B. DES TRAJECTOIRES DES COMPTES PUBLICS CONTRASTÉES
Sans surprise, les évolutions des comptes publics associées à ces cinq scénarios sont fortement contrastées. Les écarts relatifs aux déficits publics voient leurs prolongements sur les niveaux de dette publique amplifiés.
FINANCES PUBLIQUES DANS LES CINQ SCENARII (en points de PIB)
PIB
|
PIB
|
Solde public |
Dette publique brute |
Charge d'intérêts |
|||||||
Moyenne 2011-13 |
Moyenne 2011-30 |
2015 |
2020 |
2030 |
2015 |
2020 |
2030 |
2015 |
2020 |
2030 |
|
Scénario 1 |
2,5 |
2,3 |
- 4,4 |
- 3,4 |
- 2,2 |
92,8 |
92,0 |
81,8 |
3,7 |
3,9 |
3,6 |
Scénario 2 |
3,5 |
2,3 |
- 2,0 |
- 1,9 |
- 1,3 |
82,3 |
76,5 |
64,6 |
3,4 |
3,3 |
2,8 |
Scénario 3 |
2,0 |
2,0 |
- 5,8 |
- 6,4 |
- 7,7 |
98,8 |
109,8 |
134,7 |
3,8 |
4,4 |
5,7 |
Scénario 4 |
2,5 |
2,1 |
- 4,2 |
- 2,6 |
- 2,3 |
92,6 |
89,2 |
82,3 |
3,7 |
3,8 |
3,5 |
Scénario 5 |
2,5 |
1,8 |
- 3,8 |
- 3,0 |
- 2,8 |
91,6 |
90,1 |
88,5 |
3,6 |
3,7 |
3,5 |
Source : calculs OFCE pour la Délégation à la prospective du Sénat.
1. L'évolution du déficit public
S'agissant du déficit public, les perspectives diffèrent selon le scénario en fonction, principalement, du moment du retour à un solde primaire stabilisant le niveau de la dette publique dans le PIB.
a) Le compte central
Le compte central dessine une normalisation progressive de la situation des finances publiques. La politique d'ajustement structurel du début de période est relayée par le comblement progressif de l'écart de production qui permet d'éliminer la partie conjoncturelle du déficit public.
Au total, le retour à la normale repose, un peu, sur la hausse du taux des prélèvements obligatoires et, beaucoup, sur la baisse de la place des dépenses publiques dans le PIB.
Hypothèse forte, la politique d'assainissement structurel du début de période ne pèse pas sur la croissance économique dans des proportions telles qu'un effort budgétaire supplémentaire soit nécessaire pour situer le déficit public sur la trajectoire qui lui permet de rejoindre le niveau stabilisant la dette publique dans le PIB.
Dans le compte central , le déficit public décroît progressivement. De 4,4 points en 2015, il passe à 3,4 points de PIB en 2020 et à 2,2 points de PIB en 2030.
Par rapport à 2010 , le recul est important, de 6,5 points de PIB, du fait d'un repli des dépenses publiques de près de 5 points de PIB (les dépenses publiques hors charges d'intérêt reculent un peu plus) et de ce que les pertes de recettes fiscales dues à la crise sont effacées.
Par rapport à 2015 , le déficit public décroît moins, de 2,2 points de PIB. Pour l'essentiel, ce repli est acquis en 2024. Mais, c'est dès 2017 que le solde public stabilisant le poids de la dette publique dans le PIB (4,1 points de PIB) est atteint .
La réduction du déficit public provient d'abord d'une politique d'ajustement structurel. Le déficit structurel recule : il passe de 5,5 points de PIB en 2010 à 2,2 points de PIB en 2015 soit, en cumulé, - 3,3 points de PIB. Par ailleurs, le comblement progressif de l'écart de croissance (achevé en 2024) entraîne la disparition de la composante conjoncturelle du déficit qui est réduite de 3,3 points de PIB entre 2010 et 2024.
CONDITIONS DE L'AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE DANS LE SCÉNARIO CENTRAL
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2030 |
Variation |
|
Solde structurel |
- 5,5 |
- 2,2 |
- 2,2 |
- 3,3 |
Solde conjoncturel |
- 3,3 |
- 2,2 |
0 |
- 3,3 |
Total |
- 8,8 |
- 4,4 |
- 2,2 |
- 6,6 |
Au total, la réduction du déficit public proviendrait essentiellement d'un repli des dépenses publiques dont le niveau relativement au PIB reculerait de 4,8 points. De 55,9 points de PIB en 2010, elle passerait à 51,1 points de PIB en 2030 soit un niveau légèrement plus bas que celui, de 52,7 points de PIB, de 2008. Le repli des dépenses publiques hors intérêt de la dette serait un peu supérieur (- 5,4 points de PIB), les charges d'intérêt de la dette augmenteraient légèrement par rapport à 2010 (+ 0,6 point de PIB) tout en baissant de 0,3 point de PIB par rapport à leur pic.
ÉVOLUTION DES MASSES BUDGÉTAIRES DANS LE SCÉNARIO N°1
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2020 |
2025 |
2030 |
Variation |
|
Dépenses publiques |
55,9 |
53,4 |
52,4 |
51,4 |
51,1 |
- 4,8 |
Recettes publiques |
47,2 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
+ 1,8 |
Solde* |
8,7 |
4,4 |
3,4 |
2,4 |
2,1 |
- 6,6 |
* Le solde ne correspond pas exactement à celui commenté dans le texte en raison d'arrondis.
b) Les autres scénarios
Dans les autres scénarios , où les recettes publiques augmentent, dans tous les cas de 1,8 point de PIB comme dans le scénario central, l'évolution du solde public dépend du contexte macroéconomique dessiné à la fois par les perspectives de croissance potentielle (qui servent d'étalon à la croissance des dépenses publiques primaires) et effective.
Le deuxième scénario ne diffère du premier que par le fort rebond conjoncturel du début de période, dans le contexte d'une hypothèse de croissance potentielle identique à celle du scénario central (+ 2 %) et d'une même politique budgétaire. Le déficit de croissance est comblé plus tôt (en 2014 contre 2024) si bien que le déficit conjoncturel disparaît plus rapidement. Cet acquis infléchit les intérêts de la dette publique dont le repli permet une plus forte réduction du déficit public (elle est imputée à la variation du solde structurel conformément au traitement comptable habituel de la charge d'intérêts).
CONDITIONS DE L'AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE DANS LE SCÉNARIO N°2
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2030 |
Variation |
|
Solde structurel |
- 5,5 |
- 2,0 |
- 1,3 |
- 4,2 |
Solde conjoncturel |
- 3,3 |
0 |
0 |
- 3,3 |
Total |
- 8,8 |
- 2,0 |
- 1,3 |
- 7,5 |
Le recul des dépenses publiques dessiné dans le scénario central est amplifié dans ce deuxième scénario par les économies sur les charges d'intérêt de la dette publique permises par la réduction du niveau de la dette publique par rapport à ce qu'il est dans le scénario central. Les prélèvements obligatoires sont constants, ce qui est une hypothèse assez conventionnelle : étant donné la forte puissance du rebond conjoncturel de début de période, on pourrait, en effet, s'attendre à un ressaut des recettes publiques plus fort que dans le scénario central.
ÉVOLUTION DES MASSES BUDGÉTAIRES DANS LE SCÉNARIO N°2
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2020 |
2025 |
2030 |
Variation |
|
Dépenses publiques |
55,9 |
51,0 |
50,8 |
50,6 |
50,3 |
- 5,6 |
Recettes publiques |
47,2 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
+ 1,8 |
Solde* |
- 8,7 |
- 2,0 |
1,8 |
- 1,8 |
- 1,3 |
+ 7,4 |
* Le solde ne correspond pas exactement à celui commenté dans le texte en raison d'arrondis.
De tous les scénarios, c'est le scénario n° 3 qui est le moins favorable à la fois sur le plan économique, puisque les pertes de croissance accumulées de 2008 à 2010 ne sont pas rattrapées et sur le plan des finances publiques. En effet, la partie conjoncturelle du déficit n'y est jamais comblée.
En outre, alors que l'impulsion budgétaire est la même que dans les autres scénarios - les dépenses publiques primaires croissent au même rythme, le taux de prélèvements obligatoires est identique - le solde public ne stabilise pas le poids de la dette publique dans le PIB qui s'alourdit avec des effets associés d'inflation des charges d'intérêt.
CONDITIONS DE L'AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE DANS LE SCÉNARIO N°3
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2030 |
Variation |
|
Solde structurel |
- 5,5 |
- 2,4 |
- 4,3 |
- 1,2 |
Solde conjoncturel |
- 3,3 |
- 3,4 |
- 3,4 |
+ 0,1 |
Total |
- 8,8 |
- 5,8 |
- 7,7 |
- 1,1 |
Quant au solde conjoncturel, ce qu'il faut en retenir c'est qu'il demeure inchangé puisque le déficit de croissance de départ n'est jamais rattrapé. Au demeurant, la qualification de « conjoncturelle » d'une partie du déficit public devient toutefois discutable puisque le maintien prolongé d'un écart de croissance initial conduit à reconsidérer la nature de cette composante du déficit public qui, de conjoncturelle peut être requalifiée en structurelle. Tout se passe, en effet, dans ce scénario comme si la crise avait effectivement réduit le potentiel de croissance 81 ( * ) .
Quant au solde structurel, si l'impulsion budgétaire de début de période en entraîne la réduction dans les conditions proches des deux premiers scénarios, il évolue très différemment au-delà.
ÉVOLUTION DES MASSES BUDGÉTAIRES DANS LE SCÉNARIO N°3
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2020 |
2025 |
2030 |
Variation |
|
Dépenses publiques |
55,9 |
54,8 |
55,4 |
56,1 |
58,7 |
+ 2,8 |
Recettes publiques |
47,2 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
+ 1,8 |
Solde* |
8,7 |
5,8 |
6,4 |
7,1 |
9,7 |
+ 1,0 |
* Le solde ne correspond pas exactement à celui commenté dans le texte en raison d'arrondis.
Le taux de prélèvements obligatoires est bien le même que dans les deux premiers scénarios mais, s'agissant des dépenses publiques, leurs évolutions sont sensiblement différentes. Les dépenses publiques hors charges d'intérêt croissent au même rythme mais, comme la croissance économique est moins favorable en début de période - elle n'autorise jamais de rejoindre le niveau de production potentielle quand bien même le taux de croissance se situe au niveau du rythme potentiel de croissance - le poids des dépenses publiques, qui ne baisse que transitoirement, est toujours plus élevé que dans les autres scénarios. S'ajoute aux effets du décalage de croissance la forte incidence du gonflement des charges d'intérêt dans un contexte de hausse du rapport de la dette publique dans le PIB. En fin de période, les intérêts atteignent 5,7 points de PIB, augmentation qui fait plus que compenser la baisse du niveau des dépenses primaires.
Les deux derniers scénarios sont construits sur l'hypothèse d'un ralentissement de la croissance potentielle plus fort dans le scénario n° 5 (1,5 %) que dans le scénario n° 4 (1,8 %) .
Du fait du ralentissement accentué de la croissance
dans le scénario n° 5, la politique budgétaire
ressort comme moins « restrictive »
- l'ajustement
structurel est moins important - que dans le scénario
n° 4, celui-ci étant lui-même moins fort que dans le
scénario central.
CONDITIONS DE L'AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE DANS LE SCÉNARIO N°4
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2030 |
Variation |
|
Solde structurel |
- 5,5 |
- 2,5 |
- 2,3 |
- 3,2 |
Solde conjoncturel |
- 3,3 |
- 1,7 |
0 |
- 3,3 |
Total |
- 8,8 |
- 4,2 |
- 2,3 |
- 6,5 |
CONDITIONS DE L'AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE DANS LE SCÉNARIO N°5
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2030 |
Variation |
|
Solde structurel |
- 5,5 |
- 2,9 |
- 2,8 |
- 2,7 |
Solde conjoncturel |
- 3,3 |
- 0,9 |
0 |
- 3,3 |
Total |
- 8,8 |
- 3,8 |
- 2,8 |
- 6,0 |
Ce résultat traduit le fait que l'ajustement structurel du début de période « pèse » d'autant moins lourd, en termes de réduction du déficit structurel, que la croissance potentielle est plus faible.
En revanche, dans ces deux scénarios, le solde conjoncturel est équilibré, d'autant plus vite d'ailleurs que la croissance potentielle est faible.
In fine , le maintien d'un déficit structurel plus élevé dans le scénario n° 5 de plus faible croissance s'accompagne d'un déficit public plus fort, le déficit d'effort structurel du scénario n° 5 l'emportant sur la disparition, plus rapide dans ce scénario, du déficit conjoncturel.
Se trouve ainsi illustrée l'idée selon laquelle à un même rythme d'évolution des dépenses publiques correspondent des ajustements budgétaires structurels différents selon le rythme de la croissance potentielle. Plus celui-ci est élevé plus l'effort ressort comme tel et inversement.
La question du niveau futur de la croissance potentielle étant aujourd'hui particulièrement débattue, les résultats comparés des scénarios n° 4 et 5 combinés avec ceux du scénario central présentent l'intérêt de mesurer les incidences d'un possible ralentissement de la croissance potentielle et de son retentissement sur les comptes publics dans le contexte d'une politique budgétaire donnée 82 ( * ) .
En dépit d'un effort de maîtrise des dépenses publiques identique, cet effort structurel ressort comme moins efficace dans le scénario de croissance potentielle la plus fortement ralentie que dans le scénario où le ralentissement est moindre .
ÉVOLUTION DES MASSES BUDGÉTAIRES DANS LE SCÉNARIO N°4
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2020 |
2025 |
2030 |
Variation |
|
Dépenses publiques |
55,9 |
53,2 |
51,6 |
51,5 |
51,3 |
- 4,6 |
Recettes publiques |
47,2 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
+ 1,8 |
Solde* |
8,7 |
4,2 |
2,6 |
2,5 |
2,3 |
- 6,4 |
* Le solde ne correspond pas exactement à celui commenté dans le texte en raison d'arrondis.
ÉVOLUTION DES MASSES BUDGÉTAIRES DANS LE SCÉNARIO N°5
(en points de PIB)
2010 |
2015 |
2020 |
2025 |
2030 |
Variation |
|
Dépenses publiques |
55,9 |
52,8 |
52,0 |
51,9 |
51,7 |
- 4,2 |
Recettes publiques |
47,2 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
49,0 |
+ 1,8 |
Solde* |
8,7 |
3,8 |
3,0 |
2,9 |
2,7 |
- 6,0 |
* Le solde ne correspond pas exactement à celui commenté dans le texte en raison d'arrondis.
Se trouve aussi posée la question de l'adéquation d'une configuration de politique budgétaire donnée à des contextes de croissance différents marqués par le plus ou moins fort dynamisme de la croissance potentielle à venir.
* 81 Voir le chapitre consacré à la croissance potentielle.
* 82 Dans tous les cas, la croissance des dépenses publiques est calée sur les niveaux respectifs de croissance potentielle excepté en début de période où l'impulsion budgétaire de la programmation des finances publiques à moyen terme est posée en hypothèse. Ainsi, l'esprit de la politique budgétaire conduite à long terme est le même dans tous les scénarios mais les dépenses publiques augmentent d'autant moins que l'hypothèse de croissance potentielle est faible.