B. UNE SITUATION PRIVILÉGIÉE À DÉFENDRE ACTIVEMENT
1. La Roumanie, un vecteur de promotion de la francophonie et de la diversité culturelle et linguistique en Europe
• En septembre 2006, la Roumanie a été
le premier pays européen, après la France dix ans plus tôt,
à organiser le XI
e
Sommet de la Francophonie.
Ce choix a été ressenti, par nos partenaires roumains, comme une reconnaissance de la place de la langue française dans ce pays, qui a été le premier de l'Europe de l'Est, avec la Bulgarie, à adhérer à l'OIF en 1991. Il est aussi le signe du rôle stratégique que la Roumanie est appelée à jouer pour la promotion de la francophonie en Europe centrale et orientale et au sein de l'Union européenne .
• Un autre enjeu est celui de la diversité
linguistique et culturelle dans l'Union européenne. Ainsi que votre
commission le soulignait en mars 2009 dans un rapport
8
(
*
)
sur la
proposition de
résolution européenne
présentée par notre
collègue Hubert Haenel, président de la commission des affaires
européennes,
sur le respect de la diversité linguistique
dans le fonctionnement des institutions européennes
, il est
urgent de se mobiliser
« pour enrayer une tendance à
l'unilinguisme contraire à l'esprit même de la construction
européenne »
. En effet, l'anglais tend à s'imposer
peu à peu comme « le plus petit dénominateur
linguistique commun » : la proportion des documents initialement
rédigés en français est passée de 58 % en 1986
à moins de 12 % en 2008 (contre près de 73% de documents
rédigés initialement en anglais) ; les autres langues, comme
l'allemand notamment, subissent le même recul.
Or, comme le rappelle la résolution 9 ( * ) adoptée par le Sénat de 25 mars 2009, « l'unité dans la diversité » sur laquelle se fonde l'Union européenne s'exprime notamment dans le multilinguisme : c'est pourquoi l'Europe doit se montrer exemplaire en matière de défense de la diversité linguistique. En ce sens, la résolution invite notamment le Gouvernement à « se rapprocher des gouvernements de tous les États membres sensibles à l'avenir du multilinguisme dans le fonctionnement des institutions communautaires pour agir en commun en ce sens, via notamment le développement de partenariats dans le domaine de la formation des fonctionnaires nationaux et européens » .
La France peut trouver dans la Roumanie l'un de ses principaux partenaires pour défendre activement la diversité linguistique et culturelle au sein de l'Union européenne . Rappelons que la Roumanie partage totalement ces objectifs : elle a été le premier pays européen à adhérer à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, élaborée à l'initiative de la France, adoptée par l'UNESCO en octobre 2005 et entrée en vigueur le 18 mars 2007.
En ce sens, les programmes de formation en français des cadres roumains des administrations nationales ou des institutions européennes , tels que ceux mis en place avec le soutien de la France (dans le cadre, notamment, du « plan pluriannuel de relance de l'apprentissage du français dans l'administration roumaine » mis en oeuvre en 2004, ou de coopérations plus techniques dans les écoles de police ou les écoles militaires par exemple) ou de l'OIF 10 ( * ) , sont une voie d'action à renforcer. Votre président insistait, dans le rapport précité, sur la nécessité d'investir massivement dans l'offre de formation en français en direction des fonctionnaires des pays européens.
2. Un impératif : consolider la présence française en Roumanie
a) Soutenir un réseau culturel dense
Votre commission a rappelé, dans un récent rapport d'information 11 ( * ) sur l'action culturelle extérieure de la France, que notre pays dispose du plus vaste réseau culturel à l'étranger ; celui-ci se compose d'une très grande variété d'acteurs en charge de notre rayonnement culturel et linguistique. Afin de clarifier le pilotage stratégique de cette politique, vos deux commissions ont notamment appelé de leurs voeux la création d'une agence chargée de la coopération culturelle. Elles ont également souhaité que cette action culturelle extérieure soit dotée de moyens budgétaires et humains à la hauteur de ses ambitions .
Ces propositions trouvent à se décliner en Roumanie, où notre réseau est particulièrement dense , par comparaison avec d'autres pays voisins : il compte en effet, outre le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade, un Institut culturel, trois Centres culturels et cinq Alliances françaises. Il permet ainsi de couvrir une large partie du territoire roumain et de contribuer à la diffusion de la langue, de la culture et de la création artistique françaises dans les principales villes et régions du pays. La délégation a pu constater au cours de sa mission le succès rencontré par ces structures de coopération .
• A Bucarest, l'
Institut culturel
français
a une activité
soutenue qui
lui permet de dégager un taux d'autofinancement de 65 % (contre
43 % en moyenne mondiale de nos 144 centres et instituts culturels),
sur un budget annuel d'environ deux millions d'euros.
Ses recettes proviennent essentiellement des cours de langues (près de 5 400 inscrits et 196 900 heures élèves en 2008, pour l'enseignement de français, les cours en entreprise, l'enseignement aux fonctionnaires roumains, les activités de traduction et d'interprétariat...) et du mécénat des entreprises françaises implantées en Roumanie (900 000 euros en 2008).
L'Institut propose également une médiathèque (90 % des adhérents sont roumains), une salle de cinéma (170 films diffusés en 2008), un espace Campus France ouvert en 2008, une plate-forme de production et de diffusion culturelle (260 évènements organisés en 2008), des rencontres et animations culturelles diverses, etc. En outre, lors de sa visite de l'Institut, son directeur a présenté à la délégation le projet de café-librairie , inauguré en juin 2009. Ce projet est important puisqu'il s'agit de la seule librairie française de Bucarest.
La bonne santé financière de l'Institut lui a permis d'engager sur fonds propres une politique de modernisation de ses locaux et de son matériel et d'ouvrir de nouveaux services, ce qui contribue à rendre le lieu plus attractif ; toutefois, des crédits seraient encore nécessaire pour poursuivre ces projets et répondre aux besoins.
•
Trois centres culturels
français
(CCF) sont présents dans les villes de
Cluj, Timisoara et Iasi
, qui sont des pôles
universitaires renommés.
Lors de sa mission, la délégation a été reçue par l'équipe de Centre culturel de Iasi et a pu mesurer le dynamisme et l'influence de ce centre dans la deuxième principale ville du pays et dans la région de Moldavie ; ce centre a ouvert ses portes en 1992. Il bénéficie actuellement d'un emplacement stratégique, au coeur du quartier universitaire.
Toutefois, son directeur et l'ensemble du personnel, mais aussi les représentants de la communauté francophone de Iasi, ont fait part de leurs vives inquiétudes sur l'avenir et la pérennisation de l'établissement. En effet, sa situation immobilière est actuellement précaire : la demeure qui abrite le centre culturel, censée appartenir à l'État roumain, a été revendiquée par ses anciens propriétaires (expropriés lors de la période communiste) et leur a été restituée en 2000, alors qu'un contrat de location avait été conclu en 1991, pour 50 ans, avec les autorités locales ; le loyer mensuel a été augmenté puis porté à 5 000 euros en 2008, somme qui n'a pu être acquittée jusqu'alors, dans l'attente du relogement du centre, que grâce à une aide du ministère roumain de la culture, qui en prend en charge la moitié. Or, une offre de relogement convenable se fait attendre , alors que le bail actuel arrivera à son terme le 31 janvier 2010 . Les autorités roumaines ont proposé de créer, dans un bâtiment universitaire réhabilité ou aménagé à cet effet, un « centre culturel européen » regroupant notamment le CCF et le Goethe Zentrum allemand. Cependant, les délais de réalisation et de financement de l'opération sont à ce jour très incertains : d'après les dernières informations communiquées à votre commission, il semble ne faire aucun doute que le centre culturel européen ne pourra voir le jour d'ici fin janvier 2010, date initialement prévue.
Aussi, votre commission souhaite attirer l'attention du ministère des affaires étrangères sur ce problème matériel, qui crée une situation tendue : une solution doit être trouvée au plus vite pour stabiliser la situation du centre culturel et de ses treize agents permanents, et accompagner, à terme, son déménagement - dès lors que cette perspective serait inévitable - dans un lieu adapté, qui lui permettra d'assurer au mieux ses activités. La présence d'un établissement culturel français dans cette partie de la Roumanie et de l'Union européenne , à la frontière avec la République de Moldavie, est en effet indispensable , de l'avis de l'ensemble des acteurs culturels rencontrés sur place par la délégation lors de sa mission. Le projet d'ouverture d'un centre culturel russe à Iasi vient conforter cette nécessité.
•
Cinq Alliances françaises
sont implantées dans les villes de Brasov, Constantza, Craïova,
Pitesti et Ploiesti. Rappelons que ces institutions créées en
1883 (la France en compte désormais 1 070 par le monde) ont la
particularité d'être des structures associatives de droit
privé nées d'initiatives de la société
civile ; elles sont administrées de façon
bénévole par des citoyens du pays d'accueil.
• Enfin, aux côtés des formations
scolaires d'enseignement bilingue, on compte un seul lycée
français, le
lycée « Anna de
Noailles » de Bucarest
.
b) Promouvoir une offre plus large et diversifiée : actualiser l'image culturelle de la France auprès des jeunes générations
La France bénéficie d'une image culturelle plutôt positive au sein de la population roumaine, et notamment de son élite. Toutefois, cette image est à moderniser et actualiser auprès des jeunes générations, davantage immergées que leurs aînés dans une culture anglo-saxonne. Pour cela, il apparaît indispensable de maintenir une offre culturelle française et francophone attractive.
• La diffusion de
chaînes ou de
programmes de télévision
français ou francophones
constitue, tout d'abord, un puissant vecteur culturel et linguistique. Or,
l'offre semble en ce domaine insuffisante
pour résister
à la pression médiatique des programmes anglophones.
- Près de 2,4 millions de foyers roumains reçoivent TV5 , distribuée sur les offres satellites et 85 % des réseaux câblés ; l'audience de la chaîne est bonne puisque la Roumanie est l'un des trois pays d'Europe non francophone où le nombre moyen de téléspectateurs par semaine dépasse un million ; un sous-titrage en roumain des programmes a été mis en place en décembre 2007.
- France 24 est diffusée en français et en roumain depuis 2006 sur le câble et le satellite : la chaîne compte environ 130 000 abonnés. Par ailleurs, la chaîne Euronews est diffusée en roumain et dans d'autres langues.
- France 2 est diffusée par l'un des câblo-opérateurs depuis mai 2005, à Bucarest et dans certaines villes de province ; la chaîne compte près de 600 000 téléspectateurs potentiels en Roumanie.
Lors de sa mission, la délégation a pu entendre certains interlocuteurs roumains plaider en faveur d'une diffusion d' Arte en Roumanie. La chaîne franco-allemande a conclu un accord avec la télévision publique roumaine (TVR) à la suite de l'entrée du pays dans l'Union européenne, prévoyant la fourniture gratuite et l'achat de programmes : fin 2008, environ 80 heures de programmes documentaires ont été achetés par TVR, pour un montant de 44 000 euros ; 52 heures de programmes ont été fournies gratuitement. Au-delà, une négociation - actuellement gelée - a été lancée pour permettre la diffusion d'Arte sur un réseau câblé roumain. En raison des attentes exprimées par nombre d'universitaires ou d'acteurs culturels roumains, il serait important que cet accord puisse aboutir.
• L'
édition
et la
littérature
constituent un autre vecteur de diffusion
de la langue et de la culture françaises.
L'ouverture le 17 juin 2009 d'un café-librairie au sein de l'Institut culturel français de Bucarest constitue une avancée importante.
Il existait en effet une librairie anglaise à Bucarest, mais pas de librairie française. Or, des interlocuteurs ont souligné le trop faible nombre d'ouvrages en français dans les librairies roumaines et le manque de diversité de cette offre, plus souvent ciblée sur les grands classiques de la littérature française du 19 e siècle que sur les écrivains contemporains.
Comme l'a relevé M. Cristian Preda, pour que le français conserve son rang de « langue des élites », il est essentiel que cette intelligentsia puisse trouver les ouvrages qu'elle recherche et dont elle a besoin. En ce sens, « Gallica » , la bibliothèque numérique lancée par la Bibliothèque nationale de France (BNF), suscite le plus grand intérêt. En parallèle, la délégation a entendu les attentes de nos partenaires roumains en matière de soutien aux publications en français (notamment les publications de thèse) et aux programmes de traduction ; rappelons que la France apporte son aide à un programme d'appui à la publication d'ouvrages traduits en français.
3. Une priorité : promouvoir l'apprentissage du français dans le système éducatif roumain
a) Une lente érosion de l'enseignement du français au profit de l'anglais
• Appris par plus de
1 740 000
d'élèves
à l'école, au collège et
au lycée - sur une population scolaire de plus de 4 millions
d'élèves et une population totale de 21,5 millions
d'habitants -, la Roumanie est le
pays de l'Union
européenne qui compte le plus grand nombre d'élèves
apprenant le français
. Longtemps restée la
première langue vivante étrangère enseignée dans le
système éducatif roumain, le français est désormais
passé au deuxième rang, après l'anglais.
En effet, l'apprentissage de notre langue connaît ces dernières années une lente mais nette érosion . Ainsi, la part d'élèves apprenant le français (en première ou deuxième langue vivante) est passée de plus de 46 % en 2000 à 42,3 % en 2009 , tandis que la part d'anglicistes a progressé, passant de 46 % en 2004 à 52,5 % en 2009 .
La Roumanie répond aux préconisations de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe d'introduire deux langues obligatoires dans le parcours scolaire. L'apprentissage se fait dès l'équivalent du CE2 pour la première langue et dès la première année du collège pour la deuxième lange. Si onze langues peuvent être apprises à l'école, en pratique, la combinaison anglais-français ou français-anglais est choisie dans plus de 95 % des cas. Le français est désormais majoritairement choisi comme deuxième langue vivante : 35 % des élèves choisissent le français en première langue et 53 % en seconde langue ; le français progresse encore légèrement comme deuxième langue alors qu'il perd chaque année du terrain, au profit de l'anglais, comme première langue enseignée (de l'ordre de 2 à 3 % par an).
• Le nombre de
professeurs de
français
reste important puisqu'ils sont plus de
9 300
en Roumanie (contre 11 000 professeurs
d'anglais, 1 000 professeurs d'allemand, 120 professeurs
d'espagnol).
Toutefois, les perspectives de renouvellement du corps sont inquiétantes , en raison notamment de la désaffection sensible des étudiants pour les départements d'études françaises : les effectifs de ces filières ont chuté de 30 % en cinq ans. Cette désaffection n'est pas propre aux études supérieures de français : elle concerne également l'ensemble des filières longues formant à l'enseignement et à la recherche, moins attractives pour les étudiants (du fait notamment du faible niveau de rémunération des enseignants roumains) que les filières plus « professionnalisantes ».
Dans ce contexte, une priorité est d' assurer la relève des professeurs de français - « l'infanterie » de la francophonie - qui quitteront leurs fonctions dans les années à venir.
• Votre commission insiste, par ailleurs, sur
l'importance du projet, en cours, tendant à accroître les
capacités d'accueil du lycée français de Bucarest, le
lycée Anna de Noailles
, qui constitue une vitrine pour notre
pays et pour notre réseau d'établissements à
l'étranger.
Le gouvernement roumain a annoncé en juillet 2008 l'attribution gratuite d'un terrain permettant la construction d'un nouvel établissement. Votre commission sera attentive aux suites données à ce projet, souhaitant que celui-ci puisse aboutir dans les meilleurs délais.
b) Le programme pilote d'enseignement bilingue au lycée : rénover l'apprentissage du français pour le rendre plus attractif
Lors de sa visite de l'École Centrale de Bucarest, l'équipe éducative et les élèves de cet établissement fondé en 1851 ont présenté à la délégation le programme d'enseignement bilingue francophone conduit en lien avec l'ambassade de France, qui vient « couronner » le parcours de « français renforcé » suivi dès le collège par certains élèves.
• Ce programme s'inscrit dans le
prolongement
de la coopération franco-roumaine en faveur de l'enseignement bilingue,
initiée au début des années 1990
: ce
programme, proposé dans 74 établissements répartis
sur l'ensemble du territoire à la rentrée 2006 et concernant plus
de 6 000 élèves, ne propose bien souvent qu'un enseignement
de civilisation française dispensé par des professeurs de
français ; un projet pilote de rénovation des contenus
d'enseignement par l'introduction, notamment, de l'enseignement de disciplines
non linguistiques (DNL), a été lancé en 2003 par la France
dans quinze lycées agréés par le ministère roumain
de l'éducation.
L'extension de ce programme s'est formalisée par un accord intergouvernemental signé le 28 septembre 2006 par les ministres des affaires étrangères des deux pays, lors du Sommet de la Francophonie tenu à Bucarest. Cet accord qui renforce notre coopération éducative et linguistique comporte deux volets :
- d'une part, la mise en place d'un baccalauréat à mention bilingue francophone dans 30 lycées roumains d'ici 2010 ;
- d'autre part, divers outils de nature à améliorer l'enseignement bilingue, dont notamment une politique de formation des professeurs qui enseignent dans ces mêmes établissements (ils sont actuellement près de 300), par des stages en Roumanie et en France ; l'accord a également prévu la mise à disposition de stagiaires français langue étrangère (FLE) dans les établissements pilotes.
En juillet 2008, une première génération de 378 élèves de Terminale originaires de 15 lycées a obtenu le baccalauréat à mention bilingue. Pour l'année scolaire 2008-2009, 24 lycées dans 15 villes réparties sur l'ensemble du territoire roumain (dont trois à Bucarest) ont participé au programme.
• La mention bilingue francophone est composée
de
quatre épreuves
spécifiques :
- une épreuve anticipée passée en 11 ème (l'équivalent de la classe de Première), consistant en un module interdisciplinaire ; de l'avis des élèves et de leurs professeurs, ces projets conduits en équipe - qui sont la transposition des travaux personnels encadrés (TPE) - permettent de stimuler la motivation des lycéens dans l'apprentissage du français, par un usage didactique et pratique de la langue , et de les préparer à l'enseignement supérieur ; de plus, cela s'inscrit en phase avec la volonté des autorités roumaines de moderniser les méthodes d'enseignement ; un projet-pilote a été mis en place dès 2003 à l'Ecole Centrale de Bucarest notamment, dans le cadre des filières bilingues ;
- trois épreuves en classe de Terminale : une épreuve écrite de français, une épreuve orale de français et une épreuve orale de discipline non linguistique en français.
Le niveau linguistique requis correspond au niveau B 2 du Cadre européen commun de référence pour les langues, établi en 2001 par le Conseil de l'Europe (qui est l'objectif à atteindre en fin de scolarité au lycée). Les élèves qui passent ces épreuves avec succès se voient délivrer un diplôme roumain de baccalauréat à mention bilingue francophone d'une part, et un diplôme franco-roumain délivré conjointement par l'ambassade de France et le ministère de l'éducation roumain d'autre part.
• Ce programme d'enseignement bilingue francophone
s'appuie, depuis l'automne 2008, sur
un
site de
ressources pédagogiques numériques
- « Vizavi » -
destiné à
la fois à promouvoir l'apprentissage du français grâce
à des outils interactifs ou des documents multimédias
12
(
*
)
, à favoriser une mise
en réseau des acteurs et à développer l'usage des
technologies de l'information dans le système éducatif roumain.
Rappelons que l'utilisation des technologies de l'information dans le domaine
de l'éducation a été un thème central du
XI
e
Sommet de la Francophonie qui s'est tenu à Bucarest
en 2006.
Le lancement de ce site s'accompagne de la mise en place d'un plan de formation des enseignants à l'usage des TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation), cofinancé en majorité par le ministère roumain de l'éducation. Un projet est désormais d'élargir l'accès à cette banque de ressources à l'ensemble des professeurs de français de Roumanie et aux filières universitaires francophones, au-delà des seuls enseignants des filières bilingues francophones.
• L'accord de 2006 prévoit également
l'introduction de lycées techniques et professionnels dans ce programme
d'enseignement bilingue.
Par ailleurs, dans le domaine de la formation professionnelle , une déclaration d'intention a été signée par les deux ministères de l'éducation en mars 2007, prévoyant notamment des échanges en matière d'élaboration de diplômes professionnels et d'élaboration de référentiels communs, pour faciliter notamment la mobilité européenne ; en outre, un opérateur français a été chargé de moderniser la formation aux métiers de l'automobile. Une telle coopération est importante pour un pays comme la Roumanie dans lequel il existe un déficit de formations à vocation professionnelle, adaptées à un marché de l'emploi en rapide évolution.
4. Un enjeu clé : renforcer la place du français dans la formation des élites roumaines
La possibilité de poursuivre des études supérieures en France, dans un pays francophone ou dans une filière francophone en Roumanie est un important facteur de motivation dans l'apprentissage du français à l'école, au collège et au lycée : c'est ce que la délégation a retenu de ses échanges avec des élèves, des étudiants et leurs professeurs au cours de sa mission.
Offrir de tels perspectives et débouchés permet non seulement de rendre l'apprentissage de notre langue plus attractif, mais vise aussi à proposer une formation francophone aux futures élites du pays , pour en faire des ambassadeurs de notre langue et former des cadres pour les entreprises françaises implantées en Roumanie. Il s'agit donc d'un enjeu majeur pour la coopération économique et institutionnelle entre nos deux pays et pour la place de la francophonie en Europe.
Rappelons que la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, présidée par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer et dont les conclusions ont été publiées en juillet 2008, invitait notamment la France à réinvestir le marché de plus en plus concurrentiel de la formation des futures élites mondiales ; dans cette logique, l'enseignement français à l'étranger doit devenir une filière privilégiée de recrutement des étudiants étrangers dans l'enseignement supérieur en France.
a) Les filières universitaires francophones : des vecteurs essentiels de coopération et de rapprochement entre nos deux pays
Comme l'a souligné M. Ioan Panzaru, recteur de l'université de Bucarest, lors de son entretien avec la délégation, la coopération universitaire franco-roumaine est fructueuse.
• Les délivrances de doubles diplômes,
le développement des cotutelles de thèses, la présence de
neuf lecteurs placés auprès des universités roumaines, les
échanges dans le cadre des programmes communautaires ou encore les
partenariats développés dans le cadre de l'Agence universitaire
de la francophonie (AUF) en sont une illustration.
• Par ailleurs, les
filières
universitaires francophones
sont une « vitrine »
de la coopération avec la Roumanie : il en existe actuellement
45
dans le système universitaire roumain ; elles
recouvrent tous les niveaux et domaines de formation (sciences
économiques, sciences politiques et juridiques, sciences de
l'ingénieur, sciences humaines et sociales, médecine et pharmacie
- à l'université de Cluj -, etc.) et accueillent
près de
4 000 étudiants
. Ces effectifs
sont globalement stables ces cinq dernières années. Parmi ces
filières, 20 délivrent simultanément des diplômes
français et roumains. Ces filières bénéficient,
pour certaines, du soutien de l'Union européenne, de l'AUF et de la
France.
La délégation a rencontré, lors de sa mission, les responsables pédagogiques et des étudiants du Collège juridique d'études européennes de Bucarest , qui propose depuis 1995 une formation pilotée par l'Université de Paris I et l'Université de Bucarest. Ce programme bénéficie depuis sa création, et jusqu'en 2010, d'une subvention de notre ministère des affaires étrangères (45 000 euros pour l'année 2008-2009) 13 ( * ) ; par ailleurs, un assistant technique, ainsi que des volontaires internationaux chargés de travaux dirigés, sont détachés auprès de l'Université de Bucarest ; les meilleurs étudiants du Collège peuvent bénéficier de bourses de stage et d'études.
Pour les jeunes roumains, le fait que l'apprentissage du français leur soit utile pour l'insertion dans la vie professionnelle contribue fortement à renforcer son attractivité. En effet, comme les responsables de cette filière l'ont relevé, l'objectif d'insertion professionnelle des filières universitaires francophones est un élément important de leur succès auprès des étudiants roumains . Elles les préparent à l'entrée sur le marché de l'emploi en proposant des formations adaptées aux besoins des entreprises, alors que la plupart des formations universitaires roumaines sont restées dans une tradition d'excellence académique et sont parfois déconnectées des besoins directs de l'économie. Elles prévoient, en outre, la possibilité de réaliser des stages, ce qui n'est pas le cas des autres formations non strictement professionnelles.
Ces filières sont des leviers importants de coopération et le moyen d'asseoir durablement l'influence française et la francophonie en Roumanie. Les entreprises françaises implantées en Roumanie constituent des débouchés pour ces diplômés francophones.
b) Développer les échanges universitaires franco-roumains et les partenariats entre universités francophones
En dehors du soutien aux filières francophones, la coopération universitaire constitue un axe privilégié de promotion de la francophonie en Roumanie et un moyen de nouer des relations durables avec les nouvelles générations de l'élite roumaine.
• Le
développement de la
mobilité des étudiants roumains
vers la
France
constitue une priorité du partenariat universitaire
franco-roumain.
Les relations entre nos deux pays dans ce domaine sont déjà solides :
- en 2008, 4 400 étudiants roumains sont inscrits en France (3 800 dans les universités et 600 dans les grandes écoles) ;
- avec plus de 600 accords de coopération, les universités françaises sont les premiers partenaires des universités roumaines ;
- la France est la première destination des étudiants roumains dans le cadre du programme Erasmus (environ 1 500 étudiants roumains accueillis en France en 2007-2008) ; pour l'ensemble des étudiants roumains en mobilité, la France partage la première place avec l'Allemagne.
La France soutient cette mobilité par divers programmes de bourses d'études, indispensables pour permettre à la plupart des étudiants roumains de venir suivre une partie de leur cursus dans notre pays. En outre, un projet consiste à solliciter des entreprises françaises ou franco-roumaines implantées en Roumanie pour cofinancer des bourses à destination de futurs jeunes cadres roumains, dans des formations répondant à leurs besoins en ressources humaines.
Rappelons, à cet égard, que le mécénat d'entreprises françaises implantées en Roumanie contribue déjà à la promotion de la francophonie : ainsi, la Société générale-BRD apporte un soutien financier à la publication d'une revue francophone et à l'organisation du concours « Le Mot d'Or », qui promeut la langue française des affaires des étudiants des filières économiques des universités roumaines.
• Les autorités roumaines apportent
également leur soutien à des étudiants en mobilité,
à travers quatre programmes de bourses. Par ailleurs,
48 universités roumaines participent au programme Socrates-Erasmus
de l'Union européenne.
• Par ailleurs,
les universités
roumaines s'attachent à
développer les liens
étroits avec les autres pays francophones
, notamment dans le
cadre de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), dont 26 d'entre elles
sont membres.
En ce sens, le Gouvernement roumain a mis en place, à la suite du Sommet de la Francophonie de Bucarest en 2006, le programme de bourses Ionescu , qui a pour but de permettre à des chercheurs ou doctorants des pays du Sud membres de l'OIF, de bénéficier d'une formation de trois à dix mois dans des établissements supérieurs roumains. La gestion de ce programme est coordonnée par l'AUF.
Lors de l'entretien avec la délégation, M. Cristian Preda, représentant spécial du Président roumain pour la francophonie, a plaidé en faveur de la création d'une « université francophone de l'Europe centrale et orientale », pour favoriser une mise en réseau des acteurs, jusqu'à présent isolés, à l'échelle régionale (Bulgarie, Roumanie, Moldavie...). Cette piste de réflexion mériterait d'être relayée auprès de l'AUF. Son objectif est de rendre plus visible et plus attractive l'offre de formations supérieures francophones dans cette région de l'Europe.
* 8 Rapport sur la proposition de résolution européenne n° 204 (2008-2009) de M. Hubert Haenel sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes, M. Jacques Legendre, commission des affaires culturelles, Sénat, n° 258 (2008-2009).
* 9 Résolution n° 63 (2008-2009) sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes.
* 10 Rappelons en particulier que l'OIF a signé fin 2006 dix accords-cadres avec des écoles et instituts de formation accueillant des fonctionnaires en formation initiale ou continue (dont l'Institut national d'administration de Bucarest), afin de renforcer l'enseignement, l'usage et la visibilité du français dans ces établissements.
* 11 Rapport précité.
* 12 Parmi les partenaires du projet : TV5, France 5, Hachette multimédia, Canal académie, l'Institut national de l'audiovisuel (INA), etc.
* 13 Seules trois filières universitaires francophones sur 45 bénéficient d'un soutien du ministère des affaires étrangères via des subventions annuelles, planifiées sur plusieurs années et de manière dégressive : outre le Collège juridique d'études européennes, il s'agit de la filière francophone de l'université polytechnique de Bucarest (20 000 euros en 2008-2009) et des filières francophones en ingénierie de l'Université de Brasov (15 000 euros en 2008-2009).