C. DE NOMBREUX PROJETS AUX RÉSULTATS ENCORE INCERTAINS
Les grands projets de gazoducs internationaux sont de nature à modifier l'organisation du système gazier européen. La réalisation de North Stream , de Nabucco et de South Stream nécessitera d'adapter les interconnexions entre États membres.
Les principaux gazoducs et oléoducs en Europe
Division géographique de la direction des Archives du Ministère des Affaires étrangères et européennes (c) 15 octobre 2008
Les évolutions à venir restent toutefois incertaines. Les projets annoncés sont souvent concurrents, et il n'est pas assuré que tous seront menés à leur terme.
Le projet North Stream , qui doit relier, sous la mer Baltique, la Russie à l'Allemagne, est le plus avancé. Il est porté essentiellement par la Russie (Gazprom) et l'Allemagne (E.ON Ruhrgas), mais comporte d'autres partenaires, dont GDF-Suez. Son coût est estimé à 7,4 milliards d'euros. Sa mise en service peut être envisagée pour 2011 ou 2012.
Les deux autres projets, Nabucco et South Stream , sont beaucoup plus incertains.
Le projet Nabucco , généralement présenté comme une solution pour limiter la dépendance à l'égard du gaz russe, doit relier la mer Caspienne à l'Autriche via la Turquie. Ce projet est activement soutenu par la Commission européenne. Les parties prenantes sont l'Autriche, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie, ainsi que la Turquie. Des groupes énergétiques allemands soutiennent également ce projet. La Turquie avait refusé la participation française en raison des positions de notre pays sur le génocide arménien. Son coût est estimé à 8 milliards d'euros. Sa mise en service n'est pas prévue avant 2014. En dépit du fort soutien politique dont il bénéfice, ce projet se heurte à de nombreux obstacles, à commencer par celui de la sécurité de son approvisionnement , et pourrait se voir privé... de gaz. En effet, la viabilité de Nabucco passe en grande partie par le recours au gaz des pays riverains de la mer Caspienne, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Turkménistan, qui tentent difficilement de sortir de l'influence russe. Or, la Russie s'emploie à détourner les ressources gazières de la mer Caspienne vers son propre réseau pour « assécher » Nabucco . Elle a ainsi signé un accord avec l'Azerbaïdjan pour des livraisons de gaz. Les négociations avec ce pays sont rendues plus difficiles par la mauvaise humeur que le récent rapprochement opéré entre Ankara et Erevan provoque à Bakou. Quant au gaz iranien, il est pour le moment exclu de pouvoir y recourir, compte tenu de la situation politique dans ce pays.
South Stream est un projet russe, auquel participe également l'Italie, dont l'objectif est l'échec de Nabucco . D'aucuns, à Bruxelles en particulier, considèrent qu'il ne verra jamais le jour et qu'il constitue seulement un « coup de bluff » de la part des Russes qui cherchent à faire accroire l'idée selon laquelle Nabucco n'est pas viable et à déstabiliser un peu plus encore l'Ukraine. En effet, ce gazoduc doit relier, sous la mer Noire - donc en évitant l'Ukraine -, la Russie à la Bulgarie, pour ensuite se diviser en deux bras, l'un dirigé vers la Grèce et l'Italie, l'autre vers la Roumanie, la Hongrie, la République tchèque et l'Autriche. Il n'en demeure pas moins que South Stream semble progresser depuis peu plus rapidement que Nabucco . Ainsi une participation d'EDF à South Stream est-elle désormais envisagée. L'état d'avancement du projet varie au gré des accords politiques passés entre la Russie et les pays concernés, dont la Turquie, qui est également partie prenante à Nabucco . La Turquie joue en la matière un jeu un peu trouble, généralement en fonction de questions politiques telles que son éventuelle adhésion à l'Union européenne. Ce n'est que très récemment qu'elle a accepté que GDF-Suez participe à Nabucco . Les défis techniques à relever sont considérables et le coût de South Stream pourrait être exorbitant.
Le GNL apparaît comme une source d'énergie alternative tout à fait crédible en vue d'un bouquet énergétique plus diversifié. Il permet en particulier de remplacer le charbon, dont les émissions de gaz à effet de serre sont deux fois plus importantes que celles du GNL. Toutefois, l'acheminement du GNL par méthaniers, qui nécessite le refroidissement du gaz pour rendre son utilisation très souple, est extrêmement coûteux, bien plus que le recours à un gazoduc traditionnel. Le Qatar, 4 e fournisseur en gaz de l'Union européenne et détenteur des 3 e réserves de gaz du monde, est aujourd'hui le premier producteur mondial de GNL.