Rapport d'information n° 337 (2009-2010) de Mme Josette DURRIEU , fait au nom de la délégation à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, déposé le 25 février 2010
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INTRODUCTION
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I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION
PARLEMENTAIRE
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II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE
DÉROULEMENT DE LA SESSION
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III. LE DYNAMISME DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE
DE SECURITÉ ET DE DÉFENSE (PESD) ET LES PERSPECTIVES OFFERTES PAR
LE TRAITÉ DE LISBONNE
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IV. L'ACTUALITÉ GÉOPOLITIQUE
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A. LA NOUVELLE ARCHITECTURE DE
SÉCURITÉ POUR L'EUROPE
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B. LA SECURITÉ EUROPÉENNE ET LE
MOYEN-ORIENT
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C. LA GUERRE EN AFGHANISTAN ET SES IMPLICATIONS
RÉGIONALES
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D. LES DÉVELOPPEMENTS EN COURS EN
MATIÈRE DE NON-PROLIFÉRATION ET DE DÉSARMEMENT
NUCLÉAIRES
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E. LA SÉCURITÉ DE L'EUROPE ET
L'ÉLARGISSEMENT : ÉVOLUTION DE L'OPINION PUBLIQUE
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A. LA NOUVELLE ARCHITECTURE DE
SÉCURITÉ POUR L'EUROPE
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V. LE FONCTIONNEMENT, LE FINANCEMENT ET L'AVENIR DE
L'UEO
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I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION
PARLEMENTAIRE
N° 337
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 février 2010 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom des délégués élus par le Sénat, sur les travaux de la délégation française à l' Assemblée de l' Union de l' Europe occidentale (1) au cours de la 57e session ordinaire 2010 de cette assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,
Par Mme Josette DURRIEU,
Sénatrice.
(1) Cette délégation est composée de : M. Denis Badré, Mmes Josette Durrieu, Gisèle Gautier, MM. Francis Grignon, Jean-Pierre Masseret et Philippe Nachbar, délégués titulaires ; M. Laurent Béteille, Mme Maryvonne Blondin, MM. Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, Jean-François Le Grand et Yves Pozzo di Borgo, délégués suppléants.
INTRODUCTION
La cinquante-septième session de l'Assemblée de l'UEO s'est ouverte dans un climat d'incertitudes quant à son avenir. L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et l'affirmation d'un politique européenne de sécurité et de défense comme la recherche d'économies budgétaires par un certain nombre d'États membres ne sont pas sans susciter d'interrogations sur la place de l'UEO.
La délégation française est opposée à l'idée d'une suppression pure et simple de l'UEO. Une telle option n'est pas sans faire peser le risque d'une absence de contrôle par les parlements nationaux, dont l'Assemblée est l'émanation, de la politique de défense de l'Union européenne. Celle-ci est par essence intergouvernementale, il apparaît en conséquence impensable de transférer ce contrôle au seul Parlement européen.
Plusieurs hypothèses sont actuellement à l'étude au sein de l'Assemblée pour lui permettre de continuer sa mission dans un nouveau cadre. La délégation française est, pour sa part, favorable à l'intégration de cette assemblée au sein de l'espace du Conseil de l'Europe sous la forme d'un organisme autonome, qui tiendrait compte de la spécificité des problématiques de défense et de sécurité, à l'inverse d'une simple commission.
Les thèmes abordés lors de cette cinquante-septième session, qu'il s'agisse du Moyen-Orient, de l'Afghanistan, de la prolifération nucléaire ou de la surveillance maritime, soulignent à quel point l'Assemblée demeure un véritable forum d'échanges interparlementaires. Elle permet, en outre, d'assurer une forme de permanence et de continuité dans la diffusion de l'information, ce qui en fait un organisme essentiel.
I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
La délégation parlementaire française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants)
A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU
Composition de la délégation en juin
2009
Membres titulaires |
|||
Assemblée |
Groupe
|
Groupe UEO |
|
M. Denis BADRÉ |
Sénateur |
UC-UDF |
Libéral |
M. Roland BLUM |
Député |
UMP |
Fédéré |
M. Georges COLOMBIER |
Député |
UMP |
Fédéré |
Mme Josette DURRIEU |
Sénatrice |
SOC |
Socialiste |
Mme Gisèle GAUTIER |
Sénatrice |
UMP |
Fédéré |
Mme Claude GREFF |
Député |
UMP |
Fédéré |
M. Francis GRIGNON |
Sénateur |
UMP |
Fédéré |
Mme Arlette GROSSKOST |
Député |
UMP |
Fédéré |
M. Denis JACQUAT |
Député |
UMP |
Fédéré |
M. Armand JUNG |
Député |
SRC |
Socialiste |
M. Jean-Pierre KUCHEIDA |
Député |
SRC |
Socialiste |
M. François LONCLE |
Député |
SRC |
Socialiste |
M. Noël MAMÈRE |
Député |
GDR |
NI |
M. Jean-Pierre MASSERET |
Sénateur |
SOC |
Socialiste |
M. Jean-Claude MIGNON |
Député |
UMP |
Fédéré |
M. Philippe NACHBAR |
Sénateur |
UMP |
Fédéré |
M. Germinal PEIRO |
Député |
SRC |
Socialiste |
M. François ROCHEBLOINE |
Député |
NC |
Libéral |
Membres suppléants |
|||
Assemblée |
Groupe assemblée |
Groupe UEO |
|
M. Laurent BÉTEILLE |
Sénateur |
UMP |
Fédéré |
Mme Maryvonne BLONDIN |
Sénatrice |
SOC |
NI |
M. Alain COUSIN |
Député |
UMP |
Fédéré |
M. Bernard FOURNIER |
Sénateur |
UMP |
Fédéré |
M. Jean-Claude FRÉCON |
Sénateur |
SOC |
NI |
M. Paul GIACOBBI |
Député |
SRC |
Socialiste |
Mme Françoise HOSTALIER |
Députée |
UMP |
Fédéré |
M. Michel HUNAULT |
Député |
NC |
Fédéré |
Mme Marietta KARAMANLI |
Députée |
SRC |
Socialiste |
M. Jean-François LE GRAND |
Sénateur |
UMP |
Fédéré |
M. Jean-Paul LECOQ |
Député |
GDR |
NI |
Mme Christine MARIN |
Députée |
UMP |
NI |
Mme Muriel MARLAND-MILITELLO |
Députée |
UMP |
Fédéré |
M. Yves POZZO DI BORGO |
Sénateur |
UC-UDF |
Fédéré |
M. Frédéric REISS |
Député |
UMP |
Fédéré |
Mme Marie-Line REYNAUD |
Députée |
SRC |
Socialiste |
M. René ROUQUET |
Député |
SRC |
Socialiste |
M. André SCHNEIDER |
Député |
UMP |
Fédéré |
La composition de son Bureau est la suivante :
Président |
M. Jean-Claude MIGNON |
Député |
UMP |
Première vice-présidente |
Mme Arlette GROSSKOST |
Député |
UMP |
Présidente déléguée
|
Mme Josette DURRIEU |
Sénatrice |
SOC |
Vice-présidents |
M. Alain COUSIN |
Député |
UMP |
M. Jean-Claude FRÉCON |
Sénateur |
SOC |
|
Mme Gisèle GAUTIER |
Sénatrice |
UMP |
|
Mme Claude GREFF |
Député |
UMP |
|
M. Denis JACQUAT |
Député |
UMP |
|
M. Jean-Pierre KUCHEIDA |
Député |
SRC |
|
M. François LONCLE |
Député |
SRC |
|
M. Jean-Pierre MASSERET |
Sénateur |
SOC |
|
M. François ROCHEBLOINE |
Député |
NC |
|
M. André SCHNEIDER |
Député |
UMP |
Mme Josette Durrieu, Présidente déléguée pour l'UEO au sein de la délégation française, est Vice-présidente de l'Assemblée. Elle a été réélue pour les cinquante-huitième et cinquante-neuvième sessions qui se dérouleront en 2010.
II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION
A. PROGRAMME DE LA CINQUANTE-SEPTIÈME SESSION
Mardi 1 er décembre
- Attribution des pouvoirs de présider aux présidents des délégations des parlements des États membres de l'UE
- Vers une nouvelle architecture de sécurité pour l'Europe ? - Réponse au rapport annuel du Conseil ;
- Intervention de M. Håkan JEVRELL, Secrétaire d'État à la défense de Suède, représentant la présidence sortante de l'Union européenne
- Intervention de M. Theodoros Pangalos, Vice-Premier ministre de Grèce, représentant la présidence sortante de l'UEO ;
- Discours de S.E M. Vladimir Chizhov, Ambassadeur de Russie auprès de l'Union européenne.
Mercredi 2 décembre
- Discours de S.E. M. Carlos Fernández Arias Minuesa, représentant permanent de l'Espagne au Conseil de l'UEO / Comité politique et de sécurité de l'UE, au nom de M. Miguel Angel MORATINOS, Ministre des affaires étrangères, représentant la Présidence entrante espagnole de l'UE/UEO;
- Modèles et structures de coopération interparlementaire ;
- La sécurité européenne et le Moyen-Orient ;
- La surveillance maritime européenne ;
- La guerre en Afghanistan : les implications régionales ;
- Intervention de M. Göran Lennmarker, président de la commission des affaires étrangères du Parlement suédois et de la Conférence des présidents des commissions des affaires étrangères des parlements de l'Union européenne ;
- L'Union européenne et les missions de maintien de la paix des Nations unies - Réponse au rapport annuel du Conseil ;
- Projet de budget de l'Assemblée pour 2010, avis sur les budgets des organes ministériels de l'UEO pour 2009 et comptes relatifs aux dépenses de l'Assemblée pour 2008.
Jeudi 3 décembre
- Renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) - Réponse au rapport annuel du Conseil ;
- Informations fournies par les Conseils de l'UE et de l'UEO sur la politique européenne de sécurité et de défense ;
- Sécurité de l'Europe et élargissement : l'évolution de l'opinion publique.
B. TEXTES ADOPTÉS
L'Assemblée de l'Union de l'Europe Occidentale peut adopter trois types de textes, la forme variant selon leurs destinataires :
- une recommandation consiste en une proposition de l'Assemblée adressée au Conseil de l'UEO ;
- une résolution exprime une position de l'Assemblée envoyée aux organisations internationales, aux gouvernements ou aux parlements nationaux ;
- une directive est un texte adressé au Président de l'assemblée ou à une commission.
Le texte intégral des rapports, avis, comptes
rendus des débats de l'Assemblée de l'UEO, ainsi que les textes
adoptés, sont consultables sur le site :
http://www.assembly-weu.org/fr
|
III. LE DYNAMISME DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE SECURITÉ ET DE DÉFENSE (PESD) ET LES PERSPECTIVES OFFERTES PAR LE TRAITÉ DE LISBONNE
A. ÉTAT DES LIEUX
La présidence suédoise de l'Union européenne était particulièrement bien représentée au cours de cette session. En effet, le Secrétaire d'État M. Hakan Jevrell a présenté à l'Assemblée un bilan des avancées acquises dans le domaine de la défense au cours de la présidence suédoise, tandis que M. Göran Lennmarker, éminent parlementaire suédois, a davantage insisté sur les relations de l'Union avec son voisinage et leurs conséquences pour la sécurité européenne.
Bilan de la présidence suédoise de l'Union européenne dans le domaine de la PESD
• Intervention de M. Hakan Jevrell, secrétaire d'État à la défense, représentant la présidence suédoise de l'Union européenne
M. Jevrell a débuté son allocution par un rapide bilan de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) visant à souligner son dynamisme depuis 1998. Ainsi, en dix ans d'existence, celle-ci a organisé 22 missions et opérations impliquant 70 000 personnes sur quatre continents.
M. Jevrell a ensuite insisté sur les perspectives offertes par le traité de Lisbonne pour consolider la PESD. Selon lui, le traité de Lisbonne ouvre un nouveau chapitre de la PESD : le cadre institutionnel est renforcé, de même que les capacités d'action extérieures, la planification et la gestion des crises. A cet égard, la mise sur pied du service européen d'action extérieure sera décisive.
M. Jevrell a rappelé que la Suède avait fait de la PESD l'une de ses priorités, et a donc présenté les résultats obtenus dans ce domaine au cours des six mois écoulés.
La présidence suédoise s'est efforcée d'accroître la flexibilité d'usage des groupements tactiques . En effet, ceux-ci n'ont encore jamais été utilisés sur le terrain, alors qu'ils sont devenus des outils d'intervention extérieure et qu'ils peuvent être déployés en dix jours seulement. Jusque là, la volonté politique a fait défaut. Le débat organisé par la présidence suédoise a abouti à une directive politique du Conseil européen dans le sens d'une flexibilité accrue des groupements tactiques.
En outre, la présidence suédoise s'est attachée à améliorer l'efficacité de la surveillance maritime européenne, en s'attaquant à sa fragmentation et sa dispersion. Le Conseil européen a par exemple appelé la Commission européenne à rédiger une feuille de route pour renforcer la coordination des systèmes existants avant la fin 2010.
De plus, la présidence suédoise a pris des initiatives pour renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne , en s'efforçant de répondre aux problèmes de la fragmentation et du manque de transparence et d'harmonisation de ce secteur stratégique. Ainsi, les ministres de la défense ont adopté en novembre une déclaration politique en vue de travailler à un marché européen des industries de défense plus ouvert, et ont chargé l'Agence européenne de défense de préparer une feuille de route en ce sens.
Enfin, la présidence suédoise a centré ses efforts sur la coordination des capacités civiles et militaires . Il s'agit de créer des synergies dans la planification et l'utilisation des capacités dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC). Les États membres ont accepté d'accentuer leurs efforts en ce sens et un plan de travail sera mis au point au premier semestre 2010 sur un certain nombre de domaines tels que les transports, la logistique, les communications et le soutien médical. La présidence suédoise a également pris plusieurs décisions destinées à faciliter la rapidité d'intervention dans l'organisation d'une mission.
A la suite de cette présentation, M. Jevrell a effectué un rapide tour d'horizon des différentes interventions en cours et s'est félicité de la bonne coopération entretenue avec les principaux partenaires de l'Union sur le terrain au cours de ces six mois. Le Secrétaire d'Etat suédoise à la défense a clos son discours en soulignant les progrès accomplis jusqu'ici tout en reconnaissant qu'il restait encore beaucoup de travail. A cet égard, il a salué le « rôle clé » joué par les parlementaires de l'Assemblée européenne de sécurité et de défense, qui contribuent grandement à renforcer « le soutien des opinions vis-à-vis du travail accompli par l'Union européenne ».
Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a souhaité avoir plus de précision sur la mise en oeuvre du service européen d'action extérieure :
« Je voudrais tout d'abord rendre hommage à l'action de la présidence suédoise, dont la détermination et l'efficacité ont permis la ratification du traité de Lisbonne. Selon vous, qui avez suivi de près ce dossier, quel sera l'apport des innovations prévues par le traité de Lisbonne dans le domaine de la politique de sécurité et de défense de l'Union ? Je pense en particulier au service européen d'action extérieure. Quelles seront les modalités de sa mise en oeuvre ?
J'aimerais également avoir des informations sur les réalisations de votre présidence dans le domaine de la sécurité énergétique, alors qu'une nouvelle crise gazière ne semble pas exclue pour cet hiver ».
M. Jevrell lui a répondu en ces termes :
« Les mois à venir seront cruciaux s'agissant du développement du service européen d'action extérieure et des suites données au traité de Lisbonne. En ce qui concerne le service d'action extérieure, une décision sera prise au plus tard au mois d'avril. Quant à la PESD, elle fera désormais l'objet d'avancées concrètes dans le cadre du Traité de Lisbonne, celui-ci renforçant incontestablement les possibilités d'agir de l'Union dans le domaine de la sécurité et de la défense. Il est toutefois difficile d'en dire plus à ce stade.
En ce qui concerne la sécurité énergétique, il s'agit là d'une question qui n'entre pas dans mon champ de compétences. Néanmoins, mon pays pourrait se révéler un exemple à suivre dans ce domaine, puisqu'il est entièrement indépendant sur le plan énergétique. C'est en tout cas une question à approfondir ».
Les autres questions ont porté sur les groupements tactiques, notamment le financement de leur déploiement, et sur les conséquences du référendum suisse sur la construction des minarets.
M. Jevrell a convenu que tant que les groupements tactiques ne seraient pas effectivement déployés, se poserait la question de leur avenir, car les contribuables européens finiront pas s'interroger sur leur utilité si on ne s'en sert pas et qu'on les finance en vain. Sur la question des minarets, qui ne concernait pas vraiment la défense européenne, M. Jevrell a reconnu que le résultat de ce référendum pourrait peut-être affecter les relations de l'Union européenne avec les pays musulmans, mais sans approfondir ce sujet délicat.
• Intervention de M. Göran Lennmarker, président de la commission des affaires étrangères du Parlement suédois
M. Lennmarker est le président de la commission des affaires étrangères du Parlement suédois. A ce titre, il fut pendant le semestre de la présidence suédoise le président de la Conférence des Présidents des commissions des affaires étrangères (COFACC). M. Lennmarker est également président émérite de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, qu'il a présidée pendant deux ans, de juillet 2006 à juillet 2008. A ce titre, il jouit d'une grande expérience interparlementaire. Enfin, M. Lennmarker a été nommé représentant spécial de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE pour le Haut-Karabagh, ce qui lui a donné une bonne connaissance de la complexité des conflits du Caucase.
M. Lennmarker a centré son discours sur les relations de l'Union européenne avec son voisinage et avec les pays candidats. Soulignant que l'intégration européenne, engagée en 1948, a connu un succès croissant, il s'est déclaré en faveur de la poursuite du processus d'élargissement de l'Union européenne.
M. Lennmarker a fait part de son optimisme au regard des Balkans. Si la situation reste fragile au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine, cette région représente selon lui le processus de désarmement le plus réussi.
En ce qui concerne les six voisins orientaux qui ne font pas partie de l'OTAN, M. Lennmarker estime qu'ils constituent un ensemble cohérent avec lequel l'Union doit renforcer ses relations, dans le cadre du partenariat oriental. Pour cela, il faudra surmonter les conflits dits « gelés ». L'Europe doit prendre toute sa part dans ce processus de pacification. A cet égard, il lui faudra renforcer sa coopération avec le Conseil de l'Europe et de l'OSCE.
Concernant les relations avec la Russie, M. Lennmarker estime qu'il appartient avant tout aux États-Unis de régler les problèmes relatifs aux traités de désarmement, qui sont l'un des piliers pour la stabilité et la sécurité européenne.
M. Lennmarker a plaidé pour la réalisation, grâce au traité de Lisbonne, d'une véritable politique extérieure commune. Selon lui, la PESC ne doit pas servir uniquement à coordonner les politiques nationales mais s'inscrire aussi dans une véritable perspective d'union de tous les États. Selon lui, une Europe forte et efficace serait aussi à l'avantage des États-Unis.
M. Lennmarker a déploré à cet égard les différences importantes entre les systèmes de défense des États membres. En effet, celles-ci nuisent à l'efficacité des budgets de défense. Il s'est donc prononcé en faveur du développement de projets communs dans ce domaine et d'initiatives concertées en ce qui concerne le contrôle d'exportation des armes.
Le parlementaire suédois a clos son discours en insistant sur le renforcement de la dimension parlementaire à deux niveaux dans le cadre du traité de Lisbonne : le parlement européen et les parlements nationaux, renforcement dont il s'est félicité.
Les échanges avec l'Assemblée ont permis à M. Lenmarker de préciser sa position quant à la coopération entre parlements nationaux et Parlement européen. Le parlementaire suédois a formulé quelques doutes quant à l'avenir de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des parlements de l'Union européenne (COSAC), « qui ne traite que de questions formelles ». En revanche, la COFACC aborde le fond des sujets et semble donc plus utile. Le plus important est que le parlement européen ne doit pas se situer au-dessus des parlements nationaux, mais travailler à égalité avec eux, parmi eux.
M. Jean-Claude Frécon (Loire - SOC) a ensuite interrogé M. Lennmarker sur le partenariat oriental de l'Union européenne :
« Je voudrais remercier M. Lennmarker pour tous les renseignements qu'il nous a fournis et pour le caractère pédagogique qu'ils ont revêtu. Je voudrais, quant à moi, vous interroger sur le partenariat oriental, qui figurait parmi les priorités de la présidence suédoise ; ce partenariat fait partie de la politique européenne de voisinage. Il s'adresse à six pays voisins de l'est de l'Union européenne : l'Ukraine, la Biélorussie, la République de Moldova, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, c'est-à-dire les pays de l'ancienne Union soviétique qui sont dans l'Europe, excepté, bien sûr, les États baltes qui correspondent à un autre ensemble.
Le principal objectif de ce partenariat est de favoriser le rapprochement de l'Union européenne avec ces six pays, à la fois sur le plan bilatéral et multilatéral, à travers la conclusion d'accords d'association notamment.
Je vous poserai trois questions, Monsieur le Président.
Premièrement, le Parlement européen a créé une délégation spécifique dédiée au suivi de ce partenariat, qui prévoit de dialoguer avec les parlementaires des six pays concernés. Quelles ont été les avancées sur ce dossier au cours des six derniers mois, notamment au regard de la dimension parlementaire de ce partenariat oriental ?
Deuxièmement, quelle sera la place des parlements nationaux des Vingt-sept États membres de l'Union européenne dans ce dispositif ?
Enfin, troisième question, pensez-vous que ce partenariat oriental, sur lequel on fonde de grands espoirs pour pacifier et stabiliser la région concernée, pourra contribuer efficacement à la résolution des conflits du Caucase, alors qu'il se fait en l'absence de la Russie ? »
Le parlementaire suédois lui a répondu en ces termes :
« Le partenariat oriental a enregistré de nombreux progrès mais nécessite d'associer également la société civile. Un mécanisme de décision adéquat doit être trouvé au niveau du Parlement européen. Sans doute, une instance de consultation ouverte serait-elle judicieuse. Il n'est pas nécessaire en tout cas de créer un nouvel organe interparlementaire.
Au niveau des 27 États membres de l'Union européenne, des actions bilatérales entre parlements doivent être organisées en fonction des besoins spécifiques des pays. Il est certain que le rôle des parlements doit être renforcé si l'on veut que le processus de démocratisation des sociétés européennes aboutisse. On doit toutefois respecter les différents rythmes de chacun.
Quant au Caucase, c'est une question que je connais bien puisque j'ai été chargé de l'approfondir au sein de mon parlement. Pour régler ces conflits, il faut leur donner une perspective européenne, en se rappelant notamment que l'Europe unie est née de deux grands conflits. Dans la région du Caucase, les frontières des territoires ne sont pas véritablement définies. Trois nouveaux pays indépendants pourraient apparaître et coopérer un jour comme le font aujourd'hui les pays de l'Europe occidentale, opposés dans le passé. Une chose est sûre : je suis convaincu que les pays de la Mer noire sont européens à part entière.
Enfin, en ce qui concerne la Russie, il ne fait aucun doute qu'elle doit être associée et non pas exclue du partenariat oriental. Il n'est dans l'intérêt de personne d'accroître les divisions au sein de l'Europe, et la Russie elle-même tirera bénéfice de voisins prospères et forts. Dans l'Europe de demain, chaque État aura droit au respect de sa souveraineté ».
Les informations fournies par les Conseils de l'Union européenne et l'UEO
La commission politique a préparé un rapport faisant le point sur les informations fournies par les conseils de l'Union européenne et de l'UEO sur la PESD.
En effet, les Conseils de l'Union européenne et de l'UEO diffusent régulièrement plusieurs documents destinés à informer les délégations nationales, les parlementaires et l'opinion publique des nouveaux développements survenus dans le domaine de la politique étrangère, de sécurité et de défense européenne.
Dans le cadre de l'Union, les deux publications les plus importantes sont le « rapport de la présidence sur la PESD » et le « document du Conseil sur les principaux aspects et les choix fondamentaux de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ».
Au sein de l'UEO, le Conseil est tenu, en application du traité de Bruxelles modifié, de présenter à l'Assemblée un rapport annuel écrit sur ses activités. Or, depuis le transfert des fonctions exécutives de gestion de crise de l'UEO à l'Union européenne, le rapport annuel du Conseil a progressivement perdu une grande part de son intérêt, du fait de l'érosion de son contenu en particulier.
Le rapport de MM. Hancock et Santini présente tous les rapports des Conseils de l'Union européenne et de l'UEO et propose une analyse critique des réponses du Conseil de l'UEO aux recommandations de l'Assemblée.
On insistera ici davantage sur le rapport annuel du Conseil de l'UEO. Présenté le 25 août 2009, celui-ci porte sur les six premiers mois de l'année 2009. Il met l'accent en particulier sur la mise en oeuvre de la stratégie européenne de sécurité et sur les groupements tactiques.
Le projet de recommandation propose au Conseil de l'Union européenne de publier régulièrement un rapport écrit sur la mise en oeuvre de la politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC) , qui remplacerait les rapports semestriels de la présidence sur ce thème. En outre, il suggère au Conseil de l'Union de transmettre tous ses rapports sur la politique étrangère, de sécurité et de défense européenne simultanément au Parlement européen, aux parlements nationaux des États membres de l'UE et à l'Assemblée. Le projet de recommandation encourage par ailleurs les États membres à redoubler d'efforts dans le cadre de l'Union européenne afin de développer les capacités civiles et militaires de gestion de crise, notamment pour accroître la souplesse, la déployabilité et l'utilité des groupements tactiques. Enfin, il recommande de favoriser, dans le cadre de l'UEO et de l'Union européenne, la tenue d'un débat parlementaire sur la politique européenne de sécurité et de défense en s'appuyant sur les dispositions du traité de Lisbonne et en utilisant les forums d'échanges interparlementaires existants.
La démarche du rapport en vue d'une plus grande transparence de l'information étant très consensuelle, le rapport et le projet de recommandation n'ont pas fait l'objet d'un débat, si ce n'est quelques commentaires élogieux. Cependant, on notera qu'un amendement oral présenté par Mme Curtis Thomas a été adopté, par dérogation au règlement (insertion du mot « interopérabilité » au point 4 du projet de recommandation). En outre, Mme Curtis Thomas a suggéré de demander aux ministres de commenter les rapports sur la PESD, afin de garantir une vraie discussion entre l'Assemblée et le pouvoir exécutif. Tout en approuvant cette suggestion, les rapporteurs ont relevé qu'elle impliquerait de disposer d'une administration adaptée.
On soulignera le caractère très positif du rapport de MM. Hancock et Santini, qui constitue une initiative utile en faveur de la transparence, et qui devrait contribuer à sensibiliser les parlementaires et le grand public aux questions relatives à la défense européenne.
B. PERSPECTIVES DE LA PESD
Les priorités de la présidence espagnole de l'Union européenne en matière de défense
Comme lors de chaque session de décembre, l'Assemblée a invité un représentant de la présidence entrante de l'Union européenne pour lui présenter ses priorités, notamment dans le domaine de la politique extérieure et de la défense.
Le représentant de la présidence espagnole de l'Union européenne, M. Fernandez Arias Minuesa, a tout d'abord félicité la présidence suédoise d'avoir obtenu des accords politiques sur de nombreux domaines nécessaires à l'application effective du traité de Lisbonne, et a fait part de la détermination de l'Espagne, qui entame sa quatrième présidence, à mettre en application le traité de Lisbonne, avec un Parlement et une Commission renouvelés.
M. Arias Minuesa a ensuite présenté les différentes priorités de la présidence espagnole de l'Union européenne.
Sur le plan institutionnel , celle-ci s'efforcera d'avancer sur trois sujets essentiels : l'initiative législative populaire, prévue par l'article 11-4 du traité de Lisbonne ; l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme ; le Service européen d'action extérieure.
Sur le premier dossier, la Commission européenne a publié un Livre vert et la présidence espagnole lui a demandé des propositions formelles dans les meilleurs délais, afin que le Règlement d'application de cette initiative soit adopté d'ici le mois de juin 2010. Sur le second sujet, il convient d'ouvrir des négociations avec le Conseil de l'Europe. L'unanimité sera requise, ce qui en fera un dossier délicat.
Concernant le service européen d'action extérieure, M. Arias Minuesa espère que la création de celui-ci permettra d'améliorer la communication avec l'opinion publique, à laquelle l'Espagne attache beaucoup d'importance. En outre, il est permis d'espérer que ce service évitera les chevauchements et la dispersion au sein de l'action extérieure, et qu'elle rendra l'action de l'Union européenne plus cohérente et plus lisible. La Présidence espagnole veillera à ce que ce service soit opérationnel le plus tôt possible. M. Arias Minuesa rappelle à cet égard que le Conseil a fixé comme délai limite le mois d'avril 2010 . Enfin, le représentant espagnol estime que le service européen d'action extérieure devra être autonome, bénéficier d'un budget spécifique et d'un personnel suffisant.
Sur la question de l'élargissement , la présidence espagnole s'attachera au strict respect des critères de Copenhague. L'Espagne s'efforcera ainsi de donner un nouvel élan aux négociations avec la Turquie, en soulignant le rôle stratégique de ce pays et son effort pour moderniser son économie. M. Arias Minuesa est conscient que cette candidature suscite des réactions controversées dans l'Union, mais le débat devra se poursuivre, sur un terrain plus technique que politique.
Le processus d'adhésion de la Croatie est déjà bien avancé et l'on peut espérer que les négociations aboutiront en 2010, même si certains problèmes politiques perdurent, à commencer par les relations avec la Slovénie à propos du différend territorial.
Dans le domaine des relations extérieures et de la défense , l'Espagne ambitionne d'intensifier l'action de l'Union, en particulier en renforçant son rôle d'acteur mondial. Pour cela, la présidence espagnole organisera neuf sommets de chefs d'État et de gouvernement . Le sommet régional entre l'Union européenne, l'Amérique latine et les Caraïbes visera à améliorer la qualité des relations entre ces deux zones et à promouvoir des mécanismes facilitant les investissements. Le Sommet avec les États-Unis constituera un moment clé de la présidence espagnole. Le Sommet avec le Canada permettra quant à lui de passer de nouveaux accords commerciaux avec ce pays qui présidera le G8 au premier semestre 2010. La présidence espagnole organisera en outre le premier Sommet entre l'Union et le Mexique, à la suite de l'adoption d'un partenariat stratégique avec ce pays. Bien sûr, l'Espagne organisera le second Sommet de l'Union pour la Méditerranée, qui permettra de faire progresser ce projet ambitieux, à travers l'adoption d'un programme de travail et l'installation d'un secrétariat permanent à Barcelone. Enfin, des Sommets seront organisés avec le Maroc, l'Afrique du Sud, le Japon, et le Pakistan.
Au-delà de ces Sommets, M. Arias Minuesa souligne l'importance accordée par la présidence espagnole au processus de paix au Moyen-Orient, aux relations avec la Russie et avec l'Afrique, notamment au regard de la lutte contre la piraterie maritime et de la résolution des conflits du Darfour, du Sud-Soudan et de la région des Grands lacs.
Une autre priorité de la présidence espagnole dans les relations extérieures sera de consolider une position commune de l'Union dans le cadre de la conférence d'adhésion au Traité de non-prolifération et des travaux sur un traité international pour la réglementation du commerce des armes. De plus, l'Espagne attachera un intérêt particulier à la mise en oeuvre de la stratégie de l'Union européenne contre le terrorisme. Enfin, la présidence espagnole cherchera bien sûr à renforcer les compétences de gestion de crises de l'Union, y compris concernant la planification et la conduite des opérations. De même, elle s'efforcera d'obtenir une mise en application rapide des procédures de lancement des opérations et de mises à disposition des forces , ainsi que des mécanismes de financement adaptés. Il conviendra aussi de conforter les relations avec l'OTAN et d'améliorer la coopération institutionnelle avec les Nations Unies.
La présentation ambitieuse du représentant de la présidence espagnole a suscité de nombreuses questions de la part des parlementaires. Ainsi, certains ont interrogé M. Arias Minuesa sur la position de la présidence espagnole au regard de l'avenir de l'UEO. Le représentant espagnol a simplement souligné que son gouvernement reconnaissait la valeur ajoutée incontestable de l'Assemblée, notamment dans son rôle de relais auprès des opinions publiques européennes.
Les parlementaires ont également interrogé le représentant sur la règle qui sera utilisée pour fixer la composition du service européen d'action extérieure et sur l'adhésion de la Croatie, souhaitant savoir si celle-ci serait liée à celle de l'Islande. M. Arias Minuesa a indiqué que les cas de l'Islande et de la Croatie seraient traités séparément, et que le respect par cette dernière de ses obligations envers le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie serait un préalable incontournable. Concernant le Service européen d'action extérieure, le représentant espagnol a précisé que la proportion des fonctionnaires issus des États membres par rapport aux fonctionnaires issus de des institutions européennes n'avait pas encore été définie. Il a assuré les parlementaires qu'elle serait représentative et que le système fonctionnerait sans doute par tiers. Il a insisté sur la question de la mobilité des fonctionnaires, qui devront changer de poste tous les trois ou quatre ans, afin d'éviter la paralysie des institutions et de leur donner davantage de flexibilité.
M. Arias-Minuesa a, par la suite, été interrogé sur l'Afghanistan, le Moyen-Orient, la Birmanie et l'Iran. Sur le Moyen-Orient, il répondu de façon conventionnelle, se contentant de répéter que l'Union européenne devait travailler de concert avec les États-Unis et que l'ensemble des acteurs de la région devaient naturellement être associés à la recherche d'une solution. Sur l'Afghanistan, il a souligné que l'Union européenne devait soutenir l'action des Américains et de l'OTAN dans la région, et travailler notamment au renforcement des institutions civiles et à l'instauration d'un État de droit. En outre, il a insisté sur l'importance pour les alliés d'être perçus sur le terrain comme des amis et des associés, et non comme des envahisseurs. Au regard de la Birmanie, il a convenu que la Junte faisait actuellement des gestes d'ouverture et qu'il conviendrait de suivre ces évolutions. Enfin, le représentant espagnol a rappelé que l'Iran constituait un vrai défi diplomatique pour la communauté internationale et qu'il convenait d'avancer unis dans ce dossier.
D'autres questions ont porté sur les Balkans occidentaux et la nécessité d'une résolution des conflits territoriaux préalable aux futurs élargissements, sur les actions que l'Espagne entend mener contre la piraterie durant sa présidence, et sur les mesures que compte prendre la présidence espagnole pour lutter contre l'immigration clandestine.
M. Arias Minuesa a estimé qu'une conférence sur les Balkans serait une bonne idée, tout en soulignant la nécessité de maintenir le rythme des réunions annuelles. S'agissant de la piraterie, il a souligné que la Somalie n'était pas un cas isolé, et que ce phénomène pouvait affecter gravement les échanges entre l'Europe et l'Asie. Enfin, le représentant espagnol a répondu que l'immigration clandestine était une question complexe, affectant de nombreux pays. Il a reconnu la lenteur des avancées sur ce dossier, malgré plusieurs initiatives, comme le processus de Rabat lancé par son pays ou le travail du Groupe 5+5. Sur ce dossier, une forte cohérence des politiques communautaires ainsi qu'une forte solidarité entre les Vingt-sept s'impose.
Enfin, M. René Rouquet (Val-de-Marne - SOC) a interrogé M. Arias Minuesa sur les groupements tactiques :
« Monsieur l'Ambassadeur, la présidence espagnole est-elle prête à poursuivre l'action de la présidence suédoise pour rendre plus flexible l'emploi des groupements tactiques 1500, Battle Groups de l'Union européenne, afin de donner à l'Union européenne une réelle capacité de réponse rapide ? »
M. Arias Minuesa lui a répondu en ces termes :
« L'Espagne a adhéré à ce projet lancé sous présidence française et repris sous présidence suédoise. La question des capacités est essentielle, étant entendu qu'une plus grande souplesse dans le déploiement des groupements tactiques devrait s'imposer. S'ils ne sont pas la seule solution pour la résolution des conflits, ils ont le grand mérite d'être le résultat d'une volonté politique. Il faut donc progresser dans le sens d'une utilisation plus souple ».
Renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne (BIDTE)
Alors qu'elle s'était déjà intéressée à ce sujet au cours de la session de décembre 2008, la commission technique et aérospatiale a de nouveau présenté un rapport sur le renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), enjeu qui lui paraît crucial pour l'avenir stratégique de la défense européenne. Ce rapport s'est accompagné d'un colloque organisé avec la présidence suédoise de l'Union européenne ayant pour thème « Renforcer la BITDE ».
La BITDE peut se définir comme la somme des bases et des capacités nationales , plus la valeur ajoutée de l'approche commune ou coopérative des États européens membres de l'Union européenne et de l'OTAN. En effet, la BITDE a simultanément trois dimensions : nationale, européenne, et transatlantique/internationale. Ces trois aspects sont imbriqués à tous les niveaux de la décision et de la mise en oeuvre de politiques et initiatives dans ce domaine.
Écartée des traités fondateurs de la coopération économique et de la coopération politique européennes, la BITDE a été rattrapée à la fin des années 1990 par la dynamique de la construction européenne, incarnée dans l'Union européenne. La modeste avancée qui a confirmé cette progression fut la création, en 2003-2004, de l'Agence européenne de défense. Cependant, l'Agence manque d'effectifs et de crédits et elle ne gère pas elle-même de programmes. Certes, elle a élaboré des outils utiles, tel le code de déontologie pour les marchés publics des industries de défense, mais leur usage demeure facultatif, ce qui est regrettable.
Plus récemment, la Commission européenne a adjoint à cette base industrielle, par le biais d'une communication et de deux Directives, la dimension communautaire qui lui manquait jusqu'ici. Ce faisant, la Commission entend jouer un rôle de régulateur en matière de choix industriels, technologiques et de marché, dans un domaine qui est encore réservé aux États, en vertu de l'article 296 du traité instituant la Communauté européenne.
Cet article a été repris dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui fait partie du traité de Lisbonne, dans la septième partie intitulée « Dispositions générales et finales (articles 346 à 348) ». Les nouveaux textes prenant acte des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, la portée de l'article 296 y est davantage circonscrite.
Cependant, la BITDE échappe encore dans une large mesure au domaine de compétences de l'Union européenne, que ce soit dans la sphère intergouvernementale ou communautaire . Ce concept est tellement vaste et flexible et a tant d'implications - politiques, économiques, technologiques et sociales, par exemple - qu'il peut difficilement être contrôlé, dans son action, par un centre décisionnel unique.
Dans leur présentation, les deux rapporteurs ont rappelé que la BITDE représentait cinquante milliards d'euros , soit le tiers du budget des industries de défense aux États-Unis. Ils ont également souligné les faiblesses importantes dont souffre encore cette BITDE : une fragmentation et une duplication des programmes, ainsi qu'un manque d'interopérabilité . Le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne réalisent les deux tiers des dépenses. La fragmentation du marché européen de la défense est une source de gâchis pour les finances publiques. La coordination est d'autant plus nécessaire que le contexte est aux coupes budgétaires.
Les recommandations adoptées à l'unanimité portent sur les points suivants : il s'agit de poursuivre les efforts au sein de l'Agence européenne de défense pour identifier et définir les besoins communs ; d'allouer une part croissante des dépenses et des investissements de défense aux programmes d'équipements et de technologies de défense décidés en commun ; de respecter les directives de la Commission européenne en matière de marchés publics de défense, de compensations et de transferts de technologies de défense ; et de maintenir, à défaut de pouvoir l'augmenter, l'effort budgétaire en prévoyant en particulier des mesures d'incitations dans le domaine de la recherche et du développement.
En conclusion, les deux rapporteurs ont appelé leurs collègues à se faire les défenseurs des recommandations adoptées auprès de leurs gouvernements nationaux, l'objectif principal étant de pouvoir lancer une grande campagne en faveur des investissements dans le domaine de la défense.
C. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES DE L'UNION EUROPÉENNE
L'Union européenne et les missions de maintien de la paix des Nations unies
La commission de la défense évalue chaque année l'apport de l'Union européenne dans les missions de maintien de la paix menées par les Nations unies à l'échelle planétaire. Constatant un décalage entre l'importance du financement assuré par l'Union européenne et sa faible représentation au sein des états-majors sur les théâtres d'opérations, les rapporteurs, Mme Ine Aasted-Madsen (Groupe fédéré - Pays Bas) et M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), ont présenté une proposition de recommandation destinée à corriger de telles disparités.
Comme l'a souligné M. René Rouquet dans son intervention, les opérations actuellement en cours en Bosnie-Herzégovine et au Tchad sont assez révélatrices :
« Depuis le début des années 1990, le nombre des opérations internationales de maintien de la paix sous mandat des Nations unies ne cesse de croître. Le Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU - DPKO - doit donc faire face à une charge de travail en constante augmentation. Ces opérations, qui mobilisaient environ 25 000 hommes dans les années 1995, dépassent aujourd'hui le chiffre record de 100 000 hommes.
L'Union européenne entre techniquement dans la catégorie des « arrangements régionaux » définis par le Chapitre VIII de la Charte des Nations unies. Cet aspect revêt une importance accrue depuis que l'Union européenne a développé ses capacités propres à lancer des missions internationales et de maintien de la paix.
Concernant les liens institutionnels entre l'ONU et l'Union européenne, ces dernières années, les deux organisations se sont rapprochées. Leurs liens ont pris de l'importance au moment du lancement de la première mission de PESD et de la signature de la première déclaration commune. L'Union européenne s'engageait alors, en 2003, à soutenir l'ONU et à coopérer avec elle.
Depuis 2003, l'Union européenne et les Nations unies ont pris des initiatives pour la mise en oeuvre de ces engagements. Des limites précises ont néanmoins été fixées aux relations entre l'Union européenne et l'ONU en mettant l'accent sur le contrôle exercé par le Comité politique et de sécurité sur les missions de l'Union européenne, le caractère ponctuel de ces dernières et le fait que l'Union ne saurait être un réservoir de forces.
Il y a également d'importantes disparités dans le domaine de la constitution de forces entre l'ONU et l'Union européenne. L'Union européenne peut répondre à une forte demande de capacités, due à l'augmentation des interventions de maintien de la paix de l'ONU, et se compose d'un groupe de pays bien pourvus sur le plan matériel. Néanmoins, les contributions que les États membres de l'Union européenne fournissent à l'ONU, sur les plans financier et humain, sont asymétriques. Ils financent près de 40 % du budget des Nations unies, mais fournissent moins de 2 % des troupes déployées en Afrique. Bien que l'Union européenne ait récemment assumé davantage de missions sous mandat de l'ONU et fourni davantage d'hommes, les missions conduites par l'ONU sont généralement composées en majeure partie d'effectifs n'appartenant pas à l'Union européenne.
Les opérations sur le terrain, telles que l'opération EUFOR Tchad/RCA, révèlent également des carences. Pour corriger les dysfonctionnements parfois dus au fait que « des méthodes de financement ou une logistique différentes ont entravé la coopération », une proposition a été déposée lors de l'examen post-mission de l'EUFOR Tchad/RCA, en vue d'arrêter un accord plus permanent s'inspirant de l'accord de coopération entre l'Union européenne et l'ONU sur le financement et la logistique au Tchad.
Mes chers collègues, compte tenu du temps limité qui m'est imparti, je voudrais en venir directement, vous laissant le soin de vous référer à mon rapport, à la Bosnie-Herzégovine.
Une délégation, conduite par le président de notre commission, Doug Henderson, a effectué une mission d'information en Bosnie-Herzégovine en octobre dernier.
La délégation a pu rencontrer M. Valentin Inzko, Haut représentant / représentant spécial de l'Union européenne, le général Stefano Castagnotto, commandant de l'EUFOR, les ambassadeurs du Royaume-Uni et de France, M. Selmo Cikotic, ministre de la défense de Bosnie-Herzégovine, ainsi que des représentants de l'OSCE. La délégation s'est également déplacée à Banja Luka, deuxième ville du pays et capitale de la Republika Srpska, afin de rendre visite à une équipe de liaison et d'observation de l'EUFOR.
Ces diverses rencontres avec des personnalités de l'EUFOR et de Bosnie-Herzégovine ont permis à la délégation de dresser un état des lieux détaillé de la situation dans laquelle la Bosnie-Herzégovine se trouve actuellement.
La Bosnie-Herzégovine est le pays où le nombre le plus élevé d'instruments de PESD a été déployé. L'Union européenne a su relever les principaux défis à la gestion et à la coordination de ses missions qui se sont déroulées simultanément et en tirer le meilleur. Cependant, la situation politique reste tendue. Dans leur majorité, les principaux acteurs internationaux ont exprimé le souhait de clôturer le bureau du Haut représentant qui détient actuellement l'autorité exécutive sur le pays et de transférer ces pouvoirs aux autorités bosniaques. Mais jusqu'à présent, ces dernières n'ont pas rempli les conditions qui permettraient la fermeture du bureau du Haut représentant, et le mandat d'EUFOR ALTHEA a été reconduit jusqu'à la fin de l'année 2010.
EUFOR ALTHEA compte actuellement 2 000 hommes, dont un déploiement de la Force de gendarmerie européenne pour sa composante police exécutive, d'environ 130 gendarmes, et une unité de police intégrée qui peut être déployée afin d'aider la police bosnienne en cas de troubles dans la population. Celle-ci a d'ailleurs effectué un exercice de pacification de manifestants lors de la visite de la délégation de l'Assemblée.
Les principaux objectifs de l'opération ALTHEA sont les suivants : en premier lieu et avant tout, maintenir un climat de sécurité en Bosnie-Herzégovine et veiller à ce que l'Accord de paix de Dayton, accord-cadre général pour la paix, continue à être respecté ; en second lieu, apporter son soutien au Haut représentant de la communauté internationale / représentant spécial de l'Union européenne pour la Bosnie-Herzégovine, M. Valentin Inzko, ainsi qu'aux autorités locales.
L'EUFOR soutient également la mise en oeuvre de nombreuses tâches qui ont été transférées aux autorités locales, en matière d'activité anti-mines, de contrôle de l'espace aérien inférieur et de contrôle des mouvements militaires, notamment autour des sites où sont entreposées des armes. L'EUFOR joue aussi un rôle très actif dans la traque de suspects recherchés par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Concernant l'avenir de la présence de l'EUFOR, quatre options apparaissent aujourd'hui :
premièrement, maintenir le statu quo, c'est-à-dire maintenir la présence du Haut représentant et celle de l'EUFOR, ce qui engendrerait la poursuite de la politique de faiblesse des institutions de Bosnie-Herzégovine et la nécessité de conserver la présence de l'EUFOR en l'état ;
deuxièmement, revoir et réduire les effectifs de l'EUFOR en gardant le même mandat mais en envisageant plus largement la possibilité de faire appel à des renforts, force dite « au-delà de l'horizon » - de l'OTAN ;
troisièmement, transformer la mission actuelle en mission « non exécutive » se concentrant sur l'entraînement et le renforcement des capacités, en combinaison avec une plus grande collaboration de l'OTAN ;
quatrièmement, conclure la mission EUFOR ALTHEA et planifier un retour des troupes dans un délai de six mois.
Aux yeux du commandant des troupes de l'EUFOR, rencontré lors de la visite de la sous-commission, la meilleure option est la troisième. Elle permettrait de réduire de près de 80 % les effectifs déployés pour conserver environ 200 hommes en Bosnie. Cette mission aurait un mandat de deux ans et serait chargée d'assumer les tâches d'entraînement et de conseil pour les opérations de déminage et de destruction d'armes et de munitions.
Les 18 et 19 novembre dernier, les directeurs politiques du PIC ont rencontré les dirigeants des sept principaux partis politiques bosniaques. Le PIC a exprimé sa profonde préoccupation face à l'insuffisance des progrès accomplis par les autorités bosniennes en vue d'atteindre les cinq objectifs et de satisfaire aux deux conditions qui demeurent nécessaires pour fermer le bureau du Haut représentant.
La décision de ne pas fermer le bureau du Haut représentant en 2009 tient compte du fait qu'il reste encore plusieurs questions à régler, à savoir : fixer les droits de propriété entre l'État et les autres niveaux de gouvernement ; améliorer le plan adopté récemment sur l'élimination des munitions, des armes et des explosifs ; renforcer la coordination fiscale en veillant au bon fonctionnement de certaines autorités fiscales ; et accélérer la mise en oeuvre de la stratégie nationale sur le traitement des crimes de guerre et sur la réforme du secteur de la justice nationale.
Le Bureau du Haut représentant avait déjà dû user des pouvoirs de Bonn le 30 janvier 2008 lorsque, au bout d'un an de discussions entre les autorités en place à Mostar concernant la nomination d'un maire et l'adoption du budget, il a chargé le conseil municipal de Mostar d'organiser l'élection municipale de son maire conformément au Statut de la ville. L'incapacité des autorités locales à élire un maire et la crise financière qui a suivi, faute de pouvoir adopter un budget, montrent l'ampleur des défis.
La décision de prolonger le mandat de l'EUFOR ALTHEA et de ne pas fermer le bureau du Haut représentant est fondée sur le fait que les autorités bosniennes, en particulier celles de la Republika Srpska, n'ont pas fait la preuve d'une maturité politique suffisante pour résoudre les problèmes qui ont fait obstacle à l'atteinte des objectifs et à la réalisation des conditions préétablie s. »
La recommandation telle qu'adoptée insiste sur la nécessité d'accroître au sein de l'Union européenne les efforts en vue de développer les capacités d'intervention et de soutien des forces européennes, notamment en termes de mobilité et d'interopérabilité. L'Assemblée profite de ce texte pour apporter son soutien aux opérations actuellement menées en Bosnie-Herzégovine et au Darfour.
La surveillance maritime européenne
Dans la lignée de la recommandation adoptée il y a un an sur la lutte contre la piraterie, la commission de défense a souhaité présenter devant l'Assemblée une proposition de recommandation jetant les bases d'une véritable coopération en matière de surveillance maritime. Le rapport n'appelle pas à la création d'une nouvelle structure continentale mais bien à une convergence des organismes déjà mis en place : Agence européenne de sécurité maritime, Frontex, systèmes de suivi du trafic des navires Long Range Identification and Tracking (LRIT) et SafeSeaNet (SSN) et dispositif de lutte contre la pollution maritime CleanSeaNet (CSN).
L'initiative de la Commission s'inscrit parallèlement dans le prolongement des actions récemment entreprises par l'Union européenne, qu'il s'agisse du renforcement de Frontex décidé lors du Conseil européen des 29 et 30 octobre deniers ou de l'intensification du dialogue avec la Turquie sur les questions de migration. La proposition de recommandation de la Commission entend, par ailleurs, appuyer les tentatives de coopérations militaires mises en place par l'Union (EUNAVFOR ATALANTA au large des côtes somaliennes) ou par la communauté internationale (collaboration Inde-Russie-Japon notamment).
La recommandation telle qu'adoptée préconise l'acquisition de plateformes nationales dédiées à la surveillance maritime. Elle propose parallèlement la fusion des systèmes de suivi LRIT, SSN et CSN au sein d'un système commun. Elle appelle à la multiplication des équipes de protection embarquées sur les navires (EPE) afin de renforcer la sécurité des embarcations en transit tout en renforçant la protection aérienne. Elle invite en outre les États membres à donner suite à la proposition des Nations unies relative à la création d'un Tribunal pénal international spécialement dédié aux affaires de piraterie.
IV. L'ACTUALITÉ GÉOPOLITIQUE
A. LA NOUVELLE ARCHITECTURE DE SÉCURITÉ POUR L'EUROPE
La Commission politique a présenté un rapport s'intéressant à l'initiative du Président Medvedev relative à une nouvelle architecture de sécurité européenne. Ce rapport s'est accompagné de l'organisation d'un séminaire à Helsinki sur la nouvelle architecture de sécurité européenne de sécurité.
La question de savoir si l'Europe a besoin d'une nouvelle architecture de sécurité a été inscrite à l'ordre du jour international en juin 2008 par le Président Medvedev, moins d'un mois après son entrée en fonction, et avant que la guerre en Géorgie ne ramène la Russie et l'OTAN au bord d'une confrontation de type guerre froide et n'ébranle les fondations des structures de sécurité euro-atlantiques.
M. Medvedev plaide pour une nouvelle architecture de sécurité qui serait fondée sur un traité juridiquement contraignant , signé non seulement par tous les États participant à l'OSCE, mais aussi par les organisations de sécurité existantes, l'OTAN, l'organisation du traité de sécurité collective (OTSCE, dont les États membres sont l'Arménie, le Belarus, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Russie, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan) et l'OSCE elle-même.
Cette initiative doit être mise en perspective avec les efforts parallèles de M. Medvedev pour réformer son pays de l'intérieur. La réforme interne est une condition quasi indispensable à la réussite des tentatives de révision du système de sécurité euro-atlantique . Il s'agit en fin de compte de susciter une confiance suffisante en la Russie quand elle revendique son appartenance à la grande famille euro-atlantique des démocraties qui souhaitent relever activement les défis de sécurité communs auxquels elles sont confrontées.
Selon les rapporteurs, l'initiative russe indique combien la Russie compte s'engager sur la voie des structures européennes. Elle demande une sécurité égale de Vancouver à Vladivostok, une partie de son territoire étant située en Europe même, jusqu'à l'Oural. La sécurité, cependant, ne saurait être fragmentée : son architecture doit se fonder sur des valeurs communes, en particulier sur le respect des droits de l'Homme. Or, des divergences sont apparues sur ces questions et la Russie estime injuste la mauvaise image qui lui est parfois attachée dans certains pays occidentaux.
Le rapport tient compte de la déception russe face aux réticences de certaines organisations européennes et transatlantiques à coopérer pleinement avec la Fédération de Russie. Le Conseil OTAN-Russie a évoqué le problème, notamment lors de la guerre de Géorgie, mais ce Conseil n'est pas le cadre idoine de négociation.
Le rapport ne se prononce pas sur le ressort géographique du projet de traité, mais il invite à la discussion, soulignant l'importance de ce débat. L'Assemblée européenne de sécurité et de défense est prête à organiser ce débat, dès lors qu'un groupe de travail ad hoc s'y consacrera.
Dans leur grande majorité, les États de l'OSCE répugnent à envisager la création de nouvelles institutions ou la signature d'un nouveau traité sur la sécurité européenne, mais s'accordent à reconnaître la nécessité d'améliorer le fonctionnement des structures existantes, pour que tous les pays bénéficient d'une sécurité égale. Toutefois, ils insistent sur le fait qu'un tel système ne peut fonctionner que si tous les partenaires partagent les mêmes valeurs.
Le processus de Corfou, lancé au sommet de l'OSCE en juin 2009, a instauré un dialogue structuré, offrant la possibilité de rétablir la confiance entre les États participants, d'explorer les domaines dans lesquels des aménagements et des réformes du mécanisme et des engagements existants s'imposent, d'élaborer des propositions de nouvelles formes de prévention et de gestion des conflits, d'identifier les nouvelles menaces pesant sur la sécurité euro-atlantique et d'y faire face.
Le rapport conclut que s'il est nécessaire à moyen et long terme d'élaborer des concepts plus larges de coopération en matière de sécurité, il faut approfondir immédiatement la coopération concrète avec la Russie, et s'occuper de toute urgence des conflits gelés.
A la suite de la présentation du rapport, Son Exc. M. Vladimir Chizhov , ambassadeur de la Fédération de Russie auprès de l'Union européenne, est intervenu devant l'Assemblée, et a présenté le point de vue russe sur la question.
M. Chizhov s'est déclarée très honoré de s'exprimer devant l'Assemblée de l'UEO, soulignant la précieuse contribution de cet organisme à la sécurité du continent européen. Le discours de M. Chizhov a été guidé par deux questions : comment aborder un dialogue franc et ouvert sur la sécurité transatlantique ? Que se passerait-il si rien n'était fait ?
L'ambassadeur russe a rappelé que les défis pour la sécurité étaient devenus mondiaux, exigeant des réponses coordonnées. Or, selon lui, les structures multilatérales, en dehors de l'ONU, se sont révélées incapables de garantir la sécurité, faute d'une composition ou de mandats suffisamment larges. Il a notamment dénoncé « l'élargissement tentaculaire » de l'OTAN, au détriment des promesses euro-atlantiques. De même, alors que l'OSCE était une véritable organisation commune d'échelle européenne, certains pays l'ont empêchée de se transformer en organisation internationale dotée d'un statut juridique adéquat. Selon Vladimir Chizhov, le mandat de l'OSCE est miné. Si la Russie, qui a montré qu'elle voulait appliquer l'Acte final d'Helsinki, ne souhaite pas remettre en cause l'OSCE, elle estime que celle-ci n'est à l'évidence pas un cadre adéquat pour appliquer les concepts fondamentaux de sécurité sur lesquels repose l'initiative de M. Medvedev. La Russie est prête à organiser un sommet paneuropéen sur la sécurité afin d'aboutir, grâce à une approche concertée, à une structure adaptée à l'Europe. On notera que la Russie est largement responsable de la paralysie de l'OSCE, ce qui tend à décrédibiliser les propos de M. Chizhov sur cette organisation.
Selon M. Chizhov, le conflit géorgien d'août 2008 démontre l'urgence d'une nouvelle architecture de sécurité européenne, qui garantirait la sécurité de tous sur un pied d'égalité. Il faut donner au droit international toute la place qu'il mérite et cesser de résoudre les conflits dans une perspective de court terme.
L'ambassadeur russe a ensuite rapidement présenté le projet du président russe. L'initiative de M. Medvedev consiste à adopter un traité de sécurité à la hauteur des ambitions du continent. Ce projet de traité repose sur trois pierres angulaires. D'abord, le respect des principes de base des relations entre États, à savoir souveraineté, intégrité territoriale, non-ingérence, le renoncement à la force dans le règlement des conflits et le respect de tous les principes inscrits dans la charte de l'ONU. En second lieu, il convient d'élargir ces principes fondamentaux au contrôle des armements et des exportations d'armes . Ensuite, il faut mettre au point des mécanismes de règlement des crises dans le respect de la Charte de l'ONU et les inscrire dans un texte qui évitera l'escalade des conflits ou leur règlement selon le système des deux poids deux mesures. Enfin, il convient d'organiser les relations entre États face aux nouvelles menaces que sont la dissémination des armes de destruction massive, le terrorisme ou le trafic de drogue.
Selon M. Chizhov, un traité multilatéral ne peut être le résultat que de l'effort de toutes les parties prenantes. Il faut des règles du jeu claires dans l'espace euro-atlantique, afin que les intérêts de chacun soient respectés, que nul ne soit marginalisé et que ne perdure aucune zone de non-droit.
M. Chizhov a exprimé sa crainte que l'initiative russe ne soit perçue comme une attaque de la part de l'OTAN. Ce n'est nullement le cas selon lui. A cette occasion, il a malgré tout critiqué l'OTAN avec virulence, dénonçant les agissements de cette organisation, fustigeant l'attitude de l'Alliance « qui méprise les intérêts des non-membres, crée des problèmes très graves à la Russie et est nuisible à la paix ».
L'ambassadeur russe a au contraire insisté sur l'importance de relations stables entre la Russie et l'Union et s'est félicité du développement de leur partenariat.
Enfin, M. Chizhov a achevé son intervention sur quelques remarques acerbes à l'égard du rapport de M. Diez-Tejera et de M. Höfer, qu'il a jugé trop critique vis-à-vis de son pays, dénonçant « des stéréotypes anciens, des erreurs, une incompréhension de ce que la Russie propose et des propos fort peu aimables ». On relèvera que M. Chizhov s'est montré sévère vis-à-vis du rapport de M. Diaz-Tejera et de M. Höfer, qui apparaît équilibré et recommande que l'Union apporte une réponse plus positive à l'initiative du Président russe en vue de réexaminer l'architecture de sécurité existante.
A la suite de ce discours, le débat sur le rapport a été ouvert, ce qui a également permis à certains parlementaires de réagir au discours de l'ambassadeur russe.
Ainsi, M. Jean-Claude Frécon (Loire - SOC) est intervenu pour exprimer sa position dans le débat et pour nuancer les propos de M. Chizhov :
« Monsieur le Président, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord féliciter nos deux rapporteurs pour la qualité de leur travail, qui examine cette vaste question de manière aussi impartiale qu'exhaustive.
En cette année de commémoration des vingt ans de la chute du Mur de Berlin, il me semble que notre débat de ce jour est tout à fait opportun. Car il reste encore des barrières mentales entre l'Europe et la Russie, des incompréhensions que nous devons surmonter. Car, face aux nouvelles menaces globales, la coopération est vitale.
Peut-être notre système de sécurité actuel n'est-il plus adapté à la réalité ni à la complexité d'aujourd'hui. Peut-être aussi est-il encore trop bipolarisé, dans la logique de la Guerre froide, alors que celle-ci est théoriquement achevée depuis bientôt vingt ans.
Il ne faut pas pour autant faire table rase des alliances d'hier pour refonder un système totalement inédit. Je ne pense pas que le remède se trouve dans la création d'une nouvelle entité. Notre discussion doit au contraire permettre d'identifier les lacunes des structures de sécurité existantes, afin d'en tirer les conséquences pour y remédier et mieux respecter les règles fondamentales connues de tous. De ce point de vue, l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE) apparaît comme le forum naturel des négociations qui pourraient avoir lieu sur la question. Et je me réjouis à cet égard des réalisations de la présidence grecque de l'OSCE à travers le fructueux « processus de Corfou ». Il s'agit bien de redonner du souffle à « l'esprit d'Helsinki ». Sans remettre en cause les institutions existantes, notamment l'OTAN, il faut examiner les possibilités d'amélioration des arrangements de sécurité existants, en particulier dans le domaine de la maîtrise des armements conventionnels, du contrôle des armements, de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, mais aussi du combat contre le trafic de drogue, le terrorisme et la criminalité organisée.
Au-delà de l'adaptation formelle du système actuel, la sécurité européenne, voire mondiale, ne pourra pas faire l'économie d'un plus grand respect mutuel et d'une écoute plus attentive entre des partenaires confrontés aux mêmes menaces. A cet égard, le changement d'attitude de l'administration américaine depuis l'arrivée du Président Obama est encourageant. En effet, celui-ci, à l'inverse de son prédécesseur, semble être désireux de privilégier le multilatéralisme, le partenariat, la diplomatie et la concertation.
Parallèlement, la Russie doit démontrer son respect pour les normes et les règles à l'établissement desquelles elle a contribué par l'Acte final d'Helsinki de 1975 et par la Charte de Paris en 1990. Ces valeurs sont l'intégrité territoriale, l'inviolabilité des frontières, le respect et l'égalité au sein de l'espace euro-atlantique. Il appartient donc à la Russie de faciliter l'accès des observateurs internationaux dans les zones du conflit géorgien d'août 2008 et de ne pas créer de tensions supplémentaires en militarisant la zone.
Monsieur l'Ambassadeur de Russie, j'ai bien entendu ce que vous nous avez dit tout à l'heure. Je vous cite : « il ne faut pas que subsistent des zones de non-droit ». Or, les zones de non-droit existent encore dans le Caucase. Vous avez déclaré qu'il s'agissait d'accusations non fondées. Je l'espère, mais, il y a trois ou quatre ans, lorsque je me suis rendu en Tchétchénie, j'ai noté le contraire.
Enfin, je suis convaincu que la sécurité de notre continent passe aussi et surtout par l'instauration de relations de confiance entre l'Union européenne et la Russie, deux partenaires fondamentaux. A cet égard, j'espère que les négociations en cours entre l'Union européenne et la Russie aboutiront à un accord stratégique renforcé et ambitieux dans différents domaines, notamment les relations énergétiques et commerciales.
J'espère avoir des raisons d'être optimiste. Je vous remercie ».
Les autres orateurs ont souligné l'importance du développement de la PESD pour la sécurité européenne et la nécessité d'adapter l'architecture de sécurité aux nouveaux défis globaux que constituent le changement climatique, l'approvisionnement énergétique ou encore le lien entre environnement et sécurité. En outre, la plupart des intervenants se sont prononcés contre la création d'une nouvelle organisation, soulignant que l'OSCE restait un cadre adéquat pour travailler , comme l'a démontré récemment le processus de Corfou. A l'occasion du débat, les parlementaires se sont également félicités de la mise en place d'un groupe de travail conjoint entre l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie et l'Assemblée de l'UEO. De plus, certains orateurs, venant pour la plupart des ex-satellites de l'Union soviétique, ont reproché à la Russie de ne pas mettre en pratique les grands principes cités dans le discours de M. Chizhov. Enfin, de nombreux parlementaires ont souligné que le renforcement des relations entre la Russie et l'Union européenne était une question d'intérêt général fondamentale pour la sécurité européenne.
En conclusion, on se félicitera de ce débat très riche, qui a permis de confronter les différents points de vue sur les perspectives d'une nouvelle architecture de sécurité européenne, et qui a également donné lieu à une discussion franche entre l'ambassadeur de Russie et l'Assemblée. Comme l'ont relevé certains parlementaires, on soulignera l'attitude paradoxale de la Russie, qui, d'un côté, invoque les grands principes du droit international pour régir les relations internationales, mais, de l'autre, bafoue ces principes sur son territoire et dans ce qu'elle considère comme sa « zone d'influence ». Néanmoins, il convient de ne pas négliger l'opportunité de discussion proposée par le Président Medvedev, qui semble désireux de moderniser son pays de l'intérieur et de rénover positivement l'image de la Russie à l'extérieur.
B. LA SECURITÉ EUROPÉENNE ET LE MOYEN-ORIENT
La cinquante-sixième session avait été l'occasion pour Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC), rapporteur au nom de la commission politique, d'effectuer une présentation orale de son rapport d'information sur les incidences de la situation au Moyen-Orient sur la sécurité européenne. L'absence d'évolution significative de la situation à Gaza avait conduit la commission politique à reporter l'examen de ce document et autoriser sa rapporteuse à poursuivre ses entretiens en Jordanie, au Liban et en Israël.
Le rapport dresse un état des lieux de la situation au Proche-Orient mais également en Irak et en Iran. Comme l'a souligné Mme Durrieu, le règlement du conflit israélo-palestinien est un préalable essentiel à l'instauration d'une paix durable au Moyen-Orient :
«Il y a quelques mois, à l'occasion de notre dernière session, j'évoquais la sécurité et le Moyen-Orient, considérant que l'on pouvait retenir, au-delà de l'Afghanistan, trois problèmes essentiels : l'Irak, l'Iran et le conflit israélo-palestinien. Je poserai les mêmes questions aujourd'hui :
L'Irak. La pacification est-elle réelle ? La stabilisation démocratique est-elle vraiment engagée ? La reconstruction a-t-elle démarré ? Dans l'immédiat, la réponse est négative.
L'Iran. Le nucléaire : menace ou risque ? Menace, c'est certain ; et également un risque. Nous devons toutefois considérer que le plus grand des risques réside dans le déséquilibre des forces - dans le domaine nucléaire plus qu'ailleurs. Or, dans cette région, nous constatons un déséquilibre des forces. Nous pouvons donc affirmer qu'il y a risque.
Le conflit israélo-palestinien. Il est central. Le Président Bush affirmait qu'il était régional au contraire du Président Obama, mais ce dernier connaît des difficultés à l'aborder, plus encore à le régler. Trois mois après notre dernière session, la situation n'ayant guère évolué - ou ayant évolué défavorablement -, je me pose deux questions majeures : premièrement, comment assurer la paix et la sécurité des Israéliens et des Palestiniens ? Deuxièmement : peut-on éviter la nucléarisation de l'ensemble du Moyen-Orient tant il est vrai qu'il faut considérer les potentialités iraniennes, les volontés et les ambitions ? La maîtrise par certains pays du fait nucléaire engendre un risque sur l'ensemble de cette région. C'est pourquoi nous pourrons demander la mise en perspective de la dénucléarisation.
Pour dresser l'état des lieux, je procéderai par lieux communs. La situation est bloquée et nous nous enlisons.
Le Président Obama n'a pas fait évoluer la situation comme nous l'espérions, mais notre attente était immense alors que ses possibilités ne le sont pas. Nous sommes probablement déçus par la volte-face des Américains. Le Président Obama avait sagement envoyé un émissaire, M. Mitchell, qu'il a remplacé par Mme Clinton, dont les propos n'ont pas fait progresser la situation. Pour le Président Obama, la centralité du conflit est une réalité. Il veut la paix au Moyen-Orient et doit définir une nouvelle stratégie dans l'immédiat.
Le statu quo bénéficie à Israël et au Hamas. Nous constatons l'obstination d'Israël, comme le faisait récemment remarquer l'ambassadeur Barnavi qui a également relevé la démarche autodestructrice, que nous ne savons pas empêcher. Rappelons de la façon la plus ferme notre engagement et notre volonté sur deux principes essentiels : droit sacré d'Israël à l'existence de son État, droit d'Israël à la sécurité, mais ensuite il conviendra de faire siens ces mots, car il faut introduire un peu de morale en politique : non à la colonisation, non au mur, non à l'enfermement de Jérusalem. Ceux qui ne s'y sont pas rendus ne peuvent dire « non » de la même façon, et je le comprends. « Arrêtez » signifie ne pas aller plus loin, alors que les frontières de 1967 n'ont pas été respectées. Non à la poursuite de la colonisation ! Nous pourrons ensuite discuter. M. Netanyahou a déclaré l'arrêt pendant dix mois. Si donc il le dit, nous pouvons le dire : non à l'occupation. Les check points : on en défait un, on en construit deux. Il y a occupation de la Cisjordanie et blocus de Gaza.
Au cours d'une mission que j'effectuais pour notre Assemblée, je me suis rendue avec mon collègue Turkes et notre collaborateur Floris De Gou à Gaza. Je veux vous livrer mes impressions. M. Turkes a réussi à passer, car il avait son passeport diplomatique, ce qui n'était pas mon cas. Pendant deux à trois heures, j'ai subi une situation insupportable, mais elle est certainement plus insupportable pour d'autres que pour moi. Cela m'a permis de voir et de vivre la situation, de passer par les fameux tunnels, car il en existe un du côté israélien. Je ne veux pas faire de la provocation, mais quand je suis sortie de ce tunnel, de la zone israélienne pour entrer dans Gaza, en me retournant et en voyant le mur et le mirador, j'avais le sentiment d'être entrée ailleurs. Je dirai que je n'ai pu voir que Gaza City, dans la mesure où, ayant perdu trois heures, je n'ai pu me rendre dans la périphérie. Il n'y a rien de comparable entre Gaza et ce que l'on a pu voir au Kosovo, en Tchétchénie et même à Beyrouth. Gaza est amplement détruite, Gaza City beaucoup moins, ce que je n'avais pas lu dans les journaux. La situation à Gaza est dramatique.
Dans le rapport, des trafics d'armes sont évoqués alors qu'il faut parler d'une multitude de trafics ; sachez qu'il existe mille tunnels entre Gaza et l'Égypte, et que, dans trois d'entre eux, il est possible de passer avec des camions. Ces faits ne sont pas souvent écrits et c'est pourquoi je vous apporte mon témoignage. Le blocus de Gaza est insupportable. Il bénéficie au Hamas.
Que reste-t-il du peuple palestinien divisé ? Je n'insisterai pas sur notre responsabilité, mais elle est réelle. En 2006, au vu des résultats des élections, ma consternation n'avait d'égale que la vôtre : le Hamas avait gagné et le Fatah avait perdu. Mais quand nous refusons le résultat, nous avons tort, car il faut assumer les conséquences de la démocratie, même si la surprise est insupportable. Et elle m'était insupportable autant qu'à vous.
Avons-nous eu raison de ne pas reconnaître les résultats ? Vu la situation actuelle, peut-être aurions-nous pu gérer autrement. La guerre découle de là. Aujourd'hui, qu'advient-il du peuple palestinien ? Il est divisé, il n'a plus de gouvernement. Il n'y a plus d'autorité palestinienne. Abou Mazen dit qu'il ne continuera pas alors que, lui aussi, a droit à un État avec des frontières. Il lui reste le droit à la résistance. Il est curieux que l'on ne puisse introduire ce mot dans nos rapports. Hier, je l'ai accepté ; je n'ai pas eu le choix, nous avons voté. On ne fait donc pas référence au droit à la résistance - Article 2 de la Déclaration française des droits de l'homme de 1789 - ni à la condamnation du terrorisme. Reconnaissance du droit à la résistance ? Oui, il faudra bien y arriver. Condamnation du terrorisme ? C'est un droit. Nous avons des principes, mais nous avons aussi une morale.
Le principe du droit de retour des réfugiés ? Il ne se découpe pas, c'est un principe ; il n'en reste pas moins que des modalités interviendront, car il est impensable, invraisemblable, irréaliste, de penser que les réfugiés reviendront et qu'ils pourraient être intégrés. Pour réconcilier le peuple palestinien, il n'y a plus qu'une seule démarche : les élections, ces élections, que l'on ne finit pas de repousser. Je ne pense pas d'ailleurs que la perspective du 24 janvier soit réaliste - c'est dommage. Il n'y aura de réconciliation du peuple palestinien que par les élections. Il faudra savoir qui du Fatah et du Hamas a la légitimité. Si nous n'avons pas le courage de dire que des élections sont indispensables, le peuple palestinien restera en l'état, et si cet état nous arrange, cela peut durer très longtemps ; ce sera le statu quo.
Quels sont les acteurs de ce drame ? Outre l'Égypte, qui est un médiateur, je souhaite saluer la Turquie qui parle à tout le monde, aussi bien à Israël qu'à la Syrie.
En ce qui concerne les États arabes, il y a le fameux programme de paix du roi Fahd d'Arabie - Beyrouth en 2002 - adopté par la Ligue arabe. On a presque envie de dire qu'ils ont fait le maximum, que tous les éléments sont sur la table. Pourtant, s'ils sont tous musulmans, ils ne sont pas unis ; il y a des sunnites, des chiites et les Frères musulmans.
Je voudrais également parler de la Syrie qui peut être un acteur. J'ai rencontré le Président Assad la semaine dernière, qui souhaite normaliser ses relations avec l'Europe et les États-Unis. Il est solidaire des Palestiniens, du Hezbollah comme du Hamas, qu'il considère comme des résistants, et m'a très justement dit que les résistants français ont bien obtenu, eux, le soutien de l'Angleterre entre 1939 et 1945.
La faiblesse politique de l'Union européenne est évidente et son engagement financier énorme. Je vous conseille, mes chers collègues, de lire un article du journal Le Monde du 18 novembre dernier, dans lequel il est indiqué que la coopération internationale représente plus de 7 milliards d'euros, 42 États et 30 agences. Nous finançons un État fantôme et des opérations surprenantes.
Nous finançons des projets pilotes dans le monde, en termes de technicité, concernant le contrôle des frontières, le système judiciaire, la police et la formation, l'enregistrement foncier au niveau de la Palestine. Cet État palestinien n'existe pas, mais le jour où il existera, il pourra fonctionner.
Si les protagonistes ne sont pas capables de trouver une solution, mettons-en une sur la table ! C'est une boutade, de la provocation, mais comment sortir de cette crise sinon par une décision qui devra être prise par la communauté internationale, à savoir par l'ONU ?
Il faut sauver Israël malgré lui, son devenir passe par la création d'un État palestinien. »
M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes - Nouveau Centre), Président de l'Assemblée parlementaire pour la Méditerranée a été invité à participer à ce débat :
« Je rappelle que nous sommes une jeune assemblée interparlementaire, dont la création remonte à 2006, à Amman, notre siège étant à Malte. Elle regroupe l'ensemble des pays méditerranéens, à l'exception notable, - et nous le regrettons tous -, de l'Espagne qui avait pourtant participé à tous nos travaux. En effet, comme vous l'avez dit, et comme nous l'avons d'ailleurs évoqué précédemment, l'Espagne observe un retrait sur la diplomatie parlementaire tout à fait regrettable, et nous espérons bien que le parlement espagnol reviendra sur cette politique de la chaise vide internationale, qui me paraît extrêmement préjudiciable pour l'Espagne elle-même mais aussi pour le débat interparlementaire que nous devons nourrir ensemble.
Je tiens aussi à féliciter Josette Durrieu pour son rapport. Il est extrêmement difficile d'élaborer des rapports sur le Proche-Orient : c'est un sujet immense, très compliqué, sur lequel on a toujours tort et raison à la fois, sur lequel on doit essayer de faire preuve de l'imagination la plus échevelée parfois, pour trouver des solutions que malheureusement nous ne trouvons pas.
Pour autant, nous ne devons pas désespérer. Nous devons continuer les uns et les autres à y croire, et à dire aux uns et aux autres, aux Israéliens comme aux Palestiniens, que la paix est le seul objectif que l'on puisse poursuivre, que la guerre est peut-être un moyen mais qu'elle ne peut pas être une fin et que, de toute façon, les uns et les autres seront condamnés un jour à faire la paix, car les uns et les autres resteront là où ils sont, de sorte qu'il faudra bien trouver des solutions pour leur permettre de vivre ensemble.
Après tout, en Europe nous avons bien connu des guerres fratricides : pour notre génération, la guerre entre la France et l'Allemagne est quelque chose d'inimaginable et pourtant bien des générations en ont souffert avant nous. Ce qui a été possible en Europe doit un jour pouvoir, non pas se transposer au Proche-Orient car l'expérience n'est pas transposable, mais en tout cas inspirer celles et ceux qui sont à la recherche de la paix.
La situation au Moyen-Orient est évidemment au coeur de nos préoccupations et il y a quelques mois nous avons fait une mission au Proche-Orient. Nous sommes allés en particulier à Gaza, mais aussi en Égypte, en Israël, en Jordanie, et je salue Elissavet Papadimitriou qui était membre de cette délégation au sein de l'Assemblée parlementaire pour la Méditerranée à ce moment-là. C'est dans cet esprit également qu'à la demande des Nations unies, nous organiserons les 11 et 12 février prochains, au siège de notre assemblée, une réunion qui se penchera sur les cinq principaux problèmes qui doivent être résolus pour espérer qu'une solution pacifique finale soit trouvée : la question des frontières, le statut de Jérusalem, les colonies, la question des réfugiés et la problématique de l'eau.
Je suis d'ailleurs honoré aujourd'hui d'inviter votre assemblée à participer à cette conférence afin que vous puissiez, à l'aide de votre riche expérience, contribuer au débat et être associés à la recherche d'une solution à ces cinq problèmes clés. Nous espérons qu'Israël pourra également y participer.
Nous avons également sollicité les Américains pour être associés à cette réunion, car, s'ils ne sont pas eux-mêmes Méditerranéens, nous savons bien évidemment qu'ils jouent en Méditerranée comme dans le monde un rôle extrêmement important. Il est donc utile que ce débat leur soit également ouvert.
C'est donc dans un esprit de dialogue que nos parlementaires de la Méditerranée discutent des solutions à apporter entre eux, mais également avec leurs gouvernements et tous les acteurs clés de la région sur des problèmes communs tels que le terrorisme, l'énergie, le changement climatique ou les migrations. A cet égard, je voudrais redire que, sur le terrorisme, nous avons adopté un rapport à l'unanimité : c'est dire que c'était un sujet sur lequel nous étions parvenus à trouver des lignes de force.
Voilà ce que je voulais vous dire, Madame la présidente, pour rester dans le temps qui m'est imparti, en ajoutant une dernière question à l'adresse de Mme Durrieu : dans le rapport, il n'est pas fait état de la Jordanie. Or, nous constatons que la Jordanie joue un rôle important dans la région pour la recherche du processus de paix, en particulier au sein de l'Assemblée interparlementaire pour la Méditerranée. J'aimerais donc connaître les raisons de cette absence. »
Dans sa réponse à l'hémicycle, Mme Durrieu a naturellement tenu à rappeler le rôle de la Jordanie mais également a souligner l'évolution du texte présenté devant l'Assemblée en vue de répondre aux objections de certains parlementaires quant à l'absence de référence à la colonisation des territoires palestiniens :
« M. Salles, je vous remercie pour votre propos et sachez que nous n'avons pas oublié la Jordanie. Nous n'avons pas insisté sur son rôle, tout simplement parce qu'aucune action immédiate et visible n'est d'actualité. Mais, bien entendu, elle est un acteur à part entière.
Je souhaiterais également remercier Mme Papadimitriou pour son intervention, hier, en commission, que j'ai trouvée déterminante. Ce type de témoignage, fort et qui parle de la réalité, aide à rétablir un certain équilibre.
M. Fassino a, quant à lui, raccroché les éléments nouveaux les uns aux autres, éléments qui peuvent nous aider à retrouver cette confiance indispensable. Cependant, la confiance, ça se gagne, ça ne se décrète pas ; or c'est bien de confiance qu'il manque dans cette situation que je ne qualifierai pas de désespérée, mais qui est si lourde à gérer.
Notre collègue, M. Vrettos, a beaucoup parlé des Palestiniens et, il a raison, il est important de le répéter : la réconciliation ne pourra avoir lieu qu'après de nouvelles élections. Et il nous appartient, nous, anciennes démocraties responsables, d'en accepter les résultats quels qu'ils soient. Ce que nous n'avons pas fait la dernière fois.
M. Haupert, vous avez eu raison d'insister sur le rôle tout à fait mineur de l'Europe à l'heure actuelle. Mais dépassons nos divisions et faisons confiance à Mme Ashton, que personne ne connaît - hier c'était Tony Blair -, mais sur qui je vais fonder des espoirs, étant entendu qu'il faut absolument y croire.
M. Austin, sachez que si le rapport m'appartient, les recommandations et les résolutions sont celles de la commission. Quand je n'étais pas d'accord, je l'ai dit et il y a eu un vote. Je m'y soumets donc. Je n'ai pas eu la majorité ; les recommandations sont celles qui sont sorties de nos travaux. Pour ma part, dans le rapport, j'avais écrit clairement sur la colonisation, le blocus et l'occupation - car je ne supporte plus cette situation politique. Ainsi, le premier jet était tout simplement le suivant : « considérant qu'Israël doit procéder à l'arrêt de la colonisation, compris à Jérusalem-Est ». La rédaction soumise à notre approbation est différente, mais il serait assez drôle que le rapport final apparaisse trop favorable à Israël...
J'ai trouvé, je pense, une position d'équilibre dans mon esprit et dans ma démarche politique. Encore une fois, il y a quinze ans que je vais dans ce pays et que je vois que les choses non pas évoluer mais se refermer.
S'agissant de l'Iran, M. Clappison, il y a effectivement un risque et une menace. La menace est d'autant plus forte que le président actuel est quelqu'un dont on ne maîtrise apparemment ni le discours ni peut-être l'action politique. Sur ce point, vous avez parfaitement raison. Il reste que le peuple iranien est un grand peuple, avec un passé et, pour y être allée, je puis vous dire qu'il se pose beaucoup de questions. Osons dire que la paix ne sortira que d'un équilibre des forces, et surtout de la dénucléarisation de cette zone. Si vous le pensez, dites-le : il ne faut pas que ce soit toujours les mêmes qui parlent.
Je voudrais terminer mon intervention en faisant écho aux propos de Rudy Salles : il n'y aura d'issue que par la paix, ce n'est pas par la force qu'Israël survivra ! »
La recommandation, adoptée à l'unanimité, préconise le maintien d'une pression par le Quartet (Nations unies, États-Unis, Union européenne, Russie) sur Israël et les Palestiniens afin que cesse toute forme de violence. Elle invite l'Égypte et la Turquie à poursuivre leur entreprise de médiation dans la région. Elle souligne également le rôle capital que peut exercer la Syrie dans cette région. Elle appelle à un règlement pacifique et diplomatique de la question du nucléaire iranien.
C. LA GUERRE EN AFGHANISTAN ET SES IMPLICATIONS RÉGIONALES
Dans la continuité de ses travaux précédents, la commission de défense a présenté au cours de cette session un nouveau rapport sur l'Afghanistan, insistant plus particulièrement cette fois-ci sur les implications régionales du conflit. Le nouvel éclairage ainsi apporté s'avère particulièrement utile pour décrypter la complexité des enjeux d'un conflit dont les alliés ne voient pas la fin, alors que le Président Obama vient d'annoncer l'envoi de troupes supplémentaires et qu'il a également sollicité ses alliés.
C'est à Mme Françoise Hostalier (Nord - UMP) et M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais - SRC) qu'il est revenu de rédiger ce rapport. En outre, les deux députés français ont travaillé cette fois-ci avec M. Mehmet Tekelioglu, un parlementaire turc. Première oratrice, Mme Hostalier a longuement présenté le fruit de leurs travaux :
« A travers ce rapport, nous pouvons dire que notre Assemblée, une fois de plus, est au coeur de l'actualité, d'une part, parce qu'aujourd'hui, le président des États-Unis, Barack Obama, a annoncé le renfort de 30 000 soldats de plus sur le théâtre afghan à travers un discours correspondant à peu près à 80 % des préconisations de notre rapport et de nos recommandations, d'autre part, parce que chacun reconnaît aujourd'hui que la situation en Afghanistan concerne toute la région, et notamment la problématique du Pakistan.
Nous avons donc décidé d'élaborer ce rapport au mois de juin dernier, bien conscients que cette dimension régionale était prégnante et dans le but d'alerter sur la dégradation de la situation, sur les risques d'une déstabilisation de la région et sur le fait, reconnu désormais, que le tout militaire n'était pas la solution.
Historiquement, ce rapport que nous vous présentons s'inscrit dans la continuité des trois autres rapports que nous avons réalisés sur le même sujet en 2006, 2008 et au mois de mai de cette année. Depuis ce dernier rapport, la situation interne en Afghanistan a évolué, notamment avec l'organisation des élections présidentielles. Il faut bien reconnaître que, si le peuple afghan a « joué le jeu », si je peux m'exprimer ainsi, avec beaucoup de courage, en bravant les menaces des talibans pour aller voter, cette élection n'est pas un succès pour la démocratie.
La communauté internationale, une fois de plus, a voulu imposer des normes à un pays dont la culture, l'histoire et la situation ne le permettaient pas. De plus, force est de constater que nous ne nous sommes pas, non plus, dotés de tous les moyens de notre ambition pour ce processus puisqu'il n'y a pas eu d'observateurs étrangers, ou très peu, et très peu d'aides à la préparation de la tenue de bureaux de vote, contrairement aux élections précédentes de 2004 et 2005.
Mais ce qui a fait le plus de mal à la crédibilité de cette élection, ce sont, vous le savez, les tergiversations de la commission prétendument indépendante et les hésitations des pays démocratiques qui ont fini par reconnaître que Hamid Karzaï était élu président pour cinq ans. Nous sommes dans l'attente de la formation de son gouvernement avec ce petit signe positif : plusieurs ministres ont déjà été mis en examen officiellement pour corruption. Nous pouvons donc avoir un peu d'espoir quant aux engagements du président Karzaï.
Les Afghans sont inquiets, ils sont désabusés par le pouvoir politique, mais en même temps, ils ne veulent absolument pas du retour des talibans et nous devons tenir compte à la fois des erreurs du passé et des attentes des Afghans.
Il est une autre révolution importante depuis notre dernier rapport : la situation au Pakistan. Le gouvernement de ce pays a enfin décidé d'agir militairement sur la zone où se concentrent les insurgés. Il y a eu un nettoyage de la zone de la vallée du Swat et de nombreuses actions militaires dans le Waziristân. Est-ce suffisant ? Certainement pas. Mais cela prouve en tout cas que le Pakistan a pris la mesure de la situation, certes contraint par la pression internationale, et qu'il donne des signes clairs aux talibans qu'il ne laissera pas déstabiliser la frontière avec l'Afghanistan.
Cependant je pense, là encore, que le tout militaire n'est pas la situation et que la répression parfois aveugle peut même être contreproductive.
Pour en revenir au rapport que nous vous présentons, je dirai que, dans une première partie, nous avons décrit l'implication des pays limitrophes de l'Afghanistan dans le conflit afghan à travers leur histoire et leur culture communes, et surtout abordé le rôle qu'ils pouvaient jouer dans la résolution du conflit. Dans une deuxième partie, nous avons étudié comment, d'une manière directe ou indirecte, ces pays limitrophes pouvaient jouer un rôle par rapport aux grandes puissances intéressées au conflit et comment élargir la problématique à l'ensemble de l'espace régional. Dans une troisième partie, nous avons regardé la situation de chacune de ces grandes puissances, non directement limitrophes de l'Afghanistan : la Russie, la Chine l'Inde et, bien évidemment, les États-Unis.
Enfin, pour terminer, nous avons posé la question : quel est le rôle de l'Europe ?
En conclusion, je voudrais dire que ce matin, en commission, nous avons eu une très intéressante discussion sur les recommandations et les amendements proposés par nos collègues. Ce rapport reprend nos trois propositions de résolution, mais celles-ci ont été considérablement enrichies par notre discussion. Aussi, aujourd'hui vous a été distribué le projet de recommandation final que nous soumettons à votre vote.
Au cours de notre réunion de ce matin, nous n'avons pas voulu non plus ignorer l'actualité, c'est-à-dire l'engagement d'un renfort militaire par le président Obama. C'est pourquoi, nous vous proposons d'adopter cette recommandation qui reprend les principales actions suivantes :
Tout d'abord, nous proposons que les pays limitrophes soient associés aux décisions et aux actions de la communauté internationale en tant que partenaires, et pas seulement, comme aujourd'hui, comme spectateurs.
Nous demandons également que les Nations unies, qui ont donné mandat à l'OTAN, prennent leurs responsabilités pour que la Communauté internationale définisse une stratégie claire d'engagement avec des objectifs, ce qui sous-entend, bien entendu, une programmation de retrait de cet engagement dès que les objectifs seront atteints. Je parle ici d'engagement militaire.
Nous rappelons fortement que l'implication de la communauté internationale, notamment celle des pays européens, manque de lisibilité. Nous l'avions déjà dit dans le rapport précédent. Il faut d'urgence que tout le monde se mette d'accord pour clarifier les besoins, les objectifs, les actions et l'évaluation de ces actions.
Nous demandons aussi qu'une information soit faite en direction du peuple afghan et de l'opinion publique des pays engagés, c'est-à-dire de nos pays, parce qu'il s'agit de lever toute ambiguïté sur la notion de force d'occupation. Le peuple afghan doit comprendre que les pays engagés au côté de l'armée afghane ne sont en aucun cas des armées d'occupation et que si nous sommes au côté des Afghans, c'est pour les aider eux-mêmes à sortir de la crise.
Nous souhaitons également lancer un message fort en direction du gouvernement afghan pour qu'il s'engage dans le même sens que les objectifs qui seront définis, en particulier, la sécurité, l'État de droit et le développement économique.
Je comprends parfaitement les inquiétudes et les réticences des uns et des autres à l'égard de l'engagement militaire et de l'impression d'enlisement du conflit. Mais il convient aujourd'hui d'adopter une attitude pragmatique. Je participais mardi à un colloque sur le fait aérien en Afghanistan. Parmi les intervenants, le général Mohammad Dawran, commandant des forces aériennes afghanes, a dit clairement que des progrès considérables avaient été réalisés pour former une armée afghane permettant aux Afghans d'assurer eux-mêmes leur propre sécurité, mais qu'ils étaient encore loin du compte et qu'il ne fallait pas les abandonner.
Par ailleurs, les militaires de la coalition ont changé de posture. Vous le savez, mes chers collègues, si vous fréquentez les militaires de vos pays respectifs, ceux-ci nous disent aujourd'hui qu'il ne s'agit plus de gagner la guerre de mais de « gagner la paix », ce qui change la donne. Cela met en avant les opérations civilo-militaires et cela met l'accent sur le fait qu'il conviendra immédiatement de s'engager à instaurer l'État de droit en privilégiant le développement économique. Notre rapport et notre projet de recommandation vont dans ce sens ».
M. Jean-Pierre Kucheida a complété la présentation de sa collègue, s'exprimant en des termes plus virulents :
« Nous nous sommes une fois de plus déplacés en Afghanistan pour essayer de voir ce qui se passait sur le terrain. J'en suis à mon troisième rapport sur l'Afghanistan. J'irai dans le sens des propos de Mme Hostalier, mais je m'exprimerai plus crûment : la situation n'a cessé de se dégrader depuis 2006. En 2006, 2008 et 2009, nous avons publié trois rapports. Durant toute cette période, nous avons vu les choses se dégrader, aussi bien dans le domaine militaire que dans les domaines politique, civil, social ou culturel. Cette dégradation n'est d'ailleurs pas sans effet sur nos opinions publiques. Pour ne prendre que l'opinion publique française, celle que je connais, 68% de la population sont contre la guerre en Afghanistan. Parmi les partisans du Président de la République, qui a apporté son soutien à l'opération, 53% sont hostiles à l'opération, soit plus de la majorité. Nous devons donc sérieusement nous demander s'il y a lieu de rester là-bas.
Par ailleurs, la surface cultivée en pavot est passée de 104 000 hectares en 2006 à 165 000 hectares en 2008 et 192 000 hectares aujourd'hui. Loin de reculer, cette surface a quasiment doublé. Toutes les conférences de Paris possibles et imaginables, toutes les subventions possibles et imaginables, qui ne sont pas utilisées, qui s'évaporent, qu'on ne retrouve plus, ne veulent plus rien dire.
En outre, face au spectacle lamentable auquel nous avons été contraints d'assister cet été, et même toute cette année, autour de l'élection de M. Karzaï et son entourage, nous pouvons nous interroger. Même si, par nature, nous n'avons pas l'intention d'abandonner les Afghans à leur triste sort, il nous faut trouver les véritables conditions d'un désengagement. Le Président Obama vient de déclarer qu'il allait s'engager. Mais, derrière ses mots, nous devinons toute la prudence qui est la sienne. Les 30 000 hommes dont il a parlé seront déplacés d'Irak vers l'Afghanistan. Ce n'est donc pas un effort supplémentaire. Je me demande quelle sera l'efficacité de cette décision. Les Anglais, par deux fois, n'ont pas réussi, les Russes n'ont pas réussi. Combien d'hommes faudrait-il pour régler militairement le problème ?
Mme Hostalier a eu raison de dire qu'il faut gagner la paix, mais de quels moyens disposons-nous pour ce faire ? De quels effectifs ? De quels femmes et hommes parlant l'afghan pour s'introduire véritablement dans la société civile et faire comprendre un certain nombre de choses ? La société afghane est ce qu'elle est, mais elle n'est pas comparable aux nôtres. Je le dis depuis des années, la démocratie ne s'impose pas, elle se vit, elle se conquiert progressivement. Ce n'est pas en faisant ce qui a été fait à partir de 2001 que l'on règlera les problèmes dans une société pétrie d'habitudes ancestrales. Certes, elles peuvent évoluer, mais il faudra énormément de temps.
J'accepte les propositions présentées par la Commission, mais je le fais sans aucun enthousiasme. Je vous donne rendez-vous dans un an ou deux. Je crains, et je vous le dis solennellement, que la situation se soit encore dégradée. J'espère avoir tort, et si tel était le cas, je serais le plus heureux des hommes ! Il faudra trouver une solution. Bien sûr, je n'ai pas de baguette magique. Quoi qu'il en soit, il faudra faire autre chose que ce qui a été fait jusqu'à présent ».
M. Mehmet Tekelioglu a insisté quant à lui sur les liens entre l'Afghanistan et la Turquie, et sur le rôle stratégique de ce pays dans la zone. M. Tekelioglu a ainsi mis en évidence la contribution de la Turquie à la sécurisation, la stabilisation et la reconstruction de l'Afghanistan, qui s'appuie sur des relations historiques et sur une compréhension culturelle et linguistiques. Il a également donné des détails sur l'assistance de la Turquie au développement des forces armées afghanes, ainsi qu'au développement économique et social de ce pays. Enfin, M. Tekelioglu a souligné la dimension régionale de l'approche de la Turquie, qui comprend aussi un volet de coopération trilatérale Turquie - Afghanistan - Pakistan.
Le débat animé qui a suivi a révélé le fort clivage existant entre les partisans d'un retrait des troupes et les partisans du maintien et du renforcement des troupes en Afghanistan. La plupart des orateurs ont salué la qualité du rapport, équilibré et consensuel, malgré le contexte difficile dans lequel il a été rédigé. Tous les orateurs n'ont pu que déplorer la dégradation de la situation sur le terrain et la nécessité d'enrayer la corruption et le trafic de drogue florissants. Certains orateurs se sont voulus un peu plus optimistes et ont souligné les quelques résultats positifs qui ont été atteints depuis huit ans, dans le domaine de la santé ou de l'école par exemple. Enfin, quelques orateurs ont violemment reproché aux gouvernements occidentaux de renforcer leurs effectifs en Afghanistan, alors que la menace terroriste peut venir de l'intérieur, comme l'ont tristement démontré les attentats perpétrés au Royaume-Uni en 2005.
M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) a quant à lui exprimé sa perplexité face à la complexité du conflit, se prononçant en faveur du retrait des troupes :
« Le rapport qui nous est présenté est le troisième sur le sujet, mais il me conforte dans l'idée que je m'étais faite en la matière à l'occasion de mon voyage en Afghanistan : je le trouve sérieux, précis, à ce point précis qu'il nous laisse plus interrogatifs qu'il ne nous donne de réponse.
A sa lecture, les premières questions qui me viennent sont celles-ci : y a-t-il un peuple afghan ? Une nation afghane ? Y a-t-il donc un gouvernement afghan légitime au regard des peuples ? Moi qui suis européen, je me souviens de ce que nous avons répondu voilà quelques années aux questions suivantes : y a-t-il un peuple yougoslave, une nation yougoslave, une histoire yougoslave ? L'histoire a montré que la réponse n'allait pas de soi. Je pense donc que, pour l'Afghanistan, la réponse n'est pas si évidente qu'il y paraît. En tout cas, il faudra l'examiner dans sa complexité et surtout ne pas y plaquer des recettes occidentales, que ce soit une élection présidentielle ou une forme de gouvernance.
Qu'est-ce qui peut motiver les Afghans à considérer que l'intervention occidentale, onusienne, est légitime ? Parce qu'elle serait utile au peuple afghan ?
Qu'est-ce que l'Afghanistan aujourd'hui, si ce n'est un pays pauvre, très pauvre ? Et que signifie aujourd'hui la guerre pour les peuples en Afghanistan ? Elle apporte parfois des écoles, des dispensaires, une certaine qualité de vie en certains endroits, elle engendre une économie - l'économie qui tourne autour de l'armée - et des emplois par milliers. La guerre a donc une utilité économique et sociale. Peut-être est-ce pour cela que les Afghans considèrent que l'intervention est légitime, mais ce n'est pas pour cette raison que nous intervenons : nous intervenons pour lutter contre Al Qaïda, Ben Laden, et pour la liberté.
A cet égard, j'ai entendu les motivations de certains militaires français. L'un d'entre eux m'a dit qu'il se battait en Afghanistan pour que sa fille, en France, n'ait pas à subir ce que les femmes subissaient sous le régime des talibans. Il avait ses propres motivations. En tout cas, la réponse militaire, sous son aspect économique, doit être remplacée par une vraie réponse économique. Et si je me bats, si j'interviens, réunion après réunion de la commission de défense, c'est pour que l'on décide d'arrêter la guerre - je ne parle même pas de retrait. Il faut arrêter la guerre partout où c'est possible et faire rentrer les militaires dans leurs casernes. L'ambassadeur de France en Irak a déclaré, à l'occasion d'une réunion de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, que le retrait des militaires américains dans leurs casernes était la chance de l'Irak. Car la place doit être reprise rapidement par les civils.
Même si le rapport est juste, je considère que les recommandations ne sont pas suffisamment ambitieuses pour porter des idées de cessez-le-feu, de négociation, de retrait des troupes. Pour l'heure, nous confirmons l'engagement et, malheureusement, les propositions du prix Nobel de la paix - je le dis ainsi et je m'interroge - de renforcer les contingents militaires pour qu'il y ait un avenir. C'est pourquoi je plaide, et je défendrai des amendements pour le retrait des troupes ».
Mme Hostalier a ainsi répondu aux différentes interventions :
« Je remercie tout d'abord celles et ceux qui se sont exprimés avec beaucoup de passion, tant il est vrai que notre présence en Afghanistan ne laisse personne indifférent ; quelle que soit la position défendue, nul n'a l'intention d'abandonner le peuple afghan.
M. Hancock a demandé pourquoi on envoyait des jeunes se faire tuer en Afghanistan ; il a souhaité, en outre, que l'on fasse entendre davantage la voix de l'Europe. Je suis entièrement d'accord avec lui, c'est une bonne question et c'est celle que nous avons posée à travers ce rapport : il faut, non seulement clarifier les missions de tous, mais aussi que l'Europe se fasse mieux entendre et que nous adoptions une stratégie plus lisible et plus efficace.
M. Dzembritzki et Mme Aasted-Madsen ont souligné des aspects positifs, ce dont je les remercie. Je n'en ai pas parlé dans ma présentation, mais bien des choses ont été faites : construction de routes, accès aux écoles, construction de dispensaires, reconstruction de l'université, toutes choses positives. Merci de l'avoir rappelé.
Mme Kanelli a souligné le déficit d'information ; c'est pourquoi nous avons fait deux mentions sur la nécessité d'organiser une véritable information, la plus objective possible, afin que chaque citoyen puisse se forger une idée de la vérité et de la nécessité de la présence militaire.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec vous quand laissez entendre que l'intervention pourrait se retourner contre les musulmans. Pour bien connaître la situation des femmes en Afghanistan, je puis vous assurer que, justement, ce sont les Afghanes qui nous demandent de les aider à construire un Etat de droit, leur permettant d'accéder à la justice et aux libertés. C'est la raison pour laquelle nous ne devons pas les abandonner et militer dans nos pays pour que notre intervention se fasse dans le bon sens.
MM. Kallio et Spautz ont évoqué le déficit de coordination en Europe. C'est l'objet même de notre rapport.
M. Flynn, si j'ai bien compris, vous souhaitez une marque politique plus concrète. Nous en sommes d'accord.
Enfin, M. Lecoq, je reconnais bien votre implication idéologique. Vous avez raison sur le fond. Il faudra bien arriver à une situation de paix dans ce pays. Vous souhaitez le retrait des troupes, certes, mais je vous renvoie à la demande du peuple afghan qui n'est pas prêt à prendre son destin militaire en main. Vous avez cité le président Obama et ce qui se passe en Irak, notamment le retrait progressif et programmé des troupes américaines qui prouve que le retrait des troupes étrangères en Afghanistan sera quelque chose de possible ».
M. Kucheida a complété les commentaires de Mme Hostalier en ces termes :
« Je voudrais tout d'abord dire à M. Dzembritzki, qui m'a mis en cause, que dans tous les cas, les Afghans considèrent les armées sur place comme des troupes d'occupation. J'en veux pour preuve le témoignage de tous les civils qui se déplacent avec les militaires : ils sont regardés d'une toute autre façon lorsqu'ils voyagent seuls ou avec une ONG. Je voudrais dire aussi que le bourrage des urnes de M. Karzaï n'a pas connu d'autre dimension dans la vie de nos sociétés !
Je voudrais enfin vous rappeler que si nous sommes en Afghanistan, c'est à la suite d'une forte émotion, celle du 11 septembre. Nous sommes allés dans ce pays, sans avoir vérifié auparavant ce qui s'y passait véritablement. Ne refaisons pas l'histoire. En Irak, toutes les forces étrangères sont parties sous prétexte qu'il s'y trouvait des armes de destruction massive, des armes chimiques, etc. C'est bien la raison pour laquelle il est difficile aujourd'hui de se désengager.
Tout le monde se sent concerné par l'affaire afghane. Personne ne se sent indifférent, et tant mieux, car c'est très important pour la planète entière. Néanmoins, le doute grandit et j'espère que tous ensemble nous aboutirons à la solution que nous cherchons ».
Encore une fois, le débat sur l'Afghanistan a démontré la sensibilité de la question dans les différents pays européens, ainsi que le désarroi croissant de la communauté internationale face au « bourbier afghan ». On notera que la tendance de ce dernier débat sur l'Afghanistan était légèrement plus pessimiste qu'au cours de celui du mois de juin.
D. LES DÉVELOPPEMENTS EN COURS EN MATIÈRE DE NON-PROLIFÉRATION ET DE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRES
La Commission politique a présenté au cours de cette session un important rapport qui fait le point sur la situation en cours dans le domaine de la non-prolifération et du désarmement nucléaires, alors qu'aura lieu en mai 2010 la conférence d'examen du Traité de non prolifération (TNP).
Le rapport passe en revue les traités les plus importants tels que le Traité sur la réduction des armements stratégiques (START), le Traité de non-prolifération (TNP), le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et le Traité d'interdiction de la production des matières fissiles (Traité « Cut-off »).
Le rapport insiste sur la nécessité que les États-Unis et la Russie, les deux puissances nucléaires majeures, parviennent à un accord de fond sur une réduction plus substantielle de leurs arsenaux respectifs avant l'expiration du traité START en décembre 2009. Pour le rapporteur, M. Michael Hancock, la participation constructive de l'Union européenne et une stratégie exhaustive de non-prolifération entre l'Union européenne et les États-Unis seront déterminantes pour la réussite de la Conférence d'examen du TNP. Dans ce contexte, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) devrait être dotée des moyens et de l'autorité nécessaires pour poursuivre son indispensable travail d'investigation et de contrôle dans le domaine des garanties, de la sécurité et de la sûreté nucléaires.
En outre, le rapport examine les implications des développements récents des programmes nucléaires iranien et nord-coréen intervenus dans un mépris total du régime international de non-prolifération. La position des deux pays oscille entre coopération et jeu de dupes. Ainsi, au cours de l'année 2009, les deux pays ont lancé un nombre important de missiles de courte et moyenne portée, et la Corée du Nord a procédé à des essais nucléaires souterrains. Cependant, l'Iran a autorisé récemment des inspecteurs de l'AIEA à visiter l'installation nucléaire qu'il tenait secrète à Qom, tandis que la Corée du Nord semble vouloir se joindre aux pourparlers à six. En conséquence, l'Iran s'est vu proposer fin octobre un arrangement concernant l'enrichissement à l'étranger de son uranium à des fins médicales, qui réduirait les occasions pour Téhéran d'acquérir de l'énergie nucléaire à des fins militaires, et il semblerait que les États-Unis envisagent d'envoyer leur émissaire spécial pour la Corée du Nord à Pyongyang, pour des entretiens directs.
Dans ce contexte, le rapport appelle, afin de mettre un terme à la menace nucléaire, à la poursuite et au renforcement du dialogue avec ces deux pays, tout en garantissant leurs droits à utiliser l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Néanmoins, il observe que la communauté internationale devra adopter une attitude plus ferme , et que des sanctions plus sévères seront inévitables si la Corée du Nord et l'Iran tournent le dos à la coopération et aux négociations. A cet égard, le soutien de la Chine et de la Russie seront déterminants.
En outre, le rapport s'intéresse à l'importante augmentation de l'arsenal nucléaire de l'Inde et du Pakistan, dans un contexte d'instabilité régionale, et sur la vulnérabilité des installations nucléaires pakistanaises, alors que l'armée pakistanaise combat actuellement les forces armées des talibans près d'Islamabad et que des attaques terroristes se poursuivent dans le pays. Le rapport invite donc l'Union européenne à exercer davantage de pression sur le gouvernement pakistanais, afin qu'il mette en oeuvre des politiques de développement socio-économique pour éradiquer les racines du terrorisme, tout en soutenant les efforts déployés par le Pakistan pour lutter contre les talibans et sécurité ses arsenaux nucléaires.
Enfin, le rapport étudie les stratégies de dissuasion nucléaire britannique et française et conclut que ces deux pays doivent se débarrasser de leurs armes nucléaires , car elles « ne servent aucun objectif utile ». De même, il analyse la politique nucléaire chinoise et estime que ce pays devrait jouer un rôle plus important pour la réduction de la menace nucléaire militaire émanant de la Corée du Nord.
En conclusion, le rapport effectue un rapide tour d'horizon des tendances actuelles de la non-prolifération nucléaire, à la lumière des événements et des initiatives les plus récentes, tel le plan « Global Zero » qui préconise l'élimination totale des armes nucléaires et qui a été lancé en décembre 2008 par une centaine d'hommes politiques et de militaires.
Le rapport a été adopté à l'unanimité . On soulignera trois recommandations en particulier : élaborer une stratégie de non-prolifération commune à l'Union européenne et aux États-Unis avant l'ouverture de la Conférence d'examen du TNP en mai 2010 à New-York ; encourager un vaste dialogue paneuropéen sur la non-prolifération et le désarmement nucléaires au niveau de l'Union européenne, en vue d'élargir l'expérience de l'Union et d'accroître le soutien qu'elle apporte dans ces domaines ; exhorter le Comité politique et de sécurité de l'Union européenne à élaborer un concept de défense antimissile européen en liaison avec l'OTAN et avec la Russie.
Au cours du débat qui a suivi, les orateurs ont rappelé que la fin de la guerre froide n'avait pas fait disparaître la menace nucléaire et qu'il ne fallait pas négliger le risque de voir l'arme nucléaire passer sous le contrôle d'une organisation terroriste. Dans ce contexte, l'implication de la communauté internationale en Afghanistan et au Pakistan est primordiale.
En outre, certains orateurs ont soutenu la proposition du rapporteur de créer une banque d'aide qui faciliterait l'accès au nucléaire civil. Enfin, un parlementaire physicien, expert de la lutte contre la prolifération nucléaire, a souligné l'importance de la mise en place de systèmes de sauvegarde efficaces dans le secteur civil, afin de préserver le nucléaire civil d'une prolifération non maîtrisée.
Le rapport de M. Hancock a le mérite de présenter de façon exhaustive mais pédagogique les différents traités existant pour lutter contre la prolifération nucléaire. Le débat a révélé la préoccupation générale relative à l'Iran et à la Corée du Nord, et la prise de conscience d'une coopération nécessaire avec la Chine et la Russie. Il serait souhaitable que les recommandations adoptées soient suivies d'effet, afin de préparer la conférence d'examen du TNP dans les meilleures conditions. L'unité de l'Europe et des États-Unis sera certainement déterminante à cet égard.
E. LA SÉCURITÉ DE L'EUROPE ET L'ÉLARGISSEMENT : ÉVOLUTION DE L'OPINION PUBLIQUE
La commission pour les relations parlementaires et
publiques de l'Assemblée de l'UEO a tenu à relier le débat
sur l'élargissement de l'Union européenne avec la question de la
sécurité à l'échelle du continent
. Aux
yeux de la commission, le soutien de l'opinion publique européenne au
processus d'élargissement serait plus net si l'Union comme les
gouvernements mettaient plus en avant les avantages stratégiques et
géopolitiques induits par une telle évolution. La notion de
sécurité collective apparaît en effet à même
de contrebalancer les réticences exprimées pour des raisons
historiques, culturelles ou sociales.
La commission appuie son propos par une présentation des neufs pays candidats ou voisins de l'Union européenne : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Islande, Kosovo, ex-République yougoslave de Macédoine, Monténégro, Serbie et Turquie. Bien que la commission se déclare neutre, ses conclusions sont susceptibles de laisser sceptiques notamment lorsqu'elle met en avant les atouts de la candidature turque, invitant de la sorte l'Union européenne à intégrer rapidement Ankara, au motif qu'elle sert de passerelle entre les pays consommateurs et les pays producteurs d'énergie. Sans que l'on puisse remettre en cause la pertinence d'un tel argument, il convient de s'interroger sur les conséquences que devrait en tirer l'Union européenne, aux yeux de la commission.
La recommandation telle qu'adoptée par l'Assemblée est plus pondérée, puisqu'elle ne cite spécifiquement aucun des neuf pays et se contente d'inviter l'Union européenne à ne pas reléguer la question de la sécurité au second plan des négociations d'adhésion, derrière les critères socio-économiques. Elle invite parallèlement l'Union européenne à mettre en avant une politique de communication adaptée destinée à valoriser les arguments stratégiques.
V. LE FONCTIONNEMENT, LE FINANCEMENT ET L'AVENIR DE L'UEO
A. LE FONCTIONNEMENT : MODIFICATIONS DU RÈGLEMENT
L'année dernière, l'Assemblée de l'UEO a révisé sa Charte et son règlement afin de s'adapter aux importants changements intervenus au sein de l'Union européenne, notamment son élargissement et la poursuite du développement de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) et de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), telles qu'elles sont désormais institutionnalisées dans le traité de Lisbonne.
L'un des effets majeurs de cette révision du Règlement de l'Assemblée a été de permettre aux membres des délégations parlementaires nationales de tous les pays membres de l'Union européenne de participer pleinement au débat interparlementaire sur la politique européenne de sécurité et de défense.
Bien que les dispositions du Règlement révisé de 2008 aient été conçues dans le souci de faire preuve de la plus grande souplesse à l'égard des délégations des États membres qui ne sont pas signataires du traité de Bruxelles modifié, il y avait d'impérieuses raisons juridiques de maintenir certaines distinctions entre les droits des délégations des États signataires et ceux des États non signataires.
L'une de ces raisons était que les membres des délégations nationales des États non signataires ne pouvaient être élus Présidents ou Vice-Président de l'Assemblée.
Néanmoins, le Règlement révisé étant maintenant en vigueur depuis un an, le rapporteur estime que si l'Assemblée désire que les présidents des délégations nationales soient associés le plus étroitement possible aux activités de l'Assemblée, ils devraient avoir la possibilité de remplacer le président de l'Assemblée, lorsque ce dernier n'est pas en mesure de présider les débats lors des sessions plénières de l'Assemblée.
En conséquence, le rapporteur propose d'amender l'article 14 du Règlement de l'Assemblée dans ce sens.
Le projet de décision relatif à cette modification du règlement a été adopté à l'unanimité.
B. LE FINANCEMENT DE L'UEO
L'Assemblée est saisie, comme chaque année, de deux textes traitant de la situation financière de l'UEO, l'un concernant le budget des organes ministériels pour l'exercice 2009, l'autre l'examen des crédits affectés à l'Assemblée pour 2010.
Le budget des organes ministériels pour 2009 concerne le Secrétariat général de l'UEO, le service administratif de Paris (SAP) ainsi que le régime des pensions du Secrétariat général et des anciens organes ministériels de Paris (OMP). La restructuration de l'UEO (arrêt d'activité du Groupe armement de l'Europe occidentale en mai 2005 et dissolution de la cellule recherche de l'Organisation de l'armement de l'Europe occidentale - OAEO en août 2006) et le transfert d'une partie de ses compétences vers l'Union européenne (OAEO, Institut d'études de sécurité et Centre satellitaire) ont entraîné une reconfiguration de la structure budgétaire du volet ministériel de l'UEO. Les crédits affectés aux organes ministériels en 2009 s'élèvent en conséquence à 5 583 5000 €, soit une diminution de 0,9 % par rapport à l'exercice précédent. Cette baisse est principalement imputable à la diminution des crédits affectés aux pensions, celles-ci représentant près de 60 % du budget général.
L'examen du budget n'est pas, pour autant, sans soulever quelques difficultés et appelle, de la part de la commission des Questeurs, plusieurs remarques, identiques à celles présentées l'année passée. La première vise expressément les sommes dues par les États membres au titre d'activités passées (opération de police en Albanie, gestion du Centre satellitaire ou de l'OAEO) ou de la contribution pour 2009.
Le budget de l'Assemblée pour 2010 s'établit, comme lors de l'exercice précédent, à 7 843 726 €. Cette absence d'augmentation a été relevée lors du débat en séance. Le caractère incompressible des dépenses de personnel conduit à une limitation des sommes affectées aux missions. L'examen du budget de l'Assemblée a par ailleurs été l'occasion de souligner une nouvelle fois l'absurdité du mode de financement actuel. Sur les trente-neuf États membres ou associés de l'UEO, seuls dix versent une contribution , - certains avec retard - mettant en péril l'équilibre financier de l'institution. En 2001, le Conseil de l'UEO avait considéré qu'aucune raison ne pouvait être opposée à ce que les membres associés versent une subvention à l'Assemblée. Près de dix ans plus tard, cette invitation tacite ne s'est toujours pas traduite dans les faits.
C. RÉFLEXIONS SUR L'AVENIR DE L'ASSEMBLÉE DE L'UEO
Intervention de M. Theodoros Pangalos, Vice-premier ministre de Grèce, représentant la présidence grecque sortante de l'UEO
Prenant la parole au nom de la présidence sortante de l'UEO, le Premier ministre grec a insisté sur la nécessité de maintenir un instrument de contrôle politique émanant des parlements nationaux. L'assemblée européenne de sécurité et de défense apparaît à cet égard comme le cadre idoine, M. Pangalos insistant néanmoins sur la nécessité de poursuivre les réformes entreprises et d'envisager de nouvelles modalités quant à son action.
Le rôle de l'assemblée de l'UEO apparaît d'autant plus pertinent que l'action de l'Union européenne dans les domaines de la sécurité et de la défense demeure encore délicate à mettre en oeuvre, tant au niveau conjoncturel - le nouveau Haut représentant, Mme Catherine Ashton, n'est pas encore familiarisée aux questions de sécurité et de défense - que structurellement : le principe de subsidiarité s'applique pleinement dans ce cadre. L'Union européenne doit, à cet égard, trouver un nouveau mode de fonctionnement à l'égard de l'UEO, le secrétaire général de l'UEO n'étant plus le Haut représentant comme par le passé. Là encore, des pistes de réforme doivent être proposées.
Le Premier ministre grec a, par ailleurs, appelé à la poursuite des travaux en commun avec d'autres organisations internationales en ce qui concerne l'Afrique, le Moyen-Orient ou l'Afghanistan. La Grèce envisage parallèlement de s'investir un peu plus dans les Balkans occidentaux en proposant l'élaboration d'une feuille de route pour la région d'ici 2014, cent ans après Sarajevo et le déclenchement de la première guerre mondiale. La mise en oeuvre d'un partenariat spécifique entre l'Union européenne et la Russie a également été saluée comme un élément constructif, indépendamment des divergences régulièrement constatées entre les deux signataires.
Modèles et structures de coopération interparlementaire
La Commission pour les relations parlementaires et publiques a, au travers d'un rapport, invité les parlements nationaux à déléguer des représentants au sein de l'Assemblée de l'UEO, spécialisés dans les domaines de la défense et des affaires étrangères. Une telle ambition est guidée par le souci de conférer aux travaux de l'Assemblée une plus grande pertinence et une plus grande visibilité, à l'heure où le Parlement européen a fait émerger au sein de sa commission des affaires étrangères une sous commission sécurité et défense, présidée par le français Arnaud Danjean.
Le rapport présenté examine par ailleurs les différents modèles et formes d'associations interparlementaires existants, en essayant d'établir une nomenclature des procédures et des meilleures pratiques. Le texte rappelle ainsi la nécessité d'un contrôle parlementaire de toute action commune en matière de sécurité et de défense . Dans ce contexte, le rôle de l'Assemblée de l'UEO doit être préservé.
La résolution telle qu'adoptée par l'Assemblée insiste en outre sur la nécessité d'une meilleure communication sur les travaux menés en son sein et notamment une meilleure diffusion de ceux-ci auprès des commissions compétentes des parlements des États membres. Elle appelle enfin les gouvernements à octroyer aux assemblées nationales les crédits suffisants en vue de permettre à celles-ci de répondre à leurs engagements internationaux.