévus ; ce document devra être présenté aux responsables de l'entreprise avant d'être soutenu (si le contenu le nécessite, le mémoire pourra, à la demande de l'entreprise, rester confidentiel).

? L'entreprise, pour sa part, s'engage vis-à-vis de l'étudiant à :

- proposer un stage s'inscrivant dans le projet pédagogique défini par l'établissement d'enseignement ;

- accueillir l'étudiant et lui donner les moyens de réussir sa mission ;

- désigner un responsable de stage ou une équipe tutorale chargé d'accompagner l'étudiant ;

- rédiger une attestation de stage décrivant les missions effectuées qui pourra accompagner les futurs curriculum vitae de l'étudiant.

? L'établissement d'enseignement supérieur s'engage vis-à-vis de l'étudiant à :

- définir les objectifs du stage et s'assurer que le stage proposé y répond ; accompagner l'étudiant dans la recherche de stage ; préparer l'étudiant au stage ;

- assurer le suivi de l'étudiant pendant la durée de son stage, en lui affectant un enseignant qui veillera au bon déroulement du stage ; mettre à la disposition de ce dernier les outils nécessaires à l'appréciation de la qualité du stage par l'étudiant ; pour les formations supérieures qui l'exigent, le guider et le conseiller dans la réalisation de son rapport de stage ou de son mémoire et organiser la soutenance en permettant à un représentant de l'entreprise d'y participer.

L'entreprise et l'établissement d'enseignement supérieur veillent à échanger les informations nécessaires au bon déroulement du stage et respectent leurs règles respectives de confidentialité et de déontologie.

L'étudiant, enfin, s'engage à fournir une appréciation de la qualité de son stage à son établissement d'enseignement.

3. Les mesures annoncées dans le cadre du « plan d'urgence » pour l'emploi des jeunes

Le Président de la République a proposé, le 24 avril dernier, trois mesures relatives aux stages :

- la gratification serait due dès le deuxième mois de stage (ce qui implique une modification législative) ;

- les administrations devraient également verser cette gratification à leurs stagiaires ;

- une aide exceptionnelle de 3 000 euros serait versée aux entreprises qui embauchent en CDI un jeune stagiaire : cette aide serait due si le jeune était en stage avant le 1er mai 2009 et recruté avant la fin du mois de septembre de la même année ; l'aide serait versée en deux fois : 1500 euros au moment de l'embauche et 1500 euros si le jeune est toujours employé six mois plus tard.

B. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION EN MATIÈRE DE STAGES

? Systématiser la pratique des stages

- Compte tenu de l'apport des stages à la formation des jeunes, la mission propose de les rendre obligatoires pour toutes les formations de l'enseignement supérieur. Aujourd'hui, un étudiant peut obtenir une licence sans avoir vécu aucune expérience dans le monde professionnel. Lors de leur audition, les représentants du Medef ont évalué à 200 000 le nombre de stages supplémentaires qui devraient être organisés par les entreprises dans l'hypothèse où la pratique des stages serait généralisée en licence. Ils ont estimé que les entreprises pourraient faire face sans difficultés à cet afflux supplémentaire de stagiaires.

La mission suggère que l'obtention de la licence soit subordonnée à l'accomplissement de deux stages d'une durée d'au moins un mois.

- Pour les élèves du secondaire, la pratique des stages devrait également être étendue, cette fois dans une optique d'aide à l'orientation . Les élèves pourraient accomplir obligatoirement deux stages, entre la troisième et la terminale, dans des secteurs différents.

? Interdire les stages hors cursus

La mission estime qu'un jeune diplômé doit se mettre à la recherche d'un emploi et ne pas se voir proposer des stages.

En principe, le stage s'inscrit dans un cursus de formation, puisqu'un établissement d'enseignement est partie à la convention. Il arrive cependant que des diplômés s'inscrivent à l'université simplement pour pouvoir être recrutés ensuite comme stagiaires. La mission propose d'inscrire clairement dans la loi l'interdiction pour une entreprise d'accueillir en stage un jeune diplômé dès lors qu'il possède la qualification correspondant aux tâches qui lui sont confiées. Cette interdiction n'empêcherait pas un jeune titulaire d'un diplôme offrant peu de débouchés professionnels d'accomplir un stage pour se réorienter.

Au-delà de cette position de principe, il importe que les établissements d'enseignement supérieur se montrent plus vigilants au moment de la signature des conventions de stage. La proposition de « Génération précaire » consistant à subordonner la signature d'une convention de stage à la réussite à au moins une épreuve lors des examens est une piste intéressante qui mériterait d'être expertisée.

? Favoriser un accès plus égalitaire aux stages

Le réseau relationnel des parents est souvent d'un grand secours au moment où un jeune se met à la recherche d'un stage. Pour limiter les inégalités liées à cette situation, trois orientations pourraient être poursuivies :

- impliquer davantage les établissements d'enseignement dans la recherche de stages ;

- confier aux établissements scolaires et universitaires ou au SPE la tâche d'organiser des « bourses aux stages » afin que les jeunes accèdent plus facilement aux offres de stages proposées localement ;

- interdire aux entreprises et aux administrations de réserver les stages aux enfants de leur personnel.

La mission se réjouit que la Halde ait décidé de constituer un groupe de travail sur les discriminations dans l'accès aux stages, qui devrait compléter les propositions de la mission.

III. LES DISPOSITIFS DESTINÉS AUX JEUNES LES PLUS ÉLOIGNÉS DE L'EMPLOI

Depuis 1975 et le lancement du « pacte pour l'emploi » par le gouvernement de M. Raymond Barre, de nombreux contrats destinés à aider les jeunes les plus éloignés de l'emploi à revenir vers le marché du travail ont été créés : contrats emploi-adaptation, emploi-orientation, travaux d'utilité collective (Tuc), contrats emploi-solidarité (CES) et emploi-consolidé (CEC)... Dans la période récente, le programme le plus ambitieux a été celui mis en oeuvre, entre 1997 et 2002, par le gouvernement de M. Lionel Jospin : le programme « nouveaux services-emplois-jeunes » a en effet bénéficié à plus de 400 000 personnes.

Actuellement, il n'existe plus de contrat spécifique au public « jeunes ». Ceux-ci ont cependant accès aux contrats aidés issus du plan de cohésion sociale de 2004, initié par MM. Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher, alors respectivement ministre de l'emploi, du logement et de la cohésion sociale, et ministre délégué aux relations du travail : contrat initiative-emploi (CIE) et contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) dans le secteur marchand ; contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et contrat d'avenir dans le secteur non marchand.

Les jeunes peuvent également trouver un soutien précieux dans les structures d'insertion par l'activité économique (IAE) : chantiers et ateliers d'insertion, associations intermédiaires, entreprises d'insertion.

A. PRÉSENTATION DES DISPOSITIFS EXISTANTS

1. Les contrats aidés

a) Le contrat initiative - emploi

Le CIE est conçu pour favoriser le retour à l'emploi durable des personnes rencontrant des difficultés importantes d'insertion professionnelle . Il est obligatoirement conclu avec un employeur du secteur privé. Son titulaire est rémunéré conformément aux dispositions conventionnelles applicables dans l'entreprise ou l'établissement et au moins au niveau du Smic.

Avant de pouvoir conclure un CIE, l'employeur doit passer une convention avec Pôle emploi, ou un autre opérateur du SPE agissant pour le compte de l'État, dans laquelle sont précisés les engagements respectifs des parties. Cette convention peut prévoir que le titulaire du CIE bénéficiera d'actions d'orientation, de formation professionnelle, de validation des acquis de l'expérience (VAE) ou d'un accompagnement professionnel de nature à faciliter la réalisation de son projet professionnel. En complément, le titulaire du CIE peut avoir accès à l'ensemble des services offerts par le SPE : entretiens individuels avec un conseiller, bilan de compétences, aide à la définition du projet professionnel...

L'employeur a droit à une aide financière destinée à prendre en charge une partie du coût du CIE et des actions de formation et d'accompagnement professionnels éventuellement prévues par la convention. Le montant de l'aide, déterminé par arrêté du préfet de région, figure dans la convention liant l'employeur et l'État. Il est fixé en tenant compte, notamment, de la qualité des actions d'accompagnement et de formation professionnelle conduites au profit du salarié, du statut de l'employeur, de son secteur d'activité, de la situation du bassin d'emploi et des difficultés d'accès à l'emploi du bénéficiaire. La part prise en charge par l'État ne peut, en tout état de cause, excéder 47 % du Smic horaire brut, dans la limite d'une durée du travail hebdomadaire de 35 heures. L'embauche en CIE est cumulable avec l'allègement général de cotisations sociales, dit allègement « Fillon ».

b) Le contrat insertion - revenu minimum d'activité

Le CI-RMA vise à faciliter l'insertion professionnelle des allocataires de minima sociaux qui rencontrent des difficultés particulières d'accès à l'emploi.

Il peut bénéficier aux titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de l'allocation parent isolé (API) ou de l'allocation adulte handicapée (AAH).

Le CI-RMA est conclu avec un employeur du secteur privé pour une durée déterminée ou indéterminée, à temps partiel (vingt heures minimum par semaine) ou à temps plein. Avant de signer un CI-RMA, l'employeur doit conclure, selon les cas, une convention avec Pôle emploi, ou avec un autre opérateur du SPE, ou encore avec le conseil général.

Cette convention détermine les conditions de mise en oeuvre du projet d'insertion professionnelle du salarié et prévoit des actions en matière d'orientation professionnelle, de tutorat, de suivi individualisé, d'accompagnement dans l'emploi, de formation professionnelle et de VAE. La convention peut être renouvelée si l'employeur a respecté ses obligations contractuelles et si ce renouvellement est nécessaire au parcours d'insertion du salarié.

L'employeur qui procède à une embauche en CI-RMA bénéficie d'une aide dont le montant est égal à celui du RMI versé à une personne isolée, soit 454,63 euros en 2009. L'aide n'est cumulable avec aucune autre aide à l'emploi, à l'exception de l'allègement général de cotisations sociales.

Le titulaire du CI-RMA perçoit un salaire et continue de percevoir son allocation, diminuée du montant de l'aide versée à l'employeur.

c) Le contrat d'accompagnement dans l'emploi

Le CAE est un contrat à durée déterminée, destiné à faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières . Les agences locales de Pôle emploi prescrivent ce contrat en tenant compte de la situation du marché du travail local.

Le CAE s'adresse aux employeurs du secteur non marchand (collectivités territoriales, associations, structures d'insertion par l'activité économique...). Avant de conclure un CAE, l'employeur doit signer une convention avec Pôle emploi ou avec un autre opérateur du SPE agissant pour le compte de l'État. La convention prévoit les actions de formation professionnelle et de VAE nécessaires à la réalisation du projet professionnel du bénéficiaire.

Le CAE est, en principe, conclu pour une durée comprise entre six et vingt-quatre mois et peut être à temps partiel ou à temps plein. Le salarié est rémunéré au niveau du Smic, sous réserve de clauses contractuelles ou conventionnelles plus favorables, et peut bénéficier des actions prévues par la convention passée entre l'employeur et l'État. En complément des actions mises en oeuvre par l'employeur, le titulaire du CAE peut avoir accès à l'ensemble des services proposés par le SPE lorsque cela est nécessaire pour permettre une insertion durable.

L'employeur est exonéré des cotisations patronales, de la taxe sur les salaires, de la taxe d'apprentissage et des participations dues au titre de l'effort de construction. Il perçoit, en outre, une aide de l'État dont le montant, fixé chaque année par le préfet de région, varie en fonction de la qualité des actions d'accompagnement et de formation professionnelle menées, du statut de l'employeur, de la situation du bassin d'emploi, des difficultés d'accès à l'emploi du bénéficiaire. Cette aide ne peut excéder 95 % du taux horaire brut du Smic par heure travaillée, dans la limite de 35 heures par semaine.

d) Le contrat d'avenir

Le contrat d'avenir, destiné à favoriser le retour à l'emploi des titulaires de minima sociaux , contribue à répondre à des besoins collectifs non satisfaits.

Le contrat d'avenir s'adresse aux bénéficiaires du RMI, de l'ASS, de l'API ou de l'AAH. La possibilité de conclure un contrat d'avenir est ouverte aux employeurs du secteur non marchand (collectivités territoriales, associations, structures d'insertion par l'activité économique...). Le département ou la commune de résidence du bénéficiaire est chargé d'assurer la mise en oeuvre du contrat d'avenir, soit directement, soit par délégation. Le président du conseil général ou le maire désigne un référent chargé du suivi du parcours d'insertion professionnelle du bénéficiaire du contrat.

La mise en oeuvre du contrat d'avenir est subordonnée à la conclusion d'une convention d'objectifs entre le département ou la commune et l'État, pour déterminer le nombre de contrats d'avenir pouvant être conclus et les éventuels organismes délégataires habilités à signer des contrats d'avenir.

Une convention individuelle est ensuite passée entre le prescripteur (président du conseil général, maire ou président de l'organisme ayant reçu délégation), le bénéficiaire et l'employeur. Cette convention définit le projet professionnel proposé au bénéficiaire du contrat d'avenir, définit les modalités de l'accompagnement et des actions de formation ou de VAE mises en oeuvre à son profit et désigne le référent chargé de suivre son parcours d'insertion. Cette convention individuelle est signée préalablement à la conclusion du contrat de travail.

Le contrat d'avenir est un contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel . La durée hebdomadaire du travail des personnes embauchées dans ce cadre est fixée à 26 heures, mais peut varier, dans certaines limites, au cours de la semaine ou au cours du mois. Le contrat est conclu pour une durée de deux ans et peut être prolongé dans la limite de douze mois.

Pendant la durée du contrat, le salarié perçoit un salaire, calculé au minimum sur la base du Smic et continue de percevoir son allocation d'origine, diminuée du montant de l'aide forfaitaire versée à l'employeur, soit le montant du RMI pour une personne isolée. Il bénéficie obligatoirement d'actions de formation et d'accompagnement, qui peuvent être menées pendant le temps de travail ou en dehors de celui-ci, dans la limite de la durée légale du travail.

L'employeur a droit à une aide forfaitaire mensuelle, versée par l'État ou le conseil général, qui correspond au montant du RMI versé à une personne isolée, à une prime de cohésion sociale, dégressive et versée mensuellement, visant à prendre en charge une partie du coût du salaire et de la réalisation des actions d'accompagnement, et des exonérations de cotisations sociales patronales. Une aide spécifique est prévue en cas de transformation du contrat en CDI.

e) Le contrat unique d'insertion

La loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d'insertion prévoit que les quatre contrats précités seront remplacés, à compter du 1 er janvier 2010, par un nouveau « contrat unique d'insertion » (CUI).

Le CUI prendra la forme du CAE dans le secteur non marchand et du CIE dans le secteur marchand, sous réserve de divers aménagements destinés à prendre en compte, notamment, le cas des bénéficiaires de minima sociaux. Le CI-RMA et le contrat d'avenir seront abrogés ; entre le 1er juin 2009 et la fin de l'année, ils pourront encore être conclus avec les titulaires du RSA.

2. Les structures d'insertion par l'activité économique

Les structures d'insertion par l'activité économique (IAE) ont pour vocation de permettre à des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'occuper un emploi tout en bénéficiant de mesures d'accompagnement destinées à faciliter leur retour à un emploi « classique ». Les salariés en insertion sont encadrés par les salariés permanents de la structure, chargés de les suivre dans leur parcours.

La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a fixé quelques règles générales applicables à l'ensemble des structures d'insertion :

- elles passent obligatoirement une convention avec l'État ;

- un agrément préalable des publics est délivré par Pôle emploi, afin de s'assurer qu'elles recrutent bien les personnes les plus éloignées de l'emploi ;

- le dispositif est piloté localement par un conseil départemental de l'insertion par l'activité économique (CDIAE), placé sous la responsabilité du représentant de l'État.

On distingue traditionnellement trois types de structures d'IAE :

- les associations intermédiaires (AI), qui mettent les salariés au service de particuliers, de collectivités locales, d'entreprises..., pour la réalisation de travaux occasionnels ;

- les entreprises et entreprises de travail temporaire d'insertion (EI et ETTI), qui produisent des biens ou services commercialisables (ou mettent le salarié au service d'entreprises clientes), tout en apportant au salarié en insertion un accompagnement social et une formation ;

- les ateliers et chantiers d'insertion (ACI), qui développent essentiellement des activités d'utilité sociale répondant à des besoins collectifs non satisfaits.

Les jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté font partie du public cible des structures d'IAE, aux côtés des titulaires de minima sociaux et des chômeurs de longue durée. Les structures d'IAE bénéficient d'un soutien de l'État pour assumer leur mission, sous forme d'exonérations de cotisations sociales et d'aides directes.

Une catégorie particulière de groupements d'employeurs, les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (Geiq), s'adressent à un public proche de celui des structures d'IAE : ils embauchent des jeunes sans qualification, des demandeurs d'emploi de longue durée ou encore des titulaires du RMI, pour les mettre à disposition de leurs entreprises adhérentes, en organisant une alternance entre apprentissages théoriques et périodes de travail. Ils utilisent très majoritairement le contrat de professionnalisation pour recruter leurs salariés.

B. LA PLACE DES JEUNES PARMI LES PUBLICS AIDÉS

1. Les jeunes signent surtout des contrats initiative emploi (CIE) et des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE)

Les jeunes de moins de 26 ans représentent une part significative des titulaires de CIE et de CAE, mais seulement une part marginale des titulaires de contrat d'avenir ou du CI- RMA. Ces deux derniers contrats sont en effet destinés, comme cela a été rappelé, aux bénéficiaires de minima sociaux ; or, le minimum social le plus répandu - le RMI - n'est pas accessible aux jeunes de moins de 25 ans.

JEUNES DE MOINS DE 26 ANS BÉNÉFICIAIRES DE CONTRATS AIDÉS EN 2008

CIE

En % du nombre de bénéficiaires

CI-RMA

En %

Contrat d'avenir

En %

CAE

En %

Flux

12 606

36,5

437

6,4

4 251

7,8

32 088

31,6

Stock

8 428

34,7

359

4,5

4 779

5,6

31 649

27,7

Après avoir baissé en 2007 et 2008, le nombre de contrats aidés va augmenter, en 2009, pour tenter de limiter les effets de la crise sur l'emploi des personnes peu qualifiées. Alors qu'il était initialement projeté de conclure seulement 230 000 contrats aidés cette année, le projet de loi de finances a été modifié, lors de la discussion budgétaire, pour autoriser la conclusion de 100 000 contrats supplémentaires dans le secteur non-marchand.

Dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi des jeunes, le Chef de l'Etat a proposé d'augmenter encore de 50 000 le nombre de CIE, en privilégiant les secteurs d'activité porteurs, et de 30 000 le nombre de CAE.

2. La double fonction des contrats aidés pour les jeunes demandeurs d'emploi

a) Un outil de transition vers l'emploi durable

Les données recueillies par la Dares 57 ( * ) montrent que les perspectives d'accès à l'emploi durable (CDI ou CCD de plus de six mois) sont meilleures pour les titulaires d'un contrat aidé dans le secteur marchand que pour ceux qui ont conclu un contrat dans le secteur non marchand : 48 % des salariés ayant bénéficié d'un CIE en 2006 étaient encore dans l'emploi six mois après la fin du versement de l'aide de l'État, contre seulement 24 % des titulaires de CAE. En 2007, dans un contexte de décrue sensible du chômage, les chiffres étaient encore plus favorables, avec toujours un avantage pour les bénéficiaires de CIE : 69 % étaient en emploi durable six mois après la fin de l'aide de l'État, contre 31 % des titulaires de CAE.

Afin d'améliorer les chances d'insertion des titulaires de CAE ou de contrat d'avenir, des périodes « d'immersion » ont été récemment mises en place : le salarié peut être amené, pour acquérir de nouvelles compétences, à travailler pendant la durée de son contrat auprès d'autres employeurs. La durée de chaque immersion ne peut excéder un mois et leur durée cumulée ne peut excéder 25 % de la durée totale du contrat. Chaque période d'immersion fait l'objet d'une convention de mise à disposition conclue, à titre gratuit, entre l'employeur du salarié et celui auprès duquel il va être détaché. Un mois avant la date prévue pour le début de la période d'immersion, la convention de mise à disposition est transmise par l'employeur, pour agrément, à Pôle emploi.

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2009, les bénéficiaires de contrats aidés ont accès aux formations dispensées par le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

b) Une mesure de soutien au revenu des jeunes

Compte tenu de l'exclusion des jeunes du RMI, et du futur RSA, et de la faiblesse de leurs droits à indemnisation du chômage 58 ( * ) , le recours aux contrats aidés est aussi un moyen de faire bénéficier des jeunes sans emploi d'un minimum de ressources. Il relève donc aussi d'une logique de « traitement social » du chômage et évite à ces jeunes de sombrer dans l'exclusion.

3. Les jeunes dans les dispositifs d'insertion par l'activité économique (IAE)

En 2007, un peu plus de 19 000 salariés en insertion ont été embauchés dans une EI, près de 24 000 salariés ont été mis à disposition par une entreprise de travail temporaire d'insertion (ETTI) et 65 000 personnes ont été embauchées en ateliers et chantiers d'insertion (ACI). Pour les associations intermédiaires, les données les plus récentes portent sur l'année 2006 ; elles montrent que 165 000 salariés avaient été mis à disposition, cette année-là, par une association intermédiaire.

Les données recueillies par la Dares 59 ( * ) , concernant l'année 2007, montrent que les jeunes en difficulté sont un public prioritaire pour les structures d'IAE : 19,1 % des salariés des EI, 34,6 % des salariés des ETTI et 23,4 % de ceux des ACI étaient des jeunes de moins de 26 ans. Et, en 2006, un salarié en insertion sur cinq dans une AI était un jeune de moins de 26 ans.

Les statistiques montrent que près d'un salarié sur trois mis à disposition par une ETTI est sorti du dispositif vers un emploi non aidé au cours de l'année 2007. Ce taux est de seulement 15 % pour les salariés des EI. En ce qui concerne les salariés des ACI, qui sont soit recrutés en contrat aidé soit sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle, les résultats sont très différenciés selon le type de contrat considéré : très positifs pour les titulaires de CIE (73 % sont dans l'emploi durable six mois après la fin de leur contrat aidé), ils sont plus décevants pour les titulaires de CAE et de contrats d'avenir, qui constituent la très grande majorité des personnes recrutées (respectivement 16 % et 12 %). Pour les salariés des AI, 36 % occupent un emploi non aidé à leur sortie du dispositif, mais seulement 15 % sont titulaires d'un contrat à durée indéterminée.

C. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION POUR FACILITER L'INSERTION DES JEUNES LES PLUS ÉLOIGNÉS DE L'EMPLOI

? La mission n'est pas hostile à la conclusion de nouveaux contrats aidés dans le secteur non marchand.

La conclusion de contrats aidés dans le secteur non marchand est parfois critiquée, au motif que ces contrats sont coûteux pour les finances publiques (ils sont presque entièrement pris en charge par l'État) et peu efficaces en termes d'insertion dans l'emploi durable.

Dans le contexte actuel de forte remontée du chômage, la mission considère cependant que ces contrats peuvent jouer un rôle de soutien du revenu de personnes les plus fragiles, et donc de l'activité, et qu'ils peuvent permettre à leurs bénéficiaires de maintenir un lien avec le monde du travail. En outre, les faibles taux de réinsertion constatés s'expliquent, en partie, par le fait que les publics qui bénéficient de ces contrats sont plus éloignés de l'emploi que ceux qui parviennent à obtenir un contrat aidé dans le secteur marchand.

Pour ces raisons, la mission estime qu'il serait injustifié de se priver des contrats aidés dans le secteur non marchand comme outil de la politique de l'emploi en faveur des jeunes.

Elle souligne que la conclusion d'un contrat aidé avec une collectivité public ou une association peut avoir un effet très positif sur la motivation de jeunes en difficulté, qui ont parfois perdu confiance dans leur avenir en raison d'une longue série d'échecs en milieu scolaire puis dans le monde professionnel.

? La conclusion de ces contrats doit cependant s'accompagner d'un effort soutenu de formation.

La mission soutient, à cet égard, la proposition faite par le Président de la République de financer 30 000 CAE supplémentaires dans les collectivités territoriales, avec l'objectif de faire acquérir à leurs titulaires des compétences valorisables ensuite dans le secteur privé (dans les domaines de l'informatique, de la communication, de la petite enfance...), selon une logique de « passerelle » entre le public et le privé. Le coût de cette mesure est estimé à 230 millions d'euros.

? Il faut reconnaître la contribution des structures d'insertion par l'activité économique (IAE) à l'insertion professionnelle des jeunes et poursuivre la modernisation du secteur.

Les structures d'IAE prennent en charge un public particulièrement éloigné de l'emploi, ce qui explique que les résultats obtenus en termes d'insertion professionnelle puissent paraître modestes.

Le Gouvernement a lancé, l'an dernier, un plan de modernisation de l'insertion par l'activité économique. Les modalités de conventionnement des structures ont été rénovées afin de renforcer la logique de performance, en s'appuyant sur des objectifs clairement énoncés, associés à des indicateurs de contexte, d'activité et de résultats. Le financement des structures pourra être davantage modulé et des diagnostics vont être conduits pour apprécier la situation financière des structures et, éventuellement, renforcer leurs fonds propres.

La mission approuve ces orientations mais souligne la fragilité des publics pris en charge dans le cadre de l'IAE, qui ne doit pas être perdue de vue au moment d'apprécier la performance des structures.

IV. LA MOBILISATION DES ENTREPRISES

La mission souhaite insister sur la nécessaire implication des chefs d'entreprise pour résoudre le problème de l'emploi des jeunes.

Comme l'ont rappelé les économistes Pierre Cahuc, Gilbert Cette et André Zylberberg dans un récent rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) 60 ( * ) , « la situation des jeunes Français est caractéristique d'une configuration « insiders/outsiders » où les personnes plus âgées, ayant un emploi, poussent le salaire minimum vers le haut afin d'accroître leur propre rémunération. Ils empêchent de la sorte de nombreux jeunes peu qualifiés d'accéder au monde du travail et refusent de payer pour les dédommager en leur interdisant le bénéfice du RMI ». Une prise de conscience collective est nécessaire pour briser cette « barrière » à l'emploi des jeunes.

A. FAUT-IL SUBVENTIONNER L'EMBAUCHE DES JEUNES ?

Face à ce constat, une première réponse peut consister à faire baisser le coût de l'embauche d'un jeune pour l'entreprise. L'éventualité d'un « Smic jeune » doit être écartée : elle ne serait sans doute pas socialement acceptable, comme l'a montré l'échec du contrat d'insertion professionnelle (CIP) en 1994, et poserait un problème d'équité entre les générations.

Une voie plus réaliste pourrait consister à « subventionner » l'embauche de jeunes salariés par les entreprises par le versement d'une aide de l'État. C'est cette solution qui a été appliquée, entre 2002 et 2007, avec le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (Seje).

Le Seje a été instauré en 2002 et présenté, à l'époque, comme une alternative aux « emplois-jeunes » : alors que la majorité sortante avait multiplié les emplois dans le secteur non marchand, la nouvelle majorité souhaitait inciter à l'embauche de jeunes dans le secteur privé.

Présentation du dispositif de Soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (Seje)


• Dans la première version du dispositif, l'Etat versait, pendant trois ans, une prime mensuelle aux entreprises du secteur marchand qui embauchaient un jeune âgé de 16 à 22 ans, sans diplôme ou avec un diplôme inférieur au baccalauréat, en CDI à temps plein ou à temps partiel. Cette prime, dont le montant était de 225 euros la première année, était réduite de moitié la troisième année et était cumulable avec l'allègement général de cotisations sociales sur les bas salaires (allègement « Fillon »).


• Le plan de cohésion sociale de 2005 a recentré le dispositif sur les jeunes les moins qualifiés, en modulant l'aide de l'Etat en fonction du niveau de qualification du jeune recruté : pour les salariés ayant un niveau de formation inférieur à la dernière année de CAP-BEP, le montant de la prime était porté à 300 euros par mois, en cas d'embauche à temps complet avec un niveau de rémunération égal au Smic (le montant de la prime étant toujours réduit de moitié la troisième année). En outre, le bénéfice du Seje était élargi au cas d'embauche d'un jeune de 23 à 25 ans révolus, titulaire du Civis, et ayant les plus faibles niveaux de qualification.


• La loi pour l'égalité des chances et la loi sur l'accès des jeunes à la vie active ont encore élargi, en 2006, les critères d'éligibilité au Seje : le contrat de travail pouvait désormais être signé avec tout jeune âgé de 16 à 25 ans d'un niveau de formation inférieur au baccalauréat, mis aussi avec tout jeune âgé de 16 à 25 ans révolus, de niveau baccalauréat ou supérieur, s'il résidait en zone urbaine sensible (Zus) ou était titulaire du Civis ou, de façon transitoire, s'il était chômeur depuis plus de six mois à la date du 16 janvier 2006 (pour une embauche réalisée avant la fin de l'année 2006). Le versement du Seje était également accordé en cas d'embauche du jeune en contrat de professionnalisation, le cumul avec les avantages propres à ce contrat étant alors autorisé. L'aide de l'Etat était en outre portée à 400 euros mensuels (200 euros en cas de conclusion d'un contrat de professionnalisation). La durée de versement était en revanche réduite de trois à deux ans (un an à taux plein puis un an avec un taux réduit de 50 %). La modulation de l'aide en fonction du niveau de qualification était supprimée.

La loi de finances pour 2008 a finalement supprimé le Seje. Le gouvernement avait alors estimé à 83 millions d'euros l'économie budgétaire réalisée.

Ce bref rappel illustre, de façon presque caricaturale, l'instabilité de certaines de nos règles en matière de politique de l'emploi : on peut se demander comment les employeurs ont pu suivre les méandres des nombreuses évolutions du régime juridique du Seje...

Les données statistiques disponibles suggèrent qu'ils ont pourtant été assez sensibles aux incitations financières accordées par l'État.

Entre juillet 2002 et décembre 2007, 441 000 jeunes ont été embauchés dans le cadre du dispositif, la plupart du temps avec un salaire proche du Smic. Lorsque le montant de l'aide a été modulé, en 2005, pour encourager le recrutement des jeunes les moins qualifiés, les embauches de jeunes peu qualifiés ont augmenté plus rapidement que celles de l'ensemble des jeunes concernés par la mesure. En revanche, à partir du printemps 2006, dès lors que les critères d'éligibilité ont été élargis à des publics plus qualifiés, la part des jeunes non qualifiés dans les embauches a diminué, pour ne plus représenter que 15 % du total en 2007. Le comportement d'embauche des entreprises a donc bien varié en fonction des incitations financières décidées par l'État.

Si le comportement d'embauche des entreprises a été affecté par le Seje, il est cependant difficile d'estimer quel pourcentage de ces embauches aurait été effectué de toute façon. Cette mesure s'est probablement accompagnée d'un fort « effet d'aubaine », coûteux pour les finances publiques. Ceci explique la décision du gouvernement de proposer, fin 2007, la suppression du Seje, les jeunes éloignés de l'emploi pouvant toujours conclure un CIE.

B. LA MISSION PRÉCONISE PLUTÔT D'AUGMENTER L'EMPLOYABILITÉ ET LA PRODUCTIVITÉ DES JEUNES SALARIÉS

La mission s'est interrogée sur l'opportunité de rétablir une aide à l'embauche des jeunes mais a finalement écarté cette idée.

Elle n'est pas hostile à des « coups de pouce » ponctuels , comme la prime proposée par le Président de la République pour encourager l'embauche des stagiaires, mais elle est préoccupée par le coût budgétaire, à terme, d'une mesure générale d'incitation à l'embauche des jeunes. Surtout, elle considère que le recrutement d'un jeune devrait être vu par les entreprises comme une chance et non comme une charge que l'État devrait venir partiellement compenser.

Les jeunes apportent en effet à l'entreprise leur dynamisme, leur motivation et un regard neuf, qui peut être source d'améliorations dans son fonctionnement. Il est, en outre, dans l'intérêt de chaque entreprise de préparer son avenir en intégrant dans ses effectifs ceux qui assureront demain sa pérennité.

C'est pourquoi la mission souhaite que l'État sensibilise les entreprises et les employeurs publics, au niveau national comme au plan local, à cet enjeu prioritaire qu'est l'emploi des jeunes. L'engagement des grands groupes présents sur notre territoire pourrait avoir valeur d'exemple et exercer un effet d'entraînement sur les plus petites structures. Il est important de rappeler également que les entreprises ont une responsabilité en matière de formation des jeunes et qu'elles ne peuvent exiger du système éducatif qu'il leur fournisse « clé en main » des salariés prêts à occuper chaque poste de travail.

Le coût de l'embauche d'un jeune peut demeurer un motif légitime d'hésitation pour un employeur. Plutôt que de réduire ce coût par des subventions, la mission propose d'inverser la logique et de chercher plutôt à augmenter l'employabilité et la productivité de ces jeunes. Toutes les mesures défendues dans les deux premières parties de ce rapport vont dans ce sens : une meilleure orientation, le développement de l'alternance et des stages, qui complètent l'enseignement théorique par une expérience pratique, le recours aux contrats aidés , pour rapprocher de l'emploi ceux qui en sont le plus éloignés, une meilleure intermédiation et une aide à la mobilité , pour éviter les phénomènes d'inadéquation sur le marché du travail, etc.

V. SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION RELATIVES À L'EMPLOI DES JEUNES